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22/11/2015

Syrie, Daech : bisbilles entre services spéciaux

Les attentats de Paris sont-ils en partie dus à la bisbille de nos services spéciaux ? L'impression de dépassement que donnent ces services depuis le soir du 13 novembre, ainsi que le retour en scène de Bernard Squarcini, peuvent donner à le penser.

Ne parlons pas ici du 2e bureau, l'espionnage d'avant 1940. La France a depuis longtemps deux branches de ses services spéciaux : première le contre-espionnage, confié à la DST, puis à la DCRI fusionnée (idée funeste) avec les Renseignements Généraux, et enfin à la DGSI, et seconde le renseignement extérieur, longtemps confié au SDECE, et depuis à la DGSE. La DST-DGSI est supposée se cantonner au territoire national, tandis que le SDECE-DGSE doit se consacrer à ce qui se déroule à l'étranger. En réalité, les deux services ont une culture de conflit, ce conflit peut même prendre la forme d'un soutien plus ou moins appuyé à un candidat à la présidentielle lorsque le service rival en soutient un autre.

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Créée par Sarkozy, et dirigée par Bernard Squarcini, la DCRI passait pour l'enfant chéri de l'ancien président. Tout naturellement, la DGSE passa pour avoir des penchants pour les rivaux de celui-ci. Lorsque François Fillon, en quittant Matignon, prit par exemple soin de doubler les crédits de la DGSE, il parut à certains observateurs que cela ne caractérisait pas un soutien massif au candidat Sarkozy de 2012.

Passons sur d'autres détails que je connais beaucoup moins bien que je ne le laisse entendre. Ce qui est patent est que, dans l'affaire syrienne, les deux services se sont constamment opposés depuis au moins sept ans. Et lorsque la DCRI prônait le rapprochement avec Bachar el Assad, la DGSE, elle, soulignait les défauts du régime syrien. Disons tout de suite qu'à cette période précise, l'analyse de la DGSE était la bonne. Malheureusement, une réalité et une collusion ont fait basculer les événements.

C'est qu'Assad a su s'abriter sous l'aile russe, aile russe qui recouvrait aussi Sarkozy et sa DCRI. Nous connaissons ce schéma depuis l'opération de Suez en 1956 : l'intervention russe change la donne du tout au tout et dicte le résultat final, cela s'est vu en Égypte en 1956 et en Algérie en 1960. Cela se voyait en Syrie dès 2013. Dès lors, les candidats syriens soutenus par la DGSE voyaient leur valeur marchande décroître avec rapidité. Hélas, notre préférence pour les choix opérés par la DGSE se heurtait ainsi à un double principe de réalité : d'une part l'intervention russe, de l'autre le risque que les opposants "modérés" d'Assad ne servent de marchepied aux islamistes financés par l'Arabie Séoudite. Tout cela a fait capoter l'édifice syrien et la France se retrouve en rase campagne avec des opposants dont la DGSE ne sait plus trop que faire.

Il n'échappe à personne que, dans la mesure où la DGSI soutenait Assad cependant que la DGSE soutenait ses opposants, nos services étaient engagés dans des opérations militaires l'un contre l'autre, ce qui n'est sans doute pas de bonne politique, sauf duplicité sulfureuse.

Et c'est dans un contexte de tensions extrêmes entre les deux services, et sur fond de négociation sur l'avenir d'Assad, que sont intervenus les attentats de Paris. De là à supposer que la guerre entre les services a pu jouer un rôle et ouvrir des failles dans notre bouclier extérieur, il y a un pas que seuls les vrais spécialistes, dont je ne suis pas, peuvent décider ou non de franchir.

Mais tout de même, c'est bien troublant. Et le rôle des services secrets marocains aussi. Depuis l'affaire Ben Barka, nous avons quelques raisons de croire qu'il peut y avoir, dans nos services secrets, des agents doubles, liés par exemple au Maroc, voire au Mossad, sans parler, bien entendu, de plus grandes puissances.

Cette guerre des services français entre eux, qui a un arrière-plan politique évident, est une menace pour notre pays et il n'y a pas eu une menace aussi forte depuis 1981 qui mit fin à une guerre en partie comparable. C'est une occasion de déplorer encore une fois le manque de civisme de nos dirigeants et de leurs opposants, qui n'hésitent pas à mettre le pays en péril pour satisfaire leur ambition à tout prix. Leur crédibilité en souffrira le jour venu.

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