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On est souvent effaré de découvrir les ressorts fangeux de la politique. En France, on dit parfois d'un air entendu "Cherchez la femme" et finalement, ce n'est pas si grave, tout finit par des chansons. Ou bien on égrène l'historique des lobbies, on mélange l'Afrique et le pétrole, l'Outremer et le nickel.
Marc Dugain, lui, a choisi de nous faire imaginer comment les choses ont pu se passer aux États-Unis du temps de J. Edgar Hoover.
Fragilité des démocraties.
Mais livre salvateur qui produit révolte et dégoût.
Marc Dugain a dirigé une compagnie aérienne : à cette époque-là, quand ses clients vomissaient, il trouvait ça regrettable ; maintenant, il doit juger ça normal. Moi aussi.
J'ai placé sur la couverture le prochain ouvrage de Marc Dugain paru chez Gallimard en février 2007. On y trouvera un éclairage symétrique et russe de la "Malédiction d'Edgar".
www.gallimard.fr
On a annoncé mi-janvier l'arrestation d'Isabel Peron, veuve de l'ancien président argentin Juan Peron, ancienne présidente elle-même, installée en Espagne depuis 1981.
À l'heure où le monde occidental est tiraillé entre son désir de justice et ses réflexes réactionnaires, il est bon de se rappeler ce qu'était l'Espagne sous Franco.
À travers une histoire tourbillonnante et envahie d'émotions, L'Ombre du Vent nous replace dans l'atmosphère de l'Espagne franquiste, arrestations arbitraires, tortures à la clef.
Quelques influences du mélodrame enracinent encore ce texte épais dans son substrat espagnol et lui confèrent une grande vigueur.
Bien traduit de l'espagnol.
Jacques-Pierre Amette aime les esprits libres. Son portrait de Berthold Brecht avait dépoussiéré (ou pour mieux dire décapé) la statue du maître.
Dans cette nouvelle histoire, il s'attaque entre autres au fanatisme religieux. C'est toujours utile.
Voltaire va-t-il ressusciter ?
Raymond Barre a gouverné la France pendant cinq ans avec une grande rigueur que beaucoup ne lui ont pas pardonnée mais qui reste à son honneur.
Appelé en politique par l'un des Jeanneney successifs, cet économiste exigeant et influent est devenu un acteur de premier plan.
Il disait "Pour que la recomposition puisse avoir lieu, il faut d'abord que la décomposition aille à son terme".
N'y sommes-nous pas ?
Je l'ai rencontré en petit comité en septembre 1987, alors qu'il se lançait dans la course à la présidentielle. J'ai vu son oeil sagace et cristallin, tout empreint d'une lucidité versée dans l'ironie.
Un esprit qui ne concède jamais rien à la facilité.
À lire pour se rafraîchir la mémoire.
Et ne pas oublier Jean Bothorel, son interlocuteur ici, dont on peut aussi relire le Louise de Vilmorin (1992) et le Jean-Jacques Servan-Schreiber. Et c'est un Breton !
www.fayard.fr
Préfacé par Jean-François Kahn, ce livre d'Agnès Poirier démonte les rouages du système britannique et démontre l'illusion de ceux qui le jugent adaptable aux réalités françaises.
L'ambition de Rufin augmente de roman en roman.
Très en prise avec les réalités du monde contemporain, d'une vision globale, il permet aux lecteurs francophones de comprendre mieux le monde tel qu'il bouge.
La réalité présentée ici fait frémir. Rien n'y manque : exaltation manipulée, réseaux de l'ombre, interaction du public et du privé, poids de la puissance.
De quoi rêver de tous les paradis perdus.
Les années 1820 sont l’heure de la pépinière pour la génération de 1830.
Charles Nodier sert de jardinier attentif à toutes les jeunes pousses qui se retrouvent pour inventer les nouvelles formes littéraires. Louise Bertin est l’égérie de la bande.
Dès ces instants magiques où leur jeunesse explore l’effervescence de la création, Victor Hugo rêve de Claude Frollo tombant du parapet, d’en haut de l’une des tours de Notre-Dame. C’est même la première image qui le hante, ce corps d’aspect léger qui, comme une vaste feuille morte, descend long de la paroi « gothique » (gothique : mot parfaitement impropre mais parfaitement consacré, écrit Hugo en note de Notre-Dame de Paris).
Il s’efforce de deviner la trajectoire, étudie les lois de la physique en bon élève raté de polytechnique qu’il est. Il se documente un peu.
Puis il se rend à Notre-Dame. Là, il est reçu par un prêtre atypique, que l’Église s’apprête d’ailleurs à rendre à la vie séculière, comme on dit, c’est-à-dire à défroquer manu militari. Le clerc frondeur initie le jeune poète aux secrets du monument, peut-être à quelques rêveries des bâtisseurs de cathédrale.
De là vient l’expression « ceci tuera cela », par laquelle Hugo signifie que le livre a tué la vocation des monuments à illustrer les histoires par des bas-reliefs, la vocation pédagogique a glissé de la pierre au papier. Hugo ressort de là ébloui : il a tout compris.
Mais pour vivre, à cette époque, un poète doit écrire pour le théâtre. Voici bientôt Hernani, la célèbre bataille artistique qui, en février 1830, annonce la chute de la Restauration.
C’est un pugilat. On n’a plus vu ça à Paris depuis la première du « Mariage de Figaro » où, pour en rajouter, Beaumarchais cassait lui-même les vitres extérieures du théâtre : le scandale a toujours bien marché pour lancer un spectacle.
En février 1830, on n’entend presque plus le texte d’Hugo tellement les invectives fusent entre les jeunes qui poussent et les vieux qui s’indignent. La poussière des perruques fait des halos au-dessus des têtes.
Entre le deuxième et le troisième actes, un éditeur (je crois que c’est Gosselin) parvient à découvrir la loge où Hugo se terre, mourant d’anxiété sur le succès de sa pièce. Le poète n’a plus que cinquante francs en caisse, une épouse et trois enfants en bas âge à nourrir.
Tout essoufflé et époumoné, l’éditeur lui serre la main et lui offre plusieurs milliers de francs pour publier un roman historique.
- Je viens dès maintenant vous voir, car j’ai peur de devoir vous offrir le double si j’attendais la fin du troisième acte.
Malgré cet aveu, Hugo aux abois signe aussitôt le contrat qu’on lui tend. Fou de joie, il se dit qu’il va pouvoir faire enfin choir son Frollo du haut des tours de Notre-Dame.
Puis il oublie.
Son succès l’entraîne, tout Paris le demande, le roi tente de l’amadouer, Hugo se cabre, la tension monte partout. On voit Victor Hugo dans toutes les mondanités, il brille, il étonne, bref, il n’écrit plus.
En juin, l’éditeur (je crois vraiment que c’est Gosselin) revient le voir, réclame son roman.
Oh, le roman ! Hugo culpabilise.
Puis, comme toujours entier, il grimpe dans son bureau, enferme tous ses beaux costumes dans un placard dont il jette la clef par la fenêtre. Il ferme aussi la pièce de l’intérieur, lui dedans, et donne la clef à sa femme, en bas, dans le jardin.
Ainsi, autocloîtré, il s’oblige à travailler. Sa résolution est prise : rien ne le fera bouger de là avant qu’il n’ait terminé son roman.
Rien ? Si.
Voici qu’éclate la révolution de juillet 1830. Les balles sifflent en tout sens, on se bat devant sa porte. Partagé entre l’envie de descendre se jeter dans l’événement et celle de boucler son texte visionnaire, il bout sur place.
Il choisit de se déplacer, de dégoter un endroit plus au calme : l’œuvre d’abord. Il écrit. Continuellement, tout le jour, toute la nuit, tout le temps. L’automne arrive, il s’emmitoufle. On lui porte des potages, des plats chauds. Il écrit.
Enfin, il livre son roman à l’éditeur.
Celui-ci fait d’abord la grimace : il l’aurait voulu un peu plus « Walter Scott ». Et puis, il y a soixante pages improbables : « Paris à vol d’oiseau au Quinzième siècle ». Que vient faire cette rêverie poétique un peu hallucinée au milieu de l’intrigue ?
Paul Guth a depuis défini le secret de Victor Hugo : un pour cent de documentation, quatre-vingt dix-neuf pour cent de génie. Gosselin supprime le génie. Il coupe les soixante pages.
Hugo enrage mais il accepte, il n’a pas le choix.
Il a vingt-neuf ans quand le roman sort. Vingt-neuf ans, c’est un très bel âge, un palier. Une transition. Notre-Dame de Paris cristallise cette transition. Le roman fait un triomphe. Dès la seconde édition, Hugo parvient à faire rétablir ses soixante pages, la poésie renaît. Les ventes redoublent. Le troisième roman de Victor Hugo est le bon.
Le voici enfin solide financièrement. Il est libre pour inventer. Enfin libre.
(L’actrice Stéphanie Lagarde ne m’en voudra pas d’utiliser cette image ancienne pour représenter Esmeralda).