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27/09/2011

Un homme et une flamme

En instaurant l'élection du président de la république au suffrage universel direct, comme il l'avait annoncé dès le début de son action politique après la Libération, le Général de Gaulle a créé un mécanisme subtil pour que la vie politique française, qui penchait toujours plus à gauche depuis 1789, se mette à pencher à droite. On néglige les effets culturels et sociologiques des dispositifs institutionnels, et on a tort. Le président de la république, c'est le Sauveur, c'est en direct le mythe très ancien du "sauveur suprême", de l'"homme providentiel", enraciné en France dans les figures de Jeanne d'Arc et de Clemenceau, et bien sûr de De Gaulle lui-même. L'homme providentiel, c'est un mythe de droite. Il n'y a qu'à lire les paroles de l'Internationale pour le comprendre : "Il n'est pas de Sauveur Suprême, ni Dieu, ni César, ni tribun". Pas de Bonaparte ramassant le drapeau au Pont d'Arcole. Pour la gauche, le salut est par principe collectif.

Et l'on ne peut pas s'étonner, dans ces conditions que, jusqu'ici, tous les présidents de la Ve république aient eu une culture personnelle de droite : De Gaulle évidemment, mais aussi d'une façon plus complexe Pompidou, VGE, grand bourgeois marié aux Deux-Cents familles et aux maîtres de forge, qui rêvait de gouverner au Centre (et qui l'a fait parfois), Mitterrand, maurrassien converti à la gauche par la haine de l'argent des autres et par l'appétit d'élimination du communisme, Chirac, radsoc et nationaiste ultra-autoritaire, Sarkozy, dont il n'est pas besoin de rappeler les penchants que tout le monde connaît. Cette fonction d'homme providentiel impose une carrure personnelle, un caractère osseux, que la culture de gauche a du mal à assumer. Souvenons-nous de Jospin laissant la parole à tout le monde, et lisons les commentaires écrits par les socialistes eux-mêmes après le débat des Six, voici quelques jours. Ce qui leur a plu, c'était l'unanimisme, l'esprit collectif qui se dégageait, l'image d'un groupe uni. Dès lors qu'il faut soutenir un candidat, et un seul, le malaise ne tarde pas à s'exprimer, la crainte d'un césarisme de gauche, le réflexe contre le chef. Et cette prévention de la gauche contre la personnalisation du scrutin présidentiel explique très bien pourquoi les Verts, par exemple, ont tant de mal à s'affirmer dans cette élection, elle leur va beaucoup moins bien que le jeu collectif des législatives, du parlementarisme, et donc de la proportionnelle.

Il y a un deuxième mécanisme politique que De Gaulle a enclenché dont on a mal mesuré la portée jusqu'ici : ce deuxième mécanisme, c'est la Françafrique.

La France et ses communautés de destin

La création de la Communauté par la constitution de 1958 n'a pas été très efficace, il a ensuite fallu que De Gaulle charge Foccart de cimenter ce qu'on a nommé la Françafrique, surtout après 1966 et après la sortie du commandement intégré de l'OTAN qui annonçait des turbulences politiques avec les Américains. Sur le papier, l'idée de la Françafrique est bonne : travailler au développement mutuel, faire vivre la francophonie, créer une dynamique de culture et de développement, c'est une bonne idée. Un réseau d'états africains libres, associés à la France pour des projets, protégés par elle de certaines intrusions guerrières ou politiques, ça sonnait bien. Nous aimons l'Afrique et nous serions plus qu'heureux de la voir se développer dans l'harmonie, la paix, la démocratie, avec notre communauté de langage.

Hélas, pour les peuples d'Afrique, le compte semble n'y être pas du tout. En tout cas, pour nous Français, il y a un effet rétro (comme rétrocommission) terrible, dans cette affaire, c'est d'abord que l'allégeance des régimes africains au pouvoir français s'est traduite pendant des décennies par le versement de ce qu'il faut bien nommer un tribut, au sens féodal du terme, un tribut occulte mais substantiel, c'est ensuite que les mœurs désinvoltes de ces régimes en termes de démocratie et d'honnêteté ont déteint sur notre république, c'est enfin que ce réseau a tourné en réseau mafieux, où chacun soutient l'autre sans la moindre considération d'intérêt général ni national. La privatisation rampante de nos services secrets depuis déjà longtemps est l'une des découvertes que le grand public fait en ce moment et qui lui cause un grand malaise qui n'est pas pour rien dans le regard nauséeux que le peuple porte sur le pouvoir actuel. L'amitié des états africains en question n'est pas une amitié pour la France quels qu'en soient les dirigeants, c'est une amitié qui veut choisir les dirigeants de la France qui lui ressemblent le plus. C'est dommage pour l'amitié des peuples entre eux.

Or ce réseau mafieux sélectif n'est pas neutre politiquement non plus, il soutient, on le sait maintenant, tout ce qu'il y a de plus à droite en France. Il lui arrive de faire allégeance à la gauche, de s'y créer des points d'appui, mais sa vison du monde est très à droite. D'une certaine façon, c'est le deuxième effet Kisscool du dispositif gaullien : le premier, c'est l'élection du président de la république au Suffrage Universel Direct, le deuxième, c'est le financement des réseaux nationalistes par une source indépendante des magouilles françaises. La première lame tire le poil, la deuxième le coupe avant qu'il ne se rétracte, disait une ancienne publicité. On peut aussi parler d'un effet de ciseau.

Quoi qu'il en soit, on voit bien qu'au point où nous en sommes, une réflexion sur la Françafrique doit précéder la prochaine élection présidentielle, il faut une doctrine sur notre communauté de culture, une doctrine pour ne pas livrer les peuples d'Afrique à des appétits (américains notamment) qui ne sont pas plus nobles que ceux des dirigeants actuels de la Françafrique. Une doctrine pour sortir du système mafieux sans livrer les peuples à d'autres mafias.

Le roi Arthur

L'élection présidentielle. Elle vient de surgir, presque par inadvertance, au milieu d'une phrase. Oui, si j'écris ces lignes, c'est bien entendu en pensant à l'élection présidentielle d'avril et mai 2012.

Il serait terriblement simple, en fait, de trouver Excalibur et de planter cette épée mythique dans un rocher, quelque part entre Ploërmel et Pontivy. Ensuite, on ferait venir les candidats, un par un, et ils tireraient sur l'épée, jusqu'à ce que l'un (ou l'une) d'eux arrive à extraire l'arme de la pierre. Hélas, l'épée, Excalibur, nul ne sait où elle gît, ni dans quel étang. Il faut donc s'en remettre prosaïquement au suffrage populaire. Mais gardons du roi Arthur son profil essentiel : il est l'homme providentiel, providentiel par excellence, puisque par un sortilège extraordinaire, il est le seul à avoir le pouvoir d'extraire l'épée du roc. Il est l'Élu.

Les études arthuriennes sont particulièrement nombreuses. J'en recommande la lecture à tous ceux qui veulent réfléchir à la nature du pouvoir politique dans notre inconscient collectif. Car les traits que la mentatlité poétique et populaire attache à Arthur sont ceux que le peuple, consciemment ou inconsciemment, cherche dans le président de la république : il incarne l'univers, sa façon de vivre favorise la moisson, il est en communion avec les éléments. Lorqu'Arthur, ayant surpris sa femme dans le lit de l'un de ses chevaliers, plante son épée (Excalibur toujours) dans le sol, il blesse la terre, et aussitôt les calamités s'abattent sur le pays, les récoltes périssent sur pied, la famine se répand. Le mélange de colère, d'injustice, de déséquilibre, d'Arthur produit le malheur.

De ce fait, on ne s'étonnera pas si j'estime que les qualités que l'on recommande au chef de l'État (qui ne sont pas forcément celles du candidat hélas) sont aussi celles qu'a développées la culture chevaleresque. Ce sont les quatre vertus du chevalier qui sont apparues, me semble-t-il, sous la plume de Georges Duby : la prouesse, la prodigalité, la tempérance et la loyauté. Deux vertus de faire et deux vertus de ne pas faire.

Les vertus de l'action

La prouesse et la prodigalité sont les deux vertus actives. La prouesse, c'est le courage au combat, c'est aussi le goût de la compétition, la volonté de s'illustrer, le sens de l'honneur, le goût de séduire aussi. Quand Bonaparte ramassa le drapeau tricolore au Pont d'Arcole et s'élança, seul contre tous, il fit une prouesse. Lorsque Mitterrand, d'un ton particulièrement ferme, déclara, dans la campagne présidentielle de 1981, qu'il avait l'intention d'abolir la peine de mort malgré tous les sondages, il fit une prouesse, tout le monde le ressentit comme ça. Il fallait le faire. Quel courage ! Chapeau ! On le dit encore, trente ans plus tard, il a épaté tout le monde. La prouesse. Lorsque Bayrou s'en est pris au système de la barbichette en proclamant son innocence de toutes les corruptions, il a accompli une prouesse, tant ce système est prompt à fomenter des complots punitifs. Quel courage ! Chapeau ! Le président de la république doit être ainsi, excellent joueur de poker, des nerfs d'acier, des convictions intraitables sur l'essentiel, capable de courage, non pas du courage de se battre avec un marin-pêcheur sur le quai d'un petit port breton, mais du grand courage, de celui qui n'est pas donné à tout le monde, car il peut coûter cher. Ce courage-là fait frissonner dans les chaumières, il fait aussi frissonner les adversaires.

La prodigalité, c'est une autre affaire. D'une façon immédiate, c'est l'obligation morale pour le chevalier de répartir le butin après un moment de combat. Il doit se montrer équitable, pas radin, n'oublier personne parmi ceux qui ont été à la peine. Curieusement, la même règle s'appliquait jadis aux équipages de pirates : une double part pour le capitaine, le reste partagé à égalité entre tous les membres de l'équipage. Le chevalier prend la part du lion (la part léonine), il doit veiller à la justice du partage des dépouilles. Et puis, il doit vivre avec faste. On verra que cette obligation morale-là entre en conflit avec la tempérance, mais le chevalier a le devoir d'honorer ses vassaux, sa cour, ses amis, ses maîtresses, en menant grand train. Il ne doit jamais mégoter, jamais compter son argent (c'est un principe) et ne jamais, surtout, se montrer mesquin, ce qui déshonorerait lui, sa maison, sa suite, ses vassaux et tout le reste. Il ne s'agit pas d'être bling-bling, mais de cultiver la noble apparence. Et il doit le faire non par plaisir, mais pour l'honneur, le sien et celui de ceux sur lesquels le sien rejaillit. Enfin, la prodigalité, par extension, suppose de veiller à la prospérité de tous ceux qui dépendent de soi. Le chevalier se doit d'être attentif aux autres, à commencer par les siens.

Les vertus d'abstinence

Comme je viens de le dire, une partie du devoir de tempérance entre en conflit direct avec celui de prodigalité : comment peut-on vivre à la fois fastueusement et sobrement ? La tempérance est en effet la mesure en tout, l'équilibre, se nourrir sainement, en quantité suffisante, sans la moindre gloutonnerie, sans excès de gourmandise non plus. Boire avec modération et sans jamais s'enivrer. Éviter la colère. Éviter la jalousie. Se montrer longanime, patient, détaché des passions humaines. Une forme de stoïcisme. Préférer le devoir au plaisir, la paix à l'agitation, la simplicité à la volupté. On le voit, c'est d'abord une vertu négative, ou plutôt passive, une vertu d'intériorisation, alors que la prouesse et la prodigalité gouvernaient d'abord des actes vers autrui. Et puisqu'il faut la combiner avec celle de prodigalité, disons qu'il doit offrir le faste aux autres et ne jamais s'en laisser griser, ne jamais le faire par égoïsme, mais toujours dans un but utile.

La loyauté, enfin, est la vertu cardinale, celle sans laquelle l'ensemble n'a pas de sens : le chevalier doit avoir une parole et s'y tenir. Ne promettre que ce qu'il est sûr de pouvoir tenir, et tenir toujours ce qu'il a promis, quoi qu'il lui en coûte. Il doit être fiable. Il doit suivre les règles, en particulier celles du contrat.

Voilà quelques réflexions qui me viennent en pensant à cette élection présidentielle. Je m'y engagerai avec ferveur pour les combats que je crois les plus justes : l'État impartial, la sagesse budgétaire, la répartition équitable des efforts et des récompenses publics, la protection du faible contre les abus de pouvoir du fort, l'éthique, qui sont mes engagements de toujours, depuis bientôt trente ans, dans les JDS, le CDS, Force Démocrate, l'UDF, et le MoDem, la campagne présidentielle de Raymond Barre en 1988 et tous les combats que j'ai menés depuis, et d'une façon plus récente l'orientation de l'émergence du nouveau monde et d'internet vers le partage des savoirs et la neutralité des réseaux. Il y aurait ecore beaucoup à dire, mais je pense que j'ai déjà été un peu long et que j'aurai d'autres occasions de m'exprimer puisque je soutiendrai un candidat qui me semble rassembler à la fois les qualités de caractère nécessitées par le principe de l'homme providentiel, le début d'analyse sur l'insertion de la France dans ses deux communautés de destin (la francophonie et l'Europe), et les quatre vertus chevaleresques, oui, cette fois-ci encore, je soutiendrai à la fois quelqu'un et un programme, un homme et la flamme de ses idées, François Bayrou, sur le chemin de l'accomplissement, jusqu'à ce qu'il trouve le rocher et qu'il en arrache Excalibur.

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26/09/2011

L'échec éthique du sarkozysme

La forte poussée de la gauche, hier, aux élections sénatoriales, a prouvé une exaspération venue tout droit de ce qu'on a nommé en son temps du mot malheureux de "la France d'en bas". Les petits maires, les élus ruraux. Cet électorat, ces quelque soixante dix mille élus des territoires, passe pour voter en principe à droite, c'est la France paysanne, catholique, conservatrice. Or cette France-là, réputée inamovible, vient de franchir le pas de préférer des élus de gauche à des élus de droite. Pourquoi ?

Il y a d'abord une cause directe : le lobby des départements a frappé. La droite organisait la mort des départements, les départements (une institution née en 1790) se sont défendus, becs et ongles, et ils ont gagné. La victoire de la gauche au Sénat enterre probablement la réforme territoriale voulue par le pouvoir actuel. Et s'il a fallu recourir à la gauche pour le faire, c'est d'abord parce que le Sénat n'a pas joué son rôle dans le processus de cette réforme, il n'a pas défendu les territoires, les collectivités locales, il leur a préféré la discipline partisane. Le résultat est là : la défaite, cuisante. Défaite donc d'abord du président du Sénat, qui n'a pas su résister au pouvoir politique, à ses amis. S'il a fallu recourir à la gauche, c'est aussi parce que le Centre n'a pas su se donner d'expression propre dans cette élection, il n'y avait pas d'alternative au binôme droite-gauche, sauf dans une poignée de départements ou de circonscriptions, où l'on a d'ailleurs vu des succès parfois inattendus et prometteurs pour ceux qui croient que la discipline est l'ennemie de la bonne gouvernance.

Il y a aussi, sans doute, une cause sociologique. Je pense que dans beaucoup d'endroits comme ceux que je connais en Bretagne, les communes rurales ne sont plus les mêmes que jadis, l'installation de citadins a modifié leur sociologie politique en profondeur, les bobos aiment la campagne, mais ils votent à gauche pour la majorité d'entre eux. Peut-être cette nouvelle ruralité citadine, cette "rurbanité", a-t-elle joué aussi son rôle.

Mais il en faut certainement plus pour avoir déshinibé la France territoriale au point de lui faire préférer la gauche à ses habitudes conservatrices. Ce plus, c'est certainement dans l'éthique du pouvoir sarkozyste qu'il faut le chercher, dans l'idéologie d'une faction qui s'est emparée des instances politiques de la droite et dont les principes philosophiques sont les plus abominables que nous ayons connus depuis l'instauration de la démocratie et de la république. Et là encore, le Sénat, temple de l'esprit républicain, n'a pas su jouer son rôle de résistance.

Le pouvoir sarkozyste pense que l'être humain est conditionné et condamné ou sauvé par sa génétique. On naît pauvre, on est pauvre dans sa tête, dans ses fibres, il ne sert à rien qu'on aille à l'école, on est génétiquement pauvre, donc crétin. Le pouvoir sarkozyste pense qu'on naît criminel et qu'on ne peut échapper aux lois de la génétique. Le pouvoir sarkozyste pense qu'être né dans une bonne caste donne légitimité pour se montrer indifférent au sort des pauvres et des fragiles. Bref, la liste serait longue des errements éthiques d'un pouvoir dont la culture inégalitaire est si forte qu'elle confine à la légitimation des thèses eugénistes et autres, et je me retiens de ne pas atteindre le point Godwin, mais chacun comprend, je crois, ce que je veux dire.

Il reste cependant que le Sénat se trouve devant une problématique inédite : lui qui a toujours été le refuge des courants politiques écartés de l'Assemblée Nationale par le scrutin majoritaire se voit en passe de constater l'écrasement de sa diversité politique par l'effet du scrutin proportionnel, qui joue ici le rôle inverse de celui qu'il a joué là, par une mécanique qui mériterait étude. La bipolarisation progresse au Sénat comme ailleurs. Il faudrait d'ailleurs se demander si les départements où le scrutin reste majoritaire sont bien ceux où la diversité politique subsiste, comme le suggère l'exemple de la Mayenne et de Jean Arthuis.

Or la constitution d'une majorité homogène, qui semble profilée par le vote de dimanche, ne pourrait avoir que l'effet d'écarter le Sénat de son rôle territorial et de l'enfermer dans la discipline partisane, dont l'échec de la majorité de droite vient pourtant de démontrer la nocivité. Il n'y a qu'une porte très étroite pour échapper à cette erreur, symétrique de la précédente. Remettons-nous en à la sagesse des sénateurs pour éviter cet écueil et conserver leur liberté.

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18/09/2011

Centre : la voix des rêves oubliés

Un peu de nostalgie, cette année, pour l'Université de Rentrée du Mouvement Démocrate. Et quelques symboles. Elle a lieu dans la presqu'île de Giens, mais je suis hébergé à plusieurs kilomètres de là, dans l'ancien VVF du Pradet où nous avons organisé l'Université d'Été des JDS en 1994. Et, déjà baigné de cette ambiance rétro, j'y ai vu hier Pierre Méhaignerie, absent de la famille centriste depuis dix ans, et aujourd'hui Bernard Bosson et Jean Arthuis, éloignés depuis moins longtemps, et d'anciens amis JDS que je n'avais parfois pas revus depuis quinze ans au moins, comme un retour aux sources collectifs, à sept mois de la présidentielle.

En 1994, Pierre Méhaignerie était encore nominalement président du CDS, Bernard Bosson secrétaire général et candidat à la présidence. Cette Université d'Été fut aussi très particulière pour moi. Je venais de diriger l'équipe qui répondait au courrier de la campagne européenne de l'union UDF-RPR conduite par Dominique Baudis et Hélène Carrère d'Encausse, je restais dans cette atmosphère politique qui m'avait pris mes journées et quelques soirées pendant un mois entier en mai et juin. Début juillet, je vins au siège du CDS, qui est aujourd'hui celui du MoDem, rue de l'Université. L'endroit était désert. Le bureau des JDS, au rez-de-chaussée, était vide en particulier. La secrétaire, Chantal, qui avait été ma secrétaire quand j'avais été délégué national des jeunes, prenait ses vacances en juillet avec une régularité métronomique.

Or je savais que pour le succès de l'Université d'Été, placée traditionnellement fin août, il fallait un courrier postal aux militants début juillet, un autre fin juillet, et enfin un à la mi-août. Sans secrétaire, c'étaient en général les militants qui prenaient cette tâche en charge. Mais de militants, il n'y avait aucun. L'équipe sortante des JDS, conduite par le Toulousain Jean-Luc Moudenc, ne se souciait pas d'organiser une Université d'Été où devait être élue la nouvelle équipe, et l'équipe entrante ne pouvait prendre quoi que ce fût en charge, vu qu'elle n'avait pas encore la main (il me semble qu'il y avait deux listes en concurrence).

J'eus une sorte de réflexe, un mouvement comulsif, je ne pouvais pas supporter cette Université d'Été dont la date et le lieu avaient été annoncés, mais qu'on laissait en friche. Je pris les choses en mains. J'avais déjà organisé deux Université d'Été de bout en bout, en particulier la plus vaste que nous avons eue, à Hourtin en Gironde en 1987. Apparemment, les mots me revinrent sans peine. Ils restaient gravés dans ma tête, j'écrivis en quelques minutes la lettre adressée aux militants, je ne me rappelle plus comment je la signai, sous quel nom, ou si je laissai la signature en blanc, puis je la photocopiai (il me semble qu'il fallait faire une vingtaine de milliers d'exemplaires). Ensuite, il fallait l'expédier. C'est ainsi que, en juillet et août 1994, je parcourus les quelques centaines de mètres qui séparent le siège alors du CDS de l'Assemblée Nationale, chargé de milliers et de milliers de lettres prêtes à l'envoi, que Jean-Christophe Lagarde, alors assistant parlementaire, se chargeait d'expédier aux militants en les faisant passer sous les divers tampons des députés centristes.

Il faisait une chaleur écrasante, je conserve le souvenir intact de ce moment surréaliste où je ne me suis pas demandé qui était le président de quoi, ni si j'avais un quelconque droit ou devoir, mais où j'ai fait sans rien demander à personne ce qui me semblait juste.

Et nous y revoici, dix-sept ans plus tard. Cette Université d'Été du Pradet, en 1994, a été la dernière d'un cycle, la dernière avant que François Bayrou ne devienne à la fois le président du mouvement centriste et son présidentiable, ce qu'il a été sans conteste depuis cette époque. Et dix-sept ans plus tard, c'est là que j'habite pour me rendre, chaque matin, à la dernière Université de Rentrée que François Bayrou préside comme président et présidentiable du mouvement centriste. Dans un an, quoi qu'il arrive, qu'il gagne ou qu'il ne gagne pas, la roue aura commencé de tourner. Je n'y serai d'ailleurs probablement pas, le cycle se refermera pour moi.

C'est la dernière

Que se passera-t-il ? Nul ne peut le dire. On voit ici les spéculations sur l'avenir qui passent par des chemins très divers. On aime bien, apparemment, le "barrisme de gauche" de François Hollande, on note quelques phrases intelligentes de Jean-François Copé ou de Valérie Pécresse, Jean Peyrelevade se plaint de ne plus pouvoir trouver des parasols fabriqués en France et annonce qu'il votera Valls aux primaires du PS, Méhaignerie couve en mère câline les retrouvailles prochaines du mouvement centriste orchestrées par Jean Arthuis, très en verve, par Bernard Bosson qui rappelle qu'il a été un des tout premiers JDS de la première Université d'Été avec Bayrou, à Port-Cros, en 1976, et par François Bayrou. On compte les voix des sénateurs renouvelables la semaine prochaine, Jean-Jacques Jégou, sénateur renouvelable du Val-de-Marne, a l'air un peu triste, Jacqueline Gourault, renouvelable dans le Loir-et-Cher, fait une campagne acharnée et ne s'est pas déplacée pour l'Université de Rentrée, on lui envoie tous nos vœux, comme à Denis Badré et Jean-Marie Vanlerenberghe, entre autres. Michel Godet nous a fait hier un festival de mauvais esprit revigorant et d'idées à contre-sens réjouissantes, il se rappelait la campagne de Barre, le travail avec Rocard et Méhaignerie, 1993, les temps déjà anciens.

L'un des grands débats à distance porte sur la TVA sociale, le bébé de Jean Arthuis, que Godet et quelques autres combattent en soulignant qu'elle pénalise les familles nombreuses, à quoi Arthuis répond par cet argument énorme : quand on achète des produits importés, en quoi contribue-t-on au financement de la protection sociale ? En aucune façon. C'est imparable, il a raison. Méhaignerie a cherché la formule de compromis en évoquant la possibilité de création d'un nouveau taux intermédiaire de TVA (sous-entendu : de façon à ne pas pénaliser les familles pauvres et nombreuses). Bref, on y travaille, il y a des sophistications à inventer, mais le principe pourrait trouver un consensus.

Quelques bruits de couloirs témoignent de la solidité de la candidature Bayrou. Un optimisme prudent et modeste règne. Si Bayrou gagne, cela signifiera probablement une refonte en profondeur du paysage politique, un nouveau souffle pour les institutions et un bouleversement dans les habitudes les plus ancrées.

Thomas Clay, directeur de campagne d'Arnaud Montebourg dans la campagne des primaires du PS, est venu aujourd'hui parler de VIe république, dire des choses fort justes qui ont rencontré une grande approbation, mais il (et son candidat) n'attache(nt) pas assez d'importance à la proportionnelle, qui est la clef-de-voûte du bouleversement institutionnel voulu par Bayrou. C'est drôle, en pensant à Montebourg, me revenait cette phrase que je disais voici quelques mois, à un moment où ni l'un ni l'autre n'étaient d'actualité : ce que Méhaignerie avait de mieux, c'était sa fille, Laurence, et ce que Montebourg avait de mieux, c'était sa femme, Hortense. Et voilà qu'Hortense n'est plus la femme de Montebourg, et que Laurence (que j'ai vue pour la dernière fois en 1994 dans le bureau de Bayrou au ministère de l'Éducation Nationale, le soir de la victoire) a désapprouvé, paraît-il, la venue de son père à Giens. Tout se perd.

Hier soir, nous avons eu un moment particulièrement émouvant avec le président du Parti Démocrate Progressiste tunisien, M. Najib Chibi (j'espère que je n'écorche pas son nom), qui nous a fait vivre de l'intérieur les quelques semaines, les quelques mois, de la révolution qui a projeté son pays dans la démocratie. Son parti, selon les sondages, talonne les islamistes, et il ne lui manque que quelques fractions pour espérer placer ce parti démocrate en tête des suffrages de l'assemblée constituante. M. Chibi a été modeste pour évoquer les deux grèves de la faim d'un mois qu'il a dû faire contre certaines mesures iniques ou illégales du régie Ben Ali. Vingt ans d'oppression, d'emprionnements, de privations, il incarne à lui seul la liberté enfin trouvée de son peuple.

Autre moment particulièrement émouvant (parfois bouleversant) aujourd'hui autour de Dominique Versini, ancienne directrice du SAMU social, qui a été surtout la dernière défenseure des enfants avant l'absorption de cette fonction par celle de défenseur des droits. Bayrou a été le seul à défendre le poste supprimé, en vain. Mme Versini a tenu la salle en haleine pendant une bonne heure, debout, petite, à son micro, vêtue d'orange des pieds à la tête, témoignant d'histoires d'enfants souvent déchirantes.

Débats de grande qualité

Hier la table ronde écolo autour de Bennahmias, Wehrling, Patrici Gallerneau toujours éloquente contre le funste projet de Notre-Dame des Landes (2000 hectares de terres agricoles sacrifiés pour une lune périmée), et le suppléant du député UMP de Marseille Guy Tessier, venu présenter le projet de Parc National des Calanques, et en guest-star Arnaud Gossement, éloquent et pertinent.

Ce matin, éducation, avec notamment des syndicalistes du SNALC et du SNES, et Jean-Paul Brighelli, prof, nègre et blogueur, et Paule Constant, Goncourt 1998. Comme toujours, la grande compétence et la passion de Bayrou pour ces questions cruciales.

Puis Sylvie Goulard sur la dette et l'Europe, avec Peyrelevade et Delpla, un peu de sagesse dans un monde de brutes et le retour de la politique de l'offre, et en écho, le soir, Jean-Claude Casanova, qui nous remémore toujours Raymond Barre que nous regrettons si fort, et qui remet quelques pendules à l'heure en puisant d'infinies statistiques dans un numéro de The Economist. Sur la Grèce, il rappelle au passage les privilèges curieux de l'Église grecque, qui est richissime et qui ne paie pas d'impôts dans un pays qui coule ... Casanova tempère un peu les ardeurs de Bayrou sur notre capacité de redresser vite la barre économique, les équilibres sont fragiles.

Puis autour de Nathalie Griesbeck, la révolte des parlements, je veux dire la fronde des juristes, le directeur de Montebourg évoqué plus haut, Philippe Bilger, le seul avocat général qui soit aussi blogueur, et qui annonce que son blog va devenir particulièrement saignant dans quinze jours, car lui-même prendra sa retraite de la magistrature, Christophe Regnart patron du syndicat majoritaire des magistrats USM, et Pierre Albertini, professeur de droit public et ancien député. L'immense, intense, viscéral, mécontement orageux des magistrats et du monde judiciaire contre la culture de la violation des lois entretenue par le pouvoir actuel, à l'exception du garde des sceaux, Michel Mercier, dont Bayrou défend l'action avec succès.

La foule

On annonce 1200 inscrits pour le week-end, 2000 personnes au moins pour le discours final, et j'avoue qu'on se marche un peu dessus, mais l'organisation est presque aussi impeccable que si je l'avais assumée moi-même (meunon, je blague, elle est parfaite). Les blogueurs sont là, les anciens blogueurs UDF, ceux de 2006, ceux de 2007, pardon pour les liens, il est tard, Chantal Portuese, Françoise Boulanger, Frédéric Lefebvre-Naré, Cédric Augustin, Jérôme Charré, et j'en oublie évidemment.

Ce soir, apparition d'Azouz Begag, tout sourire comme à l'accoutumée.

Un clin d'œil aux Bretons, en particulier l'eurodéputée Sylvie Goulard et Erwan Balanant, adjoint au maire de Quimperlé et blogueur de plus en plus occasionnel.

J'assiste à cette fin de cycle, qui annonce sans doute de grands moments, avec la nostalgie que j'ai dite, revoir Méhaignerie, Bosson, Christophe, Cyrille, et d'autres fantômes sympathiques, là précisément, dix-sept ans plus tard, me fait baigner dans la brume de Brocéliande, ici, à Giens, et me remémore une jolie exepression de Châteaubriand, la "voix des rêves oubliés". Ils sont venus, les rêves oubliés, se rappeler à nous. Châteaubriand ajoutait : "chagrin d'un songe". Non, le songe, la rêverie, la nostalgie, ne nous causent pas de chagrin, ce soir, car nous avons trop d'espoir. Le seul chagrin n'est pas celui d'avoir revu ceux que nous avions presque oubliés (en pensant encore à Bernard Stasi, qui n'est pas remplacé), mais de n'avoir pas encore revu ceux qui nous manquent à chaque instant. Mais ceci est une autre histoire, comme on dit.

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10/09/2011

Parution de mon roman 100 % numérique

Le roman peut être acheté pour 4 Euros (enfin 3,99), dont je touche 30 % soit dit pour être transparent, sous ce lien. Achetez-le, je crois que vous passerez un bon moment, et si la lecture vous plaît, n'hésitez pas à en parler autour de vous, faites passer.

Voici ce que j'ai répondu à l'interview qui accompagne ma présentation sur le site des Éditions Numeriklivres :

Interview : Hervé Torchet

Déconnecté

 

Vous êtes historien, médiéviste, blogueur, et pourtant votre roman n’a pas de lien avec l’Histoire. Qu’est-ce qui vous a amené à l'écriture de ce roman ?

 

Qu’en savez-vous ? N’est-ce pas l’Histoire d’aujourd’hui ? Comme historien, je tiens à être le tout premier sur l ‘événement, avec des décennies d’avance sur les autres ;). Plus sérieusement (mais sans devenir trop grave, car ce roman veut faire sourire au moins), nous sommes dans le tourbillon de la fin d’un cycle extrêmement long, celui qui a été ouvert il y a huit, dix ou quinze mille ans avec l’invention de l’agriculture. En France, en Bretagne, la civilisation agraire n’a pas connu d’éclipse depuis le début du néolithique il y a huit mille ans jusqu’au milieu du XXe siècle. Vers 1960, avec les grands mouvements de l’exode rural massif, la société paysanne a commencé à se momifier. Elle est morte à présent, et nous ne savons pas dans quel cycle long de citadins nous sommes entrés. La révolution internet, c’est une des clefs de ce nouveau monde, le roman en témoigne à sa façon. Comme historien, je travaille sans cesse à révéler des faits historiques, je participe à la révélation de vérités cachées ou oubliées, j’ai la conviction de contribuer à développer par là la pensée, de contribuer à une quête collective de liberté, et comme citoyen, comme blogueur, je constate des faits dans notre vie d’aujourd’hui, dans ce domaine, dans ce bouleversement technologique et sociologique, dont j’ai aussi envie de parler, d’une façon d’ailleurs différente, car ce premier roman assez modeste veut être léger et drôle. Et puis, il y en a qui méritent une paire de claques et, historien ou pas, je ne vois pas de raison de ne pas la leur donner, vraiment pas. Je n’en dis pas plus, le lecteur comprendra à la fin du roman.

 

Il y a une écriture très théâtrale, par les nombreux dialogues et les péripéties plutôt agitées des différents personnages. Avez-vous des affinités avec le théâtre ? Ou alors ce style s’est imposé pour d’autres raisons ?

 

J’ai eu envie de mêler les outils du roman et du théâtre, parce que cela permettait d’économiser les passages qui servent à faire visualiser l’action. De cette façon, on pouvait aller plus vite, et les nouvelles générations fonctionnent à mach 5, il faut écrire au rythme de leurs neurones trépidants. Quand on ne lit une conversation téléphonique qu’à travers la voix de l’un des interlocuteurs, on a immédiatement une image qui se forme à l’esprit, c’est automatique. Et puis, c’est vrai, j’adore le théâtre, le théâtre vif et construit, Beaumarchais, Feydeau, Guitry. Le plaisir d’un coup de théâtre, ça se savoure, le temps de passer au suivant. Et j’aime aussi le cinéma, écrire un dialogue, c’est inventer un film. L’abondance de dialogues est inhabituelle dans le roman francophone d’aujourd’hui, mais l’œuvre d’Alexandre Dumas en regorge, et dans le Quatre-Vingt-Treize de Victor Hugo (ce n’est pas son roman le plus drôle, je le reconnais), il y a de longues scènes qui ne sont que des confrontations de monologues et qui sont éblouissantes. Donc pourquoi se gêner ?

 

Le personnage principal, Jean-Pierre, apparaît comme totalement dépassé par les nouvelles technologies. Comment vous situez-vous vous-même par rapport à ces technologies ?

 

Jean-Pierre Dragon (c’est son nom) est bien plus déconnecté que moi, il est du genre qui sait à peine cliquer sur sa souris et qui ignore la différence entre un wiki et un forum. Il a l’intuition de l’utilité du numérique, mais il est totalement largué. Il est de bonne volonté, mais paralysé. Et j’espère que vous ne trouvez pas de ses petits ridicules chez moi, ça me ferait rougir. Je suis beaucoup moins dépassé que lui, pas totalement à l’ouest, je suis d’esprit plutôt geek, j’ai construit moi-même avec un logiciel libre le site (assez rudimentaire il est vrai) sur lequel je fournis des documents médiévaux bretons à ceux qui les cherchent. Je sais triturer mon blog et sa mise en page en fonction des outils proposés par la plateforme. Mais d’un autre côté, je fais partie d’une génération qui a rencontré l’informatique à travers les mots Basic et Cobol, en fac, tard, et j’ai eu mon premier micro (un cube Mac) en l’an 2000 seulement, à l’âge de trente-cinq ans, je suis loin d’être un internet natif, ni un hacker. J’ignore tout des bidouilles et des bricolages qui font les délices de beaucoup de ceux que je connais. Mais je suis assez au fait des enjeux artistiques et philosophiques des évolutions, je m’y intéresse de plus en plus près. J’ai l’impression que la révolution internet va être telle dans le domaine littéraire, que nous n’avons même aucune idée de ce à quoi elle aboutira. Non, il ne faut pas exagérer l’identification de Jean-Pierre avec moi, je suis sensible au charme et à la beauté des jolies jeunes femmes comme lui, je l’avoue (sacré Jean-Pierre !), mais je n’ai ni sa maladresse, ni ses ridicules, ni son histoire, ni son âge respectable. En fait, je pensais à un certain acteur quand j’écrivais ses dialogues, ils venaient naturellement de ce personnage mi-fantasmé mi-remémoré.  

 

Quel est votre rapport à l’édition numérique, autant en tant qu’auteur que de lecteur ?

 

J’utilise des livres numérisés depuis que Gallica existe. Dans mes recherches historiques, j’ai souvent besoin de me reporter à des articles anciens dans des revues qui sont difficiles à trouver. Le support numérique est précieux pour les chercheurs, internet est avant tout un outil de partage du savoir. J’ai suivi de près l’apparition des premières liseuses numériques, j’avais interviewé des gens de Bookeen pour mon blog avant la sortie du Sony qui a lancé le marché en France, et depuis, il y a un effet boule de neige, la Fnac s’y est mise, puis d’autres, en attendant la proche apparition d’Amazon. Mais mes investissements informatiques sont très tournés vers mon travail historique, je compose mes livres sur mon Macbook, et mon logiciel de mise en page est onéreux, si bien que je n’ai pas acheté de liseuse, ni de tablette, et que c’est sur mon ordinateur que je lis des livres numériques, ce qui est un peu plus fatigant qu’avec l’encre électronique, mais l’objet livre ne me manque pas toujours, je m’habitue au format entièrement numérique, et j’oublie que je lis autrement que dans un livre, alors qu’il y a peu, j’aurais juré le contraire. Cependant, je crois (et j’ai vu récemment que c’était aussi l’opinion de Richard Stallman, pape du « libre ») à la coexistence future des deux supports. Sans doute le gros du marché sera-t-il numérique, et le papier réservé à certains ouvrages scientifiques, aux beaux livres, à certains textes que le public, dans ses choix mystérieux, préférera sur papier plutôt que sur électronique, voire aux textes sensibles dont on voudra être certain de conserver l’intégrité.

 

Pour votre premier roman, vous avez souhaité travailler avec un éditeur 100 % numérique. Que pensez-vous des possibilités qu’offre l’édition numérique ?

 

Les éditeurs numériques d’aujourd’hui sont des pionniers. Ils défrichent un terrain encore vierge. Ils ont tout à créer. Contribuer par ce roman à l’économie débutante du livre numérique, c’est ajouter des plumes aux ailes d’un oisillon qui prend son premier envol. Je suis assez fier (c’est un mot que j’emploie rarement) de m’associer à ce mouvement naissant. L’édition numérique va déverrouiller les blocages qui grippent la littérature francophone. Nous voyons bien que si notre société est en panne, c’est d’abord parce que nos créateurs, nos penseurs, nos philosophes, nos artistes, nos scientifiques, y sont bridés. Il y a des routines, des habitudes, des postions acquises, des réflexes pavloviens, qui entravent le travail de vérité des auteurs. Les enjeux financiers étouffent notre monde littéraire en particulier. L’édition numérique va bousculer ces pots de fleurs et nous en avons grand besoin, car il faut que ça bouge, et fort !

 

Avez-vous d’autres projets littéraires ? Les proposerez-vous encore en numérique ?

 

Oui, j’ai plusieurs autres idées que je proposerai aux lecteurs dès que possible. Racine disait « La pièce est terminée, il n’y a plus qu’à l’écrire ». J’ai fait ce premier roman parce qu’il était terminé dans ma tête. J’en ai d’autres en marmite. Et bien entendu, je serai particulièrement content de continuer à adopter le format numérique. Et à m’engager dans le combat contre certains abus du droit d’auteur, ce que le livre numérique permet aussi, à m’engager aussi pour le statut de l’auteur dans l’esprit de ce que Victor Hugo et Balzac ont fait en leur temps, et là encore, le livre numérique est une clef. Il est l’un des avant-postes de la révolution internet, il faut bien entendu que soit préservée (voire développée) la neutralité du net pour qu’il puisse jouer son rôle. J’ai envie de conter d’autres histoires pour amuser, émouvoir, intéresser, les lectrices et les lecteurs, et si les lectrices et les lecteurs m’y encouragent, je ne me retiendrai pas, pas du tout.

10:08 Publié dans mes livres | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook