02/12/2010
Wikileaks : du vrai nouveau sur le PS
Le lent débit de Wikileaks continue à livrer son flux de dépêches. Hier, Le Monde a remarqué une phrase de Dominique Strauss-Kahn (DSK) sur Ségolène Royal. Il me semble cependant que l'exploitation des dépêches citées en sources par l'article du journal aurait pu être plus approfondie.
Selon cette livraison de Wikileaks, l'ambassadeur américain à Paris a reçu, entre février et juin 2006, au moins trois des présidentiables du Parti Socialiste : Ségolène Royal en février, DSK en mai et François Hollande en juin. On ne doit pas s'étonner de cette démarche, l'ambassadeur est dans sa fonction en anticipant sur ce que pourraient devenir les relations franco-américaines en cas de victoire de tel ou tel candidat. De la part des candidats socialistes, il n'y a pas là non plus d'expression de vassalité particulière à l'endroit des États-Unis. Il est ordinaire que les candidats rencontrent les diplomates des pays qui ont un lien, quel qu'il soit, avec le leur.
On a signalé que l'actuel président de la république avait annoncé sa future candidature à l'ambassadeur américain dès février 2005, soit dix-huit mois avant de l'annoncer aux Français, mais Mme Royal ne fait pas autrement, puisqu'elle annonce sa candidature aux primaires socialistes à l'ambassadeur en février 2006, plus de sept mois avant de le faire officiellement. Il n'y a rien là d'étonnant non plus.
L'ambassadeur est visiblement impressionné par l'énergie et l'envie de gagner de son interlocutrice, en un mot pas sa gnaque. Il note qu'elle ne s'écarte guère des clichés qu'il attribue à l'esprit de gauche, mais qu'elle fait un effort pour se montrer accommodante avec les États-Unis. Elle cite en particulier l'Afrique où elle "n'aurait pas fait campagne contre les États-Unis", ce qui dit à la fois beaucoup et pas assez.
Bien entendu, nous sommes lassés d'un lien françafricain réservé à certains des dictateurs les plus obtus du continent africain. Mais d'un autre côté, la bataille entre Chirac et Jospin, l'introduction des intérêts américains par ce dernier sous les oripeaux de l'évangéliste M. Gbagbo en Côte d'Ivoire, aujourd'hui même où le blocage des résultats des élections présidentielles par M. Gbagbo montre qu'il n'acceptera pas le résultat des urnes, cependant que son pays, naguère prospère, n'en finit pas de dégringoler, tout cela fait que certes, nous serions bien aise que les dictateurs liés à la France ne fussent plus, mais que si c'est pour qu'on les remplace par des dictateurs liés aux intérêts de la Banana Company, ni les peuples africians, ni les droits de l'Homme, ni les Français, ni la France, n'y gagneraient rien. Des trois interlocuteurs socialistes de l'ambassadeur américain, Mme Royal est la seule à avoir parlé de l'Afrique, on voit qu'elle a d'ailleurs favorablement impressionné l'ambassadeur.
DSK, lui, est décrit comme sympathique, détendu, superintelligent, mais ....
"while he may be the most capable and qualified candidate among the Socialists, he lacks the fire in the belly that would propel him to victory. He is one of those who would clearly be better governing than campaigning -- and therefore may never get the chance to govern".
Je traduis :
"alors qu'il pourrait être le plus capable et le plus qualifié candidat parmi les socialistes, il manque du feu sacré qui le propulserait vers la victoire. Il est l'un de ceux qui peuvent clairement mieux gouverner que faire campagne -- et donc devrait n'avoir jamais aucune chance de gouverner".
On ne peut pas s'étonner, après cet éloge, que les Américains aient ensuite recruté DSK au FMI.
On retrouve d'ailleurs à peu près le jugement formulé par Mme Royal : DSK ferait un excellent premier ministre. DSK démentira-t-il ces pronostics ?
Je suis frappé de trouver, dans sa bouche comme dans celle de François Hollande, le nom de Bayrou. Il est vrai que ce dernier a rendu un vrai service à DSK, je crois que c'était pour les législatives de 1993. Les deux hommes sont personnellement liés, et ils ont en ce moment la même ambition pour la France.
Fraçois Hollande, dans ce qu'en dit l'ambassadeur, n'est quant à lui qu'un plan B de la candidature Royal, selon les éléphants du PS. La vision de ceux-ci explique pourquoi ils ont tant poussé pour prendre le contrôle de la rue de Solférino à l'automne dernier.
Voici donc enfin du neuf qui sort de Wikileaks, dont il faudra sans doute finir par dire du bien. De toutes façons, si la vérité et la lumière ne sont pas aussi intenses que nous l'espérions, nous savons qu'au moins il y a un perdant : la morgue américaine, comme le juge très joliment l'écrivain italien Umberto Eco.
Verra-t-on le retour des messages expédiés par pigeons voyageurs, comme encore pendant la Grande Guerre ? Ce serait une sacrée économie de CO2, mais... comment dire... à raison de 10000 dépêches au moins par jour, les grandes ambassades devraient s'acheter des villages entiers pour les changer en colombiers. On ne peut pas toujours gagner tout à la fois.
EDIT : Wikileaks a changé d'adresse IP. Les doc mis en lien peuvent être trouvés à la nouvelle adresse wikileaks.ch sous le tag FR et ici.
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Commentaires
As tu remarqué, Hervé, combien les médias dominants, dans une unanimité suspecte, tentent de dévaloriser tout ce qui vient de Wikileaks.
On y apprend pourtant beaucoup de choses sur les mœurs de nos dirigeants même si on s'en doutait !
Bravo pour ton blog ! Je l'ai rangé dans mes liens RSS : tu te rends compte ? Tu es placé au milieu d'affreuses canailles gauchistes, le couteau entre leurs dents gâtées !
;-)
Écrit par : cui cui fit l'oiseau | 02/12/2010
Bon, il y a longtemps que je n'ai plus exploré mon blogrôle. Je vais tâcher de ne pas tarder à en faire autant.
Écrit par : Hervé Torchet | 02/12/2010
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