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22/08/2012

L'immolé de Mantes-la-Jolie et le revenu de vie

JFLeDémocrate m'a tagué et le sujet aussi bien que la qualité du tagueur font qu'il m'est difficile de ne pas répondre à son tag.

Dans les années 1980, la montée de ce qu'on nommait la "nouvelle pauvreté" alerta les esprits les plus attentifs au sort des faibles des sociétés occidentales, en France en particulier. Le premier, le père Joseph Wresinski, fondateur du mouvement ATD Quart-Monde, proposa alors un revenu minimal qui serait versé à toute personne privée de sa faculté de gagner elle-même sa vie. Les leaders du CDS, Pierre Méhaignerie et Jacques Barrot (pour une fois d'accord l'un avec l'autre) se firent les porte-parole de cette formule qui fut d'ailleurs testée chez Adrien Zeller, autre élu CDS, en Alsace, et chez Méhaignerie en Bretagne. Finalement, ce fut le gouvernement socialo-centriste de Michel Rocard qui présenta le dispositif légal, qui fut adopté à la quasi-unanimité de l'Assemblée Nationale, et que l'on nomma le Revenu Minimum d'Insertion (RMI).

L'idée était que les gens durablement privés de revenu s'enfoncent inexorablement dans la marginalité et que, faute de pouvoir se laver et se vêtir correctement, par exemple, ils s'extraient peu à peu, mais définitivement, du marché du travail. Ils entrent dans une spirale d'exclusion. En leur proposant un revenu minimum garanti, on brise cette spirale.

La marque centriste dans le dispositif s'exprima dans le fait que les départements reçurent la mission de mettre en place le RMI, ce qui correspondait à la vocation sociale que le mille-feuilles administratif leur reconnaît par principe dans la décentralisation.

Le succès du RMI fut immédiat et flagrant. il permit à des gens de se loger en se combinant avec d'autres allocations spécifiques, par exemple, et il sauva de nombreuses familles. Ce fut au point que le CDS, dans cette période, inscrivit le principe d'un revenu universel minimal dans son programme, ce revenu serait versé à tout adulte sans condition de ressource et écarterait l'aspect stigmatisant de la formule RMI. Mais le montant exorbitant de cette dépense la remisa assez vite au rang des lubies dans un contexte budgétaire et économique très contraint.

Hélas, le RMI grevait par ailleurs les finances des collectivités locales dans des proportions sans cesse plus dangereuses, on parlait de milliards et les ressources manquaient souvent pour couvrir les frais. Par ailleurs, le mot "Insertion" faisait l'objet d'interprétations divergentes. La droite libérale soulignait que le côté très protecteur du RMI dissuadait un certain nombre de personnes de chercher un emploi. Enfin, à mesure que se développait l'emprise du Parti Socialiste sur les collectivités locales, des voix de plus en plus nombreuses s'élevèrent pour dénoncer une stratégie de l'assistanat mise en place par les élus PS pour conserver leur pouvoir.

Le premier, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin osa s'attaquer au RMI initial et engager une réforme pour rendre le dispositif moins protecteur de façon à inciter les gens à chercher un emploi, ce qui paraissait illogique vu la faible capacité de ce même gouvernement à recréer de l'activité économique. Il faut de la cohérence dans l'activité politique et si l'on redynamise la production et l'emploi, il est logique de demander un peu plus d'efforts de recherche aux plus faibles, tandis que si l'on laisse filer l'emploi, c'est absurde et injuste.

Enfin, Martin Hirsch crut avoir trouvé la solution avec la formule du RSA, qui permettait aux anciens titulaires du RMI de travailler à temps partiel sans perdre leur RMI-socle. Le dispositif, plus compliqué, fut dénoncé par François Bayrou, qui estima qu'il ne fonctionnerait pas bien. Quelques années plus tard, l'affaire de Mantes-la-Jolie semble donner raison à Bayrou contre Hirsch.

De fait, la qualité principale du RMI était son inconditionnalité. Il évitait que des gens pussent se retrouver sans ressource. Il tissait un filet universel protecteur et atteignait le but fixé. Dans la formule RSA, un formalisme supplémentaire s'est introduit, qui a tué un homme, à bout de forces et d'énergie. Cet homme s'est tué dans les locaux d'une administration dont les employés sont souvent aussi accablés que les usagers.

Ce qui ne paraît pas acceptable, dans cette affaire (et mis de côté le fait que le chômeur ait exercé une activité en principe sans chômage, celle des infirmiers), c'est qu'on ait pu cesser de lui verser son minimum vital, quel qu'ait pu en être le motif, sans enquête des services sociaux pour vérifier les conséquences de ce retrait sur sa situation personnelle précaire. Il y a là un dysfonctionnement qui, si j'ai bien compris, est courant. Et fâcheux, c'est le moins que l'on puisse dire.

Voilà qui va relancer les réflexions sur un sujet à la mode, le revenu de vie, une affaire à suivre de près.

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