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03/11/2015

Orient : le retour de la question arabe ?

L'enlisement de la guerre en Syrie pourrait déboucher malgré tout sur un accord diplomatique à moyen terme, et cet accord sur un succès de la lutte contre l'organisation État Islamique, mais il semble désormais qu'avant de pouvoir régler comme il le faudrait un nouveau dessin des Proche et Moyen Orient, un nouvel obstacle, beaucoup plus redoutable encore, ne se dresse sur le chemin de la paix et de la stabilité : le retour de la question arabe.

Après l'horreur sanglante des deux guerres mondiales, le XXe siècle s'est signalé par un élan internationaliste sans précédent. Mais les trois organisations qui ont incarné cet élan ont échoué toutes les trois sur le même écueil : l'internationalisme soviétique a asservi des dizaines de peuples à la domination russe, l'ONU a asservi des dizaines de peuples à la domination américaine et la construction européenne semble basculer depuis quelque temps dans la domination exclusive de l'Allemagne.

Ces échecs de fédérations mutualistes et coopératives d'égaux devenues instruments de domination internationale finissent par avoir l'inconvénient qu'elles visaient à pallier : le réveil des nations. En Europe, nous le constatons chaque jour. Le vote turc, dimanche, au bout des baïonnettes, crée une nouvelle démocratie autoritaire et engagée. La Turquie laïque se mêlait subtilement des affaires des Proche et Moyen Orient. La Turquie islamiste a des relents de l'empire et des visées interventionnistes sur ses voisins.

Dans le même temps, le modèle prôné par Lawrence d'Arabie atteint son terme : l'effondrement des prix du pétrole fragilise les monarchies du Golfe Arabo-Persique. Et il semble que l'horizon s'obscurcisse pour elles, car le ralentissement économique mondial se combine avec un essor des énergies nouvelles, et avec une décennie au moins d'autosuffisance énergétique des États-Unis.

Or l'Arabie Séoudite, principale et de loin la plus peuplée de ces monarchies, ne produit toujours rien d'autre que des écoles coraniques qui risquent fort de la laisser à nu le jour où, dans vingt ou trente ans au plus, la manne pétrolière cessera de lui assurer le minimum du confort. Elle aborde cette fin de cycle séculaire sans filet de sécurité, ce que paraît traduire son engagement éperdu et dangereux dans la guerre au Yémen, qui fait suite à divers efforts de double jeu encore plus dangereux et voués à l'impasse.

Au total, cette fin de cycle inspire la conclusion que le désert d'Orient pourrait redevenir ce qu'il a toujours été depuis des millénaires : le terrain de la rivalité des trois grands foyers de civilisation que sont l'Anatolie, l'Égypte et la Perse, avec la double complication supplémentaire de la rivalité à vif entre les deux principaux courants de l'islam et de la protection d'Israël par les États-Unis et le Royaume-Uni.

Dans ces conditions, un accord a minima sur la Syrie doit être préféré, puisqu'un règlement global est impossible avant que n'éclate la "bulle" historique des monarchies du Golfe. Cet accord doit garantir la protection des minorités religieuses en Syrie et en Irak, y compris, en Irak toujours, celle des sunnites. Compte tenu des nouveaux penchants interventionnistes de la Turquie, la Syrie et l'Irak seraient bien avisés de favoriser la création d'un État kurde tampon en renforçant la liberté des Kurdes chez eux et, pour dire la vérité, l'Iran devrait en faire autant malgré certains inconvénients qui repoussent probablement cette perspective. La Turquie ne pourra, de toutes façons, pas s'engager dans une guerre ouverte contre le nouvel État kurde s'il est garanti par la légalité internationale.

Au Liban, le pacte de 1943 doit être repensé et reconstruit sur des bases élargies. La contrepartie du maintien de M. Assad au pouvoir doit être l'allègement de sa tutelle sur le Liban, et le rôle traditionnel de la France envers les chrétiens d'Orient doit fournir une solution pour garantir cet allègement. Les puissances anglo-saxonnes, déjà engagées auprès d'Israël, ne peuvent réclamer à la fois le beurre et l'argent du beurre. Enfin, l'Irak pourrait accepter que se crée sur son territoire un refuge pour les opposants syriens de M. Assad, refuge dont la sécurité serait garantie par l'ONU. Un renforcement de la présence de l'ONU dans cette région ne serait pas de trop à la veille des convulsions et, en échange de leur protection en Irak, les opposants syriens exilés s'engageraient à ne pas intervenir dans la politique syrienne jusqu'au jour où, espérons-le, la raison sera revenue partout et où la démocratie triomphera, une démocratie réelle et non tempérée par les ingérences de la NSA.

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