23/06/2009
Versailles : la solution de la crise, c'est travailler plus pour gagner plus.
Le retour du chef de l'État à Versailles devant les représentants de la Nation, pour la première fois depuis 1789, a été assez commenté pour n'y pas revenir. Lors de la dernière élection présidentielle, nous dénoncions les travers antirépublicains de son programme. Il a beau conclure par "Vive la répubique", personne n'est dupe, mais là n'est pas l'essentiel.
Il faut en effet se souvenir de la leçon de Bill Clinton : "Ca se joue sur l'économie". C'est la tornade financière qui a définitivement disloqué la campagne de McCain lors de la dernière présidentielle américaine, et ce sont les profondes lacunes du programme socialiste en matière économique qui ont permis l'élection de Sarkozy en 2007 malgré les relents nauséabonds de son programme.
Or Sarkozy est justement venu parler d'économie, devant les élus du peuple.
Pour l'essentiel, son discours n'est que la justification de la politique qu'il mène depuis deux ans, et la promesse d'une nouvelle augmentation des déficits publics, avec une persévérante "modernisation" du modèle français ("La crise a remis le modèle français à la mode, mais..."), et une incohérence assez profonde entre d'un côté une idée strictement productiviste ("réindustrialiser la France", libérer la croissance, améliorer la productivité par la recherche et par la mobilisation des "ressources humaines" - va falloir bosser, mais avec quels emplois ?) et la création d'une taxe carbone qu'il annonce massive (hum, on verra). On pourrait d'ailleurs noter d'autres incohérences, notamment sur la question de l'Internet, secteur innovant s'il en est, dont la volonté de "régulation" ne peut pas être interprétée comme une libération des énergies (sur la "question du droit d'auteur", "j'irai jusqu'au bout").
Le distinguo qu'il fait entre "bon" et "mauvais" déficits (celui des dépenses courantes et celui de l'investissement) pourrait être pertinent si la situation actuelle n'était pas déjà désastreuse dans tous les domaines.
L'emprunt qu'il a annoncé est un cadeau fait à ses électeurs, ceux qui ont de l'argent et qui pourront souscrire à cet emprunt dont les conditions seront certainement plus avantageuses pour eux que pour l'État. Ces petits cadeaux-là entretiennent l'amitié. On a entendu les journalistes glousser d'admiration en notant que, naturellement, le succès de l'emprunt aurait valeur de référendum. Mais on sait bien que l'argent aime Sarkozy, pas besoin d'un référendum sur ce point. Et d'ailleurs, si par extraordinaire les Français boudaient cet emprunt, il se trouverait toujours un émir pour le boucler, ce qui permettrait de s'émerveiller sur le soutien populaire du président.
Quant à l'innovation qui en résultera, hum, on verra. La vraie façon d'encourager la recherche, c'est de consommer du produit de haute technologie, pas d'engloutir des fortunes dans des laboratoires, il devrait le savoir. Quant à l'amélioration des structures publiques de recherche et de leur articulation avec le développement industriel, tout cela est en contradiction avec les intérêts économiques qui sous-tendent l'action de la majorité depuis deux ans, et qui ont largement désamorcé le grenelle de l'environnement.
En somme, toujours la même dissociation entre les mots et les actes :
Mettre l'économie au service de l'homme. Respecter la nature. Réguler la mondialisation et les marchés. "Le modèle français a de nouveau sa chance". Révolution écologique, révolution numérique. "la part trop belle au capital financier", "spéculation effrénée", référence au CNR et à 1945.
Et toujours les mêmes remises en cause des principes républicains les plus fondamentaux :
"Où en sommes-nous avec le principe de l'égalité ?" La république, ce n'est pas l'égalitarisme, etc.
"Où en sommes-nous avec la laïcité ?" "Je ne vais pas reparler de laïcité positive, mais..." Question au passage de la burqa, qui "n'est pas un problme religieux", mais de "dignité de la femme", ce qui est vrai.
En somme, incohérences flagrantes, double langage obérant la transparence du discours, clivage des gens les uns contre les autres au mépris de leur interdépendance, ce discours a dû faire froncer les sourcils de Quitterie Delmas.
10:57 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : politique, économie, sarkozy, congrès, versailles | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Commentaires
Et pas que les siennes ...
Écrit par : Claudio Pirrone | 23/06/2009
La "Régie Nationale des Usines Renault" a été privatisée en prétextant que le rôle de l'état n'était pas de produire des automobiles. Mais une société nationalisée aurait-elle construit des usines à l'étranger ? Si l'état était propriétaire de sociétés industrielles, ne serait-il pas le mieux placé pour construire des usines ? Ces questions auxquelles je n'ai pas de réponse dépassent le cadre d'un modeste commentaire...
Cordialement.
Écrit par : Carisma | 03/07/2009
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