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06/08/2011

Le monde est tombé sur la dette

Il flotte une désagréable atmosphère de mauvais poujadisme sur notre époque, et je suis souvent agacé par l'excès des récriminations et des suspicions qui s'expriment, notamment sur internet, mais il faut dire que, dans le même temps que monte l'irritation permanente de l'opinion publique contre eux, nos élus et nos élites perdent le sens de certaines formes de décence qui les ont longtemps guidés.

Quand on a vu un membre du gouvernement français condamné par la justice pénale demeurer en poste, on a pensé que notre pays était tombé bien bas. D'autres parmi nos voisins, où les élus ont eu longtemps la gâchette démissionnaire facile, ont donné dans le même temps l'exemple ou plutôt le contre-exemple de ministres pris la main dans le sac et qui ne démissionnaient pas non plus. Le pompon me paraît atteint après qu'une ex-ministre française, Mme Lagarde, est maintenue à son poste de directeur du Fonds Monétaire International alors même que s'est ouverte contre elle une enquête de nature judiciaire et officielle dont l'un des chefs d'accusation est le détournement de fonds publics. Voici donc le chef d'une institution internationale dont l'une des missions les plus hautes est justement de surveiller la gestion des fonds publics par les gouvernements des états est elle-même sous le coup d'une enquête pour l'un des délits qu'elle est supposée combattre avec le plus d'ardeur. N'importe quel policier sait que, dans ce genre de cas, la suspension est la mesure conservatoire la plus élémentaire. Or non seulement Mme Lagarde n'a pas été démise de ses fonctions, non seulement elle n'a pas été suspendue à titre conservatoire, mais tout au contraire, l'après-midi même de l'officialisation de la décision judiciaire contre elle, elle recevait un vote de confiance de son conseil d'administration. Que l'on ne s'étonne donc pas si la suspicion continue à croître contre les élites : ces gens-là finissent toujours par s'entendre entre eux, ils n'auront que ce qu'ils méritent.

Dans le même temps, on a présenté comme une grande victoire le compromis politique des élites américaines permettant à leur pays d'éviter la cessation de paiement. Le but de ce compromis : élever le plafond d'endettement légalement admissible des États-Unis. La fuite en avant continue donc, la fuite vers l'abîme devrait-on dire, car depuis plusieurs années, les USA ne cessent de creuser leur tombe avec leur dette. Il y a de quoi se taper la dette contre les murs.

Les USA ont dépassé les 100 % de PIB de dette, leur dette extérieure représente presque 20 % du PIB mondial et 20 % de l'endettement de l'ensemble des états. Ils affirment ne pas pouvoir fermer le robinet de la dette, car c'est la consommation américaine qui nourrit la production mondiale. Ce fait peut être juste. Cependant, en créant une demande artificielle, on s'expose à un retour inéluctable à la réalité. Tôt ou tard, l'artifice explose et la production revient à sa réalité. Depuis trente ans, l'endettement des pays développés a gonflé une gigantesque bulle de production. À chaque fois que cette bulle menace d'éclater, on injecte des liquidités pour empêcher la catastrophe. Mais cette injection, au lieu de résoudre le problème, ne fait qu'en retarder l'issue dramatique. Et à chaque fois qu'on injecte un peu plus de liquidités qui n'existent pas, on augmente la taille de la bulle et, par voie de conséquence, l'intensité de l'explosion future.

Au passage, on remarque les profiteurs de cet engrenage meurtrier, ils sont les prédateurs de la crise, ceux qui sont prêts à dépecer les états et les possessions publiques. Ce qui se passe en Grèce est ainsi exemplaire : on veut forcer l'état grec à vendre ses joyaux (comme les ports, les îles, les plages), alors qu'on sait très bien que ces ventes ne suffiront certainement pas à résoudre le problème de la dette grecque. On devrait relire "Maigret et l'Affaire Saint-Fiacre" de Simenon : les conseilleurs de la Grèce sont un peu comme l'intendant des Saint-Fiacre qui les dépouille méthodiquement de leur fortune en feignant de les secourir.

Que l'on ne s'y trompe pas : c'est bien une guerre contre les états qui est en cours. Les prédateurs sont à l'œuvre. Or ces prédateurs, les financiers du monde, sont une fausse puissance, bâtie artificiellement sur la dette de leurs victimes. Qu'on se souvienne de l'époque où AOL, une start-up dont la profitabilité confinait à zéro, se payait le géant Time Warner qui, alors, avait une consistance autrement plus substantielle. C'est ce que nous vivons à échelle mondiale, où les États sont Time Warner et les prédateurs AOL.

Qu'on ne voie pas dans ma métaphore une critique de la nouvelle économie, on sait que j'y suis au contraire très attaché, mais on sait que les modèles économiques y sont très fragiles et la surévaluation fréquente. Et quand internet s'en prend aux États, il doit se demander à qui (à quels prédateurs) ses assauts peuvent profiter et à qui les bénéfices de ces prédateurs peuvent nuire.

Et ceux qui, comme la gauche française, continuent à préconiser l'augmentation des dépenses publiques, doivent égalemetn réfléchir aux conséquences de ces choix éventuels.

La solution est certainement dans le sérieux : les marins, pour faire face au gros temps, savent ce que réduire la voilure veut dire. Mais ce sérieux doit être solidaire. Telle est la quadrature du cercle politique français et européen. L'exemple allemand (une société où l'économie s'échafaude sur la production et non sur le financement) doit nous guider. Mais quoi qu'il puisse arriver, nous savons que la solution de nos problèmes ne se trouve pas dans une décision politique, ni dans un arsenal de mesures techniques : la source de nos problèmes se trouve dans notre âme collective. C'est là que nous avons à trouver et révéler des vérités cachées ou oubliées pour recouvrer notre liberté.

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