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28/05/2020

Qu'à cela ne tienne, Claude

La génération 1968 est décidément frappée par le coronavirus : Henri Weber à gauche, Patrick Devedjian à droite et Claude Goasguen au centre.

Au centre ? Quand on lit les commentaires de la presse, on ne voit nulle part le long passage qu'il fit par le centre et qui forgea, quoi qu'on en pense, son identité politique. Il est vrai que son côté centriste ne se voyait guère, qu'il ne s'entendait pas plus, mais il serait faux de ne pas le distinguer dans la brume des arguties et méandres politiques de sa vie. Selon l'expression qu'il aimait employer, "en réalité" il y avait bien un Claude Goasguen du centre, pensant le centre, voulant le centre et se réclamant du centre, fût-ce avec une grande gueule. Parlez-en à Bernard Stasi si vous croisez son fantôme par un soir de pleine lune. Parlez-en à François Bayrou.

Bon, reconnaissons-le, l'image d'Occident lui a toujours collé à la peau. J'ai connu Claude Goasguen en 1983. Il venait d'être élu conseiller de Paris dans le XIVe arrondissement sous la houlette d'Eugène Claudius-Petit. "Claudius", comme nous l'appelions en employant son surnom de résistance. Le grand Claudius, avec ses yeux de félin, sa moustache épineuse, sa coiffure au carré et ses énervements sanguins.

Claude Goasguen avait été le suppléant de Claudius aux élections législatives de 1978 dans ce même XIVe arrondissement. Il y avait alors trente circonscriptions législatives à Paris. En dehors du ton vif et de la volonté de foudroyer, on se demandait ce qu'il pouvait y avoir de commun entre le vieux résistant et le jeune loup au profil d'aigle et aux cheveux qui hésitaient entre le blond et le gris cendré.

Point commun ? Peut-être Georges Bidault. Claudius avait succédé à Bidault comme député de la Loire et Goasguen avait fait ses premières armes politiques en militant pour l'Algérie française, ce moment où Bidault s'est perdu pour l'Histoire. Bidault, homme d'extraordinaire culture, de haute vision politique, successeur de Jean Moulin à la tête de la résistance intérieure en 1943. Bidault déjà gaullosceptique en 1944 quand, sortant d'une réunion du conseil des ministres présidée par le Général, lorsque son ami Teitgen, admiratif du grand homme de Londres, murmurait "Comment peut-on dire tant de choses avec si peu de mots ?", lui répliquait d'un ton cinglant : "Lucifer était le plus beau des anges". Bidault qui fut à peu près le seul éditorialiste politique à protester contre les accords funestes de Munich et qui fut résistant si tôt que de Gaulle refusa qu'on lui retire sa distinction de Compagnon de la Libération en 1961. Bidault, donc, dont l'ombre vivante planait encore parfois sur le respectable parti auquel j'ai adhéré en 1981 et qui se nommait le Centre des Démocrates Sociaux (CDS), le parti dont Claude Goasguen était membre aussi à cette époque.

Mes amis, plus à gauche dans ce mouvement, me disaient de Claude : "Méfie-toi, c'est le diable, il a commencé à Occident". De fait, il m'arrivait de bavarder avec "le" jeune que Goasguen avait casé dans le bureau exécutif des jeunes du CDS (les JDS) de Paris en 1983, alors présidés par Éric Azière qui est aujourd'hui président du groupe UDI-MoDem au conseil de Paris. Ce jeune homme goasguénien (pas Éric Azière, pour ceux qui lisent trop vite mes papiers), qui avait à peu près mon âge et dont le crâne n'était pas tout à fait rasé (mais presque) était le fils d'un des vice-présidents du CNPF (le MEDEF d'alors).

Il venait du PFN (Parti des Forces Nouvelles), un groupuscule que le FN n'était pas encore parvenu à absorber. Il me confiait, mi-figue mi-raisin, désignant Claude : "Il m'a dit que je devais arrêter mes conneries", ce qui signifiait arrêter de militer chez les zinzins pour passer à une action réaliste et respectable.

Nous avons vu quelquefois ce soldat perdu de l'extrême droite au début de notre modeste action, puis moins, puis plus du tout. Mais il y en avait d'autres (dont il vaut mieux oublier les noms) et l'on disait que Goasguen se spécialisait dans le recyclage des jeunes issus de l'extrême droite. Il incarnait par ailleurs déjà l'aile chiraquienne du CDS et Chirac, piloté par Pasqua, était à la recherche d'une formule reaganienne à défendre en France face à Mitterrand et à Barre. C'était consonant avec le ton volontiers imprécateur et cassant du jeune Goasguen. Bref, à tout cela, je préférais le livre au titre claironnant de Bernard Stasi : "L'immigration, une chance pour la France".

Par ailleurs, ce CDS ne s'était jamais remis d'une profonde fracture qui l'avait divisé en 1969 : Alain Poher, président du Sénat et président de la république par intérim, avait défendu ses chances à la présidentielle destinée à pourvoir à la succession du général de Gaulle démissionnaire. Mais son parti, le Centre Démocrate, avait vu la plupart de ses députés se défiler et refuser de soutenir sa candidature. Emmenés par Jacques Duhamel, ils avaient préféré se porter sur celle de Pompidou.

Un jour, j'ai demandé à Bernard Stasi pourquoi ils avaient fait cela. Il m'a répondu :

"Poher n'avait pas la carrure d'un président de la république".

Pompidou ayant gagné assez largement au second tour contre le valeureux Poher, une scission avait découpé le parti du perdant présidé par Jean Lecanuet. À côté du CD, il y avait désormais le CDP (Centre Démocratie et Progrès), dont faisaient parti les futurs ténors du CDS, notamment Bernard Stasi et Jacques Barrot, mais aussi Claudius. Si j'osais, je rappellerais que c'est le directeur de cabinet de Bidault qui, en 1944, avait présenté Pompidou à de Gaulle. Mais il y eut aussi en 1969 l'arrivée au pouvoir de Chaban-Delmas qui rebattait les cartes.

Quoi qu'il en soit, Goasguen apparut dans ce même CDP, la fraction du centre qui appartenait à la majorité présidentielle pompidolienne. Le groupe Union Centriste du Sénat regroupait deux partis politiques, l'un dans la majorité, l'autre dehors, tout en soutenant le président du Sénat, issu de ses rangs, lequel s'opposait avec force à la même majorité présidentielle et parlementaire. Clarté politique à la française, certes, mais en 1974, les deux partis avaient dû se ressouder sous l'autorité de Jean Lecanuet et les bureaux exécutifs des mouvements de jeunes de ces deux partis s'étaient naturellement rapprochés l'un de l'autre en vue d'une fusion.

Dans le bureau des jeunes du CDP figurait un historien du droit aux dents longues, âgé de 29 ans : notre Claude Goasguen. Son président était l'un des fils du sénateur Cluzel. Ils rejoignirent le nouveau mouvement de jeunes, dénommé JDS, alors présidé par François Bordry, frère de l'un des plus proches collaborateurs d'Alain Poher. Le CD entendait s'assurer tous les postes de pilotage du nouveau parti fusionné : il avait perdu en 1969, mais il avait gagné en 1974.

Les militants issus de l'ancien Centre Démocrate considéraient avec une forme d'hostilité ceux qui venaient du CDP, qu'ils tenaient pour traîtres depuis 1969. Ils disaient "nous avions les militants, eux les cadres", sous-entendant que les cadres, pour sauver leur mise, étaient allés à la soupe, un comportement dont les militants ont en général horreur. Mes amis dans ce CDS venaient pour la plupart du CD et non du CDP, j'adoptais volontiers leurs vues, aimant alors l'orgueilleuse intransigeance de l'esprit militant et n'ayant pas d'idée de carrière en tête.

Tout ceci me conduisait à ne pas prendre contact avec Claude Goasguen, malgré ses origines bretonnes.

Je passe sur les années qui suivirent, qui furent déchirées par la guerre picrocholine des géants du centrisme parisien. La collusion des deux jeunes issus du CDP contre le vieux CD finit par s'emparer de l'immense gouvernail de la multitudineuse fédération parisienne du CDS. On parle de foules dignes de rassemblements du PC chinois à l'époque de Mao. Bref, Claude Goasguen s'était rapproché de Jean-Charles de Vincenti, neveu de Jacques Barrot, et leur alliance avait pris la tête du CDS parisien. Il fallut encore quelques années pour que le plus mordant, Goasguen, parvienne à éliminer son allié devenu rival.

Cela se fit à l'occasion de la campagne présidentielle de 1995. Élu de Paris XVe, Vincenti avait choisi Balladur, qui régnait sur ce XVe, cependant que Goasguen optait pour Chirac qui tenait le reste de Paris. J'avais d'abord éprouvé de l'intérêt pour la candidature de Balladur. Une anecdote m'y avait incité : Balladur faisait partie de la même promotion de l'ENA qu'un frère de mon père qui est mort d'un cancer pendant qu'il y étudiait, longtemps avant ma naissance, et je me demandais si Balladur avait des souvenirs de cet oncle inconnu. Et puis, j'approuvais son engagement de ne pas être candidat à la présidentielle.......... Bref, contre tous mes choix des quinze années précédentes, j'ai choisi Chirac. Un ami m'a fait rencontrer Goasguen en privé fin 1993. Claude m'a dit : "conseiller de Paris, je ne peux pas, mais adjoint au maire je peux". J'ai bredouillé je ne sais quoi sans me rendre compte que je venais de signer la première moitié du pacte qui allait me conduire à devenir en 1995 adjont au marie du XVIe arrondissement de Paris.

Dans un premier temps, j'oubliai Claude : je fis offre de service pour la campagne européenne qui se lançait avec Dominique Baudis et Hélène Carrière d'Encausse. Il y avait deux directeurs de campagne : Jean-Luc Moudenc (aujourd'hui maire de Toulouse) pour Dominique Baudis et Jean-Pierre Raffarin pour Mme Carrère d'Encausse. François Bordry se désista alors qu'il devait diriger l'équipe chargée de répondre au courrier reçu par la liste à son QG établi rue barthélémy dans le VIIe arrondissement. Moudenc m'offrit le poste. Je l'avais aidé à prendre la présidence des JDS peu d'années plus tôt, il m'en remerciait. Je me trouvai donc bombardé chef d'une petite équipe dans cette campagne qui ne fut pas très longue mais où j'eus la joie de retrouver Bernard Stasi. L'équipe se composait de deux assistantes parlementaires venues du Sénat, très sérieuses, et nous pûmes refermer notre bureau la veille du scrutin avec la satisfaction de n'avoir laissé aucun courrier sans réponse complète.

Juste dans la foulée se déroula la campagne présidentielle qui, à l'intérieur du CDS, devait pourvoir à la succession de Pierre Méhaignerie, qui le dirigeait depuis 1982. On me demanda de composer les réponses au courrier des militants que recevait l'équipe de campagne de Bayrou, que je soutenais face à Bernard Bosson. J'avais été reçu par François avec une vingtaine d'autres jeunes cadres, il nous avait demandé :

"Pour qui voterez-vous à la présidentielle l'an prochain ?"

Un à un, tous les autres répondaient "Balladur", les dix-neuf autres ; parlant le dernier, je dis "non, désolé, moi, c'est Chirac". Et Bayrou, très à l'aise, me fit le petit discours qui annonçait déjà, sept ans à l'avance, "si nous pensons tous la même chose, c'est que nous ne pensons plus rien". Je fus recruté (bénévole) cadre dans son équipe de campagne.

Éric Azière et Marielle de Sarnez me confièrent une pile de discours déjà prononcés par Bayrou en me signalant les habitudes et particularités rhétoriques du candidat (j'ai encore une cassette VHS de cette campagne si ça intéresse quelqu'un). Pendant les longues décades de la campagne interne, je passai environ trois fois par semaine prendre les courriers reçus et remettre les réponses proposées, que je composais en faisant des collages savants des discours du candidat.

Nous avons gagné cette campagne. La veille du vote, dans un tout petit bureau alors que je bavardais avec je ne sais qui, je vis entrer un Bayrou fourbu, le cheveu en bataille et l'œil brillant, proclamant : "Jamais Bosson ne pourra monter si haut". Et c'était vrai, il prononça un discours qui nous parut éblouissant et qui disait ce que nous espérions depuis longtemps, sur ce parti allant de Balladur à Jacques Delors, et que Delors salua aussitôt chez Anne Sinclair. Et le lendemain du vote, dans le même bureau, un poulain de Stasi, JPF, me lança : "un bureau ici ou à la mairie du XVIe ?" Je n'avais pas compris qu'il s'agissait d'une proposition ferme. Je répondis machinalement "à la mairie", qui représentait, c'est vrai, ma préférence d'alors. Aujourd'hui, je regrette de n'avoir pas connu l'atmosphère spéciale d'un cabinet ministériel.

Bref, qui disait élu à Paris disait rencontrer Claude. Je le vis donc dans son bureau d'adjoint de Chirac à la mairie de Paris. Ce n'était pas un adjoint sectoriel, il s'occupait des relations internationales, ce qui, selon ses propres dires, consistait surtout à aller pêcher au gros en Afrique. Il avait déjà sa collaboratrice fidèle, Annie Buhl, que j'ai retrouvée ensuite pendant vingt ans à ses côtés.

Claude m'envoya au RPR local, Gérard Leban, et je pris ma place modestement dans l'équipe de terrain chiraquienne du XVIe arrondissement. À ce moment-là, il pleuvait des cordes gelées et Chirac végétait à 10 ou 12 % dans les sondages. Le départ de campagne ne me rebuta pourtant pas. Je découvrais avec intérêt les méthodes du parti qui gardait, de ce point de vue, les traditions de son époque gaulliste. L'efficacité d'une organisation rodée et disciplinée. Quand un meeting de campagne de Chirac s'annonçait pour 18 heures, à 17 heures 59 la salle était pleine, à 18 heures les portes étaient fermées et les retardataires n'avaient à s'en prendre qu'à eux-mêmes. On était loin du joyeux bordel qu'a toujours été le centre sous ses diverses formes.

Chirac ayant gagné, Goasguen fut désigné ministre de quelque chose. Il avait pris tout l'arrière du bâtiment du ministère de l'Intérieur et certaines directions centrales clefs de ce ministère clef. Il s'en montrait satisfait mais regrettait de n'avoir pas obtenu plus. Moins de xi mois plus tard, il se voyait débarqué en même temps que les "jupettes". Je l'ai longtemps entendu maudire Juppé par la suite. Le débarquement avait un côté mesquin : au bout de six mois d'exercice, les anciens ministres bénéficiaient de certaines prérogatives. N'ayant pas tenu cette durée pleine, Goasuen perdait ces avantages. Par ailleurs, un macho méditerranéen comme lui trouvait humiliant d'entrer dans la cohorte de ces femmes congédiées en même temps que lui et qu'on a surnommées "juppettes". Enfin, n'étant plus ministre, il n'était pas encore parlementaire.

Ce fut l'époque où je le vis le plus souvent. Il nous conviait dans son bureau, en groupe ou en détail, j'étais adjoint au maire du XVIe, il m'entendait parfois avec d'autres élus ; j'avais trente ans, il m'écoutait parfois avec d'autres jeunes plus jeunes. Il parlait peu et testait seulement des arguments qu'il utilisait ensuite dans ses tribunes publiques, au conseil de Paris ou lors des réunions du parti.

En public, il avait une technique oratoire simple : il énonçait ce que ses adversaires disaient (selon lui) et renversait sa phrase avec un tonnant "en réalité" derrière lequel il dénonçait des intentions ou des actions qu'il condamnait ou combattait. Il parlait rarement pour approuver.

En 1997, au moment de la dissolution idiote, je fus de ceux qu'il interrogea. Je lui répondis "Pour toi, ça ira, mais quelle connerie !" Pendant cette courte campagne, il me raconta comment il venait faire les gros bras avec les soutiens de l'Algérie française dans ce même quartier dans les années 1960. Il me parla du général Stehlin, élu dès 1968 dans le XVIe nord, et qui avait été un ami de mon grand-père.

Il fut enfin élu député contre Georges Mesmin qui tenait le siège du XVIe sud depuis 1973.

Vers cette époque, il changea de chef de cabinet. Il se rapprochait de Philippe Douste-Blazy qui poussait contre Bayrou à l'intérieur du parti (devenu entretemps Force démocrate). son nouveau bras droit se nommait Thierry Solère. Celui-ci entendait prendre le plus possible d'autorité sur son patron, c'est logique. Je vis donc moins Claude. Solère me consultait de temps à autre. Par exemple, il me demanda si je croyais qu'un téléphone portable permettrait à Claude d'éviter les écoutes des barbouzes. J'étais à la fois incompétent et sceptique, je le lui dis.

En 1998, René Monory, malade, dut quitter la présidence du Sénat où il avait succédé à Poher. Le RPR s'empara de la présidence de la Haute Assemblée. De ce fait, l'UDF avait vécu. Les libéraux la quittèrent sous la houlette de Madelin et se rapprochèrent de Chirac, cependant que Bayrou conservait une UDF réduite. J'eus à choisir. Je me trouvais dans mon bureau à la mairie du XVIe lorsque Solère me téléphona. Je lui indiquai que si j'avais voulu adhérer au RPR, cela aurait été fait depuis longtemps et que le parti de Madelin me semblait être l'antichambre du RPR à court terme. Une heure plus tard, Claude m'appela en personne. Mais il se contentait de dodeliner comme dans une pagnolade. Il ne trouvait pas d'argument, je crois. Il n'osait pas me proposer une promotion ou quelque chose de consistant. Je n'aurais d'ailleurs rien accepté à ce moment-là.

Trois jours plus tard, ce fut Bernard Stasi qui tenta de me convaincre au cours d'un dîner à la "Poule au pot", restaurant près du siège de Force Démocrate (aujourd'hui du MoDem).

Ce fut donc la fin de quatre années de rapprochement et je n'ai pas de jugement à porter sur ce que Claude a fait depuis.

En 2008; je ne sais pourquoi, j'ai eu envie de me rendre à la mairie du XVIe pour assister à l'élection du maire. Pierre-Christian Taittinger espérait un quatrième mandat, mais Claude lui avait savonné la planche. Désigné par les électeurs, Taittinger fut battu par les élus. Or il avait fait exactement la même chose à son prédécesseur à la mairie, Mesmin, le même que Goasguen avait ensuite battu aux législatives. Sans vergogne, Goasguen se vantait de venger un centriste et de rendre enfin la mairie à un centriste. Ça me semblait excessif. Avec beaucoup de dignité, Taittinger quitta la salle. Seul.

Je n'ai revu Goasguen qu'une fois de près. Il avait demandé à mon frère (sculpteur) d'exposer quelques œuvres à la mairie du XVIe, je crois que c'était en 2011. Nous avons bavardé. pour la corpulence, il ressemblait à Abraracourcix. Moi aussi. Je le sentais sceptique sur l'avenir de Sarkozy, alors président, qu'il soutenait pourtant. Il n'y avait plus de contentieux entre nous, s'il y en avait jamais eu. Il avait ce regard un peu de côté, ce sourire large et mordant. Il me répéta : "Non, pas Occident, mais la Corpo de droit, ce n'était pas si loin, mais ce n'était pas la même chose". Nous n'avions tout de même pas les mêmes valeurs, mais qu'à cela ne tienne : au-delà des idées, le souvenir de beaucoup de bons moments en privé, libre, où il ne disait jamais rien ni de médiocre, ni de stupide. Il y avait chez lui un désir de hauteur qui, à mon avis, n'a jamais été satisfait, et une envie de peser en bien sur le destin de son pays.

Pour nous, Bretons, il faut lui rendre hommage sur un point : avec François Bayrou, lorsque celui-ci était ministre de l'Éducation nationale, il a beaucoup travaillé pour l'amélioration du sort fait par l'administration aux écoles Diwan. Cela ne s'oublie pas.

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08/12/2015

Bretagne : pourquoi Marc Le Fur ?

Pour le second tour des élections régionales, il ne reste plus que trois possibilités : le Front National, qui veut tout ce que je refuse, et les partis dominants de droite et de gauche, incarnés l'un par Marc Le Fur, l'autre par Jean-Yves Le Drian. Voici pourquoi j'ai choisi de voter pour Marc Le Fur.

Jean-Yves Le Drian, je l'ai écrit, a longtemps personnifié le mouvement breton qui, par lui, s'identifiait largement à la gauche. Il était maire de Lorient pendant l'extraordinaire essor du Festival Interceltique de Lorient (FIL), qu'il accompagnait avec une manifeste ferveur. Je me souviens d'avoir dormi sur la plage avec une amie, pendant le FIL 1984, il émanait de cette fête une effervescence puissante, qui a fait de ces jours d'août le porte-drapeau de la culture bretonne ressuscitée.

De ce succès éclatant, je me suis réjoui. Mais je dois dire qu'il y a un revers de cette belle médaille : la musique et la danse plus ou moins folkloriques ont prospéré dans son ombre, ce qui est bien, mais il semble que cette floraison de culture populaire ait eu pour contrepoint la dévalorisation de ce que l'on nomme la "haute culture". Il suffit de consulter les fichiers d'adhérents des sociétés savantes bretonnes pour mesurer la dévitalisation de la plupart d'entre elles, et le manque d'une génération nouvelle.

On ne peut pas reprocher entièrement à la Bretagne l'abandon par l'État du principe de la double thèse (thèse d'université, thèse d'État), qui a eu pour effet un amenuisement de la profondeur de la recherche, mais le fait est là : alors qu'il reste des pans considérables et fondamentaux de l'histoire économique, humaine, et même politique, de la Bretagne à étudier, les publications fondatrices se font de plus en plus rares qui sortent des sentiers battus. Il suffit de consulter le catalogue des Presses Universitaires de Rennes pour s'en rendre compte.

C'est formidable d'accompagner la culture populaire, même si elle ressemble d'un peu trop près à la société des loisirs. C'est bien aussi de promouvoir la langue bretonne, même s'il a fallu que l'État (notamment à travers le ministre Bayrou dans les années 1990) intervienne activement. Mais si l'on laisse la recherche fondamentale stagner, et si l'on ne prête pas attention à un constant élargissement et approfondissement de la connaissance, notamment historique, on manque à un devoir, historique aussi.

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Et il semble qu'un outil institutionnel manque dans ce domaine. En tant que chercheur, certes indépendant, je suis surpris de n'être jamais consulté, même de loin, alors que la réflexion historique devrait habiter les décideurs politiques de la Bretagne. Sans doute n'ai-je pas, pour cela, la bonne carte politique. Le fait que mes travaux et ouvrages soient achetés par la plupart des meilleures universités occidentales, en Europe comme aux États-Unis, ne leur suscite pas plus d'intérêt de la part de nos décideurs. Il est vrai que, n'ayant jamais sollicité ni a fortiori obtenu de subventions publiques, je n'existe pas à leurs yeux, ce qui en dit long sur la mentalité de ce joli monde.

Je suis aussi forcé de constater que mes livres les plus épais et les plus denses, que je vends à des lecteurs privés et à des bibliothèques de partout, se vendaient deux fois plus aux particuliers en Bretagne à l'époque où la droite gouvernait la région. Ce n'est pas un plaidoyer pro domo, mais je crois voir dans ce fait le signe que la région ne donne pas le signal d'un intérêt pour ces grandes recherches, leur préférant la superficialité des danses et de la musique, contre lesquelles je n'ai rien, au contraire, mais qui ne peuvent servir de cache-misère à la vacance d'une ambition plus intellectuelle.

Tout cela mérite le reproche, mais, il faut le dire, c'est d'abord les nécessités de l'économie qui motivent mon vote pour la droite. Si faible soit-elle elle-même dans ce domaine, elle l'est tout de même un peu moins que la gauche, qui n'y comprend décidément rien.

Enfin, comme je l'ai dit la semaine dernière, certains noms sur cette liste LR-UDI-MoDem achèvent de me convaincre de voter pour un renouveau de la Bretagne avec Marc Le Fur.

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07/04/2015

Jean Germain : la dépression d'un battu

La mort soudaine du sénateur et ex-maire de Tours, Jean Germain, retrouvé mort près de chez lui avec une lettre d'adieu, rappelle que la vie politique n'est pas une activité comme les autres. Germain avait été battu voici tout juste un an aux élections municipales à la suite des révélations de l'affaire dite des "mariages chinois". Ce peut être une occasion de relire le billet de l'Hérétique sur l'affaire du député Demange en 2008, qui a quelques points communs inattendus avec celle du sénateur Germain, même si ce dernier n'est jamais tombé au degré d'infamie du premier.

Moi qui n'ai jamais été ni maire, ni député, je peux témoigner de l'intense cruauté qui s'attache à la sortie non souhaitée d'un mandat politique qui occupe toute votre vie. Lorsque j'ai terminé mon mandat d'adjoint au maire du XVIe arrondissement de Paris, en 2001, n'ayant pas été réinvesti par mon parti, l'UDF, et subissant l'attaque locale du député Goasguen, je suis entré dans un véritable trou noir. Les dernières semaines avant le vote avaient été sauvages. La meute des jaloux qui souhaitaient mon poste dans mon parti hurlait partout "sortez les sortants", ce que je vivais comme une injustice, ayant choisi de rester dans l'UDF alors que tous les autres élus de cette famille politique dans cet arrondissement avaient opté pour le parti de Madelin, Démocratie Libérale. Il me semblait que l'on reconnaissait mal la fidélité, sans parler de la qualité de mon travail d'élu, qui n'a jamais reçu aucune critique, sauf l'incident du mariage d'Emmanuel Petit dont j'ai parlé ailleurs, et qui ne concernait que le microcosme de la mairie.

Lorsque l'on cesse ses fonctions sans l'avoir souhaité, on porte en soi un vide immense. Un deuil. Personne ne vous téléphone. Personne n'exprime la moindre compassion. C'est le noir le plus total.

Encore n'ai-je exercé ces fonctions que pendant six ans. Et finalement, je suis heureux d'avoir opté pour un autre chemin, fermement assis sur la résolution de n'être plus jamais candidat à une élection politique.

Dans le cas du sénateur Germain, cette sidérante viduité s'est accompagnée d'une autre sidération : celle de se voir accusé dans l'affaire dite des "mariages chinois". Il s'agissait de mariages fictifs organisés par un tour-opérateur chinois, avec la coopération d'une société française dirigée par une adjointe de Germain. Le mélange des genres entre public et commercial était total, peut-être bénéficiait-il à la ville de Tours, cela n'est pas certain, mais on comprend que la justice ait mis son nez dans l'affaire.o-JEAN-GERMAIN-facebook.jpg

À la foudre de la perte de la mairie s'est donc ajoutée celle de cette accusation dont il a senti le poids et la crédibilité. Je ne peux pas me prononcer sur l'éventualité de la condamnation de Germain. Il est innocent pour toujours, puisqu'il n'a jamais été condamné. Il a payé cher cette innocence perpétuelle. S'il y a une mafia chinoise à l'autre bout de la chaîne, on peut d'ailleurs s'interroger sur la réalité du suicide, mais c'est une autre histoire, car la réalité de la dépression était lisible sur les traits du sénateur Germain depuis sa chute municipale dans les rares interviews télévisées disponibles.

Que les partis politiques, ces meutes en quête de charogne, daignent un jour se regarder dans un miroir. Qu'une main se tende vers un battu, qu'il y ait toujours un vrai ami pour ceux qu'emporte une perdition intérieure, et ils auront retrouvé un peu de la dignité qui leur manque si fort, et ils auront recouvré un peu du droit de recevoir le suffrage du peuple.

26/03/2015

UMP, PS, FN, c'est kifkif ?

Dimanche, les électeurs de France seront appelés à voter pour le second tour des élections départementales. On peut s'attendre à des records d'abstention. Pourtant, voter est un acte qui vient des tripes, un acte qui engage les viscères. Aimer ou détester un pouvoir politique fait partie de l'état naturel du citoyen. L'opacité de l'activité politique et les doutes multiples qui planent sur elle désamorcent le taux d'adrénaline que devrait produire le vote. De là sans doute la tentation de l'abstention.

Il faut dire aussi que lorsque l'on nous explique qu'un candidat qui appelle aux ratonnades, ou un candidat qui pense que le seul bon étranger est un étranger mort, eh bien, c'est la même chose qu'un candidat qui opère de mauvais choix économiques, sociaux et sociétaux, on ne donne pas non plus envie de voter, car cette idée est un pur scandale. C'est un danger extrême. Le fait que l'UMP ne soit pas capable de considérer qu'au minimum, les candidats qui appellent au meurtre doivent être battus coûte que coûte, ouvre devant la France un gouffre mortifère. Et lorsque Juppé estime qu'il a gagné contre Sarkozy, parce qu'il a obligé celui-ci à reconnaître que le MoDem peut faire partie de sa majorité de droite, j'ai envie de lui répondre qu'ils ont perdu tous les deux, et Juppé et Sarkozy, parce qu'ils n'ont pas su empêcher l'essentiel, et qu'ils n'ont pas su affirmer les valeurs les plus élémentaires de la démocratie, de la République et de l'humanisme.

Je sais bien que pour se défendre, la droite a raison de stigmatiser l'antisémitisme déguisé en antisionisme d'une partie des réseaux de la gauche ultra. Mais elle n'a pas été capable de sortir le nom d'un seul candidat du PS et de ses alliés présent au second tour qui ait personnellement lancé des appels au meurtre ou au lynchage. Tandis que ce que nous reprochons à des candidats d'extrême droite, ce sont leurs propres écrits publics. Le jour du vote, nous votons pour des candidats.

Il y a une faute morale dans le fait que l'UMP n'appelle pas à faire barrage au FN coûte que coûte. Il y a une faute historique pour l'UMP à ne pas faire barrage coûte que coûte à celles et ceux des candidats dont les propres déclarations ne conduisent qu'au meurtre de masse ou de détail.

C'est un débat que j'aurais avec Jean Ferrat aussi s'il était encore vivant s'il continuait à acclamer, parmi les grands noms de la France, celui de Robespierre ("Cet homme qui portait dans son nom son métier et son cœur", selon l'énorme expression de Victor Hugo dans "93", son métier, la robe, et son cœur, la pierre), car le rôle principal de Robespierre fut de guillotiner tous les autres révolutionnaires et son unique mérite l'incorruptibilité. Si le fait d'être incorruptible mène à faire guillotiner ses amis et des êtres aussi généreux et utiles que Desmoulins, on se demande s'il n'y a pas plus de mérite à se laisser corrompre, en fait. Heureusement, on peut être honnête sans dresser les poteaux de la Veuve sur la place de la Concorde. Mais on doit choisir ses références.

Donc pour ce second tour, ce que nous devons examiner, c'est le message personnel des candidats. Les appels au meurtre doivent être partout combattus coûte que coûte. S'il fallait voter pour un stalinien d'aujourd'hui (ils ne sont plus ceux d'hier) pour faire battre un FN qui a personnellement écrit qu'il faut descendre dans la rue pour y mener la chasse aux Arabes, je le ferais, j'irais jusque-là, qui serait la seule motivation de mon vote pour un stalinien, à condition bien entendu que le stalinien ne danse pas chaque soir dans la rue en chantant qu'il faut pendre tout le monde par les tripes à la porte des préfectures, cas où je ne voterais pas, mais où je déménagerais assez vite pour changer de circonscription, car se retrouver à avoir à choisir entre deux assassins en puissance, c'est déprimant.

On comprend que la gradation de la désapprobation inspirerait mon vote. Comme dit le vieil adage, au second tour, j'élimine. Il n'existe aucun cas où je voterais FN. On a vu le seul où je voterais stalinien. Je pourrais voter écolo, sauf pour quelques-uns qui sentent le soufre. Si j'habitais Notre-Dame des Landes, je ferais comme 36% des électeurs du premier tour, je voterais évidemment écolo, pour qu'y soit définitivement et officiellement abandonné le projet funeste d'aéroport. Je n'aurais aucun mal à voter UDI, j'ai beaucoup d'amis personnels dans cette famille politique. Et je reste encore plus proche de Bayrou et de ses amis du MoDem. Dans les face-à-face UMP-PS, j'essaierais de mettre de côté la politique nationale pour examiner d'abord les enjeux locaux.

La gestion des collectivités locales par le PS est en moyenne défectueuse. Cependant, il faut évaluer la crédibilité de l'UMP locale à faire mieux, ce qui n'est pas toujours gagné d'avance. Et parfois, à force d'entendre des UMP dire que FN et PS, c'est kifkif, on finit par trouver que certains UMP et le FN, c'est aussi kifkif, tandis que sur les sujets sociétaux, qui entrent en ligne de compte, le PS fait mieux que ces UMP simili FN. Dans ces affrontements locaux, j'appliquerais, si j'avais à voter en plusieurs endroits, la méthode résumée par Voltaire lorsqu'il décrivait le théâtre de Marivaux : "des œufs de mouche pesés dans des balances de toile d'araignée". Au microgramme près.

Il reste à dire un mot de la circonscription départementale où je vote. C'est un morceau du Finistère, département où le premier tour suggère un statu quo de majorité départementale à venir.  Il s'agit du "canton" de Plonéour-Lanvern. La situation n'y est pas facile pour les candidats qui représentent la droite. Je crois que ce binôme est fait de deux UDI, je ne les connais personnellement ni l'un ni l'autre. Je connais en revanche depuis longtemps le maire de Plonéour, Michel Canévet, depuis peu sénateur. J'avais même avec lui des relations plutôt cordiales. Mais son attitude et celle de certains de ses soutiens sont devenues étranges et ambiguës à mon endroit.

Ce binôme que je crois de centre droit a atteint le score de 35% au premier tour. En face, le total des voix des gauches atteint presque 35% aussi. Il y a eu un peu plus de 4% de régionalistes tendance "bonnets rouges" au premier tour et deux fois plus d'écolos. La gestion de l'écologie par le département a été plus que douteuse dans la dernière mandature, le choix d'installation de la centrale à gaz près de Brest est une aberration. Pour l'emporter, les centristes doivent donc trouver une alchimie d'âme bretonne et une vision agricole et environnementale aussi subtile que créative. Agriculteurs, bonnets rouges et écolos ont a priori beaucoup plus de divergences à aplanir que de conceptions communes, si bien que les amener sur le même vote est un exercice de synthèse stimulant. S'il y avait plus de temps pour y travailler, le sujet serait intéressant. Il ne reste plus que trois jours. Affaire à suivre.

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19/10/2010

Le centre courtisé par des tartuffes

En politique, l'action est une chose délicate et l'effet boomerang fréquent. En ne rémunérant pas les journées de grève des professeurs, on les incite à pousser les lycéens à manifester à leur place. En organisant un service minimum, on incite les grévistes à employer des moyens d'action très radicaux, blocages en tous genres, à paralyser autrement l'économie nationale. À l'inverse, les excès de mai 1968 ont conduit au raz-de-marée électoral de droite de juin 1968. Les grandes grèves de 1995 ont considérablement affaibli la majorité d'alors, mais elles ont surtout propulsé Le Pen au second tour de l'élection présidentielle de 2002.

Aujourd'hui, on glose sur le calcul fait par la majorité : exciter le désordre pour appeler au retour à l'ordre ? Se poser en père-la-rigueur pour reconquérir l'électorat conservateur effrayé par ses dérapages verbaux et son style bling-bling ?

Je pense qu'en tout cas, le calcul initial a été celui-là : utiliser le mécontentement social pour effrayer l'électorat de centre droit et le ramener dans le giron majoritaire. À l'heure actuelle, d'ailleurs, l'opinion, en milieu centriste, est que la gauche est en mesure de gagner seule en 2012. Mais au fond, est-ce l'essentiel ?

La montée de l'extrême droite en Europe

Nous vivons dans un monde dangereux, la poussée xénophobe aux Pays-Bas et en Suède, deux pays longtemps admirés pour leur tolérance, le regain extrémiste en Autriche, voire en Allemagne, les ratonnades en Italie, sans parler de ce qui se passe aux États-Unis, des extrémistes sanguinaires de tous poils, islamistes et boutefeux de tous genres, tout cela fait de notre époque un moment dangereux, qui évoque les années 1930.

Or, je l'ai noté lors des dernières régionales, le fait symétrique de cette poussée de fièvre ultradroitière, c'est l'enfoncement du centre, en France notamment, mais pas seulement. On pourrait croire que cet effet de vases communicants ne soit qu'apparent, il n'en est rien : en fait, le centre est la seule vraie réponse à l'extrême droite, un rappel à la conscience morale. Oui, il faut le dire et le répéter, les valeurs du centre sont les seules à contrer efficacement celles de l'extrême droite, car la droite et la gauche, et leurs extrêmes, se placent tous dans le même champ sémantique, tandis que le centre se situe dans un tout autre champ sémantique, il déplace le débat, et c'est sa force.

Le centre longtemps moqué

On connaît la raillerie de Marie-France Garaud sur le fait que, pour convaincre les centristes, il suffisait d'agiter le maroquin ministériel. On a longtemps tourné en dérision aussi notre goût de la bonne gouvernance, notre point d'honneur de probité, notre habitude de juger une politique à ses résultats pour l'intérêt général plutôt qu'à ses effets pour un camp ou l'autre. Tout cela, au fond, a toujours fait rigoler les importants, les réalistes, les cyniques, les gens de pouvoir, en somme, qui mesuraient leur taux de satisfaction à l'aune de la cocufication qu'ils nous avaient infligée. Qui agitant les maroquins, qui "plumant la volaille centriste".

En se posant en candidat de la respectabilité, de l'ordre, des grands équilibres financiers, le pouvoir actuel ne fait qu'infliger une nasarde de plus à notre conception des choses, il nous fait un pied-de-nez, un de plus. Un de trop ?

En entendant Mme Aubry jouer de la mandoline sous le balcon de M. Bayrou, mercredi dernier, en employant des expressions qui sont chères à celui-ci, des expressions qui fleurent bon le terreau centriste, j'avoue que j'ai eu un haut-le-cœur. Comment ? Mme Aubry qui est soutenue par M. Delanoë qui donne l'absolution à bon compte à M. Chirac ? En d'autres temps, Lamartine a écrit "La France est élastique". Peut-être, mais tout de même. Jouer à ce point les attrape-tout ne dénote qu'un état de pensée : celui qui vise à prendre le pouvoir à tout prix, ce qui n'est jamais bon signe. Et puis, on l'a vu, de même que Mme Royal était suitée de sa duègne Mélenchon lorsqu'elle fredonnait des chansons galantes sous le balcon de M. Bayrou en 2007, une duègne implacable qui détenait la clef de sa ceinture de chasteté, de même le chœur des duègnes s'est immédiatement employé à couvrir les mots doux de Mme Aubry avec le grincement de ses mâchoires.

Le centre n'est pas entre la droite et la gauche

Les danses du ventre des deux bords ont pour premier but de rassurer leurs propres soutiens sur la nature du centre : le centre est un peu plus à droite que nous, pense la gauche, et un peu plus  gauche que nous, pense la droite. Double erreur.

Bien sûr, je pourrais, en me moquant, dire que la définition du centre est : tous ceux qui ont envie de donner autant de coups de pied au cul à la droite qu'à la gauche. Mais ce ne serait qu'une boutade. Le centre vaut mieux que cela. Il y a, dans notre façon d'être, ce que Raymond Barre avait nommé "une exigence intellectuelle et morale, un désir d'action", non pas la volonté de plaquer une morale sur la vie des gens, mais l'envie de trouver l'éthique de l'action publique, de lui donner du sens. C'est d'ailleurs un point qui rapproche le centre de beaucoup d'écolos, même si ensuite le tri se fait entre les valeurs compatibles des uns et des autres. Nous avons, sur l'éthique et la politique, et sur le contenu des politiques publiques, des visions souvent convergentes, ainsi que sur l'appel à la liberté. C'est sans doute pourquoi une partie des électeurs centristes hésite entre les écolos et les démocrates. Les évolutions récentes et prévisibles vont décanter cette tentation.

La spécificité présidentielle

Bien entendu, les clins d'œil à l'électorat centriste ou aux responsables centristes n'ont qu'une arrière-pensée : la présidentielle de 2012. La droite exige du centre ce qu'elle considère comme un retour au bercail, la gauche s'endort chaque soir au coin du feu en rêvant qu'elle va plumer la volaille centriste. M. Sarkozy, le matin, en se rasant, s'ébaubit de son futur deuxième mandat présidentiel, Mmes Royal et Aubry, en se faisant le maillot, s'imaginent dictant leur loi aux mâles du monde ébahi. 2012 est une musique qui leur trotte sans cesse dans la tête.

Et cependant...

Les valeurs du centre qui sont irréductibles au champ sémantique droite-gauche représenteront, en 2012 comme lors de toutes les élections présidentielles au Suffrage Universel Direct, sous la Ve république, entre 15 et 20 %. Elles auront un candidat et un seul, ce sera le même que la dernière fois, le seul qui soit crédible, le seul qui ait ce profil étrange que réclame la fonction présidentielle.

Sinon, l'extrême droite sera à 20 %.

Et sans doute, alors, si l'extrême droite rebondit, notre monde poursuivra sa glissée aussi lente et inexorable que celle d'un glacier au temps du réchauffement climatique vers l'abîme. Et alors, quand le pire se sera produit, quand nous aurons d'autres barbaries infectes, d'autres génocides, d'autres verduns, au triste compteur de nos ignominies, l'Histoire demandera des comptes à ceux qui, par des propos honteux, ont jeté de l'huile sur le feu de la haine, comme l'a fait le président de la république cet été, à ceux aussi qui, se disant centristes, n'ont pas démissionné pour protester contre ces abus de langage, et à ceux, enfin, qui ont continué à faire bouillir leur petite tambouille dans leurs petites marmites politiques, alors que, de toutes parts, le péril montait.

Notre époque, je le crois, réclame un changement de paradigme, peut-être pas seulement celui que Quitterie, que nous aimons, a évoqué en se retirant du jeu partisan, mais un sursaut, un tunnel salutaire vers l'autre champ sémantique, celui que le centre incarne.

30/08/2010

Ni dupe, ni neutre

C'est la rentrée, on dirait même c'est la rentrée des blogs et des blogueurs. Apparemment, les socialistes sont toujours les plus nombreux parmi les blogueurs politiques et, d'une manière ou d'une autre, le PS conserve la haute main sur la façon dont Internet réagit à l'actualité politique, d'autant plus que les blogueurs de droite sont dans l'ensemble assez décontenancés par les propos outranciers et scandaleux du président de la République et par le projet de retrait de la nationalité à certains délinquants, une mesure qui, au XXe siècle, a été appliquée par les régimes très glorieux et démocratiques qu'ont été l'Espagne de Franco, l'Union Soviétique (grande productrice d'apatrides), l'Allemagne nazie et ... le régime de fait du maréchal Pétain.

La réaction de l'Église catholique sur les mesures ostracisantes et collectives qui concernent les soi-disant Roms a permis à Benoît XVI de retrouver grâce aux yeux d'Internet et, en fait, a beaucoup surpris en France. Surprise ? Pourquoi avons-nous été à ce point surpris de la réaction de l'Église ? C'est qu'elle est venue d'en haut, du pape lui-même, s'exprimant en français d'une façon particulièrement explicite. Voilà qui a bougé toutes les lignes et estompé les dernières affaires de pédophilie qui secouent la Belgique.

Sur ce dernier point de la pédophilie, je crois que, comme beaucoup, il faut quand même que je dise quelque chose : j'ai été inscrit au catéchisme lorsque j'avais sept ans, je l'ai suivi durant toute l'école primaire (j'étais dans le public et cela se faisait dans une salle paroissiale), et même une bonne part du secondaire, et pendant toutes ces années, il n'y a pas eu une seule fois où un prêtre (ni d'ailleurs un laïc) ait eu à mon encontre un mot, un geste, un regard, ni même un sous-entendu déplacé. Je suis presque surpris que ce genre de mises au point ne soit pas faite, car l'amalgame d'une Église qui serait noyautée et gangrenée par la pédophilie me paraît injuste. Qu'il y ait eu des erreurs et des errants, c'est en effet une terrible honte, et l'Église aurait dû se montrer plus intraitable et moins faible avec ses cadres. J'observe cependant deux choses : la première, c'est qu'en revanche, un de mes instituteurs de l'école publique a, lui, été privé de sa fin d'année scolaire parce que, pendant la classe de mer, il avait tendance à faire le tour de certains dortoirs (pas le mien, d'ailleurs). Là encore, il a été muté, sans plus, l'Église n'a pas été la seule à se taire. L'autre chose que j'observe, c'est que des scandales équivalents touchent d'autres obédiences cultuelles que le catholicisme, mais que, curieusement, on n'en parle jamais.

On l'a compris, j'ai décidé de défendre l'Église catholique en cette rentrée. Non pas que j'abandonne le principe laïque (inscrit par le Christ lui-même dans ses préceptes, abandonnant la jurisprudence Melchi Sedech, si j'ose dire) mais parce qu'il me semble que l'Église se trouve dans le bon camp, peut-être par la force des choses, et ce sont encore une fois les propos du président de la République qui m'amènent à cette conclusion.

Histoire de Hongrois, de Roumains et de fascistes

Le président français s'en est pris, en fait, non pas seulement aux Roms, mais plus intensément encore aux Roumains. Il faut reconnaître que, ce faisant, il a, dans un mécanisme psychanalytique assez transparent, trahi (c'est-à-dire révélé) ses propres origines, non pas tellement comme rom lui-même, ou comme tzigane, mais comme hongrois.

Son père, en effet, qui a quitté jeune la Hongrie, ne l'a pas fait en démocrate fuyant le communisme. La Hongrie de 1944 est un régime lié au nazisme, l'extermination des juifs hongrois a été implacable, et les Tziganes, qui sont les autres victimes des camps, ont été à peine mieux traité par le pouvoir communiste hongrois que par le pouvoir fasciste hongrois : on les a sédentarisés de force, notamment. Je suis allé à Budapest en 1990 pour les premières élections après la chute du Rideau de Fer et je me souviens parfaitement des quartiers tziganes où mes hôtes hongrois répugnaient à se rendre.

Donc une sourde animosité contre les Tziganes, mais bien pire contre les Roumains. Pourquoi ? À cause des suites de la Première Guerre Mondiale. À cette époque, en 1919-20, les puissances victorieuses avaient démantelé l'empire austro-hongrois. Et la Hongrie avait été amputée d'une grande partie de son territoire et de sa population. La Transylvanie, province d'histoire et de langue hongroises, avait été rattachée à la Roumanie. N'oublions pas qu'entre-deux-guerres, on disait, en Roumanie, que la bourgeoisie roumaine parlait français en société, roumain en famille, et hongrois avec les domestiques. Il y a donc un contentieux historique terrible entre les Hongrois et les Roumains et on passerait à côté de l'essentiel de ce que notre président a dit si nous oubliions qu'il est, dans ses préjugés les plus intimes, hongrois.

Ce n'est pas tout.

Le modèle berlusconien

Depuis l'installation du président actuel de la France, chacun a pu constater que son modèle, son seul, vrai et unique modèle, c'est le président du conseil italien, Silvio Berlusconi.

Je ne ferai pas ici le détail des accusations de collusions mafieuses qui courent très solides contre Berlusconi, non, je vais me contenter de ce qui devrait nous sauter aux yeux : le pays qui, dans les derniers mois, a pris des mesures très sévères et violentes contre les Tziganes, c'est l'Italie. L'Italie qui les fiche, l'Italie qui les parque, l'Italie qui les prive d'école, l'Italie qui leur crache au visage.

Et c'est là que l'intervention du pape prend tout son sens et toute sa force : c'est que Benoît XVI a déjà eu l'occasion de s'opposer très fermement à des ratonnades organisées en Italie par des milieux mafieux, et que, au fond, reconnaissant dans le pouvoir français le clone de ce qu'elle combat en Italie, l'Église catholique avait toutes les raisons de montrer très précocement son inquiétude, toutes les raisons de réagir avec une fermeté exemplaire, car ce sont nos principes éthiques les plus essentiels qui sont brutalisés par les pratiques de nos deux pays. Plus que jamais, le dérapage de nos dirigeants nous rend frères de part et d'autre de la frontière alpine.

On a d'ailleurs entendu l'extrême droite italienne très satisfaite des propos de notre président. Et si notre gouvernement se clone sur son modèle italien pour les principe éthiques, on tremble qu'il ne se clone aussi sur lui  pour son implication mafieuse.

En tout cas, on aimerait que l'information soit mieux construite et que les journalistes jettent la lumière sur l'obédience politique du pouvoir actuel, sur ses liens idéologiques avec le régime berlusconien, et qu'on en sache un peu plus sur cette Italie de Berlusconi. Et je dois dire qu'Internet, qui se gargarise tellement d'être tellement mieux informant que la presse dite classique, ne fait pas mieux dans ce domaine. On lit à longueurs de colonnes et d'écrans les mêmes glapissements, on cherche en vain dans les journaux comme sur internet les bonnes informations.

Et ne parlons pas des partis politiques.

Le piège bipolaire

Alors que l'exceptionnelle gravité de la dérive idéologique des gouvernants français mériterait un sursaut d'esprit républicain, un sursaut de vérité, la gauche partisane française, elle, en reste aux habituelles fadaises sur un monde meilleur, tellement juste, tellement beau, rideaux à fleurs aux fenêtres, fontaines de miel à tous les carrefours, robinets en or, palais de cristal dans des villes de guimauve. C'est si beau, snif, que j'en écrase une larme. Comment ces gens peuvent-ils encore feindre de croire à ce qu'ils disent ?

Alors qu'il serait si simple de dire la vérité.

Mais évidemment, le Parti Socialiste, qui s'apprête à organiser l'amnistie de l'ancien président Chirac, ne peut pas dire la vérité sur la droite actuelle, car il lui faudrait aussi dire la vérité sur lui-même, sur ses magouilles, ressortir Urba-Gracco, Péchiney, et d'autres plus récentes. Entendre Delanoë dire que, du moment que l'ancien président Chirac avoue, il est pardonné, c'est certes très catholique, mais c'est un peu fort, quand même. À la fin du film L'Appât de Bertrand Tavernier, le personnage interprété par Marie Gillain finit par avouer avoir participé aux horribles meurtres qui lui sont reprochés. Et, très ingénue, dans une scène d'une puissance vertigineuse qui révèle toute son effrayante et monstrueuse inconscience, elle dit "Bon, maintenant que j'ai avoué, je peux rentrer chez moi ?" Alors Chirac, maintenant qu'il a avoué, il peut rentrer chez lui ?

Entendons-nous bien : je ne regrette pas d'avoir fait campagne pour Chirac contre Balladur (et contre Sarkozy) en 1995, il a plusieurs fois été un moindre mal lorsqu'il a fallu choisir, et sa modernisation de la gestion municipale parisienne (merci Juppé) a été remarquable, mais enfin ce type a volé des élections en piochant dans les caisses de la Ville de Paris pendant vingt ans. Et il suffirait qu'il avoue pour rentrer tranquillement chez lui ? Ah non, c'est un peu fort. Et que le PS, coutumier des autoamnisties, lui donne le viatique avec une telle facilité me révolte profondément.

Aujourd'hui, de toutes mes forces, je crois que l'État devrait reprendre l'hippodrome de Compiègne scandaleusement bradé par le ministre indigne Woerth, et je crois que le PS ne devrait pas faire de cadeau à l'ancien président Chirac, dont cependant je salue certains choix positifs.

Plus que jamais, j'ai donc l'impression d'être pris à un piège politique, celui de la bipolarisation, celui du système partisan verrouillé.

Hiérarchiser ses détestations

Que pour échapper aux griffes fascisantes, il faille se jeter dans les bras d'un PS (et satellites) qui révèle en ce moment même qu'il ne vaut guère mieux que son adversaire, c'est le vrai désespoir politique qui gagne ceux qui s'intéressent un peu aux choses de la cité.

À cela s'ajoute l'évidence que c'est le même pouvoir économique qui tire les ficelles de la gauche et de la droite. Mme Bettencourt a longtemps reçu Mmes Mitterrand et Pompidou à sa table, esprit de rassemblement républicain autour des fameuses enveloppes kraft remises en fin de visite, au moment de se quitter, en signe d'allégeance, quelques billets de banque en gage d'amitié. Allégeance des politiques à l'immense puissance d'argent de l'entreprise L'Oréal, mêlée autrefois à la Cagoule, collaborationniste, puis prudemment reconvertie et proche de tous les régimes pourvu qu'ils fissent ce qu'elle voulait.

L'affaire Bettencourt n'en finit pas de révéler ce qu'est devenue la République française, baignée dans un perpétuel torrent de fange. On y voit une nuée de gitons, d'éphèbes, de gigolos, gravitant autour d'un couple qui aime être courtisé et qui, pendant quarante ans, distribue ses enveloppes kraft avec générosité aux étoiles politiques, L'hôtel des Bettencourt à Neuilly fait figure de Parc aux Biches et aux Cerfs, et ses élus deviennent en effet des élus, ils gravissent après avoir gravité.

Ainsi des caprices de boudoir font-ils des carrières ministérielles. Maître Kiejmann était-il déjà l'avocat des Bettencourt lorsque l'ancien cagoulard Mitterrand fit de lui un (bref) ministre ? Luc Chatel a-t-il beaucoup travaillé lorsqu'il émargeait chez L'Oréal avant de devenir ministre ?

Et donc, ce que révèle cette affaire Bettencourt, c'est le réel asservissement de notre classe politique aux puissances économiques qui sont, elles, subjuguées par les mirages de la spéculation financière mondiale. C'est ce qui rend la démarche de Quitterie de Villepin (que nous aimons au moins autant que quand elle se nommait Quitterie Delmas) particulièrement pertinente : si la scène politique n'est qu'un théâtre d'ombres, si en fait les politiques ne sont que des marionnettes, c'est dans la sphère des tireurs de ficelles qu'il faut agir, donc dans la sphère économique, en usant de notre marge de manœuvre personnelle pour, autant que possible, ôter de l'argent (donc du pouvoir) aux tireurs de ficelles actuels et en donner à d'autres qui nous paraissent meilleurs. C'est juste, et je suis fier d'avoir désormais pour banque le Crédit Coopératif, une banque qui ne joue pas en bourse et qui contribue à des projets sociaux et environnementaux.

En complément de cet engagement, Quitterie a fait un long développement dans un commentaire sur le blog d'Arnaud Dassier pour expliquer que les politiques ne la prendraient plus dans leurs filets. C'est juste aussi, et ma lecture de ces phrases de Quitterie n'est pas que je renvoie désormais tous les politiques dos à dos sans nuance, mais que je dirai publiquement ce que je pensais depuis longtemps : je ne suis pas dupe. Ils peuvent dire et faire dire ce qu'ils veulent, je ne serai pas dupe. Je savais les turpitudes chiraquiennes lorsque j'ai fait sa campagne en 1995, je n'étais dupe de rien, mais il fallait faire obstacle au trio infernal Balladur-Pasqua-Sarkozy. Je n'étais pas dupe de Bayrou ensuite, car je savais de près sa gestion méprisante des adhérents des partis qu'il a successivement dirigés. Je n'étais pas dupe, mais je ne le disais pas, je laissais croire qu'un miracle était possible, je participais à l'effort d'illusion, parce que j'avais la conviction que, de tout le personnel politique disponible, Bayrou était le moindre mal, ce que je continue à croire.

Désormais, je ne me contenterai plus de penser que je ne suis pas dupe : je le dirai aussi. Je dirai par exemple qu'il n'y aura pas de miracle en 2012, mais que dans cette élection, il faudra choisir le moindre mal.

Et je continuerai à choisir parmi les candidats, je continuerai à me prononcer.

La vérité et le courage, centrisme historique

Je crois que mon blog, ensommeillé depuis des mois, va retrouver un peu d'activité. C'est qu'il me semble que sa voix (et mon expérience) manque à la blogosphère. Non pas que je me considère meilleur, mais simplement que, parmi les blogueurs politiques, mon chemin est singulier, mon regard n'est certainement pas le plus important, mais il n'exprime pas seulement ma pensée ni ma sensibilité, il témoigne de ce qu'un centriste au sens banal et presque historique du terme peut penser de l'actualité politique.

Il y a des quantités de blogueurs de gauche, des blogueurs libéraux, des blogueurs indépendants, mais d'authentiques blogueurs formés à la politique par le milieu centriste, il n'y en a pas foule. Pour participer équitablement au débat, je tenterai donc d'apporter désormais ce regard d'un ancien adhérent des JDS, du CDS, de Force Démocrate, de l'UDF, d'un ancien barriste, plus que du MoDem lui-même dont je reste cependant adhérent.

Cette filiation et ce parcours politiques se sont beaucoup enrichis dans les dernières années, mais je m'aperçois que c'est le substrat qui l'emporte dans le choix politique, dans le choix entre un mal et un moindre mal. Puisque je suis en mesure d'être ce témoin, je m'y efforcerai.

L'utilité de ce point de vue exprimé est par exemple que, lorsque j'entends la gauche reprocher à Bayrou de n'avoir pas appelé à voter Royal au deuxième tour en 2007, je suis en mesure de dire que ça n'aurait pas marché, parce que la révélation des tares du candidat de droite n'avait pas fonctionné, et que la particularité la plus forte de l'électorat centriste est que, comme disait Hugo, "à la consigne je préfère la conscience", c'est-à-dire qu'il écoute poliment ce que disent les candidats, y compris les candidats centristes, mais qu'il se détermine par l'effort de son propre cerveau. Il n'y a pas de discipline électorale centriste, chacun est libre de ses idées et de ses choix. C'est pour que ce point de vue soit compris que je tiendrai ce blog, en relayant aussi, par affection, les éventuelles initiatives de Quitterie.

J'invite enfin mes lecteurs à lire le beau texte de Jean-Pierre Rioux paru à la une d'Ouest-France ce week-end : il dit des choses très justes sur le courage. À très vite.

13/06/2010

L'alibi centriste.

J'ai vu passer des info sur le congrès du Nouveau Centre à Tours. Dans le même temps, hier, soir Jean-Vincent Placé, dont la forte voix a pesé sur les débats récents de la mouvance écolo, expliquait que l'origine de son engagement écolo et politique était son travail avec le regretté Michel Crépeau, longtemps maire radsoc et centre gauche de La Rochelle (un qui aimait téter la dive, soit dit en passant et sauf son respect). Peu de jours plus tôt, Jean-François Kahn et François Bayrou avaient échangé sur le même thème.

Que se passe-t-il donc ? Pourquoi tant de bulles au centre ? Lors des derniers scrutins, on a plutôt vu la balle au centre, de ces balles faites pour tuer et non pour finir au fond des filets d'une coupe du monde. Pan !

Autant dire tout de suite que la stratégie des "néocentristes" n'a rien à voir avec la problématique du centre : ce peloton d'ex-UDF cherche à sauver ses meubles pour 2012. Froncer les sourcils et rouler des mécaniques est une façon de paraître jouer le rapport de forces. Mais le NC ne se donne pas d'autre horizon que l'alliance avec l'UMP, et donc se définit, jusqu'ici en tout cas, comme une fraction de la droite.

Au passage, je rappelle que pour certains vieux élus UMP et ex-UDF, l'existence d'un second parti à droite, pourvu qu'il ne soit pas trop fort, est un instrument pour conserver des positions électives. "Je rassemble", disent-ils en soutenant en sous-main un faux centre croupion, side-car de leur attelage UMP.

Bayrou, en détachant le centre de la droite, leur a ôté leur gagne-pain. Morin reprendra-t-il le rôle ? Peut-être. L'UMP a intérêt à se doter de satellites pour glaner des voix pour le second tour, on a bien vu que le manque de réserves de voix pesait sur les scrutins locaux contre la droite, mais la droite est incurable et ne supporte pas le pluralisme.

De toutes façons, à quoi servirait une candidature NC ?

En fait, c'est Kahn qui a raison : la question centriste n'est pas centrale. Ce qu'il faut, et ce dont notre pays a besoin dans la très grande épreuve que l'Histoire lui prépare, c'est un projet global : sage économiquement et budgétairement, mais pas seulement, proposant une croissance sobre mais pas seulement, valorisant les PME mais pas seulement, améliorant l'impact écologique de notre vie en société mais pas seulement, retrouvant un respect épanoui de nos droits de l'Homme mais pas seulement, ouvrant la voie très largement à la génération Y mais pas seulement, comprenant les bouleversements induits par le développement d'Internet mais pas seulement.

On me pardonnera de raisonner en historien, mais ce qui m'attirera lors de la prochaine campagne présidentielle, ce sera un projet qui repose sur une authentique vision historique de notre pays et de l'Europe, très au-delà des pitreries politiques quotidiennes.

Bayrou, qui reste mon candidat naturel, a profondément déçu une partie des écolo qui le tient pour un faussaire dans leur domaine. Il aura à leur prouver sa sincérité. Il aura, de même, à expliquer pourquoi il paraît s'être rapproché de Sarkozy.

Pour qui le connaît depuis longtemps, et c'est mon cas même si je ne suis pas son intime, je n'ai aucun doute qu'il ne s'est soumis à rien : Bayrou a la tête aussi dure que cele d'un Breton, il ne cède jamais. En revanche, la petite opé tactique qu'il mène pourrait bien lui offrir des résultats fructueux lors du congrès de l'UDF qui doit se tenir à l'automne et qui est prévu pour être le dernier.

Et d'ailleurs, la prétendue candidature de Morin, n'a-t-elle pas, elle aussi, ce congrès UDF pour unique but ? En se posant en présidentiable et en défenseur intrépide des valeurs centristes, Morin ne cherche-t-il pas à se hausser jusqu'au niveau de Bayrou ? Se hisser jusqu'à sembler être un contrepoids. La grenouille se rêve dans la peau du cheval.

J'ai fait cette note pour donner des clefs de lecture aux très nombreux observateurs qui ne comprennent rien à ce qui se passe. Eh bien, pour la dernière fois, le fantôme de l'UDF plane sur la politique française.

10/06/2010

Notre république.

Le débat a été ouvert par Marianne reprenant un commentaire de François Bayrou sur un article de Jean-François Kahn sur son blog.

J'ai écrit moi-même que depuis bientôt trente ans que je vote, j'ai toujours voté le plus au centre possible. Il n'a jamais été question pour moi de voter pour la droite en tant que telle et la gauche ... m'a toujours donné envie de voter au centre, du moins le plus au centre possible, car il y avait toujours quelque chose qui me chagrinait dans la gauche, dans cette gauche dont beaucoup d'idéaux sont les miens.

En mars 1983, j'ai voté aux municipales à Combrit, mon port d'attache breton, un vote avec préférence et panachage, disons que ça ne compte pas. J'avais dix-huit ans et quatre mois.

Passons aux présidentielles de 1988 : au premier tour, j'ai voté pour Raymond Barre, l'État impartial et la sagesse budgétaire. Au deuxième tour, j'ai voté Mitterrand, Chirac restant engoncé dans les principes du tandem Pasqua-Madelin.

En 1995, j'ai fait la campagne de Jacques Chirac dès le premier tour. De toute évidence, il était plus autoritaire mais moins réactionnaire que Balladur, et Jospin était trop américanophile, ce qui s'est d'ailleurs vu dans sa politique à partir de 1997.

En 2002, Bayrou au premier et Chirac au deuxième.

En 2007, Bayrou au premier et Royal au deuxième.

Je fais partie de cet électorat qui n'a pas de parti pris, qui est capable de voter pour ce qui lui semble le plus proche de l'intérêt général, se résignant à un choix éventuel, qui reste en somme à convaincre pour la droite ou la gauche ou qui, mieux encore, espère ce que Kahn a nommé, d'un mot heureux, une politique qui soit devant.

Liberté, égalité, fraternité

Bayrou, dans son commentaire devenu article, évoque l'identité démocrate représentée par le Parti Démocrate américain (souvenir d'une stratégie élaborée avec Clinton et Prodi voici plus de quinze ans), son équivalent indien (je suppose qu'il s'agit du Parti du Congrès, les héritiers de Gandhi et de Nehru, mais je ne vois pas le mot démocrate) et son homologue japonais. Selon Bayrou, la référence française de ce courant mondiale est ... républicaine. Hum. Bon, disons que l'ancrage dans une vision mondiale est une idée constructive et laissons l'approfondissement de l'exégèse à ceux qu'elle intéressera.

Pour nous Français (il faut bien que nous fassions avec ce que nous sommes et nous manquerions à notre devoir dans le concert mondial si nous l'oubliions), la question remonte à Clovis. Lorsque Clovis devient le patron d'une partie des maîtres de la Gaule, l'essentiel des monarques européens pratique une sorte très anticipatrice de calvinisme qu'on appelle l'arianisme qui a l'avantage ou l'inconvénient de justifier le pouvoir monarchique au détriment de l'égalité des citoyens.

Clovis est soutenu par deux archevêques seulement : celui de Tours et celui de Reims, qui sont dans le camp de l'évêque de Rome qui deviendra le pape. Clovis élimine les Ariens (à ne pas confondre avec les Aryens) et installe la primauté de Rome en Occident, y compris un certain nombre de principes fondateurs de l'idéologie occidentale, dont le libre-arbitre. Pendant des siècles, y compris du temps de Charlemagne, la France sera liée à Rome par ces actes fondateurs.

Au passage, je signale à mes amis bretons qu'il est plus que vraisemblable que, du temps de Clovis, la Bretagne armoricaine n'y était pas, qu'elle s'épanouissait dans un autre monde chrétien avec les Gallois et les Corniques, et peut-être les Irlandais.

Lorsque la monarchie espagnole devient cumularde au point de se lier avec les Habsbourg d'Autriche, vers 1500, la France, dont les relations avec le Saint-Siège n'ont pas toujours été de tout repos, mais qui a assumé la primauté aux Croisades, se retrouve reléguée au second rang, pour un peu plus d'un siècle.

Elle inaugure alors ses relations avec ce qu'on nomme la Sublime Porte, l'empire turc.

François Ier, qui invente cette politique, inaugure aussi la monarchie absolue et nationalise le clergé : il soumet l'état-civil aux lois de l'État, et s'il en confie la tenue aux gens d'Église, c'est par délégation de service public, les clercs d'Église sont agents de l'État, la majorité de leur chiffre d'affaires provient de jurislations étatiques. La théorie dite du gallicanisme (antérieure) trouverait son plein sens si les guerres de religion, peu après François Ier, ne la reléguaient pas au second plan jusqu'au XVIIe siècle.

Le rôle de France "fille aînée de l'Église" dure finalement, cahin-caha, jusqu'à la Révolution française.

Il faut être conscient que le rôle historique de la France pendant près de mille trois cents ans est intimement lié à cette notion de "fille aînée". La France est celle par qui l'Église de Rome est accouchée d'elle-même.

En y renonçant en 1789, la France a donc fait un acte historique d'importance millénaire, qui a d'ailleurs réjoui  notamment les protestants parce qu'il affaiblissait Rome.

Les principes refondateurs, liberté, égalité, propriété, sont devenus en 1848 liberté, égalité, fraternité. Ce sont les principes de notre république.

Des polémiques

C'est écrit dans la belle langue française du XVIIIe siècle : la liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Tout, ce n'est pas rien. Tout, c'est ce qu'en termes classiques nous nommerions la licence. Dans une certaine sphère, la liberté est un absolu : tout. Sa seule limite, mais quelle limite, est "ce qui ne nuit pas à autrui". Or ce qui nuit à autrui est ce qu'on nomme en droit ce qui "fait grief" à autrui. Ce qui fait grief est ce qui engage la responsabilité juridique. La liberté a pour limite la responsabilité. La dialectique liberté/responsabilité est la première composante de notre identié républicaine.

L'égalité est une notion beaucoup plus ambiguë, dont la traduction textuelle est quasi-sybilline : égaux en droits. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. L'égalité juridique, le principe d'égalité de naissance, l'égalité de condition, c'est un principe d'émancipation, dont la limite est recherchée par d'autres conceptions répiublicaines. Liberté formelle ou liberté réelle est ainsi un thème central de la pensée marxiste au XXe siècle. Et plus récemment, l'idée de la discrimination positive comme moyen d'atteindre à une égalité moins formelle et plus réelle nous a prouvé que les conceptions américaine et soviétique étaient moins opposées qu'elles ne le prétendaient. En fait, le complément de la défintion du principe d'égalité se trouve dans un passage de la déclaration des droits de l'homme de 1789 : les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. Voilà une source inépuisable de réflexion sur la dialectique qui unit et oppose l'individu à la Société.

Sans la fraternité, la liberté et l'égalité sont deux tyrannies symétriques. La liberté qu'on impose est une tyrannie ("on n'enseigne pas la liberté à la pointe des baïonnettes", écrivait quelqu'un sous la Révolution française, quelqu'un que Bush aurait dû lire). L'égalité qu'on impose, tovaritch, est une autre tyrannie. La fraternité est l'élan de conscience, basé sur la sincérité, sans lequel la liberté et l'égalité sont vouées l'une au néolibéralisme, l'autre au goulag.

Le lien de ces trois valeurs entre elles est le ciment de notre conception de la vie en Société.

Deux autres notions se sont agglomrées à la devise républicaine : la laïcité et l'unité.

La laïcité est devenue la valeur la plus polémique de toutes, pour la double raison que le modèle dominant anglo-saxon n'est pas laïque et que l'interprétation de la laïcité a longtemps été une hostilité viscérale à l'encontre de l'Église catholique romaine.

En fait, les choses sont moins simples qu'il n'y paraît. La laïcité est un principe plus général de neutralité de l'État, de distinction du public et du privé, qui a des conséquences sur la séparation des vies privée et publique de nos dirigeants, et sur la répartition des rôles entre Société civile et État. Si on l'exprime d'une façon contemporaine, nous dirons que la laïcité est l'indépendance des décisions politiques à l'endroit des lobbys, l'Église catholique, directement concernée, est ici un lobby comme un autre, une conception particulière qui voudrait imposer ses vues aux décisions publiques de même que les producteurs de maïs voudraient que l'État ne mange que du maïs.

En pratique, la laïcité française, organisée par la loi de 1905, a permis à l'Église de France de s'extraire du gallicanisme et d'éviter que le clergé ne soit nommé par le pouvoir politique au lieu de l'être par Rome, cependant que l'entretien et l'usage des édifices de cultes étaient garantis par l'État.

Aujourd'hui, la laöcité est encore plus polémique, parce qu'elle est vue par certains musulmans pratiquants comme un moyen de brimer leur culte.

L'unité ("La France est une république indivisible") est la dernière valeur polémique, mes amis bretons pourront en témoigner, et de fait, si j'admire et revendique l'esprit républicain comme étant le mien, je suis amené à reconnaître que la Bretagne a subi de nombreuses injustices qio n'ont pas encore été réparées.

La république est une construction éthique et humaine fondée sur le trio indissoluble de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. Au fond, le reste est inutile bavardage.

27/05/2010

Je voterai Bayrou en 2012.

Je m'étais promis de ne rien dire, mais ma participation à la République des Blogs (RdB), hier soir, m'a rappelé pourquoi depuis trente ans, je vote centriste.

Je n'avais pas participé à la RdB depuis plus d'un an, depuis ces séances un peu ridicules où les blogueurs politiques ont rencontré successivement Benoït Hamon (dont l'unique qualité est d'être breton), Michel Barnier (européen de la rubrique tartuffe), Jean-François Kahn (qui dit souvent ce que je pense) et Daniel Cohn-Bendit (dont les écrits pédophiles étaient retombés dans l'oubli depuis dix ans).

La RdB est censée permettre la rencontre de blogueurs de toutes les couleurs politiques et, durant la dernière élection présidentielle, sous la houlette de Versac, alias Nicolas Vanbremeersch, elle a joué à peu près ce rôle. Depuis la présidentielle, nombre de blogueurs, dont Quitterie n'est pas la moindre, ont déserté pour des rivages plus bling-bling, soit sur Facebook, soit sur Twitter.

En vérité, la blogosphère s'est dénaturée, ses éléments les plus notables l'ont désertée soit vers des cieux professionnels plus hospitaliers, soit vers un militantisme qui n'intéresse qu'eux-mêmes.

Des grandes heures de l'élection présiidentielle, où tout le monde se précipitait à la RdB parce qu'il fallait y être, à cette énième RdB peuplée de vingt ou trente blogueurs à tout casser, on mesure le triste chemin parcouru et l'alerte évolution des snobinards, toujours prompts à courir là où leur intérêt se trouve, et à ne pas aller là où l'opinion publique du moment ne commande pas de se rendre.

J'avoue que je suis triste de compter Quitterie parmi ces snobinards, parce que je lui écrivais encore un mot hier, mais la réalité m'a tellement frappé hier soir, que je ne peux pas ne rien dire : c'est honteux.

Qu'ont donc perdu les blogs depuis qu'ils ont permis à tant de petits marquis de se faire valoir ?

Rien, sinon qu'en 2005, on les avait crus responsables de l'échec du référendum constitutionnel européen, (ce qui était faux) et qu'en 2007, ils ont occupé l'avant-scène médiatique électorale. Ils ont permis à une armée de seconds couteaux de grimper jusqu'aux premiers rangs. Les voici déchus, et la RdB avec eux, c'est la loi du mircocosme et du monde des paillettes.

Ce qu'ils ont perdu ? Les feux de la rampe, rien pour moi ou pour vous, tout pour les intrigants et les carriéristes qui ont fait de la présidentielle leur marchepied personnel.

Et je dois dire que, devant tout ce vide incarné par les résidus d'une blogosphère qui, il est vrai, a peut-être pété un peu plus haut que nécessaire, j'ai été secoué. J'ai, plus encore, eu à m'interroger sur mon propre engagement politique, là, comme ça, sur un coin de table, en peu de temps, alors pourtant qu'il y a près de trente ans que je me suis engagé et que je m'étais juré depuis des mois de ne plus rien dire avant de prendre position pour la prochaine présidentielle.

Les blogueurs qui restent sont de gauche. Un des meneurs de la RdB me le confiait hier soir, il ne reste plus guère de ces blogueurs impartiaux qui ont fait les belles heures de la dernière présidentielle, le militantisme a tout gâté. Il a tout dénaturé. C'est donc l'esprit de l'écriture d'un blog qui est en cause.

On évoquait le beau temps des blogs, celui où le MoDem faisait jeu égal avec la gauche, grâce au charisme de Quitterie.

Mais elle aussi a déserté pour les feux illusoires de Txitter et de Facebook, qui sans doute lui rapportent plus de joies narcissiques, et plus de satisfactions professionnelles, ces deux médiocrités de l'action civique.

Il n'y a plus de ces beaux débats de la RdB, plus rien qu'un fantôme que nous avons tenté de faire bouger dans la nuit parisienne.

Et tout de même, en parlant avec ces gens de gauche, je sais quoi voter en 2012, je sais pourquoi depuis trente ans j'ai toujours voté le plus au centre possible, je sais que, en 2012, je voterai de nouveau Bayrou.

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21/05/2010

Celtes oranges.

La carte du récent scrutin britannique est étonnante.

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On voit très clairement comme les régions périphériques se démarquent par un vote où la troisième voie (les libéraux-démocrates ou libdems figurés en orange) est parfois nettement majoritaire, comme en Écosse. Pour ce dernier territoire, l'impression est, il est vrai, renforcée par la couleur jaune des nationalistes éciossais.

Ce vote périphérique renvoie à ce qu'a longtemp été le vote UDF, un vote contre la capitale, contre le pouvoir central, contre l'uniformisation des pays. Disons qu'il y a, dans le contexte britannique, un rejet du jeu bipolaire par les nations unies à la couronne d'Angleterre. De fait, la bipolarisation n'est pas un réflexe celtique.

Ah oui, au fait, pour ceux qui l'ignorent, l'Écosse, le pays de Galles et la Cornouailles sont les trois nations celtiques de la grande-Bretagne, celles qui parlent ou ont parké des langages celtiques, le gallois est même très proche de certaines branches du breton continental, ce qui n'est pas étonnant, étant dnné que les auteurs antiques disent qu'on parlait dans la grande île une variante du gaulois.

Il y a donc, dans les vallées austères de l'Écosse, dans les paysages miniers de Galles et sur les rivages venteux de la Cornouailles, le même tempérament que celui que nous connaissons en Bretagne : une méfiance contre le manichéisme et contre les oukases du pouvoir central. Il va de soi que ce tempérament n'est pas transmis par les gènes, mais qu'il fait partie de l'ambiance, de la culture ordinaire, d'une imprégnation commune.

La bipolarisation, c'est bien anglo-saxon, on la trouve intacte dans l'espace qui, voici plus de mille ans, a été décrit comme "l'heptarchie anglo-saxonne", cet ensemble de royaume nordiques implantés dans ce qui allait devenir l'Angleterre. Les Celtes n'ont pas de ces idées-là et le prouvent dès qu'on leur en donne l'occasion.

Scrutin à un tour et proportionnelle

L'un des effets de ce vote britannique, on l'a vu, a été de produire un gouvernement de coalition, ce qui n'avait plus été vu à Londres depuis des lustres. Ce peut-être la fin d'un mythe, qui veut que le scrutin à un tour soit un oouperet implacable contre le pluralisme, et qu'il impose la bipolarisation la plus automatique.

D'ailleurs, le lendemain même du vote, la majorité au pouvoir en France a annoncé qu'elle renonçait à l'hypothèse d'instaurer une combinaison de scrutin proportionnel et de scrutin à un tour pour l'émection des futurs conseillers territoriaux en 2014. Désormais, le pouvoir français veut étendre aux régions le mode d'élection des conseillers généraux. C'est un retour en arrière considérable pour notre pays où, depuis trente ans, la proportionnelle a fait des progrès très notables et très utiles.

Ce mode de scrutin a été choisi par les constituants de la IVe république en 1946, il avait l'avantage de la justice et d'une forme d'égalité des courants de pensée, qui pouvaient coexister au parlement sans encombre. Il avait cependant l'inconvénient d'encourager l'instabilité gouvernementale, qui encourageait à son tour le vote pour les adversaires de cette république : les gaullistes et les communistes.

Dans sa deuxième phase, la IVe république inventa les apparentements, un système qui combinait la logique majoritaire et la logique proportionnelle, dont le résultat était à mon avis injuste dans certaines circonscriptions, mais qui a inspiré depuis le mode d'élection municipal et régional, avec un avantage à la liste arrivée en tête. La particularité était que les partis se présentaient séparément, mais annonçaient d'avance qu'ils allaient gouverner ensemble. S'ils atteignaient la majorité des voix dans un département, tous les députés de ce département leur revenaient, répartis entre eux selon la logique proportionnelle. Au fond, c'est la même système que celui des investitures communes de notre république, où les partis vassalisés obtiennent des miettes de la part des plus grands, avec cette nuance qu'alors, les partis se présentaient séparément aux électeurs, qui demeuraient seuls maîtres de la répartition des sièges, ce qui était tout de même plus juste.

Le scrutin à deux tours, auquel l'UMP reste attachée, force les partis à s'entendre, ce qui ne serait pas grave en soi, mais surtout, il conduit les plus faibles à l'assimilation aux plus forts. C'est ainsi que, de candidatures uniques en candidatures uniques du RPR et de l'UDF à partir de 1983, on a fini par créer l'UMP, et, de la même façon, que les communistes et les radicaux de gauches ont été phagocytés par le PS. C'est donc une machine non pas contre le pluralisme des structures partisanes, mais contre le pluralisme des idées.

Deux présidents proportionnalistes

Pendant plus de vingt ans, les présidents français ont été proportionnalistes : Valéry Giscard d'Estaing (VGE) et François Mitterrand avaient un point commun, celui d'être issus de ce qu'on a nommé, sous la IVe république, la "troisième force", qui comprenait les Indépendants (CNI), les Radicaux, les Démocrates-Chrétiens (MRP), les socialistes (SFIO) et l'UDSR de Mitterrand et Pleven ("deux bien grands crocodiles pour un bien petit marigot", persiflaient les chansonniers).

VGE instaura la proportionnelle intégrale dans le cadre national pour l'élection des députés européens en 1979, Mitterrand la choisit pour l'élection des conseils régionaux en 1986 et on ne doit pas négliger que ce soit par conviction autant que par calcul qu'il l'établit pour l'élection législative de 1986. C'était une volonté de rétablir le pluralisme et la respiration intellectuelle d'un pays dont l'imagination et la créativité s'étaient beaucoup desséchées en deux décennies de Ve république (ce qui n'empêche pas de voir que cette république a par ailleurs accompli de grandes choses).

Depuis l'arrivée de Jacques Chirac au pouvoir en 1995, la tendance proportionnaliste s'est d'abord ralentie, puis inversée. Le choix de la proportionnelle de grandes circonscriptions pour l'élection européenne de 2004 a été le signal du retour vers le scrutin majoritaire. La fusion politique des départements et des régions, logique dans un cadre proportionnaliste, est en fait le temps ultime d'un retour à l'asphyxie du pluralisme si l'on élit les conseillers au scrutin uninominal à deux tours. Dommage.

15/03/2010

La déception est aussi ample que l'a été l'espérance.

Souvenons-nous de l'élection présidentielle, il n'y a pas encore trois ans : la ruée sur les urnes, des files d'attente interminables, un engouement instinctif et viscéral, le besoin, l'urgence même, de s'exprimer, de prendre parti, de faire obstacle à tel ou tel, de propulser telle ou telle idée. Une campagne au vitriol, des arguments de cour de récréation avaient conféré une dimension passionnelle au scrutin.

L'électorat d'extrême droite se croyait compris par le candidat de la droite. La nouvelle génération se croyait enlevée par l'essor de celui du centre, fédérateur, au-delà des passions et des clans. Et l'immense masse des électeurs qui n'ont pas d'opinion définitive s'était prise aux jeu des espérances, celle surtout d'une politique rénovée, réconciliée, nettoyée. La faible participation de 2002 avait propulsé Le Pen au deuxième tour, il avait fallu donc en 2007 choisir un autre candidat capable de faire obstacle à cette souillure. Enfin, le retour du volontarisme en politique laissait espérer un regain d'efficacité des politiques publiques.

De mois en mois, depuis, la désillusion n'a cessé de s'accroître. Et les électeurs de déserter les urnes.

Qu'on ne croie pas que je néglige la qualité de la gestion des régions par les présidents socialistes. Au fond, les électeurs ne savent pas ce que font les régions et, n'ayant guère de reproche à faire à cet inconnu, trouvent l'occasion d'en faire au gouvernement. Disons que cette qualité est en filigrane, mais que l'abstention effrayante et massive prouve l'étendue du doute qui ne cesse de se creuser entre le peuple et ses élus, qu'ils soient bons ou non.

Chacun imagine les valises de billets de banque qui continuent à circuler, les paiements de dessous de table en timbres-poste, les cadeaux royaux aux copains sur le dos du contribuable. Et les déficits se creusent pendant que les poches des copains s'emplissent. On ferme des hôpitaux, on réduit les retraites, mais on vend les autoroutes pour une bouchée de pain, on passe commande aux entreprises amies, on subventionne les ONG amies, les assos des copains. Et on sacrifie l'avenir à la cupidité.

J'espère qu'au moins, la fusion des listes écolo et socialo permettra de faire tomber deux projets stupides : l'aéroport ND des Landes en Bretagne et la reconstruction de Jean Bouin à Paris. Si ce but minimal n'est pas atteint, nous saurons que l'ultime refuge des espoirs si souvent déçus s'est éteint lui aussi.

Et alors, tremblons, car les pires aventures se profileront à l'horizon de la France.

EDIT : je constate qu'en Pays de Loire, les écolo se sont ralliés à une position parfaitement tartuffe : la région ne pourra financer l'aéroport ND des Landes que sous forme d'"avance remboursable", càd de prêt. Cela ne signifie même pas que la nouvelle liste rose et verte prenne réellement position contre cet aéroport. D'ailleurs, les autres collectivités concernées, et qui pour les plus importantes sont dirigées par le PS, n'ont pas annoncé retirer leur soutien au nouvel aéroport. Il y a donc trahison à tous les étages, avec un piteux "c'est pas moi c'est lui "(l'aéroport est une décision de l'État) répugnant.

Quant à Jean Bouin, si quelqu'un en a entendu parler, qu'il le dise.

En somme, les écolo se rallient au PS en échange de caquettes, de présidences de commissions et de délégations, càd rien. J'ai été adjoint au maire d'un arrondissement de Paris comptant 150000 habitants et je sais à quel point est faible l'influence de l'adjoint sur les projets-clefs. Les verts adjoints de Delanoë à Paris sont bien placés pour témoigner. Je considère donc que l'accord socialo-écolo est d'un bénéfice programmatique nul pour les écolo. L'espoir s'est éteint.

01:33 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : politique, régionales, abstention | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

21/12/2009

Paris - Jean Bouin : le tribunal administratif a annulé la décision municipale de démolition.

Le tribunal administratif de Paris a annulé la décision par laquelle le conseil de Paris a approuvé en février 2007 le principe des travaux au stade Jean Bouin. L'article du Moniteur en dit un peu sur cette décision dont la mairie de Paris veut minimiser la portée, indiquant par ailleurs qu'un nouveau vote aurait lieu le 31 mars prochain. Le choix de cette date du 31 mars soumet le choix d'avenir de Jean Bouin au scrutin des régionales, conformément au souhait des Verts. Il serait logique, en effet, qu'une négociation de deuxième tour avec eux et/ou d'autres formations hostiles au projet, comme le MoDem, puisse aboutir à un report d'une partie importante des crédits prévus pour Jean Bouin vers le tramway.

16/12/2009

Triple "Pan sur le bec" au "Canard" (UDF en plus).

Il est très rare que je dise du mal de la presse écrite, de la presse en général, et des gens en général. Pour la presse écrite, je risquerais d'empiéter sur le territoire de l'excellent Éric de Crise dans les Médias (le lien est dans la marge, colonne de droite, mais je ne le fais pas ici, car autrement Wikio et son précieux classement le pénaliseraient...).

Cependant, aujourd'hui, je dois souffler dans les bronches du volatile, du volubile canard, car trop, c'est trop.

Dès la une, "Le Canard" enchaîne : un sujet sur les impôts sur les sociétés du Cac 40, qui en paient très peu. Pas un mot de la revue Alternatives Économiques qui avait sorti ce scoop, sur lequel j'avais fait une partie de mon article (rédigé après un conseil de Quitterie sur son blog) ici même dès le ... 15 novembre, voici plus d'un mois !

Ensuite, à l'intérieur, un long article de Didier Hassoux (qu'il m'est arrivé de rencontrer au siège du "Canard") sur la réouverture du cercle de jeux Concorde. Étant donné le nombre d'articles sortis depuis des mois sur Bakchich sur ce sujet, il me semble que la moindre des choses aurait été de citer au moins ce site, voire sa version papier, Bakchich Hebdo, qui persiste dans les kiosques (aidé depuis peu par Isabelle Adjani).

Enfin, il y a l'affaire Tapie vs Club Med. On nous explique que Bernard Tapie a fait pression sur les cours de cette entreprise (née sous une forme quasi-coopérative, si ma mémoire est bonne, et devenue ordinaire) pour racheter une proportion non négligeable de son capital, et faire ainsi pression sur l'équipe dirigeante emmenée par Henri (alias Riton) Giscard d'Estaing, l'un des fils de l'ancien président VGE. Les cours du Club sont remontés, et Tapie a revendu ses parts avec moult bénéfice. Que le "Canard" trouve le moyen de donner cette info sans faire le lien avec le fait que VGE soit depuis lors descendu de son olympe et du château d'Estaing pour souffleter les actuels dirigeants d'une UDF qui n'est plus qu'un fantôme, relève d'une cécité dont le "Canard" ne se vante habituellement pas. Tapie a quand même juré la mort politique de Bayrou qui l'a abondamment dénoncé lors de son indemnisation étrange par l'État sur décision politique.

Il n'est pas question pour moi de défendre Bayrou, il est bien assez grand pour le faire tout seul et, comme je l'ai écrit, je suis perplexe sur mon éventuel vote de mars prochain, mais la double imposture de ceux qui se réclament d'une marque commerciale UDF (a-t-on vu qu'un parti politique soit une échoppe ? c'est bien une idée de maquereaux politiques faisandés) et d'une prétendue idyllique UDF nimbée des paillettes de la perfection politique et morale, cette double imposture m'agace, et, moi qui suis adhérent de l'UDF presque depuis son origine, je crois utile de dénoncer l'imposture en rétablissant certaines vérités.

L'UDF, une usurpation, déjà

Dans les années 1960, le Sénat a incarné la résistance à la mainmise du parti présidentiel sur tous les rouages de l'État, rouages politiques en particulier. Gaston Monnerville a incarné le Sénat durant la première décennie de la Ve république avec fermeté et calme. Lorsqu'il a fallu le remplacer, en 1968, il y a eu un très grand nombre de tours de scrutin, et finalement, c'est Alain Poher qui est sorti des urnes.

Alain Poher n'était déjà plus un homme jeune, il était né avant la guerre de 1914-18. On l'a traité de falot et d'un certain nombre d'autres noms d'oiseaux, mais on doit inscrire à son actif la ratification, pendant sa seconde présidence de la république par intérim, en 1974, la Convention Européenne des Droits de l'Homme (CEDH), que la France avait refusé de ratifier jusque-là (on croit rêver). Il ne put la faire ratifier complètement, et dut maintenir une réserve, la peine de mort n'était pas abolie. Après son abolition en 1981, la Convention fut enfin pleinement ratifiée.

La ligne politique qui fit élire Poher président du Sénat en 1968 était complexe. Elle préfigura en fait ce qui allait devenir l'UDF. En 1971, les démocrates de Lecanuet et les radicaux de Jean-Jacques Servan-Schreiber (JJSS), qui en étaient le pivot, se rapprochèrent dans une première confédération, le Mouvement Réformateur. D'eux se rapprochèrent quelques socialistes qui désapprouvaient l'Union de la Gauche et l'alliance du PS avec le PCF (ils finirent dans le Parti Social Démocrate, le PSD, de Max Lejeune puis d'André Santini). Lors de l'élection présidentielle de 1974, cet axe s'élargit : il y avait déjà quelques indépendants (CNI) qui s'étaient rapprochés de Lecanuet dans les années 1960, et ce furent les indépendants de l'intérieur de la majorité présidentielle sortante, les Républicains Indépendants qui, avec Giscard, rejoignirent la coalition.

Giscard faisait ainsi au centre à peu près ce que Mitterrand avait fait à la gauche au congrès d'Épinay : il arrivait avec très peu de militants, encore moins d'électeurs, mais offrait sa dynamique personnelle pour la conquête du pouvoir, et prenait, minoritaire, la tête de la troupe. Les réformateurs avaient un capital électoral supérieur à 15 % (que Bayrou n'a curieusement jamais réussi à reconstituer depuis la présidentielle de 2007), les RI représentaient peut-être 3 ou 5 %, la fronde des 44 députés autour de Chirac amenait probablement les 5 ou 6 points qui ont fait la différence contre Jacques Chaban-Delmas, rival de VGE au premier tour.

Après la victoire de Giscard, seuls les réformateurs et les RI restèrent dans le camp de Giscard, Chirac retourna à son UDR qu'il changea bientôt en RPR en 1976. Le changement de sigle choisi par Chirac et ses amis fut probablement une erreur : en créant l'UDF en 1978, Giscard et les siens parurent retrouver le fil de la légitimité présidentielle. La plupart des électeurs sont très peu attentifs à l'actualité politique et les info leur tombent très lentement dans l'oreille. C'est ainsi qu'il faut concevoir la naissance de l'UDF comme une usurpation, une habile récupération de sigle (de l'UDR à l'UDF).

Un livre sortit, officiellement signé par Giscard, et intitulé "Démocratie Française", qui permit de faire comprendre que l'Union pour la Démocratie Française (UDF) était le parti présidentiel.

L'UDF de Giscard et Lecanuet est morte en 1998, vendue au Front National

Dans un premier temps, la récupération fonctionna plutôt bien. Les élections européennes de 1979 virent la déroute du RPR chiraquien et le triomphe de l'UDF giscardienne, emmenée par Simone Veil. Ce fut pourtant son unique succès, car dans les trente ans qui ont suivi, l'UDF est allée de défaite en déroute et son territoire s'est réduit comme peau de chagrin, jusqu'au maintien sous tente à oxygène organisé par le congrès de Villepinte en décembre 2007.

Dans les années 1980, pourtant, l'UDF porte beau : elle détient une forte majorité de conseils généraux et la présidence du Sénat. Peu à peu, miette par miette, Chirac va grignoter tout cela. Vers 1985, Raymond Barre s'impose comme le candidat naturel de l'UDF. On oublie sa phrase malheureuse et suspecte sur l'attentat antisémite de la rue Copernic, en 1980, et on voit qu'il a laissé les finances de l'État redressées et l'industrie prête pour les restructurations que les nationalisations de 1981 ont permis d'accélérer.

En mars 1986, l'UDF et le RPR font chambre à part pour les législatives qui se jouent à la proportionnelle. Catastrophe : le RPR devance l'UDF et l'addition des sièges du RPR et de l'UDF n'a qu'une voix de majorité à l'Assemblée Nationale. Barre va-t-il voter la confiance à Chirac qui sera pourtant son rival à la présidentielle ? Il fait l'erreur de la voter. Je me souviens d'avoir pensé dès cette époque-là qu'il avait tort. En fait, la hiérarchie de la présidentielle se mettait en place : Barre serait devancé au premier tour par Chirac, et ce dernier le serait au second par Mitterrand, dont il acceptait de devenir le subalterne en devenant son premier ministre. Le seul que le vote arrangeait était Mitterrand, et probablement Rocard.

Toujours est-il qu'on vit à l'occasion de la présidentielle de 1988 se dessiner la vraie et laide nature de l'UDF : en début de campagne, en 1986 et 1987, tout le monde, parmi les élites de l'UDF, pouvait se croire "premier-ministrable", mais à mesure que la campagne se déroulait et que la liste des premiers-ministres potentiels de Barre se raccourcissait, les élites en question, quitte à négocier un gros ministère, trouvaient plus rentables de le négocier avec Chirac, qui avait forcément plus de raison de se décarcasser pour obtenir leurs voix.

Le PSD d'André Santini, liens corses obligent, n'eut même jamais l'idée de soutenir Barre. Les autres composantes de l'UDF se délitèrent progressivement. Il faut dire que l'UDF n'était pas un parti politique, mais une confédération de partis. On disait la "nébuleuse" centriste, tant s'y multipliaient les formations, clubs et autres réseaux. Ses dirigeants n'avaient aucun patriotisme de parti. Ils développaient un patriotisme de réseau, souvent transpartisan. La disparition du MRP, par exemple, au début de la Ve république, avait essaimé ses élus un peu partout : Maurice Schumann (à ne pas confondre avec Robert Schuman) avait fait partie des jeunes de Marc Sangnier, comme Marc Bécam qui fut ensuite maire RPR de Quimper. Robert Schwint, inamovible maire PS de Besançon durant une période très longue, venait lui aussi du MRP. Et bien entendu, ce qui restait des cadres du MRP avait servi de soubassement à la création du Centre Démocrate par Jean Lecanuet en 1963. Ces liens de réseaux étaient infiniment plus précieux aux gens de l'UDF que leur propre parti.

Chirac s'emparait aussi des collectivités locales, une par une : tel maire UDF était maintenu en poste à condition d'accepter de céder des délégations-clefs au RPR. La sanction, s'il refusait, était qu'il perdait sa ville, fût-ce au profit de la gauche : depuis 1981, on savait que Chirac pratiquait la politique du pire. De surcroît, il tenait les finances des agriculteurs et la FNSEA, ce qui lui permettait de grignoter la majorité absolue de l'intergroupe UDF au Sénat. Enfin, il avait offert des prébendes aux leaders centristes : parmi les pensionnés de la Ville de Paris, on trouvait par exemple le nom de Lecanuet.

L'élection de René Monory à la succession d'Alain Poher, devenu aveugle et quasi-grabataire, en 1992, fut le dernier feu d'une confédération dont la crise des régionales de 1998 précipita la fin.

La fin de la première UDF, le rôle de Pasqua et du Front National

Lors de l'élection présidentielle de 1995, Giscard, Barre et Monory s'étaient rassemblés pour soutenir la candidature de Chirac. Le soutien de celui-ci à l'adoption du traité de Maestricht, en 1992, avait probablement été le prix de ces ralliements, ou du moins, la preuve. En face de Chirac, le vrai adversaire n'était pas Balladur, mais Pasqua.

En effet, on disait que le fils de Pasqua était très proche des réseaux du Front National (FN), et que, si le FN avait son siège dans les Hauts-de-Seine, ce n'était pas par hasard, car, indirectement mais massivement, le FN était soutenu par le conseil général de ce département, dont le président n'était autre que Charles Pasqua. De fait, Paul Graziani (autre corse) et Pasqua dominaient le département depuis 1982, date à laquelle les lois de décentralisation lui avaient conféré l'énorme budget que chacun connaît aujourd'hui. Le FN ayant prospéré à partir de 1983, on peut imaginer le lien de cause à effet que les gens faisaient.

Pasqua avait essayé de s'emparer de la présidence du Sénat en 1992, peut-être avec l'aide de Pierre Bordry, alors directeur de cabinet du fantomatique Poher, mais Monory avait réussi à conserver le poste à l'UDF.

Le ralliement des principaux leaders historiques de l'UDF à la candidature de Chirac de 1995, pendant que la jeune génération, de Bayrou à Léotard en passant par presque tous les autres, s'enrôlait chez Balladur, scella la première fin de l'UDF, qui était désormais incapable de présenter un candidat à l'élection présidentielle.

Le divorce fut consommé en 1998 : les élections régionales, à la proportionnelle intégrale, virent des majorités relatives de la droite RPR-UDF dans trois régions, qui ne pouvaient aboutir à des présidences de régions de droite qu'avec les voix des élus du FN. C'était le cas en Picardie, en Rhône-Alpes et en Languedoc-Roussillon. La composante libérale de l'UDF accepta les voix du FN (sauf les modérés emmenés par Léotard et Robien, qui découpa sa carte de son parti en direct à la télé), cependant que la composante centriste les refusa (sauf Charles Baur en Picardie et Claude Goasguen), ainsi que les radicaux.

Dans la foulée, l'intergroupe UDF perdit la majorité absolue au Sénat, et le chiraquien (merde, je ne me rappelle plus son nom, ni même sa gueule) succéda à Monory (au grand dam de Pasqua, qui aurait bien profité de la disparition de l'UDF pour placer l'un des siens à la tête de la Haute Assemblée, vu qu'il se préparait à une candidature présidentielle en 2002, pour laquelle il avait tout fait pour rendre le FN incontournable et lui-même seul allié possible du FN, seul donc à pouvoir faire gagner ce qu'il nommait la droite au second tour en 2002...).

L'UDF, la première, la vraie, était morte. Il en restait un rogaton, encore présentable en terme d'élus, mais retrognolé, qui devint la Nouvelle UDF.

La nouvelle UDF, l'honneur retrouvé des centristes

En ayant pour fait originaire le refus d'alliance avec le FN, les centristes de la Nouvelle UDF pouvaient marcher le front haut. Mais la dynamique née en 1978 s'était entièrement brisée, et la réalité politique ne pouvait manquer de les rappeler à la modestie. En 1999, l'élection européenne présenta deux droites à égalité, et le centre doit en difficulté. On ne sait pas si Séguin a délibérément sabordé sa campagne euroipéenne pour aider son ex-allié Pasqua qui s'y présentait contre lui, ni si Sarkozy a joué entièrement le jeu, mais le résultat est que le RPR, réparti en deux listes, dépassait deux fois 10 %, proche des scores du FN et de l'UDF nouvelle emmenée par Bayrou.

J'étais alors élu du XVIe arrondissement de Paris et, bureau de vote par bureau de vote, j'avais constaté qu'une partie des électeurs de l'UDF, dès ce moment-là, s'était portée sur la liste écolo emmenée par Daniel Cohn-Bendit (DCB). La porosité des deux électorats était très nette, ce que DCB a su exploiter lors des dernières élections européennes en 2009, qu'il tente de prolonger aux régionales de 2010 (mais la situation est-elle la même ?). Ce n'était donc pas sottement que Bayrou avait tenu à doter son Force Démocrate (successeur du CDS en 1995) d'une vraie aile écologiste.

Le trop faible score de Bayrou aux Européennes passa, parce que les élus n'avaient pas de solution de repli. Mais le score de Bayrou à la présidentielle de 2002 fut encore pire, et la création de l'UMP à cette même époque offrit l'occasion à la plupart d'entre eux de quitter le navire qui faisait eau de toutes parts. Outre quelques indécrottables bayrouistes ou centristes utopiques, et quelques députés émanant de systèmes locaux très efficaces, ne restèrent là que ceux des élus qui souffraient, disons-le, d'une chiracophobie aiguë. Ces mêmes chiracophobes sont la majeure partie de ceux qui, dès avant le premier tour de l'élection de 2007, ont rejoint Sarkozy, qui avait réussi à faire la peau à Chirac.

Entre-temps, l'idée était venue à Bayrou, ou à son entourage, de tourner casaque. Je me souviens d'une conversation avec Éric Azière, qui est proche de Marielle de Sarnez, ce devait être en 2005, au stade Jean Bouin à Paris. Il traçait les perspectives d'avenir, j'en mesurais mal les conséquences à cette époque : désormais, le parti de centre droit serait l'UMP (putain, qu'est-ce que ce serait s'ils étaient l'extrême droite !), et Bayrou... eh bien, ce n'est que plus tard que j'ai entendu parler de "stratégie à l'Italienne". Il s'agissait de se calquer sur une méthode qui avait permis à Romano Prodi de prendre le pouvoir par une vaste coalition allant du centre chrétien jusqu'à une gauche très à gauche, très très à gauche. L'idée du Parti Libéral Démocrate anglais (qui, du centre, déborde la gauche par la gauche) rejoignait la même stratégie, mutatis mutandis, ou du moins offrait une variante possible du même esprit.

Le passage de Bayrou à gauche ne pouvait se faire sans étapes. La création du Mouvement Démocrate fut la première de ces étapes.

L'avant-dernier congrès de l'UDF à Villepinte et la création du Mouvement Démocrate (MoDem)

L'UMP détenant le Sénat et Chirac tenant la FNSEA, la légitimité historique héritée de la première UDF avait tout à fait disparu : Chirac avait fait gagner l'Europe (grande idée commune de la nébuleuse UDF) au référendum de 1992, la décentralisation (autre grande idée commune) avait été organisée par Mitterrand et la bipolarisation avait peu à peu gagné la vie politique jusque dans les communes de taille modeste. Les réseaux démocrates-chrétiens, radicaux-socialistes, ou autres, avaient perdu leur socle sociologique naturel. Il ne restait donc plus rien de cette première UDF.

Giscard lui-même s'était éloigné pour une raison tout à fait futile : Bayrou avait refusé de prendre une de ses maîtresses (dont on disait qu'elle avait un enfant de lui) sur sa liste des Européennes de 1999.

La présidentielle du printemps 2007 s'était faite encore sur l'étiquette UDF, mais les députés avaient quitté le navire bayrouiste entre les deux tours. Au passage, toujours à propos du "Canard" d'aujourd'hui, lorsqu'on prête à Sarkozy la phrase qu'Hervé Morin a attendu l'entre-deux-tours pour rejoindre l'escadre sarkozyste, le "Canard" ne me paraît guère critique. Soit ses info sont fausses, soit (ce qui est plus probable), il entre dans le jeu de la manœuvre tentée par Sarkozy pour récupérer des miettes de ce qu'il reste d'électorat de centre droit à Bayrou.

En effet, on sait que Morin a quitté le sillage de Bayrou pour se placer dans celui de Sarkozy dès les environs du 20 mars 2007. C'est le moment où il devait faire une conférence pour soutenir Bayrou devant les milieux d'affaires londoniens, et où il n'y est pas allé. Le 20 mars est le moment où, comme par hasard, Bayrou a commencé à stagner dans les sondages, et où l'on a su qu'il ne gagnerait pas. Très fidèle à ce qui a été la réalité de l'UDF pendant trente ans, Morin a été le premier à aller à la soupe. Il a attendu l'entre-deux-tours pour emmener avec lui le plus possible de députés.

C'est évidemment Rothschild, patron du cheval en France, qui a été le lien entre Sarkozy et Morin, puisque Morin, comme Bayrou, élève des chevaux. Et d'ailleurs, entre les deux tours, pour marquer la nouvelle situation politique, Sarkozy n'est pas allé inaugurer les chrysanthèmes à Épaignes : il s'est fait filmer à cheval à grand renfort de caméras de télévision...

Ce qui est curieux, dans cette affaire, c'est que les réseaux de Sarnez sont très liés aux intérêts équins, puisque son ex-mari est maire de Deauville après avoir dirigé la société de vente de yearlings à Deauville pendant plusieurs années, et que leur collaboration avec Bayrou a beaucoup aidé celui-ci d'abord auprès de feu Jean-Luc Lagardère (patron du cheval avant Rothschild) puis auprès de Rothschild. Il est vrai que Rothschild, lui, avait de solides raisons de soutenir Sarkozy, notamment par leur soutien commun à la cause de l'État d'Israël.

Cette fois, fin 2007, il ne restait plus qu'une poignée d'élus, quelques poignées de cadres, l'UDF était morte de sa belle mort. Mais le souhait de Michel Mercier (dont on disait déjà qu'il s'était rapproché de Sarkozy) et de Jean Arthuis aboutit à maintenir l'UDF sous tente à oxygène et sous respiration artificielle, Bayrou en étant le président avec une équipe resserrée où Arthuis gardait un pied (d'ailleurs légitime).

Lors de ce qui devait être l'avant-dernier congrès de l'UDF, nous avons décidé qu'à la fin de l'année 2010, un dernier congrès serait réuni, qui se prononcerait sur l'éventuelle absorption de l'UDF par le MoDem.

Agiter le spectre de l'UDF pour effrayer les électeurs de Bayrou

On comprend bien que la manœuvre actuelle a le double but d'une part, d'attirer à Sarkozy les électeurs de Bayrou effrayés par le glissement de leur parti du centre pur et dur vers la gauche, et d'autre part, de repousser vers la gauche (ou plutôt vers les Verts) les électeurs de Bayrou qui détestaient l'UDF et qui pensaient que le MoDem était un parti soit social-libéral, soit social-démocrate, soit social-écologiste, soit social-démocrate-écologiste.

Pour attirer le centre droit, on fait croire que le Nouveau Centre se rebelle, que c'est the return of 2006, quand Bayrou ne vota pas le budget de la droite. Seulement, dans le même temps que cette stratégie est organisée, elle est insupportable à ceux qui l'ont organisée : au NC qui l'assume mal, et à Sarkozy qui, tout en l'agitant d'une main, la retient de l'autre, de peur que l'artifice ne devienne la réalité et que quiconque ose lui faire de l'ombre.

J'ai dit pourquoi Giscard a accepté de se mêler à la mascarade. Tout ceci n'a guère de consistance et ne trompera pas grand monde, sauf quelques grand-mères un peu assoupies qui, de toutes façons, auraient voté Sarkozy au deuxième tour.

Voilà donc Bayrou avec sa doctrine flottante, son parti en pâte à modeler, sa stratégie douloureuse et l'océan qui tangue. Et moi, mine de rien, je m'aperçois que, après avoir traité des écolos, me voici ayant analysé (voire psychanalysé) les centristes. Diable, ça m'ennuierait beaucoup d'avoir à continuer à décrire le prisme électoral, d'autant plus que j'ai une intention assez faible de voter.

Quand au "Canard", je le remercie quand même d'avoir indiqué que la subvention accordée par la Ville de Paris au Stade Français, l'équipe de rugby parisienne, était en principe conditionnée par des séances éducatives dans les écoles des quartiers fauchés, ce qui s'est résumé à une séance (une seule) ... avec des écoles privées.

Mais j'aimerais bien cesser d'avoir l'impression de lire radio-Sarko en lisant les brèves de la deuxième page.

13/12/2009

Les écolos écoblanchissent-ils l'industrie nucléaire ?

Je suis allé voir hier "La Sainte-Victoire", un film assez moyen, et surtout un énième clin d'œil du sarkozysme en faveur du vote vert lors des prochaines élections régionales, la présence de Clavier, ami personnel du président, y signe l'intention élyséenne, cependant que les seuls purs du film, en contrepoint d'une gauche véreuse tenue par les intérêts économiques qui savent utiliser des moyens très en-deçà de la ceinture, sont les Verts.

Cet appui du pouvoir de l'argent à ceux qui sont supposés s'en prendre à lui est évidemment suspect. C'est donc l'occasion de réfléchir à ce que devient en ce moment l'écologie politique en France. On y trouvera, bien entendu, l'écho de l'article que j'ai écrit sur un sujet connexe.

Des liens croisés mais pas assumés avec l'industrie nucléaire

Dans les années 1970, des combats comme celui contre le projet de centrale nucléaire à Plogoff, en Bretagne, ont structuré l'engagement écologique en France. Les coups d'éclat de Greenpeace contre les déchets radioactifs, et contre le site d'essais nucléaire de Mururoa (on se rappelle l'affaire du Rainbow Warrior), les réseaux emblématiques comme Sortir du Nucléaire, ont été autant de jalons sur un chemin qui se poursuit en principe aujourd'hui encore. Les mauvaises langues grinçaient évidemment que les réseaux écolos étaient sans doute financés par l'argent du pétrole, pour s'en prendre aussi invariablement au nucléaire, et aussi rarement aux installations pétrolières, qui ne sont pourtant pas moins polluantes (on le voit bien aujourd'hui).

C'est le réchauffement climatique, on le comprend bien, qui a changé la donne : face à la menace multiple de fonte des glaciers, de montée des océans, de bouleversements des écosystèmes, l'urgence absolue s'est peu à peu imposée : il faut réduire notre consommation de pétrole, un constat qui arrange bien l'industrie nucléaire.

Le vote d'une résolution au parlement européen sur les perspectives du sommet de Copenhague a été le premier signal d'alarme remarqué sur un éventuel rapprochement des écologistes et du nucléaire. En effet, un amendement de la droite a introduit la référence à l'énergie nucléaire comme solution contre le réchauffement climatique. Les Verts français, dès que cet événement a fait du bruit, ont indiqué qu'ayant eu le choix entre laisser voter sans eux une résolution sur une question qui leur tient à cœur (la motion serait même passée sans leur suffrages...) et s'y opposer alors qu'ils avaient tout fait pour qu'elle soit adoptée, ont, en conscience, préféré voter la motion incluant la référence au nucléaire.

Pris par surprise ? Peut-être.

Mais est-on surpris de trouver parmi les signataires de l'"Ultimatum climatique", plateforme médiatique en vue de Copenhague, Nicolas Hulot, et parmi les soutiens de celui-ci, l'EDF (dont le président est d'ailleurs depuis peu un proche du président Sarkozy) ? L'EDF soutient Hulot quand celui-ci, en 2007, fait signer aux trois principaux candidats à l'élection présidentielle un texte qui prévoit la taxation de l'utilisation des ressources fossiles, le pétrole au premier chef. Mais lorsque le parlement français vote ladite taxe carbone, surprise, l'EDF n'est pas taxée... Est-ce vraiment une surprise ?

Bien entendu, on pourrait observer que le tramway, grande idée des écolos français, roule à l'électricité. Il se trouve qu'Alstom, qui produit de nombreux tramways français, est installé à Valenciennes, la ville de Jean-Louis Borloo, ministre ... de l'Environnement.

Je signale au passage une anecdote : lorsqu'en l'an 2000 nous cherchions un candidat pour incarner une liste UDF aux municipales de 2001 à Paris (contre l'avis de Marielle de Sarnez qui avait déjà traité avec l'UMP ou le RPR d'alors), Borloo s'était aimablement dévoué pour venir animer un dîner dans le XIIIe arrondissement, où nous étions un nombre assez proche des 511 élus parisiens d'alors pour pouvoir prétendre avoir la base humaines des listes en question. Borloo est venu, a parlé, nous l'avons applaudi. Et puis, surprise, il n'a plus été candidat, mais, comme par hasard, le tramway a fait son apparition dans tous les programmes électoraux des municipales suivantes, et Borloo est devenu directeur de la campagne présidentielle de Bayrou en 2002, et nous, il nous a laissés en carafe, merci l'artiste. Fermons la parenthèse, on aura noté au passage la promotion de l'économie de sa ville à travers le tramway.

Copenhague : le nucléaire contre le pétrole ?

EDF, l'électricité, le nucléaire civil, voici le nucléaire militaire : le négociateur de la France au sommet de Copenhague n'est autre qu'un personnage d'ailleurs sympathique, Brice Lalonde, un ami de Borloo et ancien ministre de l'environnement comme lui. Brice Lalonde, ministre, un jour, s'est baigné dans les eaux du lagon de Mururoa pour expliquer qu'il n'y avait aucun inconvénient environnemental à avoir fait là les essais nucléaires souterrains. Il n'y a pas de meilleure façon de soutenir un lobby. Brice Lalonde est un ami du nucléaire. Et, n'en doutons pas, il saura s'en souvenir.

Car si j'en crois l'un des textes mis en lien plus haut (celui du Grappe), le protocole de Kyoto excluait formellement l'énergie nucléaire comme solution contre le réchauffement climatique. Si la question se pose de nouveau lors du sommet de Copenhague, si une entourloupe vient contraindre la France à entériner le recours au nucléaire comme moyen de lutte contre le réchauffement climatique, croyez bien que, la larme à l'œil, la France se fera une raison en ne s'opposant pas à un texte qui, certes, contredit des engagements fondamentaux de la lutte pour l'environnement, mais qui est si important par ailleurs... Snif, on en pleure déjà.

Le camp du nucléaire est donc défini, au moins pour la France (je suppose que chaque pays a ses hommes-clefs dans ce sens). Voyons celui du pétrole.

Lorsqu'a éclaté la crise de Dubaï, plusieurs voix se sont interrogées : y avait-il une menace sous-jacente des pétroliers en vue du sommet de Copenhague ? La puissance financière des états du Golfe arabo-persique est telle que ses toussotements peuvent fragiliser l'édifice convalescent de l'argent mondial.

Et puis est venue l'affaire du "Climategate", un piratage effrayant, soit dit en passant, de paquets entiers de mails privés échangés par des scientifiques spécialistes des instances les plus représentatives de la réflexion sur l'évolution du climat (l'une des source du GIEC, l'organe de réflexion mondial sur le climat). Ces mails révélaient que certains scientifiques les plus en vue du GIEC avaient l'habitude de faire ce qu'un grand poète a nommé le "mentir vrai", c'est-à-dire corriger les données pour rendre leur résultat plus spectaculaire, voire peut-être, qu'ils étaient allés jusqu'à éliminer des données importantes qui ne correspondaient pas au schéma de la théorie de la cause principalement humaine (via l'effet de serre) du réchauffement climatique constaté au XXe siècle. Et quand on a creusé dans ce "Climategate", qu'a-t-on trouvé ? du pétrole, ou plutôt la trace des pétroliers.

Nucléaire contre pétrole, le vieux débat ressurgit donc. Or tout ceci serait sans importance s'il n'y avait pas la question criante du climat.

Y a-t-il encore un doute sur l'évolution possible du climat dans les décennies prochaines ?

J'ai lu grâce au site du Point la partie présentée comme la plus cruciale du rapport du GIEC de 2007. C'est un texte très alambiqué, à tendance jargonnante, ce qui n'est pas bon signe. Je crois avoir trouvé dans ses périphrases et ses conditionnels les éléments les plus significatifs, que j'ai indiqués dans un commentaire à mon précédent article donné plus haut en lien. Je me permets de reprendre ces conclusions de lecture telles quelles :

- il y a une coïncidence étroite entre les périodes chaudes de l'histoire de la planète terre, d'une part, et le taux de certains gaz (carbone et méthane en particulier) dans l'atmosphère, d'autre part.

- or comme l'effet de serre a été démontré par un scientifique (français) voici près de deux siècles, il est logique d'établir un lien entre le réchauffement climatique rapide observé au XXe siècle et l'augmentation de la production de ces gaz par l'activité humaine dans ce même siècle et le précédent.

C'est d'ailleurs sur cette base que j'avais trouvé le film présenté par Al Gore très convaincant lorsque je l'ai vu l'an dernier.

- les observations les plus fiables sur la composition de l'atmosphère terrestre sont liées à la calotte glaciaire et ne remontent pas au-delà de 650 000 ans.

- pour les périodes antérieures, les estimations sont faites par des moyens indirects, liées notamment aux fossiles, et à la nature des faune et flore retrouvées.

- les observations prennent en compte ce qui est connu de l'évolution géologique et du rayonnement solaire.

- il y a eu dans les derniers millénaires des périodes de réchauffement parfois très vif, comme de glaciation, mais les scientifiques, compte tenu des données qu'ils utilisent, considèrent que ces poussées dans un sens ou dans l'autre doivent n'avoir pas été homogènes. Autrement dit, la température globale à la surface de la planète n'aurait pas augmenté, tandis qu'elle aurait augmenté ici et diminué là, presque par compensation. La particularité, selon eux, du réchauffement récent est d'affecter toute la planète à la fois.

Cependant, outre les très nombreuses précautions oratoires prises par les rédacteurs qui multiplient les conditionnels, il y a des circonstances importantes qui ne trouvent pas de place dans l'explication globale du climat proposée :

- il y a déjà eu, dans l'histoire terrestre, des périodes de réchauffement global aussi rapide qu'en ce moment.

- il y a déjà eu des périodes où la surconcentration de gaz à effet de serre a suivi de loin le réchauffement et ne l'a pas précédé.

- enfin, chacun qui connaît les administrations sait que les conclusions d'un rapport sont toujours faites avant qu'il ne soit rédigé.

En fait, ce qui manque à ce rapport, c'est la simple démonstration quantitative que l'effet de serre suffit à expliquer l'intensité du réchauffement climatique. Le fait que ce réchauffement ait été prédit ne me paraît finalement pas une indication suffisante en termes scientifiques, j'ai vainement cherché les chiffres preuves, ils existent sans doute.

Il faut reconnaître que la très grande unanimité des milieux scientifiques concernés ne laisse pas beaucoup de place au doute ni à l'éventualité d'une fraude massive. Et cependant, on dit que les dernières observations connues (le dernier rapport du GIEC date de 2007 sur des données forcément antérieures) pourraient contredire la théorie du réchauffement. Il y aurait donc, chez les scientifiques, une forme de réflexe pavlovien qui les conduirait à continuer à prédire le réchauffement, alors que celui-ci est un peu moins probable qu'auparavant.

Donc il n'y a pas de doute que le réchauffement a eu lieu, il y en a un petit sur sa cause et sur l'évolution future du climat. Il n'y en a pas sur la nécessité de réduire notre consommation d'énergies fossiles, et d'économies en général. Reste à partager équitablement le fardeau des économies d'énergie.

La dimension politique planétaire

Quand on a un parc de cinquante hectares, on peut créer un dépotoir personnel à un kilomètre de la maison. Ca ne se voit pas, on n'y pense pas, et le risque que cela ait un inconvénient dans les décennies proches est faible. Quand on a un jardinet de cent mètre carrés, si on y déverse les ordures de la maison, c'est sale, malsain et dangereux, ça se voit tout de suite. La promiscuité d'une humanité de plus de sept milliards d'habitants de la planète est le simple raisonnement qui démontre la nécesité de gérer mieux nos filières de vie, de production et de consommation, de changer l'organisation de notre société. Le recours au GIEC, puis au protocole de Kyoto, a eu l'inconvénient grave de fausser le raisonnement en y incluant des données géostratégiques et politiques, qui ont fait que la lutte pour le climat, au lieu d'être un outil d'amélioration du monde, est devenu un moyen d'accroître les inégalités planétaires.

C'est contre quoi les manifestants de Copenhague sont venus s'insurger publiquement en réclamant l'égalité dans la lutte pour le climat. Il faut dire que le président Obama a fait dire qu'il ne signerait pas un texte qui ne fixe pas une obligation de limite de production de gaz à effet de serre par les pays en développement. De ce fait, Copenhague risque d'être le lieu où sera figée définitivement la répartition des richesses dans le monde. Et l'Amérique réclame la part du lion.

Le fait que la Russie soit très dépendante de ses exportations de pétrole n'a bien entendu aucun rapport avec la mobilisation des États-Unis pour le climat. Le fait que les pays émergents prennent de plus en plus de parts de marché non plus. C'est évident. Nous sommes-nous trompés sur Obama ?

De l'écologie politique aux politiciens à casaque verte

Moustaki, ces jours derniers, s'est "payé" Daniel Cohn-Bendit, qu'il accuse de carriérisme. L'impression que donne l'écologie politique, en France, ces temps derniers, est en fait de s'être piquée au jeu du pouvoir. Le pouvoir est une drogue. Tous ceux qui font ou ont fait de la politique ont, à un moment ou un autre, proclamé qu'ils le faisaient pour des motifs plus grands qu'eux, pour LA cause. Hélas, sans exception, lorsqu'ils ont cédé au compromis pour obtenir le pouvoir, ils ont ensuite oublié la Cause. Le mécanisme décrit pour la gauche dans le film "La Sainte-Victoire" mentionné au début du présent article ne connaît aucune exception.

Dès lors que les écologistes "professionnels" auront, pour accéder au pouvoir, accepté le soutien de ceux dont l'activité même contredit les principes les plus intimement liés à leurs convictions, n'ayons aucun doute que, dans l'exercice du pouvoir, en cas de conflit, l'avantage ira aux soutiens financiers et non pas aux convictions affichées. C'est la règle universelle. Les Verts-EE disent vouloir la présidence de plusieurs régions, certes, mais si c'est pour gérer celles-ci comme les autres partis politiques le font, quel est l'intérêt ? Où est l'avantage ?

Aujourd'hui, c'est de bonne guerre, l'UMP applique le vieux principe de base : si j'ai plusieurs adversaires, mon intérêt est de soutenir le plus faible d'entre eux. Au nom de cette loi de la stratégie, Claude Goasguen, lors des meetings pour sauver le stade Jean Bouin, dit "Nos amis les Verts" (lui, l'ancien d'Occident). Au nom de ce même principe, L'Oréal, EDF et TF1 financent Hulot.

Au nom de ce même principe, si un vaste camion de pompier s'immobilise sur le côté de l'Assemblée Nationale après avoir dû en longer inévitablement les murs surveillés par des policiers, si ce camion prend le temps de stabiliser son assiette (grâce sans doute à des vérins), puis de déployer sa grande échelle (oh, que ça prend du temps, même pour quelques mètres), eh bien les policiers de garde à l'Assemblée, curieusement, ne vont pas voir les militants de Greenpeace avant que ceux-ci soient sur le toit de l'Assemblée, bien en vue. Et la droite va s'emporter contre d'autres militants de Greenpeace qui ont réussi à s'infiltrer dans les tribunes et qui tentent d'envahir les travées. Les vrais opposants, ce sont les Verts-EE, et non pas la vieille gauche empêtrée dans le fric, voilà l'évidence. Au nom de ce même principe, une semaine à peine après l'invasion de l'Assemblée, les cadres de Greenpeace seront reçus personnellement (et avec photos) par le président de la république. Si cela n'est pas de la pub, qu'est-ce qui le sera ?

D'un côté le soutien politique, de l'autre l'argent des consortiums, les Verts-EE ont peut-être vendu l'âme de l'écologie politique au diable. Dommage pour les petits producteurs bio, pour les ouvriers de toujours de la cause écologique, qui pourraient bien se retrouver cocus au nom des intérêts supérieurs de la conquête du pouvoir par les huiles du mouvement écologiste.

La vraie solution contre le réchauffement

Je ne suis pas un écologiste, ce n'est pas mon chemin, j'ai longtemps été favorable au nucléaire contre le pétrole, mais il me semble que ces deux moyens sont désormais également disqualifiés : ce dont nous avons besoin, ce n'est pas de l'EDF, mais que chacun puisse produire son électricité lui-même, ce qui l'incitera évidemment à en faire usage avec plus de discernement. Que les copropriétés installent des panneaux photovoltaIques sur les immeubles, que les gens en placent sur leur maison, qu'on leur prête de quoi le faire, en se remboursant sur l'énergie produite.

Il ne s'agit pas d'augmenter la production globale, mais plutôt de favoriser le bascul vers un mode de production plus sain, à échelle humaine.

C'est cette organisation-là de notre société qu'il faut repenser et révolutionner. Et cela n'a aucun rapport avec aucun vote.

09/12/2009

L'histoire de mon père (le cas Georges Frêche).

Sur Facebook, quelqu'un m'a adressé, voici quelque temps, une invitation à soutenir Georges Frêche pour sa réélection à la présidence de la région Languedoc-Roussillon. Comme la plupart de ces invitations, j'ai laissé celle-ci dormir dans un coin de mon compte. Et puis, voici quelques jours, j'ai éprouvé le besoin de prendre position, j'ai accepté cette invitation à soutenir la réélection de Frêche. Aussitôt, un de mes amis sur Facebook, un blogueur, s'est étonné (et même inquiété) de cette prise de position : on peut difficilement faire plus sulfureux que Frêche selon les canons habituels. Or il se trouve que, parmi les raisons qui m'ont fait agir, il y a le fait que Frêche et mon père sont devenus copains autour de 1973, et que cette circonstance a fait que j'ai eu une lecture très décalée des événements qui ont agité le tocsin de l'opprobre sur Frêche parmi les bien pensants. Voici donc l'histoire de mon père, c'est celle de la France aussi.

Un bourgeois, fils d'officier de marine

Mon père, Alain Torchet, est né fin 1933 à la clinique du Belvédère, un établissement chic de Boulogne-Billancourt, tout près de Paris. Son père, officier de marine, était alors attaché à l'état-major de la marine, place de la Concorde, à Paris, et avait du reste épousé la fille d'un ancien numéro deux de la Marine nationale (on l'appelle la Royale, avec un E à la fin contrairement à Ségolène), croix de guerre 1914-18.

Une enfance bourgeoise dans un quartier parisien aisé, puis à Toulon (port d'attache). Édouard Torchet, mon grand-père, est un père comme on les fait à cette époque : ne s'occupant absolument pas des enfants. Il se singularise surtout en accumulant les titres d'ingénieurs (dix-neuf en tout) et en se consacrant à d'innombrables calculs mathématiques. Suzanne, la mère, joue au bridge. Leurs quatre enfants sont livrés à eux-mêmes et passent pour une bande de garnements particulièrement turbulents.

La guerre s'abat sur leur enfance. Ils sont à Toulon, en zone dite libre. Dès la fin de l'été 1940, Édouard Torchet choisit la Résistance. Il entre dans un réseau militaire, Ceux De La Libération (CDLL), un réseau que j'ai lu être plutôt implanté dans l'armée de l'Air que dans la Marine, mais outre que je crois que les marins ont été assez peu résistants, Édouard avait obtenu une médaille d'or à l'expo universelle de Paris en 1937, pour ses recherches sur la stratosphère où les avions sont plus nombreux que les avisos.

Jusqu'en novembre 1942, Édouard met sa famille sous pression, il lui arrive de partir en mission pour la Résistance, et l'on raconte qu'une fois, sa fille, le sentant obscurément en danger, crut bon de glisser son pistolet de service dans sa valise, ce qui aurait pu lui coûter cher s'il avait tenté de traverser la Ligne de Démarcation avec...

En novembre 1942, Édouard, devenu capitaine de corvette, commande un petit bâtiment ancré dans le port de Toulon. Il refuse de le saborder, mais ne parvient pas à le sauver. Quelques semaines plus tard, il est rayé des cadres de la Marine. Il décide alors de se rendre à Paris, où la Résistance lui a trouvé une situation aux usines Citroën. Sa famille est envoyée au vert, dans le Tarn.

Un frère énarque

Après la Libération, ce sont des établissements scolaires privés, mais variables, aussi bien en qualité qu'en localisation. Dans la Sarthe, en Normandie, à Paris. Alain Torchet a deux frères aînés. Le plus aîné prend son baluchon un jour et part à l'aventure. Le second est tout l'inverse : un bosseur. Il "fait" Sciences-Po, puis la toute jeune École Nationale d'Administration (ÉNA), dont il sort dans la même promotion qu'Édouard Balladur, futur premier ministre, et quelques autres figures (plus industrielles d'ailleurs qu'administratives) comme Jérôme Monod et Jacques Calvet. Ce frère doué pour les études aide Alain à se canaliser (il est plutôt porté sur la fête, pour dire la vérité), et à obtenir un diplôme d'HEC. C'est l'époque où les grandes écoles s'imposent comme l'élite de l'enseignement supérieur français.

À peu près au moment où mon père sort d'HEC, son frère est emporté en peu de temps par un cancer du fumeur (lui qui ne fumait pas). C'est le drame. La mort de ce frère mentor va marquer profondément Alain. Et je peux témoigner qu'encore, le 10 mai 1981, mon père a tenu à voter au nom de son défunt frère qui n'avait jamais été radié des listes électorales. Mais j'anticipe...

La guerre d'Algérie, source d'un militantisme

À l'automne 1957, mon père est appelé à faire son service militaire. Diplômé d'une grande école, il a accès à des fonctions d'officier. Il va passer vingt-sept mois en Algérie, neuf à l'état-major, neuf comme SAS dans le bled, au sud de l'Algérie, à un endroit qui, je crois, s'appelle Colon Béchard. C'est là que, à l'automne 1958, il reçoit la Croix de la Valeur Militaire, une croix de guerre qui ne dit pas son nom, puisque la guerre d'Algérie, officiellement, n'est pas une guerre. Et il rempile pour une année supplémentaire, qui va s'achever ... au bout de neuf mois : il fait la bataille d'Alger et, début 1960, il est rapatrié sanitaire, je n'ai pas pu déterminer pourquoi, mais je sais qu'il a été marqué psychologiquement, voire psychiquement, par l'Algérie.

De même qu'il ne m'a jamais dit un mot de son enfance, ni de l'Occupation, il ne m'a jamais rien dit de ce qu'il avait fait en Algérie.

En rentrant, il se réinscrit en faculté de droit pour compléter son cursus, dans l'idée de se spécialiser dans ce qui l'intéresse : ce qu'on appelle alors d'une locution assez laide, la "fonction de personnel", et qu'on nomme aujourd'hui d'une locution encore plus laide, les "ressources humaines". Une de ses copines, d'origine algéroise, lui présente alors ma mère.

Parallélement à sa reprise d'études, il signe des articles dans "Combat", un quotidien né de la Résistance, longtemps dirigé par Albert Camus, et dont le jeune Philippe Tesson prend la direction au cours de l'année 1960. Il écrira dans "Combat", sous un pseudonyme, jusqu'à la disparition de ce titre en 1974.

À partir des Accords d'Évian, il refuse de s'associer à l'Organisation Armée Secrète (OAS), à ceux qui vont prolonger leur militantisme jusque dans des attentats. Il faut dire qu'à cette époque, mon frère est né. Et puis, sans doute, quand on a fait des choses terribles pour éviter des attentats à Alger, trouve-t-on au moins absurde d'en commettre à Paris.

La création du Parti Socialiste, le congrès d'Épinay

Une jeune famille, un début de carrière, des ennuis de santé, meublent ses années 1960. Il tâtonne en politique, j'ai son calepin pour l'année 1970, on y trouve le numéro de téléphone personnel de Pierre Joxe, futur ministre socialiste, mais aussi celui de Georges Mesmin, futur député centriste du XVIe arrondissement, et ceux de quelques autres. À cette époque, mes parents ont divorcé, il est plus libre pour entreprendre des choses en politique, ce qui le tente, disons-le, vachement.

La création du Parti Socialiste, à Épinay, se fait avec lui. Il est là parce que François Mitterrand a promis d'enlever un million de voix aux communistes. Chacun ses motivations. Politiquement, son admiration personnelle, c'est paradoxal pour un décoré de l'Algérie, a toujours été pour Pierre Mendès France, qui a incarné la probité et la vérité sous la IVe république. Nos contradictions nous nourrissent. Mendès, à cette époque, se remet difficilement de son cuisant échec de 1969 (où il avait eu l'idée très baroque de faire tandem avec le sulfureux maire de Marseille, Gaston Defferre). La SFIO a été aussi ébranlée par le désastre électoral, Mitterrand, roi des manœuvres d'appareil, s'empare du nouveau Parti Socialiste.

Les articles de mon père dans "Combat", à cette époque, traitent souvent des dossiers parisiens, en particulier de l'affaire du "trou des Halles" : on a démoli sottement les halles bâties par l'architecte Baltard sous le Second Empire, et le débat fait rage pour savoir que faire du squelette de fer démonté, et quoi mettre à sa place. Parmi ses combats de l'époque figure aussi le Marché Saint-Germain, dont on dit qu'il date en partie de l'époque romaine, et que Chirac finira par grâcier, bien plus tard, en le posant cependant sur l'un de ses inévitables parkings souterrains.

Mon père va aussi dans le Midi, s'insurger contre le bétonnage qui menace la Camargue et qui sévit autour de la Grande Motte, non loin de chez Georges Frêche.

C'est l'époque d'un PS très créatif : je me souviens des grandes affiches produites par les caricaturistes du "Canard" notamment : on y voyait par exemple Giscard (alors ministre des finances) représenté en pieuvre à manchettes de lustrine, une pieuvre rond-de-cuir. Mon père participait à des soirées culturelles, j'ai des mots charmants signés de Louis Le Pensec, futur ministre de Rocard, ou de quelques autres du même tonneau, qui le traitent de "poète de nos soirées" et autres amabilités dont j'ignore tout, je dois le reconnaître, sinon que mon père, à cette époque, ne détestait pas les jolies femmes, qu'il nous emmenait à la piscine pour pouvoir y draguer les jolies filles, qu'il nous emmenait aux Puces pour pouvoir y draguer les jolies filles, et que nous préférions quand il nous emmenait à la Foire du Trône ou chez des cousins, le dimanche... J'avais six, sept ou huit ans.

Le rapprochement avec Frêche, les dernières années

Il est possible que Frêche ait connu mon père dès 1960 : tous deux étaient alors inscrits à la faculté de droit de Paris. Mon père était plus âgé, mais Frêche, grande gueule, avait de quoi se faire remarquer, lui qui, dit-on, militait alors si fort contre la guerre d'Algérie... S'il m'arrive de rencontrer Frêche, un jour, je lui poserai peut-être cette question.

Or en 1973, Frêche avait été nommé à la faculté de droit de Montpellier. Il s'y présentait aux élections législatives pour le Parti Socialiste. Son échec lui enseigna (c'est ce que dit sa fiche Wikipedia) qu'il avait besoin de se faire pardonner par les pieds-noirs. Sans doute est-ce sur cette base qu'eut lieu le rapprochement avec mon père, qui pouvait promener partout sa décoration algérienne.

C'est à la même époque que mon père a postulé au Grand Orient De France. J'ai encore sa lettre, j'ignore s'ils l'ont admis, mais je crois que ce fut pour lui un moment important que de faire cette démarche.

Après "Combat" disparu, il signait des tribunes, plutôt économiques (il travaillait avec la commission économique du PS) dans "Le Monde", sous le même pseudonyme.

C'est à peu près à l'époque où Frêche emporta la mairie de Montpellier, en 1977, qu'il put se faire élire délégué syndical cadre CFDT de la grosse boîte où il travaillait, les Produits Chimiques Ugine-Kuhlmann (PCUK), qui, je crois, étaient déjà une branche du groupe Péchiney.

Débarrassé des contraintes hiérarchiques, il put se consacrer à sa passion : l'organisation du travail des gens. Quand il est mort, les gens de PCUK ont été si gentils avec nous que je crois qu'il leur avait vraiment laissé un bon souvenir.

La fin

Il a voté (deux fois, comme je l'ai écrit plus haut) en mai 1981, mais n'a guère eu le temps de savourer la victoire de ses amis socialistes.  Son père s'était présenté sous une étiquette disons poujadiste dans la circonscription de Jacques Médecin dans les Alpes-Maritimes en juin 1981, où il avait obtenu un peu plus de 5 %, crime de lèse-majesté dans ce département. Quinze ans plus tard, la grande résistante Louise Moreau, maire de Mandelieu dans ce même département, m'a confié qu'à chaque fois qu'elle se présentait, elle devait verser 120 000 Francs de l'époque à Médecin... Bref, ma grand-mère fut renversée par un chauffard dans l'été 1981, reçut dix-huit blessures graves, dont neuf mortelles, auxquelles elle survécut, et mon grand-père fut à son tour renversé par une mobylette, et mourut quelques jours plus tard en m'ayant écrit qu'il était convaincu d'avoir été assassiné, en octobre 1981. J'avoue ne l'avoir pas cru à l'époque.

Mon père, hospitalisé dans l'hiver, est mort fin février 1982.

Que penser de Frêche ?

Je ne suis pas en mesure de me prononcer sur l'œuvre municipale de Georges Frêche : je n'habite pas Montpellier, je n'y suis jamais allé. Mais longtemps, j'en ai entendu dire grand bien.

J'ai une opinion assez précise sur le faux procès qui lui a été fait à propos des harkis. Il faut savoir que le général de Gaulle, pour des raisons plus que défendables par ailleurs, a fait des Accords d'Évian, qui mettaient fin à la guerre d'Algérie, un véritable pacte d'alliance avec le FLN, parti qui accédait au pouvoir dans l'Algérie souveraine. La chose a son importance : la France aurait pu donner l'indépendance à trois états souverains : la Kabylie d'un côté, Alger de l'autre, et le désert, voire à quatre, si l'on considère l'ouest algérien. En acceptant la création d'un État unique, la France faisait un cadeau dont elle attendait des retours, qu'elle a eus en partie, notamment dans le domaine énergétique.

En contrepartie, la France n'accorda ni les honneurs, ni même une réelle protection, à ceux des fils de la terre algérienne qui s'étaient battus pour elle dans les sept années du conflit. De là est née l'injustice criante et flagrante connue sous le surnom de ces gens : les harkis, qui furent parqués dans des conditions scandaleuses et ignorés pendant un long temps par l'État français (la majorité d'entre eux est restée en Algérie où beaucoup ont été massacrés).

Pour un ancien combattant d'Algérie, comme mon père, cette injustice était insupportable. Pour un certain nombre de pieds-noirs aussi.

Georges Frêche fut l'un de ceux qui prirent le problème à bras-le-corps.

Dans la célèbre vidéo qui lui a été reprochée, on l'entend s'en prendre à un groupe de harkis. On n'en a retenu que "Vous êtes des sous-hommes !" qui, tel quel, a un sens profondément raciste. Mais en fait, Frêche est blessé : le reste de la vidéo le dit, ces harkis viennent de défiler avec l'UMP, alors que la droite n'a jamais rien fait pour eux. "J'ai donné du travail à vos fils !" clame Frêche, réllement blessé parce qu'il se sent trahi par des gens qu'il a été le seul à considérer et à aider, pour lesquels il s'est donné du mal. Il s'est senti blessé, il répond avec les mots des tripes. Il ne les traite pas de sous-hommes, il leur dit "Vous m'avez trahi !", ce n'est pas la même chose.

Sur son autre phrase concernant les noirs et l'équipe de France ("Il y a trop de noirs dans l'équipe de France"), j'avoue que, autant l'équipe black-blanc-beur de 1998 m'a bien plu, autant cette équipe postérieure où tous les joueurs, sans exception, étaient antillais ou d'origine africaine subsaharienne, m'a dérangé, parce que, d'une part, ce n'était plus un symbole de mixité, et parce que, d'autre part, on sentait une anomalie : y avait-il une pression exercée par certains joueurs sur l'entraîneur ? y avait-il un communautarisme ? Bref, c'était dérangeant, autant que si l'équipe de France avait été entièrement blanche dans un pays qui ne l'est plus depuis longtemps (l'a-t-il d'ailleurs jamais été ?). Donc, au risque de soulever des torrents d'injures me traitant d'aussi raciste que lui, je crois sincèrement qu'on a fait à Frêche un mauvais procès, assez tartuffe, qui arrangeait bien ses adversaires locaux et nationaux.

Conclusion

Pour conclure, je voudrais rappeler que la première UDF, celle créée par Giscard et Lecanuet (c'est un autre sujet à la mode en ce moment), est morte en 1998, lorsque, au moment d'élire les exécutifs régionaux, quelques candidats (je crois qu'il y en avait trois) acceptèrent d'être élus  présidents de région grâce aux voix des élus du Front National.  C'étaient des UDF. Il y avait un ancien PSD (devenu Force Démocrate) en Picardie, le PR Charles Millon en Rhône-Alpes et ... l'autre PR Jacques Blanc en Languedoc-Roussillon. L'attitude médiocre et indigne de ces élus leur fut fatale. Les trois ont disparu.

Or celui qui a enlevé Languedoc-Roussillon à Jacques Blanc, c'était Georges Frêche.

Tous comptes faits, et sans même examiner la qualité de sa gestion, sans me soucier non plus de son soutien à Ségolène Royal qui n'est pas ma préoccupation, oui, je peux le dire, je ne regrette pas d'avoir exprimé mon souhait que Georges Frêche soit réélu président de sa région, et qu'il se prépare ainsi à passer la main aux nouvelles générations.

08/12/2009

Des liens pas tartuffes.

C'est la saison des truffes en chocolat, pas des tartuffes. Voici donc quelques liens sur des articles et sur de blogs pas tartuffes, un peu éclectiques.

Sur la réforme de l'histoire-géo, le privilégié Mathieu, prof lui-même, fait une excellente synthèse.

Pour comprendre enfin comment se servir de Twitter, le blog Crise dans les Médias délaisse de plus en plus souvent sa spécialité de presse écrite.

Attentif aux expressions de Quitterie, Orange Sanguine s'interroge. (Enfin, quand je dis pas tartuffe, il a quand même un appel à signer l'Ultimatum climatique sur son blog, alors que .... ).

Comme je suis beau joueur sur la question climatique, un tour chez FLN.

Et je conclus par une excellente initiative d'un collectif citoyen sur l'élaboration de la loi, lisible chez Authueil.

 

04/12/2009

Assemblée générale du collectif Jean Bouin : la vidéo.

En principe, les cossus du 16e et les prolos du 18e ont des intérêts antagonistes du point de vue des décisions politiques : les travaux qui sont faits ici ne le sont pas là, les équipements qui profitent au 16e manquent évidemment au 18e et réciproquement (euh, plus rarement). Le projet de nouveau stade Jean Bouin accomplit l'exploit rare de nuire autant aux habitants du 16e qu'à ceux du 18e.

L'argent que la Ville de Paris veut dépenser pour la démolition du stade Jean Bouin et sa reconstruction sur de nouveaux plans (ce qui révolte les habitants du 16e) est celui qui permettrait de prolonger le tramway jusqu'à la porte d'Asnières (que les habitants du 18e attendent comme le Messie). Non seulement ces travaux sont superfétatoires dans le 16e, mais ils créent un manque terrible dans le 18e.

Rarement, on aura pu dire à ce point qu'épargner un inconvénient aux beaux quartiers peut avoir un tel avantage pour les quartiers plus pauvres. Delanoë a réussi à inventer la convergence des classes.

C'est pourquoi il est juste que la mobilisation contre ce projet soit transversale, qu'elle joigne des élus verts à ceux de l'oppositon municipale. Cependant, je ne partage pas l'opinion de Sylvain Garel, élu vert qui incarne ce rapprochement, (opinion qu'il développe sur la vidéo que je joins ici) quant à l'effet du premier tour des élections régionales. Il vante sa boutique, c'est normal, l'argument est de bonne guerre, mais je crois que les choses sont plus compliquées. Mais si je ne partage pas son opinion sur le calcul politique, je souhaite vivement que l'argent prévu pour Jean Bouin soit finalement affecté au prolongement du tramway jusqu'à la porte d'Asnières.

Pour le reste de cette assemblée générale, je crois que les images parlent d'elles-mêmes.

Sport 2.0, année zéro.

Le remarquable cours magistral donné par Claude Goasguen sur le thème "le sport et l'argent" en surprendra plus d'un, notamment parmi ceux de mes lecteurs qui voient en lui surtout un ancien du réseau Occident accoutumé des positions plus "libérales" au sens droitier de ce terme. Que Goasguen prenne le temps d'expliquer que le déferlement de l'argent dans le sport pose des problèmes à "notre conception des choses" , comme il dit (c'est-à-dire à notre éthique), en surprendra plus d'un, et son exposé mérite d'être vu, car la prophétie qu'il fait est aussi redoutable que réaliste.

Le sport, en France, passe à un stade 2.0. On renonce enfin à la tartufferie du sport à la fois associatif et professionnel, pour reconnaître enfin que le sport professionnel n'est qu'une activité commerciale parmi d'autres. C'est une révolution éthique dans le statut juridique, qui rejoint une réalité déjà très consolidée.

Et bien entendu, le bail emphythéotique de 60 ans que Delanoë prépare actuellement pour Colony Capital au Parc des Princes sera impossible, grossièrement illégal. J'ai même l'impression qu'un arrêt du Conseil d'État interdit les concessions supérieures à quinze ou vingt ans. En tout cas, il faudra une procédure de mise en concurrence et un appel d'offres en bonne et due forme.

Cette victoire éthique n'est pas sans revers : quand on verra un milliardaire russe soumissionner pour la concession du Parc des Princes, on mesurera évidemment toutes les conséquences de la reconnaissance du caractère purement commercial du sport professionnel. Personnellement, je suis d'opinion que, puisque cette activité est commerciale, on ne lui concède plus le domaine public, qu'elle s'adresse à l'immobilier privé, et que le domaine public serve à l'accès public et aux structures associatives. Ce serait de meilleure méthode. Et pour un équipement comme le Parc des Princes, de façon à éviter de se retrouver envahis par la mafia russe, je crois qu'il serait sage qu'il fût désormais géré en régie et loué palier par palier en fonction des activités, ce qui permettrait d'y jouer à la fois le football et le rugby.

Parmi les deux ou trois autres réflexions qui me viennent au sujet de cette vidéo, il y a celle que la défense de Lagardère, qui s'étonne d'être appelé en responsabilité pénale par la justice, n'étant pas lui-même le concessionnaire de Jean Bouin, ressemble fort à une tartufferie, vu que le nom de Lagardère figure bien partout dans le stade dont il est le sponsor de référence, ayant succédé dans ce titre à la Société Générale dont le CASG, club père de Paris - Jean Bouin, était une pure et simple émanation initiale.

Collusion entre Laporte et Colony Capital ?

Une dernière remarque sur ce qui me semble être le scénario de gestation du projet Jean Bouin : l'homme-clef du projet, c'est Bernard Laporte. C'est lui qui, une fois ministre, a mobilisé les services de l'État sur une dilatation du projet initial. Ce parrainage de l'État n'apparaît nulle part jusqu'ici, mais on le voit bien dans ce que révèle Sylvain Garel sur cette vidéo : quand il demande le transfert des fonds de Jean Bouin vers le tramway, on lui répond à la Ville de Paris que "l'État ne va pas dépenser de l'argent pour le tramway", ce qui siginifie clairement qu'il est prévu que l'État pèse financièrement sur le projet de Jean Bouin. Cette décision a évidemment été prise quand Laporte était ministre des sports.

Le contenu du projet suggère qu'elle a été prise en concertation avec le voisin de Jean Bouin, Colony Capital. Il y a là comme une forme d'association. Et si j'étais le Stade Français (le club omnisport père de la section rugby), je me ferais des soucis, car le stade Géo André, siège du Stade, jouxte le Parc des Princes, et une collusion de Colony Capital et de Laporte devenu maître du Stade Français rugby pourrait préluder à une OPA inamicale sur Géo André, du type de celle que Lagardère a faite à la Croix-Catelan.

Enfin, si Laporte est le personnage-clef de l'affaire, sur fond de succession de Guazzini qui se met en retrait, il serait intéressant de connaître l'opinion du rival de Laporte pour la succession de Guazzini, qui n'est autre que l'ancien international Fabien Galthier.

 

03/12/2009

Scoop : le sport pro est illégal au Parc des Princes, à Jean Bouin et à Roland Garros.

Avant de détailler le scoop annoncé dans le titre du présent article, et avant de livrer dans un prochain la vidéo de la soirée passée au stade Jean Bouin, à Paris, pour conférer des derniers développements de l'affaire de la reconstruction contestée dudit stade, un mot de la soirée et de l'after sympathique passé au clubhouse de Jean Bouin avec notamment deux des organisatrices.

De l'ensemble de cette soirée, je dois dire que je dégage une opinion un peu différente, ou plus nuancée, que celle que j'ai eue jusqu'ici. Dans cette affaire, la précipitation extrême que Bertrand Delanoë a voulu imposer au cours naturel des choses est le signe d'une anomalie. Il est possible que, comme la rumeur l'affirme, Max Guazzini, en difficulté financière, souhaite se retirer purement et simplement, et que Delanoë veuille l'aider dans ce projet de retraite. L'aide consisterait ici à accélérer les événements (à les brusquer, pour tout dire) plutôt que dans le contenu du projet nouveau pour le stade Jean Bouin.

Sur le contenu du projet, il est possible que les choses soient complexes. On dit que l'entourage de Guazzini se déchirerait sur sa succession prochaine. Il ne serait pas étonnant que cette division soit la cause de l'évolution du projet de modernisation du stade vers sa disproportion actuelle.

Le manque de savoir-vivre du projet est tel qu'il faut constater qu'il ne ressemble en rien à Delanoë, ni d'ailleurs (mais pour d'autres raisons) à Anne Hidalgo. Il y a un tel manque d'intelligence dans la grossièreté du concept de nouveau Jean Bouin, qu'il faut y voir la patte d'un esprit retors, mais sommaire. Je ne parle pas de l'architecte, mais de celui qui a rédigé la feuille de route de l'architecte et dont Delanoë a endossé les vues.

L'une des heureuses conclusions de la soirée est que la démolition, qui est censée préluder à la reconstruction, ne pourra être faite avant au mieux le début de l'été. En vérité, étant donné que les conclusions du commissaire-enquêteur contraignent l'architecte à amender sérieusement son projet, je crois que l'urgence se dilue de jour en jour, ce qui va permettre à la justice d'instrumenter sereinement dans une affaire qui prend des allures de dossier gigogne : il y a, d'un côté, la question de la validité de la concession attribuée de gré à gré en 2004 à Paris - Jean Bouin Team Lagardère, et de l'autre la question de l'avenir de Jean Bouin, aussi bien pour les travaux que pour l'attribution ultérieure du site.

Au pénal, une enquête de trois ans

Pour ce qui est du premier dossier, le favoritisme est présumé sur deux éléments, l'un de fait, l'autre de droit. De droit, l'obligation de recourir à un marché public lorsqu'il y a délégation de service public. Si l'on s'en tenait à cet aspect de la question, Delanoë pourrait plaider la bonne foi. Malheureusemement pour lui, il a un adversaire extraordinaire, qui était présent ce soir et que nous avons découvert. Cet adversaire, c'est M. Picart.

M. Picart est une forte tête avec une faconde parfaitement méditerranéenne et un acharnement de vrai teigneux. Il gère une société de tennis et, d'après ce qu'il a indiqué, il lui est arrivé de prendre des concessions de stades dans certaines localités, pour lesquelles il a recouru à la formation d'un très grand juriste, le regretté doyen Vedel. C'est lui qui a obtenu du tribunal administratif l'annulation de la convention de 2004.

Il se trouve qu'à cette époque, il avait manifesté publiquement et directement son intention de concourir pour l'attribution du stade Jean Bouin, c'est l'élément de fait : il y avait un concurrent réel pour Lagardère en 2004. Je dois dire que c'est une erreur de ne pas l'avoir laissé concourir. J'avais le même genre de réactions quand je voyais Bayrou verrouiller les candidatures de la base à certains postes : c'était ridicule, et un tel signe de faiblesse que cela en disait long sur la piètre idée qu'il avait de ses propres forces.

Toujours est-il que Delanoë a préféré faire sa concession de gré à gré. Grave erreur. Ce sont les petites erreurs qui ont parfois les pires conséquences.

Car M. Picart, en inépuisable teigneux, a indiqué ce soir avoir eu maille judiciaire à partir avec Éric Raoult et quelques autres, à propos d'une subvention, voici une quinzaine d'années, et avoir obtenu non moins de 2,5 millions de Francs de l'époque de dommages-intérêts. Il est de ces natures que rien n'arrête, qui n'ont aucune limite ni aucune faiblesse du moment qu'elles se sentent dans leur bon droit. M. Picart ira donc jusqu'au bout.

Logiquement, il s'est porté partie civile dans l'enquête au pénal. Il révèle que l'enquête de la brigade financière dure depuis trois ans et qu'elle repose sur un énorme dossier. Il a obtenu photocopie intégrale de ce dossier, qui, dit-il, lui a été facturée ... 800 Euros. 800 Euros de photocopies, cela doit faire en effet une belle pile.

Cela étant, j'ai encore des dossiers de travaux que j'ai rapportés pour les stades du 16e devant le conseil d'arrondissement, et il arrive facilement qu'un seul rapport fasse cent pages. Trois ans d'enquête en couvrent peut-être des milliers.

Le commissaire-enquêteur complique la tâche de l'architecte

Sur les travaux, les info sont multiples, nouvelles ou non. L'essentiel est que le rapport du commissaire-enquêteur (dont Delanoë s'est engagé à suivre les conclusions) comporte des remarques qui affectent aussi bien le contenu du projet que sa chronologie. Il a en effet demandé que soit abaissée la hauteur maximale du nouveau stade du côté de Boulogne-Billancourt, à proximité du site Le Corbusier. Je signale au passage que progresse l'idée d'englober tout ce quartier dans un périmètre de protection architecturale liée aux utopies urbaines et en particulier à l'œuvre du Corbusier.

Il y a aussi une nette difficulté de circulation (donc de sécurité) dans la rue Nungesser et Coli, limitrophe de Boulogne, donc du même côté, qui va certainement poser des problèmes architecturaux. Enfin, certaines remarques ont eu pour effet de retarder les travaux préparatoires de la démolition, ce qui repousse celle-ci au mieux (façon de parler) au début de l'été, comme je l'ai dit. Espérons qu'elle n'aura jamais lieu.

On verra dans la vidéo un grand moment oratoire de Claude Goasguen relatant la tenue d'une réunion de la commission chargée de plancher sur l'avenir de l'attrubtion de Jean Bouin. Quelque chose de très haut en couleur.

Pour l'aspect politique, l'instrumentalisation des Verts par l'UMP pour affaiblir la gauche est manifeste. À vrai dire, si la gauche défendait des projets plus raisonnables, elle prêterait moins le flanc à ce type de manœuvres. Le report du "nouveau Jean Bouin" au-delà des élections régionales conduit naturellement le Vert Sylvain Garel, présent ce soir comme lors des réunions précédentes, à suggérer que si le score d'Anne Hidalgo est faible aux régionales à Paris, Delanoë aura moins de possibilités d'imposer les absurdes tours dont il veut enceindre Paris, et quelques autres trouvailles ubuesques, comme Jean Bouin. C'est vrai, mais le vote vert n'est pas le seul à avoir cet effet, et Claude Goasguen ne s'est pas rengorgé pour signaler que le vote UMP aurait le même effet, c'est donc que le vote vert l'arrange, on a bien compris pourquoi.

Mais je dois dire que si cette collusion me dérange, je suis obligé de reconnaître que la présence de Garel dans l'affaire a eu un effet de dépolarisation très fructueux pour notre résistance. D'une manière ou d'une autre, cet effet heureux doit trouver sa récompense.

Pour le reste, notons que Delanoë ne montre encore aucun signe d'ouverture sur le dossier Jean Bouin, au contraire, et c'est dommage, car personnellement, je verrais d'un bon œil une solution qui lui permette de sortir de l'affaire la tête haute sans avoir démoli ni Jean Bouin (la tribune historique et les bâtiments des années 1920-30) ni l'usage scolaire qui n'est ni recasé ni recasable.

Le scoop

Il est temps d'en venir au scoop annoncé : dans son discours énergique, Claude Goasguen a fait une belle envolée pour expliquer que c'est tout une conception du monde qui était désormais en jeu, la pression du sport professionnel ne cessant de se renforcer sur nos sociétés. D'un côté les scolaires, de l'autre le sport fric, deux mondes qui s'affrontent, deux façons d'envisager l'existence. Si mes images sont réussies, ce sera un bon moment de vidéo, où j'ai trouvé le meilleur Goasguen, un Goasguen humaniste qui se fait trop rare.

Au milieu de ces développements, il a invoqué une décision du conseil d'état qui, si elle est bien telle qu'il l'a décrite (il est docteur dans une discipline juridique, tout de même), va tout changer dans les relations entre les collectivités et les équipes sportives professionnelles : désormais, il ne s'agit plus de traiter ces équipes comme des entités associatives, mais comme des sociétés commerciales. C'est vrai que le sport fric est une activité commerciale, il y aurait là un effort de sincérité juridique extrêmement appréciable.

Seulement voilà : ainsi que je l'ai expliqué dans une précédente note, l'acte de Napoléon III qui a créé ce quartier y a interdit toute activité commerciale. Dès lors que le sport professionnel est considéré comme une activité commerciale, il y est donc interdit, c'est-à-dire qu'il est interdit au Parc des Princes, à Jean Bouin, et même à Roland Garros. Quod erat demonstrandum.

28/11/2009

L'arnaque des ONG et la tartufferie climatique.

Il n'y a rien que je déteste plus que de recevoir des leçons de la part de gens qui ne sont pas exemplaires, pas plus que moi en tout cas.

L'objet de la présente note n'est en rien de remettre en cause les constatations du GIEC ni de contester l'hypothèse d'une cause principalement humaine du réchauffement climatique de la planète terre. Ce sont choses bien trop compliquées pour mon niveau, je ne peux que déplorer que, depuis vingt ans que le GIEC existe, ses conclusions aient surtout servi à brider la croissance des pays autres que les États-Unis, alors même que les États-Unis sont le premier pollueur mondial, notamment en gaz à effet de serre. De toutes façons, limiter la production de CO2 est une bonne idée, il faut désormais que ce soit fait de façon équitable.

Non, l'objet de la présente note est de dénoncer, non plus le greenwashing, mais le green business pseudo-associatif et le climate business actuel, qui masque mal la vérité des intérêts qui s'y expriment : les organisations non gouvernementales (ONG) sont de véritables PME, parfois même des multinationales (pour les plus grandes comme MSF et Médecins du Monde), et très souvent, leur but est surtout financier. La liste des rédacteurs de l'Ultimatum climatique est, de ce point de vue, exemplaire, je devrais dire contre-exemplaire.

Les signataires de l'Ultimatum climatique

Entre écoblanchiment et collecte de fonds à la limite de l'escroquerie, les signataires de l'Ultimatum climatique sont une belle brochette de grigous. Passons-les en revue.

Greenpeace. L'organisation est née aux États-Unis mais, alors que les États-Unis sont de très loin le premier pollueur mondial, aucune activité marquante de Greenpeace depuis plus de trente ans n'a concerné les États-Unis. Quant à Greenpeace France, cette organisation a pour activité principale la collecte de fonds. On peut lui donner acte de la transparence avec laquelle elle explique tout benoîtement que seuls 56 % des dons collectés sont utilisés poiur ses activités de terrain. Encore faudrait-il creuser un peu ce chiffre, qui intègre probablement des dépenses de fonctionnement ordinaires. Les 44 % autres sont répartis en deux enveloppes : 33 % pour la collecte de dons, 11 % pour le fonctionnement proprement dit. C'est donc si dur de récolter des dons ? Soulignons au passage que ce ne sont pas de petites sommes, puisque le budget de Greenpeace France s'élève à 9 millions d'Euros, dont 3 millions consacrés à la collecte de dons, sans compter qu'en vérité toute campagne d'opinion montée par Greenpeace n'est finalement qu'une opération de collecte de fonds. On se demande si cet argent ne serait pas mieux utilisé à éradiquer le paludisme dans le Tiers-Monde. Bref, si la Sécurité Sociale avait des frais de fonctionnement de 44 %, tout le monde hurlerait au scandale. mais du moment que ce sont des gens qui se dévouent à sauver le climat, tout va bien. Hum.

Le WWF France. J'avoue que je suis très peiné d'écrire ce paragraphe, car j'ai beaucoup de sympathie a priori pour le WWF. Mais quand je regarde sa page de partenaires, j'ai envie de pleurer : Carrefour, Castorama, Center Parcs. Si cela n'est pas de l'écoblanchiment, qu'est-ce qui le sera ? Carrefour est quand même une usine de malbouffe et de surconsommation. Mais pas de problème pour le WWF, l'argent n'a pas d'odeur. Vraiment ?

Action contre la faim. À peu près la même remarque que pour le WWF en consultant sa page de partenariats. Chacun sait qu'Air France est une grande entreprise écologique, et que la BNP, si chère au président Sarkozy, n'a aucune filiale dans un paradis fiscal, qu'elle pratique des taux d'intérêt tout à fait convenables et que tout va très bien, Mme la marquise. Du reste, comme le rappelle cette très intéressante étude, Action contre la faim a eu de véritables problèmes et un gros scandale voici peu d'années et le moins que l'on puisse dire, c'est que le doute subsiste. La signature de l'Ultimatum climatique lui accorde-t-elle une nouvelle virginité ?

Care France. Cette branche française d'une multinationale humanitaire fait du partenariat avec les régions un véritable fonds de commerce. Pour elle, se manifester dans le jeu politique à quelques mois des régionales est évidemment une façon d'intervenir sur ses futurs donateurs institutionnels... Si l'on lit la liste de ses partenariats régionaux, qui sont ciblés par action, on verra d'ailleurs que ces partenariats sont politiquement connotés : la municipalité communiste de Saint-Denis près de Paris intervient pour aider Cuba, le département des Hauts-de-Seine est tout réjoui de glisser un œil dans la très secrète Birmanie communiste à l'occasion d'un accident climatique. Mais tout cela n'est que pure coïncidence. Quant aux régions concernées, ce sont déjà cinq régions. Un hors d'œuvre ?

La FIDH (Fédération Internationale des Droits de l'Homme). Cette organisation déjà ancienne publie ses comptes, mais dans une assez profonde opacité. On y trouve, comme ressources, cinq lignes comptables dont le sens est parfois ésotérique : cotisations (jusqu'ici tout va bien), subventions et dons reçus (le gros de la troupe : environ 75 % du total des ressources), dons et manifestations, Liberté et solidarité, les Amis de la FIDH. Le mot dons apparaît deux fois, on suppose qu'il y a d'un côté les dons spontanés, de l'autre les dons reçus à l'occasion de manifestations. Seulement voilà : dans ce total, on ne voit pas le montant des subventions publiques, et c'est très mal, car tout le monde sait que la FIDH est fortement subventionnée par l'État pour certaines de ses actions de terrain. Donc opacité, opacité suspecte.

La Fondation Nicolas Hulot est un véritable cas d'école de l'écoblanchiment. La page des quatre partenaires fondateurs ressemble au portrait de groupe des Dalton : Averell Dalton, c'est l'EDF, dont chacun sait que les centrales nucléaires sont un modèle environnemental universellement claironné, William Dalton, ce sont les hôtels Ibis, qui paraît-il tâchent d'écoblanchir leur béton et leur malbouffe, Jack Dalton c'est L"Oréal, dont l'activité chimique n'a évidemment aucun rapport avec la pollution, ni avec les shampoings Ushuaïa. Joe Dalton, enfin, c'est évidemment TF1, la plus grande usine de crétinisation d'Europe. Un véritable modèle, ou contre-modèle, à enseigner dans les écoles tant qu'il en restera. Écœurant.

Les Amis de la Terre. On se demande ce qu'ils foutent là-dedans, sinon offrir une légitimité aux autres. Par ailleurs, ils ne publient pas leurs comptes, ou du moins pas sur leur site, et c'est dommage, car on est forcé de les taxer d'opacité.

Médecins du Monde (MDM). Là, on est dans le charity business à très grande échelle, où s'entremêlent barbouzages, subventions publiques et écoblanchiment, avec tout de même, heureusement, de vraies actions de terrain, dont on voudrait qu'elles soient plutôt prises en charge par de vraies institutions désintéressées. Parmi les fondations partenaires de MDM, on retrouve Air France et L'Oréal (tiens, tiens). Parmi les entreprises, le meilleur et le pire (le meilleur le crédit coopératif, le pire la Société Générale) et l'inévitable Air France, au milieu desquels se glisse le site Soliland, dont il a été remarqué lors d'une récente table ronde animée par Quitterie Delmas pour Babyloan que sa raison sociale elle-même était l'écoblanchiment, ce qu'on retrouve dans un autre partenaire, Solidaripresse. Enfin, parmi les institutions, on trouve évidemment le gouvernement français, son homologue néerlandais et la Commission Européenne, de quoi afficher respectabilité et crédibilité. On peut savoir gré à MDM de jouer la transparence, qui est un gage de sincérité, mais on a le droit de redouter que cette transparence ne dissimule un surcroît de duplicité. Le procès du charity business n'est plus à faire.

Oxfam France. Cette branche française d'une organisation née il n'y a pas si longtemps au Royaume-Uni pratique une forme d'insincérité comptable absolument révoltante. En vérité, on est ici à la limite de l'escroquerie. En effet, si l'on lit les comptes qu'elle a publiés d'un œil distrait, tout va bien, mais si l'on y regarde d'un peu plus près, aïe. Lisons les chiffres. Le total des ressources d'Oxfam France se monte à environ un million deux cent mille Euros. Un tiers de ce budget provient d'une dotation de la maison-mère, Oxfam international. Le budget réel d'Oxfam France se monte donc à environ 800 000 Euros. Sur ces 800 000 Euros, 377 000 sont affectés à la collecte de dons, soit environ 47 % ! Près de la moitié de ce que les gens en France donnent à Oxfam est utilisé pour la recherche de nouveaux donateurs. On peut réellement dire que l'activité principale d'Oxfam France est la collecte de fonds. En fait, les dons accordés à Oxfam France ne servent qu'à permettre à Oxfam international de s'implanter en France et d'y conquérir une part de marché, une part du marché des dons... Et sl'on ajoute les frais de fonctionnement, le total des frais de structure dépasse les 500 000 Euros, soit plus de 60 % du total. Oui, vous avez bien lu : les donateurs d'Oxfam voient leurs dons utilisés à moins de 40 % pour les buts affichés de cette organisation. Seule la dotation d'Oxfam International permet de masquer ce scandale et d'afficher un bilan largement consacré aux actions de terrain... Pas de doute, pour Oxfam, signer l'Ultimatum climatique n'est pas une façon de lutter pour l'amélioration du monde, mais une façon de travailler sa notoriété et son image en France. Le fait qu'Oxfam international soit majoritairement tributaire des suventions européennes a d'ailleurs été noté, ce qui crée le doute sur la sincérité de ses engagements.

Le Réseau Action Climat semble n'être que le réseau des réseaux déjà recensés par ailleurs, qualités et défauts inclus. Ses comptes indiquent que son petit budget provient à plus de 80 % de subventions, sans qu'on sache par qui ces subventions lui sont allouées. On est tenté de parler à la fois d'endogamie et d'opacité.

Pour le Secours Catholique, Caritas, j'ai envie de dire comme pour Les Amis de la Terre : qu'est-ce qu'ils font là ? Mais il faut tout de même noter qu'ils appartiennent à la catégorie du charity business, et qu'évidemment ils ne sont exempts d'aucun des doutes qui planent sur cette activité économique qui peut exploiter autant ses bénévoles que ses donateurs. Par ailleurs, j'ai eu beau chercher dans leur vaste site (qui a dû leur coûter cher), je n'ai pas trouvé de bilan comptable, si bien que je suis forcé de parler d'opacité. Enfin, si pour eux, la signature de l'Ultimatum climatique a pour effet indirect de signaler leur soutien aux listes écologistes pour les élections régionales, il faut tout de même remarquer qu'en contestant le leadership du Parti Socialiste en France et dans les régions les listes écolo combattent aussi le vieux frère ennemi du Secours Catholique : le Secours Populaire, dont les liens avec la gauche ancienne sont connus. Alors, si c'est pour vider une vieille querelle de rivalité, ego te absolvo. Hum.

La politique française en filigrane

Accessoirement, en signant l'Ultimatum climatique, les organisations susmentionnées paraissent donner un soutien explicite au président de la république dans une vaste opération de communication qu'il mène en vue du sommet de Copenhague.

Mais là n'est pas pour moi l'essentiel. L'essentiel est que si l'Ultimatum climatique sert de base de légitimité conceptuelle et de valeurs (sinon d'idées) aux listes écolo pour les élections de mars prochain, force est de constater que le jury d'honneur convoqué pour conforter la légitimité écolo ne semble guère en mesure de refléter autre chose que l'image d'une assemblée de mœurs économiques douteuses et de calculs vénaux prononcés.

C'est pourquoi lorsque j'entends les Verts rugir ces jours-ci contre Bayrou, j'avoue que ça me donnerait presque envie de revoter pour celui-ci : car lui, au moins, ne fait pas semblant de prêcher la vertu.

Tartuffes sont les Verts qui accusent Bayrou de leur voler... de leur voler quoi, d'ailleurs ? le pain de la bouche, leur fonds de commerce écolo, car c'est bien de quoi il s'agit : Bayrou a voulu leur dérober leur fonds de commerce. Tartuffes qui reprochaient à Bayrou de piétiner la démocratie au Mouvement Démocrate et qui ne sont pas capables de la pratiquer chez eux. Comment, voilà des gens qui, lorsqu'ils ont accueilli la candidature du "parachuté" Meirieu n'ont même pas été capables de voter à bulletin secret ? Allez, on fait ça vite fait, à mains levées... c'est tellement plus commode pour ratifier des décisions qui viennent non pas de la base, mais d'en haut, dans la plus parfaite verticalité jupitérienne. Que reprochait-on à Bayrou, déjà ? ça ? C'est vrai. Mais alors, ils ne font pas mieux que ce qu'ils lui reprochaient.

Et pas question de primaires dans ces listes écolo, non, comme chez Bayrou, les têtes de listes sont recrutées sur casting pour passer à la télé, vous imaginez bien qu'on ne va pas demander aux adhérents (pouah ! fi !) de concourir et de venir menacer le débauchage qu'on a eu tant de peine à réaliser ! Les stars, c'est tellement mieux que les gens ordinaires, que les vertueux anonymes qui devraient pourtant être la sève de la démocratie. Hum.

Et parmi ces têtes de listes, comme est transparente l'envie d'en finir avec l'encombrant MoDem : Bayrou a plein de profs ? Bon, on va lui sortir l'arme lourde. Et qu'est-ce que l'arme lourde ? Croyez-vous que ce cerait un prof de ZEP qui viendrait témoigner de sa tâche héroïque et anonyme ? Que nenni ! On va prendre une star, oui une star, quelqu'un qui depuis trente ans incarne toute la pensée pédagogique dominante. L'arme atomique. Bayrou a eu un ancien dircab de Mauroy ? Qu'à cela ne tienne, on en a aussi : après le banquier Peyrelevade, voici Robert Lion, qui a été, vous ne devinerez pas, patron de Greepeace France. Bon Dieu, mais il fallait y penser ! Au passage, avec un ancien dircab de premier ministre comme patron, on mesure la très grande indépendance des ONG françaises... Il est vrai que le président de la Croix-Rouge est un ancien ministre UMP.

Allons, tout ça n'est pas sérieux. Dans l'ensemble, je rejoins l'analyse de Bernard Stiegler dans le dernier numéro papier de Bakchich Hebdo (EDIT : on peut la retrouver ) : je suis fatigué de constater que les politiques ont renoncé à la réflexion doctrinale, au travail de fond, et qu'ils ne se concentrent plus que sur leur égo, leurs rivalités personnelles et les effets d'annonce, avec le but évident non pas de s'adresser à la conscience ni à l'intelligence des électeurs, mais de travailler leur inconscient, ou pour mieux dire, de manipuler leur inconscient.

Je ne suis pas du tout sûr de voter en mars prochain, mais il y a une chose dont je suis certain : je ne voterai pas pour ceux qui font la même chose que ceux qu'ils conspuent, tout en prétendant faire le contraire. La sincérité, l'authenticité, la cohérence, la transparence, sont toujours parmi les maîtres-mots de mes aspirations politiques, à côté du rêve un peu fou que les politiques fassent leur métier en informant les gens des enjeux réels des décisions politiques, en s'adressant à leur intelligence et à leur conscience.

22/11/2009

Paris - Jean Bouin : Delanoë récuse mal le favoritisme.

Je pensais n'avoir plus à écrire sur le stade Jean Bouin, situé à Paris XVIe, mon quartier, ce n'est pas le centre du monde, et je crois que les intéressés disposent des arguments juridiques suffisants pour faire capoter le projet grotesque soutenu par Bertrand Delanoë, maire de Paris.

Mais il se trouve que celui-ci devrait être bientôt mis en examen pour abus de biens sociaux, prise illégale d'intérêt, en somme favoritisme. C'est donc l'occasion de récapituler les différents aspects de l'affaire et de réagir aux récents propos en défense tenus par Delanoë au micro de Jean-Pierre Elkabbach sur Europe 1.

L'historique

Le stade Jean Bouin a été construit dans la foulée des Jeux Olympiques de Paris qui avaient eu lieu en 1924 sur l'ancien glacis des fortifications de l'ouest parisien. Jean Bouin avait été  avant 1914 un athlète du CASG Paris, club qui, dès l'origine en 1925, fut concessionnaire de l'équipement qui portait le nom de son athlète. Le CASG était à l'origine une émanation de la Société Générale (Club Athlétique de la Société Générale, avant d'être rebaptisé en 1919 Club Athlétique des Sports Généraux) et la Société Générale fut le sponsor du club jusqu'au début des années 2000, soit pendant un siècle. Le groupe Lagardère remplaça alors la Société Générale "à la tête du club" comme le formule très justement la notice Wikipedia.

La tribune édifiée en 1925 le fut par un grand architecte de l'époque, Lucien Pollet, le même qui construira ensuite la piscine Molitor voisine. On y trouve avec logique les anneaux olympiques dans la structure même de l'édifice qui se place dans le projet général des utopies urbaines et qui est une œuvre rare qui mériterait d'être classée monument historique en lien avec la piscine Molitor.

Autour du stade, le quartier est homogène des années 1920-1930, comptant de nombreux logements qui appartiennent à la Ville de Paris, à vocation sociale, articulés autour de deux lycées et de deux écoles primaires, le tout formant un ensemble cohérent. Il y avait à l'origine quatre autres stades utilisables par le quartier : Roland Garros, le parc des Princes, le fond des Princes, et Géo André, site originel du Stade Français. Ce dernier a été fortement écorné par le creusement du boulevard périphérique, qui a conduit à la construction d'un vaste bâtiment où se coudoient bureaux, commerces et gymnases du Stade Français. Le Parc des Princes originel a lui aussi été démoli à la fin des années 1960 pour laisser place à la construction actuelle, une structure de béton qui n'est pas sans poser de problèmes de solidité.

Jusqu'aux années 1980 le stade Jean Bouin vit sa vie avec son club résident. Ses sections sont le hockey sur gazon, le rugby, le tennis et bien sûr l'athlétisme. Il s'agit donc de ce qu'on nomme un "club omnisport".

Mais à la suite du bétonnage de Géo André et du Parc des Princes, la pression des promoteurs commença à s'exercer dès la fin des années 1970. On vit circuler dans les années 1980 un projet qui visait à remplacer le stade Jean Bouin et la piscine Molitor par un complexe immobilier de très grande ampleur, à deux pas de Roland Garros et du champ de course d'Auteuil, donc avec beaucoup d'argent à la clef. Les élus et les habitants de cette partie de Paris résistèrent alors rudement aux appétits de la municipalité parisienne de droite, et obtinrent en 1990 l'inscription partielle de la piscine Molitor à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. De ce fait, le projet immobilier était caduc. Jean Bouin pouvait respirer. Pas pour longtemps.

Le tournant de 1992 : l'arrivée de Max Guazzini

La section rugby du CASG crut pouvoir se lancer dans le haut niveau, sous l'impulsion de son président de l'époque. Ce fut un échec terrible qui entraîna la CASG dans la déconfiture financière, au point de mettre son avenir en danger. Jean Bouin redevenait vulnérable. C'est alors qu'apparut Max Guazzini, cofondateur de la radio et du groupe NRJ. Seuls les connaisseurs savaient qu'il avait été le collaborateur de Bertrand Delanoë et que ce dernier avait ensuite été le "commissaire politique" du Parti Socialiste dans le groupe NRJ, les liens entre eux n'étaient pas seulement amicaux, mais de véritables liens d'intérêt.

Guazzini, très talentueux, expansif, avait décidé d'accélérer le passage du rugby français au professionnalisme. Il assuma cette tâche en prenant le contrôle d'une nouvelle structure commune au CASG et au Stade Français, qui jouerait au stade Jean Bouin. En apparence, Jean Bouin était sauvé, mais c'était en ayant perdu une part de son indépendance. Se sentant menacé par l'impérialisme du Stade Français, le CASG rapprocha alors ses autres sections de celles du Racing Club de France (RCF) pour faire contre-poids au Stade Français, ces deux clubs étant opposés par une rivalité quasi-ancestrale.

Dès son arrivée à Jean Bouin, Guazzini s'y sentit à l'étroit. Il demanda plusieurs fois la suppression de la piste d'athlétisme qui enserre le terrain de rugby. Lorsque j'étais adjoint au maire en charge des sports, je me suis opposé à cette annexion, la piste d'athlétisme étant indispensable aux très nombreux scolaires de l'enseignement public qui fréquentent le stade. Il obtint aussi de jouer plusieurs matchs par an au Parc des Princes tout voisin. Il fit bituminer un terrain jusque-là dévolu au volley des scolaires pour un parking, et une allée sableuse qui longe la fameuse tribune Pollet.

Les choses en étaient là lorsque j'ai quitté les fonctions d'adjoint au maire du XVIe chargé des sports en 2001.

L'arrivée de Lagardère

Il m'a été donné de rencontrer Arnaud Lagardère une fois lorsque j'étais adjoint au maire : son fils apprenait le karaté dans un club du quartier, j'avais l'habitude d'assister à la fête de fin d'année du club, au stade Pierre de Coubertin, et cette année-là, Lagardère était là avec sa femme (une jolie ex-mannequin des années 1980), voulant faire la fête pour son fils qui était heureux de la fête de son club. Jean-Luc Lagardère était encore vivant, Arnaud n'était que l'héritier. C'est moi qui ai passé la médaille du club au cou de l'enfant, Arnaud Lagardère rigolait chaleureusement et me glissa, en montrant sa caméra vidéo : "Je vous ai dans la boîte".

L'arrivée de Lagardère à Jean Bouin coïncide à peu près avec la mort de son père (victime d'une opération à la clinique du sport dont les responsables viennent d'ailleurs d'être lourdement condamnés pour leurs déficiences) et avec sa prise des rênes du groupe Lagardère, en 2003. C'était aussi le temps de la préparation de la candidature de Paris aux Jeux Olympiques (JO) de 2012. Arnaud Lagardère se montrait l'un des soutiens les plus solides de cette candidature, comme il soutenait Delanoë, devenu maire de Paris en 2001. En devenant le sponsor du club, il en devenait le patron de fait. Et d'ailleurs, c'est après cette époque qu'ont été implantés les affreux Algéco qui défigurent le stade et qui portent le fanion "Team Lagardère".

La candidature pour les JO de 2012 avait rouvert la boîte de Pandore de l'avenir de Jean Bouin. On y trouvait un projet de modernisation du stade qui ouvrait des incertitudes mais qui, en aucun cas, n'aboutissait à la démolition de la tribune historique ni à l'expulsion définitive des scolaires. Le renouvellement de la concession du stade Jean Bouin s'est fait pendant la procédure de candidature, et on peut légitimement se demander si l'arrivée de Lagardère à Jean Bouin n'a pas été une forme de contrepartie que Delanoë lui aurait donnée pour le soutien de la candidature de la Ville aux JO, ce qui correspondrait en effet à une logique de favoritisme.

Après l'échec de la candidature, Lagardère entreprit de développer un projet absolument faramineux pour le stade qui lui était dévolu : il s'agissait d'une sorte de dôme géant, un POPB (Palais Omnisport de Paris-Bercy) dédié au tennis, à l'ouest de Paris, comme le POPB est à l'est. La réaction des riverains et des élus fut extrêmement virulente, le projet tomba, mais le mal était fait : désormais, l'avenir du stade Jean Bouin devenait incertain.

Le projet actuel et ses péripéties

On revint donc à l'hypothèse d'une modernisation du stade de rugby actuel, qui protégeait à la fois les éléments architecturaux et l'usage scolaire. La nomination de Bernard Laporte au gouvernement, à l'automne 2007, changea encore une fois la donne : Laporte était le patron sportif historique du Stade Français sous Guazzini, c'est lui qui avait réussi à reformer à Paris la ligne mythique du pack de Bègles qui avait propulsé le Stade dans l'élite. Proche de Guazzini qui était plus qu'un ami pour Delanoë, Laporte se retrouvait parmi les favoris de Sarkozy. Le pont entre la droite et la gauche naissait à leur profit, commun à Guazzini et à Lagardère.

C'est sans doute ainsi qu'est née l'idée de dépecer définitivement le stade Jean Bouin.

En effet, le projet actuel coupe le stade en deux moitiés : au sud, le rugby dans un stade privatif ; au nord, des courts de tennis et un gymnase, dévolus officiellement à Paris - Jean Bouin, et officieusement au Team Lagardère. Le stade Jean Bouin était victime d'un Yalta, victimes devenaient le hockey, l'athlétisme, et surtout des milliers de scolaires pour lesquels on imaginait un très vague et lointain déplacement dans des terrains qui seraient créés au milieu du champ de course d'Auteuil (à pied, c'est très loin, alors que Jean Bouin est au pied de deux des trois lycées concernés), alors même que le champ de courses n'appartient pas à la Ville, mais à l'État.

On ne sait pas bien pourquoi, à ce yalta sportif qui est une bérésina scolaire, s'ajoutent 7500 mètres carrés de commerces, qui n'ont aucun rapport avec l'ensemble.

Le tout atteint le budget minimal de 150 millions d'Euros, mais les spécialistes parlent de 200 millions, voire de 300 millions, ce qui, dans un contexte de pénurie fiscale et de suppression de la Taxe Professionnelle, semble encore plus absurde.

Fin 2008, il devint évident que la concession de Jean Bouin allait poser des problèmes juridiques, et la municipalité parisienne préféra la casser unilatéralement au cours d'un vote épique du conseil de Paris. Trop tard : le tribunal administratif de Paris l'annulait en mars suivant au motif de l'absence d'appel d'offres, et cette annulation ouvrait automatiquement la procédure pénale de favoritisme. Delanoë fut convoqué discrètement par la Brigade financière en juillet, et on apprend qu'il est de nouveau convoqué pour le 2 décembre prochain, dans la perspective d'être mis en examen.

Entre-temps, 7000 personnes ont défilé à Jean Bouin pour protester contre la démolition du stade, où l'on remarquait les représentants des municipalités du XVIe arrondissement et de Boulogne-Billancourt, des deux fédérations de parents d'élèves (PEEP et FCPE pourtant réputée proche de la gauche), des syndicats d'enseignants d'EPS, de la fédération française de hockey sur gazon, et de plusieurs partis politiques, parfois même membres de la majorité municipale : UMP, Nouveau Centre, MoDem, Verts. La section du PCF du XIVe arrondissement s'est même prononcée officiellement pour que le stade Charléty devienne le stade de référence du rugby parisien, et non Jean Bouin.

Les derniers arguments de Delanoë

Lors de l'interview d'aujourd'hui, Delanoë a développé une défense en plusieurs aspects.

- il n'y a pas eu de favoritisme.

arguments :

1) la concession du stade Jean Bouin de gré à gré a été votée à l'unanimité en 2004. Si Delanoë a su trouver les arguments pour convaincre tout le monde à l'époque, on voit mal en quoi cela l'exonérerait d'un favoritisme. Il faut se rappeler que, lorsqu'il a aidé Lagardère à prendre le contrôle du RCF à la Croix-Catelan, c'est au moyen d'un appel d'offres qu'il l'a fait. Dès lors, si l'appel d'offres a permis l'arrivée de Lagardère ici et si l'absence d'appel d'offres a permis son arrivée là, on est en droit de s'interroger sur la sincérité des procédures employées, et donc sur l'éventualité d'un favoritisme.

2) la concession a fait l'objet du contrôle de légalité par le préfet. L'inefficacité du contrôle de légalité est l'un des points faibles de la décentralisation depuis 1982, ce contrôle n'empêche pas l'annulation d'un très grand nombre d'actes publics chaque année, ni l'ouverture de procédures judiciaires annexes.

3) la chambré régionale des comptes a avalisé la concession. Est-elle chargée d'un contrôle de légalité ? Non : c'est le préfet. Il lui arrive de soulever des lièvres, mais ce n'est pas systématique. Son métier est la comptabilité publique.

- la Ville a besoin d'un stade entièrement consacré au rugby et n'a pas d'alternative

Delanoë explique au passage qu'"un de ses prédécesseurs" a construit à Charléty non pas un stade de rugby, mais un stade d'athlétisme. Le prédécesseur en question, c'est Chirac. Et non, il n'a pas construit un stade d'athlétisme : il a construit un stade pour le Paris Université Club (PUC), qui est un club omnisport comme Jean Bouin et qui, à l'époque, jouait dans l'élite du rugby...

La Ville pourrait très bien faire jouer en alternance au Parc des Princes football et rugby. On m'a parlé d'une solution technique très satisfaisante employée au stade de Cardiff au Pays de Galles, qui permet de refaire entièrement le terrain à chaque occasion, et qui n'est pas plus coûteuse que l'entretien normal.

Par ailleurs, si Delanoë acceptait de considérer que Paris, ce n'est pas seulement la ville réfugiée derrière son périph, mais bien l'agglomération parisienne, l'alternative existerait immédiatement. Il faut souligner qu'il existe déjà deux grands stades sous-utilisés en Île de France : le Stade de France, et Charléty.

- le stade Jean Bouin n'a plus de concessionnaire, il y aura appel d'offres pour sa prochaine attribution

Mais ça, c'est une forme d'aveu.

Et il faudrait le dire aux gens qui soutiennent le projet de reconstruction du stade et Guazzini : car il est évident que celui-ci n'a aucune garantie de poursuivre là ses activités...

J'irais même jusqu'à dire qu'il est évident que Guazzini ne sera pas le prochain bénéficiaire de la concession du stade Jean Bouin, non plus que Lagardère qui a pourtant dopé (si j'ose dire - c'est un mot qu'on ne prononce jamais dans les tribunes d'honneur des clubs, on se demande pourquoi...) l'équipe du RCF pour la propulser dans l'élite.

Comme je l'ai souligné dans l'une des vidéos que j'ai consacrées à ce sujet, celui qui va évidemment tirer les marrons du feu à Jean Bouin, c'est Colony Capital, concessionnaire du Parc des Princes, et dont le métier est justement l'immobilier, et en particulier l'immobilier commercial ! Voici cette vidéo et le lien avec mes précédents articles et vidéos sur ce sujet : surtout, et et .

La destruction de la tribune historique du stade Jean Bouin serait une grande perte pour nos monuments historiques, et la mise à l'écart de milliers d'élèves qu'on se propose de transbahuter en autocar dans les embouteillages parisiens pendant un nombre d'années indéterminé serait un signal extrêmement funeste donné à notre avenir : le sacrifice des scolaires au sport fric (où la triche est la règle comme Henry l'a montré) serait tout simplement un scandale.

Le Collectif Jean Bouin appelle à un nouveau rassemblement sur place le 2 décembre à 19 heures.