28/11/2007
Négocier en France.
On reconnaît parfois au prézigoto Sarkozy (alias le président Sarkophage) le talent des sorties de crise. Oui, mais... pourquoi ces crises ?
Il semble qu'en France, il faille incendier une école, une bibliothèque, un chalutier, bloquer un train, taguer un amphi, brutaliser un policier, pour être reçu par le président de la République.
La grève a toujours été le moyen pour les ouvriers de contraindre les patrons à la négociation ; l'émeute semble être devenue le moyen ordinaire pour les populations de contraindre la société politique à la négociation.
Est-ce un syndrôme de mai 1968, séisme qui n'en finirait plus de produire des répliques de plus ou moins forte ampleur ? Est-ce seulement le symptôme de l'érosion de la France ? Est-ce le résultat d'une gestion humaine calamiteuse ?
J'ai tendance à penser que la raison fondamentale reste la troisième : le pouvoir demeure altier. Il se bâtit une clientèle. Pour entrer dans sa clientèle, il faut d'abord le secouer, puis négocier.
Un de mes cousins, qui possédait il y a peu des usines d'une industrie de main d'oeuvre (il prend sa retraite l'an prochain) me confiait que, de son point de vue, la CGT était un excellent syndicat : une poignée de billets de banque à la fin de la semaine, et la paix sociale était assurée. Selon mon interprétation, il y avait donc une institution, un corps intermédiaire, qui s'occupait (parfois avec violence) de calmer les humeurs des travailleurs. La réputation de la CGT était de savoir parfaitement étouffer un conflit. C'est d'ailleurs ce qu'un nombre croissant de cheminots lui reproche, comme on l'a vu récemment. Car les billets de banque descendent rarement jusqu'à la base.
Longtemps, grâce à l'implantation des familles syndicales ainsi apprivoisées, le pouvoir a pu considérer que la paix civile ne lui coûtait pas cher et, partant, ne pas se préoccuper de l'intérêt direct des populations. Quand il le faisait, c'était en calculant un peu plus large sa clientèle. C'est ainsi que les collectivités locales, à travers le RMI et nombre de mesures conjointes, croient s'assurer des réseaux d'affidés en leur faisant croire qu'ils bénéficient de leur générosité sociale.
Seulement, l'inconvénient de cette stratégie, c'est qu'elle ouvre des appétits qui, en fait, n'ont pas de fond, pas de limite. On n'est jamais rassasié des aubaines de l'argent public. De là une partie de l'hystérie périodique qui s'empare des populations les plus dépendantes.
Et la tendance récente de notre vie politique est encore pire : elle repose sur la manipulation des masses. Plus question de l'intérêt de l'être humain. Une foule est une statistique. Une mesure politique est une autre statistique. L'homme politique, à la façon de Sarkophage, se fait tout miel et hypertrophie sa propre apparence d'humanité pour mieux déguiser les rouages de sa machinerie. Il se fait robot et velours.
Au clientélisme se superpose la crétinisation.
Dans les banlieues, un autre phénomène s'ajoute à ce mépris des institutions contre l'humanisme : les policiers sont saturés d'adrénaline. Aux dires de gens que je connais dans ces zones difficlles, dans ce nord parisien qui porte tous les stigmates architecturaux des cinquante dernières années, et où vivent des populations mêlant de nombreuses références culturelles, les policiers se conduisent comme des cow-boys. Ils se prennent pour les rois du monde. Comme si, Sarkozy président, il ne pouvait rien leur arriver.
Pire encore, quelques agités, parmi eux, ne cessent de multiplier les provocations, entrant dans l'engrenage stupide des provocations et des répliques. L'atmosphère détestable, constamment tendue, devient parfois éruptive : résultat du dernier désastre, à Villiers-le-Bel : deux morts adolescents et cent-dix policiers blessés. Pour quel effet ? Pour quelle cause ? Rien. Juste la bêtise.
Et de chaque côté la récupération politique bat son plein : Sarkophage qui ressort son invariable discours terminé par la locution "et-je-traînerai-les-coupables-devant-les-assises" (Bayrou, avec un humour discret, a taxé cette phrase d'"habituelle" dans la bouche de Sarkophage), cependant que les maires socialistes du coin, tout à leurs futures élections, se sont alignés comme une rangée de croque-morts.
Au milieu de tout cela, rien ne change pour les gens : ni le confort, ni la sécurité. De psychodrame en pantomime, leur réalité demeure.
C'est à cette réalité et non à leurs habituels mensonges que les politiques devraient s'atteler, faute de quoi, un jour, la réalité sera plus forte que leur mensonge.
17:25 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : politique, banlieues. | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Commentaires
Seul le rapport de force prévaut c'est épuisant.
Encore faut-il avoir grâce à sa fonction, un contre-pouvoir,comme les marins pêcheurs qui risquaient d'entrainer d'autres métiers de la route derrière eux,les cheminots qui n'étaient pas vraiment la cible de la réforme au fond puisque qu'elle consiste à nous atteindre et faire passer la pilule des 41 ou 42 ans en 2008, ou les étudiants dépourvus de salaire qui peuvent lutter longuement,évidemment je doute fort que l'on aperçoive Sarkozy rue de la banque régler la crise des mal logés!ce ne sont pas avec les bâches qui leurs servent de couverture qu'ils seront écoutés.
Et il y'a tous les autres...
Je connais un peu la banlieue du 93,mais c'était plutôt dans une cité hlm du type de la chanson de Renaud,à l'époque ou la mixité sociale existait encore,ou le passage en hlm n'était pas une finalité mais une transition.
Mais je modère mes propos,elle n'était pas une finalité car l'ascenseur social fonctionnait pour une certaine catégorie qui l'habitait,comme beaucoup, mes parents ont acheté par la suite leur maison avec leur carré de jardin deux stations plus loin,mais tous les autres sont restés,ceux pour qui l'ascenseur n'a jamais existé depuis que leurs parents sont venus vivre en France...le racisme était déja bien installé (exit les stages pour les copains au prénom Mohamed,Karim,Said...) mais pas de manière aussi violente,on voit aujourd'hui les dégats,les ghettos,le gachis humain,même habiter le 93 c'est un problème pour trouver un boulot dans certaines entreprises,bientôt ça sera toute la ligne B...
Plus tard à 18 ans je me suis investie dans une association pour m'occuper avec d'autres d'une toute petite cité ou la petite délinquance dominait ,le but était de les divertir durant le mois de juillet et d'août,on les emmenait au parc Asterix,on organisait des pique niques,des tournois de ping pong,des créations,rien de prétentieux avec les moyens du bord,à la fin août la police est venue nous voir pour nous informer que la délinquance avait diminué de 17%,c'était encourageant,mais en septembre nous avons tous arrêté, on retournait soit à l'école,soit au boulot,nous pensions naivement que la municipalité allait prendre le relais avec des animateurs...non en fait comme tu le soulignes dans un billet plus bas,elle a obtenu la paix sociale pour cette grande période scolaire,et tout est redevenu comme avant mais en pire....
Y'a tellement de choses à dire mais je dois m'arrêter donc rapidement une dernière chose,j'ai cru comprendre il y' a quelques mois que les agents en poste dans le 93 ont moins de 5 ans d'ancienneté dans la police...ça pourrait expliquer le manque de maturité,d'expérience de certains.
Écrit par : lilou | 28/11/2007
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