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09/01/2008

Bayrou, Michelet, la France éternelle ... et Quitterie.

Ah, Michelet. La France éternelle. Cela me fait penser aux taxis de la Marne en 1914, à cette improbable victoire remportée par l'improvisation des officiers de la Coloniale sur l'extraordinaire machine de guerre d'une Allemagne deux fois plus peuplée alors que la France, mieux équipée et opérant une manoeuvre d'une audace tactique si prodigieuse qu'elle faillit réussir.
 
Cette victoire défensive parut si providentielle qu'elle ancra les Français dans l'idée que Michelet avait raison, que la France était éternelle et qu'il y aurait toujours un sauveur.
 
Peu importe que l'on se soit depuis rendu compte qu'il y avait une raison objective de cette victoire : la moitié des véhicules automobiles circulant alors dans le monde roulaient dans la rayonnante capitable planétaire qu'était alors Paris, une ville où se côtoyait la plus effroyable misère à Montmartre (les scènes initiales du film sur Piaf sorti l'an dernier le rappellent avec crudité) et la plus extravagante opulence. Les taxis, tous les taxis, étaient à Paris.
 
Peu importe : la foi aveugle dans le sauveur de la France, le bras providentiel, était telle, que la défaite de 1940 parut comme une trahison du Ciel. L'invraisemblable s'était produit.
 
Invraisemblable en effet : en 1940, la tactique géniale des Allemands était ... la même qu'en 1914. Les mêmes pentes abruptes, le même étroit passage, la même audace. Mais en 1940, Paris rêvasse, les Français ont fait un crosse-en-l'air général. Car c'est cela, la ligne Maginot : un crosse-en-l'air général. Vos guerres, faites-les où vous voulez, nous on ne veut pas le savoir. On y participera de loin, sous terre, comme ça les bombes ne pourront pas nous atteindre. On ne veut pas comme en 1914 courir nus sous la mitraille, pas question d'envoyer nos enfants se faire découper en rondelles. Et dans ce crosse-en-l'air général, aucune place pour l'imagination, aucune place pour la mobilisation de la profondeur du peuple. Trop tard. On nous l'a déjà faite. S'il doit y avoir une guerre mondiale, eh bien, que les autres la fassent à notre place : on a déjà donné. Donc pas de sursaut, pas de victoire miraculeuse sur la Marne.
 
La fuite, les ministères qui, comme le Quai d'Orsay, brûlent leurs archives les plus sensibles, comme ça, dans la panique, dans le jardin, le repli-réflexe vers Bordeaux, l'exode, la capitulation dont Jean-François Kahn affirme dans son dernier livre qu'elle est préparée de longue date par les comploteurs Laval et Pétain, Pétain dévoilé traître et capitulard récidiviste, le déshonneur, le gouffre.
 
Et donc, effondrement. Effondrement millénaire. Bien pire qu'en 1815, lorsque les soldats prussiens et autrichiens découvrirent le raffinement parisien, la ville qui durant vingt-cinq ans avait défié l'Europe et dont les troupes avaient emporté toutes les batailles, toutes ... sauf les dernières (ultima necat). Bien pire qu'en 1870, lorsque les soldats prussiens contournèrent Paris et Victor Hugo bouillonnant de son "année terrible".
 
L'effondrement de 1940, nous ne nous en sommes toujours pas relevés.
 
Et ce pour une raison insurmontable : il a fallu oublier. En 1944 et après, le tourbillon était si fort qu'il n'a pu être question d'entreprendre l'introspection collective qui eût pourtant été nécessaire.
 
Cette étude des causes de la défaite, la Résistance intérieure l'a certes faite. À Uriage, ailleurs, dans des clubs, dans des groupes, dans des pages clandestines, dans le Comité National de la Résistance (CNR), là on a réfléchi. Et de cette réflexion sont nées les plus grandes réformes que la France aient connues depuis la Révolution française : la presse organisée en structure associative et interdite de propriété industrielle liée aux commandes publiques et militaires, les organismes sociaux, et j'en passe.
 
On a donc produit le résultat de la réflexion, mais cette dernière s'était faite, par définition, dans la clandestinité, sans la lumière du débat public. Les principes nouveaux ont donc ont été approuvés, mais la démarche quasi-psychanalytique, elle, est restée dans les limbes. Il aurait fallu libérer les esprits, on n'a libéré que les corps. Les réformes ont été approuvées en bloc, comme un tout, sans l'examen intime qu'il aurait fallu.
 
Pourquoi ? Parce que de Gaulle a cru nécessaire de grandir son pays en se posant en successeur des précédents sauveurs de la France. Il a cru indispensable de donner à penser que la France n'était pas tombée, que la vraie France, dès juin 1940, se trouvait à Londres, que donc le fil n'était pas coupé, que Michelet n'avait pas menti, qu'il n'y avait pas de trahison du Ciel et qu'en fin de compte, la France était éternelle. Il a cru que par cet artifice, selon la méthode Coué, la France reprendait comme avant.
 
D'un côté, le CNR et ses réformes dont les amis de de Gaulle prirent toute leur part. De l'autre, cette nécessité de faire comme s'il ne s'était rien passé.
 
Et c'est donc maintenant qu'il faut le faire, ce travail. Et puisque les principes du CNR sont combattus par le pouvoir actuel au nom d'une rupture que l'on découvre pervertie par le pétainisme, ces principes de 1944, c'est maintenant qu'il faut les représenter au peuple. Et l'introspection collective, la réflexion ensemble, c'est maintenant qu'il faut les faire.
 
Voilà pourquoi j'approuve entièrement les formules employées aujourd'hui par François Bayrou qui, au cours de ses voeux, a plusieurs fois évoqué la "France éternelle", chère à Michelet et à de Gaulle.
 
Et voilà pourquoi je suis particulièrement fier et heureux que Quitterie Delmas ait été présente avec notre colistière Nadia Falfoul à ces voeux qui je crois auront une portée historique.
 
(Merci à Okan pour son titre et sa photo).
 
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22:15 | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : politique, MoDem, Bayrou, Quitterie Delmas | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

L'intérêt que vous portez aux circonstances de l'effondrement de 1940, et puis au Conseil National de la Résistance, nous incite à vous proposer de venir voir de près certains des éléments que nous avons pu relever sur ces questions et qui ne peuvent manquer de susciter un certain trouble auprès de ceux et de celles qui ne cessent de s'interroger sur le contexte dans lequel est intervenue la disparition de Jean Moulin.
Nous serions très contents de pouvoir recueillir votre avis.
Très cordialement.

Écrit par : Michel J. Cuny et Françoise Petitdemange | 09/01/2008

@ MJ Cuny et F Petitdemange

Votre éclairage sur le rôle d'Huntziker au printemps 1940 est plus qu'instructif.

Sur les rapports entre d'un côté Jean Moulin (puis Georges Bidault) et de Gaulle, je vous laisse libre de vos interprétations. Il est vrai en tout cas que la question de la direction de la France Libre a agité les esprits à cette époque. De là à conclure comme vous semblez le faire, il y a un pas.

Écrit par : Hervé Torchet | 10/01/2008

Il parle de la France éternelle mais aussi d'une Société de rapport de force.
Le mot force est donc cité ce que je craignais ou plutôt je que j'expliquai hier sur ce même blog.
Dommage que dans la foulée on aborde pas le vrai problème des Intitutions qui elles devraient passer en référendum .

En parlant de Référendum les toutes jeunes générations vont croire que je raconte des bêtises mais non c'est bien prévu par les articles 11 et 89.

Pierre

Écrit par : ulm pierre | 10/01/2008

De mémoire je citerai également du temps du CNR la nationalisation des banques et des assurances ...mais c'est loin tout ça....


Pierre

Écrit par : ulm pierre | 10/01/2008

@ Pierre

C'est vrai, il y eut des nationalisations. Faut-il aller jusque-là ? Il y avait les nationalisations d'entreprises placées dans une situation de monopole, les nationalisations punitions (Renault) et ces nationalisations dont tu parles.

Écrit par : Hervé Torchet | 10/01/2008

@Hervé
je suis peu fan des nationalisations... En revanche, je serais très favorable à la privatisation totale de Sarkozy et à sa délocalisation immédiate en Hongrie ou, mieux, au Sri Lanka. Bref, le plus loin possible de la France éternelle justement, dont il est, à l'évidence, fort éloigné, tant intellectuellement que culturellement....

Écrit par : bertin | 10/01/2008

@Hervé
je crois ce satyre nain à ce point inculte qu'il me semble qu'il choisit ses destinations reposantes selon le clinquant patronymique du lieu retenu pour y emmener sa courtisane outre-alpine : luxe + or = Louxor. Ankara sera donc son prochain voyage.

Écrit par : bertin | 10/01/2008

à votre service !

Écrit par : OG | 10/01/2008

Pou aller à an ...KARA
Il faut prendre l'avion à OR... ly
Passer par OR ... léans
Puis aller voir son ami Bush dans l'OR...égon

Oui je sais je ne suis pas OR...riginal
Alors je vais continuer à manger mes KARA...mels.

Pierre

Écrit par : ulm pierre | 10/01/2008

@Flash spécial


Tout le monde cumulant joyeusement aux Municipales ,le Président de la République a décidé de se présenter aux élections municipales de la ville de Lyon.Confirmation par les agences de presse à 9H12.....

Pierre

Écrit par : ulm pierre | 10/01/2008

Mais non Bertin,......c'est pour rigoler.lol.

Pierre

Écrit par : ulm pierre | 10/01/2008

Intéressant article. Mais, en revanche, je ne comprends pas la fin. A priori, si j'ai suivi ton raisonnement, tu ne devrais justement pas approuver l'usage de la terminologie "France éternelle", non ?

Écrit par : L'Hérétique | 10/01/2008

@Pierre
Concernant les municipales, je suis plutôt confiant : Paris et Lyon échapperont très vraisemblablement aux griffes des parvenus de l'UMP. Cela devrait également secouer à Marseille (Gaudin est mourant et ses sbires s'entredéchirent), à Strasbourg (panique à bord) et à Bordeaux (Juppé est friable et la ville est sagement conservatrice et peu encline aux bling-bling). L'UMP devrait perdre une quarantaine de villes de +30.000 h dont certaines fort inattendues (Quimper pour Hervé :-), Blois pourquoi pas, Nîmes et dans le Sud-Ouest, ce sera l'hécatombe ). Bref, on va respirer davantage face à l'étau de l'Etat-parti sarkozyste. Ces gens-là - l'UMP - ont des méthodes de bolcheviques et gèrent leurs municipalités comme les communistes : clientélisme, affairisme, "achat" des opposants.... la France mérite tellement mieux !

Écrit par : bertin | 10/01/2008

@ L'Hérétique

L'usage ce la locution comme référence historique a un sens, même si l'on ne croit pas au propos lui-même. Je ne suis pas nationaliste, je ne crois pas que les nations soient immortelles. Pour moi, le nationalisme n'est qu'un égoïsme. Mais en tant que référence, j'approuve, notamment parce que cela conduit à l'introspection tardive. C'est ce que je dis.

Écrit par : Hervé Torchet | 10/01/2008

Merci à Pierre et à Bertin pour les jeux de mots : mon mari pourrait en prendre de la graine !
Quant à Lyon, ça ne me fait pas rire
Actuellement nous subissons la gabegie de Perben : un tract par semaine...papier glacé et tout et tout...Je crois que je vais être obligée d'en parler sur mon blog même si je déteste y parler politique.
Hervé tout à fait d'accord avec toi pour le rejet du nationalisme qui est à l'origine des guerres : laissons ça aux footeux.

Écrit par : Rosa | 10/01/2008

Hervé nous parle dans sa vidéo du nécessaire passage de témoin aux plus jeunes. Je me faisais la même réflexion au sujet des chansonniers dont on connaît les mérites exutoires dans des situations un peu oppressantes : les deux lascars de "La chanson du dimanche" me semblent à cet égard marcher avec allégresse dans les pas de leurs illustres prédécesseurs... Voyez avec l'une de leurs récentes compositions "Rachida et Nicolas"

http://www.youtube.com/watch?v=60be7uKpcjg

Bien cordialement.

Écrit par : André-Yves Bourgès | 10/01/2008

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