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13/04/2014

Sauver le département ?

Nos élus ont parfois de la constance. Pas toujours, hélas, là où il en faudrait. Ils sont d'accord, droite comme gauche, sur un point, et depuis plusieurs années : il faut tuer le département. Au nom de cette décision jupitérienne, on a voulu chasser le numéro de département des plaques d'immatriculation. Les citoyens ont protesté, on leur a donc concédé, bon gré mal gré, le pouvoir de porter un numéro de département de leur choix sur leur plaque, et, devinez, aujourd'hui, TOUTES les plaques portent un numéro de département, et, si l'on y regardait de plus près, l'on s'apercevrait que dans 95% des cas au moins, il s'agit bien du département de rattachement de la voiture (on nous a servi une blague sur les Corses pour embrumer cette réalité).

Donc la réalité est là : les citoyens sont extrêmement attachés à leurs départements. En Alsace, ils ont même voté contre leur suppression. Qu'à cela ne tienne, disent les politiques, ce n'est pas parce que les gens sont pour les garder qu'il faut le faire, si la démocratie consistait à obéir aux citoyens, où irions-nous ? À la façon de ce qui a été fait pour le TCE, sorti par la porte du suffrage universel et rentré par la fenêtre du vote parlementaire, on va, c'est ferme et définitif, supprimer le département. Sottise.

Un acteur majeur de l'égalité des territoires

Pourquoi les gens sont-ils si attachés à leur département ? D'abord, parce qu'il caractérise assez bien leur résidence. Dire j'habite dans le Finistère, ce n'est pas dire, j'habite près de Quimper, ce n'est pas se référer à une puissance locale, mais se situer à l'intérieur d'un territoire. Plus qu'un acteur de pouvoir, le département est un territoire. Territoire d'ailleurs pas neutre : on se souvient qu'en 1790, le département fut créé pour mettre fin à l'infernale gabegie des législations locales héritées de la féodalité, dont le maquis inextricable paralysait totalement le pays et était, en fait, liberticide. La logique de sa création est ce qui, dans le monde d'aujourd'hui, sonne comme un gros mot : l'égalité. Et c'est la vraie raison pour laquelle les gens sont si attachés à leur département, c'est parce qu'il est synonyme d'égalité. Égalité entre les départements, car tous sont en principe égaux (même si en réalité, il y a des disparités profondes de budget, de richesse et de population entre les départements), égalité aussi à l'intérieur du département, car ils sont (ou ont été) les veilleurs de l'égalité des territoires.

Oui, le département est celui qui doit veiller à redresser les inégalités entre territoires citadins et territoires ruraux, entre grandes communes et petites communes. C'est sa mission historique, qui fait qu'il est en charge des routes départementales chargées de désenclaver toutes les parties de son territoire. Hélas, on lui a aussi collé toute l'aide sociale, et les maires, qui rêvent tous d'asseoir pleinement leurs systèmes clientélistes, ne rêvent donc que d'une chose : s'emparer des missions sociales des départements pour gonfler leurs enveloppes, sur et sous la table, et leurs clientèles, on voit bien pourquoi.

La solution par la subsidiarité

En fait, il n'est aucun besoin de supprimer les départements. Qui plus est, la constitution de régions plus grandes qu'aujourd'hui, dont certaines sont bien dessinées par le récent projet (Bretagne, Normandie, Val-de-loire, Nord-Picardie, Midi-Langudeoc-Roussillon, p ex) rendra l'existence du département encore plus nécessaire. Quand on habite Audierne, essayez d'imaginer qu'il faille aller jusqu'à Rennes pour rencontrer quelqu'un, et si l'on habite une vallée pyrénéenne, imaginez qu'il faille aller chaque fois jusqu'à Bordeaux ou jusqu'à Toulouse. Non, bien entendu, il faudra un échelon intermédiaire, on le voit.

C'est là d'ailleurs que la décision de mettre fin à la clause de compétence générale prend son sens, un bon sens. En effet, il est illogique que les communes s'occupent de l'école maternelle et primaire, cependant que les départements s'occupent de la petite enfance. Il faut fusionner les deux compétences au profit des communes, cela va de soi. En d'autres termes, ce qui peut être traité à l'échelon le plus local doit l'être, et ce qui ne peut être traité qu'au-dessus doit l'être au-dessus, et ainsi de suite. Or il y a de nombreux problèmes dont l'échelon le plus pertinent est le département.

Réduire le nombre des élus

Cela ne signifie pas, pour autant, que tout aille bien. Le grand anonymat dont souffrent de nombreux élus départementaux et régionaux suscite forcément le désir de modifier quelque chose les concernant, et d'en profiter pour faire des économies au passage. Donc moins d'élus. Il faut aussi un respect du pluralisme. J'en reviens donc à la solution préconisée en 2002 par Bayrou dans sa campagne présidentielle : élire des conseillers qui soient à la fois départementaux et régionaux (les "conseillers territoraiux", si l'on veut), le scrutin se faisant dans le cadre départemental, mais les élus des départements s'assemblant aussi en assemblée régionale. De ce fait, les départements étant une spécialité des régions, les doublons entre les deux échelons tomberaient d'eux-mêmes. Et il faudrait protéger deux principes qui, en réalité, sont opposés : le premier est que, dans les zones à forte ruralité, le conseiller général doit continuer à être élu au scrutin uninominal ; le second est qu'il faut introduire une forte dose de scrutin proportionnel. S'il y a 40 conseillers par département, élire la moitié au scrutin proportionnel permet à tout parti qui atteint 5% d'obtenir un élu. C'est bien.

Enfin, je crois qu'il faut élire à part des conseillers départementaux et généraux les présidents des régions, de façon à introduire une séparation des pouvoirs à l'échelon régional. Au bout du compte, il y aurait moins d'élus, plus de démocratie, plus d'efficacité et plus de justice.

 

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