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contre la prostitution de misère

contre la prostitution de misère

Auteur : Victor Hugo

Éditeur : Les Contemplations

Année : écrit en juillet 1838

Dans le poème "Melancholia" des "Contemplations", Hugo préfigure les "Misérables". Il brosse le portrait des personnages archétypiques qu'il compte introduire dans son grand roman. L'inventeur qui "veut le bien" deviendra M. Madeleine, le cantonnier perdra de la substance jusqu'à n'être plus que M. Fauchelevent. Les enfants dont le travail "mauvais" "prend l'âge tendre en sa serre" seront finalement Cosette.

Ici, la jeune fille qui tombe dans la prostitution est évidemment Fantine.

Comme tous les romantiques, Victor Hugo milite contre la réduction des femmes à cet état qu'il juge particulièrement dégradant.

Face à ceux qui jugent et qui punissent la prostituée en l'estimant coupable, Hugo se fait l'avocat de la jeune fille poussée par l'état de nécessité.

Voici son plaidoyer sous forme de narration :

Cette fille au doux front a cru peut-être, un jour,
Avoir droit au bonheur, à la joie, à l’amour.
Mais elle est seule, elle est sans parents, pauvre fille !
Seule ! - N’importe ! elle a du courage, une aiguille,
Elle travaille, et peut gagner dans son réduit,
En travaillant le jour, en travaillant la nuit,
Un peu de pain, un gîte, une jupe de toile.
Le soir, elle regarde en rêvant quelque étoile,
Et chante au bord du toit tant que dure l’été.
Mais l’hiver vient. Il fait bien froid, en vérité,
Dans ce logis mal clos tout en haut de la rampe ;
Les jours sont courts, il faut allumer une lampe ;
L’huile est chère, le bois est cher, le pain est cher.
Ô jeunesse ! printemps ! aube ! en proie à l’hiver !
La faim passe bientôt la griffe sous la porte,
Décroche un vieux manteau, saisit la montre, emporte
Les meubles, prend enfin quelque humble bague d’or ;
Tout est vendu ! L’enfant travaille et lutte encor ;
Elle est honnête ; mais elle a, quand elle veille,
La misère, démon, qui lui parle à l’oreille.
L’ouvrage manque, hélas ! cela se voit souvent.
Que devenir ? Un jour, ô jour sombre ! elle vend
La pauvre croix d’honneur de son vieux père, et pleure.
Elle tousse, elle a froid. Il faut donc qu’elle meure !
À dix-sept ans ! grand Dieu ! mais que faire ?.. Voilà
Ce qui fait qu’un matin la jeune fille alla
Droit au gouffre, et qu’enfin à présent ce qui monte
À son front, ce n’est plus la pudeur, c’est la honte.
Hélas ! et maintenant, deuils et pleurs éternels !
C’est fini. Les enfants, ces innocents cruels,
La suivent dans la rue avec des cris de joie.
Malheureuse ! elle traîne une robe de soie,
Elle chante, elle rit... ah ! pauvre âme aux abois !
Et le peuple sévère, avec sa grande voix,
Souflle qui courbe un homme et qui brise une femme,
Lui dit quand elle vient : C’est toi ? Va t’en, infâme !

(J'espère que l'excellente actrice Sandrine Kiberlain ne m'en voudra pas d'avoir utilisé cette ancienne image d'elle comme illustration - tirée du film "Les Patriotes" d'Éric Rochant, qui est un contrepied puiqu'elle n'y est pas une prostituée par effet de la misère. Ce n'est pas la prostitution qui me choque, mais que des gens fassent des choses qu'ils ou elles pourraient trouver dégradantes en succombant à la misère ou dans le cadre d'un esclavage)

Publié dans Victor Hugo à lire | Lien permanent