21/02/2008
Quitterie Delmas à Neuilly ! Boum !
Avant d'entamer une narration que je prévois longue, je tiens à signaler qu'il existe plusieurs Neuilly, comme Neuilly-Plaisance ou Neuilly-sur-Marne. Il s'agit ici, on l'a bien compris, de Neuilly-sur-Seine, la ville dont Nicolas Sarkozy a été le maire puis le député pendant vingt-cinq ans.
Deuxième précision : il se trouve que je suis né à Neuilly-sur-Seine, je n'y peux rien, et mon séjour n'y a pas été très long, mais c'est un fait indéniable, je suis né rue Saint-Pierre, à deux pas de la mairie de Neuilly.
Neuilly est tout voisin de mon XVIe arrondissement. Pourtant, je n'y suis jamais allé beaucoup, un peu jouer dans un modeste mais excitant (pour un gosse) parc d'attraction qui se nomme le "jardin d'acclimatation", dont je ne ferai pas l'histoire : ce serait trop long.
Je n'y allai pas draguer non plus à l'âge des boums et des rallyes : j'étais sinistre et travailleur. J'avais tort, car quelques-unes des plus jolies filles que j'ai connues ont passé toute leur jeunesse dans ces parages (soupir).
Neuilly, à partir de la fin du XIXe siècle et surtout de l'entre-deux-guerres, fut un havre de verdure et d'opulence. On y trouvait les hôtels particuliers qui, un à un, périssaient sous la pioche des bâtisseurs dans les quartiers de l'ouest parisien intra-muros, et dont les habitants ou leurs homologues trouvaient là les équivalents.
Voici quarante ans, ce paysage demeurait, paraît-il, inchangé.
Puis sont venus les promoteurs.
Il n'y a pas eu là, comme à Paris, des batailles homériques autour des projets ridicules tels que celui des Halles dont j'ai parlé une fois précédente. Il n'y a pas eu de victoire pour sauver le marché Saint-Germain, ni pour endiguer le flot de béton, toutes grandes luttes qui ont émaillé le Paris des années 1970 et, dans une moindre mesure, 1980.
À Neuilly, quand on a décidé de bâtir, on bâtit. Crac.
Certains de mes cousins ont ainsi cédé leur maison de famille avec jardin, dans l'impossibilité (très appuyée) de la conserver, et moyennant certes une épaisse rétribution.
L'urbanisme de Neuilly est le reflet de cette impunité absolue dont y jouissent les promoteurs depuis plus de trente ans : sans inspiration, désordonné, et comme abandonné.
La ville s'organise autour de son artère majeure, l'avenue de Neuilly Charles de Gaulle, qui va de la frontière de Paris au pont qui enjambe la Seine jusqu'au célèbre et monumental quartier de La Défense. Cette avenue est un flot ininterrompu de voitures de l'aube jusqu'à la nuit, été comme hiver. J'ai connu des gens qui, voici déjà trente ans, résidaient sur l'avenue de Neuilly et ne pouvaient absolument pas ouvrir leurs fenêtres sur l'avenue avant onze heures du soir.
Elle tranche la ville en deux, le sud, plus aéré, longe le Bois de Boulogne. Le nord, plus dense, va vers Levallois-Perret, hélas.
Outre les hôtels à jardin, l'identité de Neuilly (et ce qui en reste en fait, vu le peu d'hôtels qui a résisté à l'appétit des ogres), ce sont des édifices d'époque Louis-Philippe, soit les années 1830-1840, avec le prolongement haussmannien et post-haussmanien que l'on devine. À certains égards, Neuilly ressemble donc aux quartiers de l'ouest parisien, VIIIe, XVIIe, XVIe arrondissements.
L'avenue de Neuilly, dénommée Charles de Gaulle, est le parfait reflet de la stratification architecturale que je viens de décrire : on y trouve de petits immeubles du XIXe siècle, de vastes et hideuses constructions des années 1970, et de moins hideuses mais souvent plus vastes encore constructions des années 1990 et 2000. Le tout est informe, il faut le dire sans craindre de choquer les Neuilléens : ça ne ressemble à rien.
On imagine que l'idée globale est de créer une sorte de haie visuelle qui, par degrés, fasse monter le regard vers la pointe des tours de La Défense. Cette conception est d'ailleurs confortée par l'info reçue ce soir que l'on va autouriser les immeubles qui bordent l'avenue à grimper jusqu'à quarante mètres. Je ne donne donc pas cher de la peau des vénérables édifices centenaires qui y subsistent. Hélas, il faut reconnaître qu'ils forment désormais ce qu'on nomme des "dents creuses" dans la silhouette de l'avenue et il y a fort à parier qu'ils ne résisteront pas aux prochaines années.
Quoiqu'il en soit, nous avions rendez-vous, les Citoyens Démocrates et l'équipe des candidats locaux, au théâtre de Neuilly. J'avoue que je n'avais jamais entendu parler de ce théâtre et que je ne l'avais même jamais remarqué. Et pour cause : il forme les premiers étages d'un énorme immeuble tout lisse et sans grâce bâti à une mauvaise mais pas si récente époque (les années 1960 sans doute).
Arrivant là, je me frotte les mains : il y a un monde fou qui entoure les casaques oranges des MoDem. Hélas, je comprends vite que nous partageons le théâtre, ce soir, avec Arnaud Teullé, le peut-être futur maire de Neuilly, le dissident qui se maintient malgré la mauvaise humeur de Sarkozy (et qui affronte Jean Sarkozy à la cantonale).
Pour notre réunion, ce sera la petite salle, à l'étage.
Inquiétude donc en montant, mais finalement, il y a tout de même plus d'une centaine de personnes. Une salle bien pleine.
Outre Quitterie, je vois là Virginie, les deux Sébastien (Soria et Dugauguez), Fabien Neveu, Franck Vautier, et la régionale de l'étape, Domitille Marbeau, candidate sur la liste de Neuilly.
La liste est conduite par Alexandre Harmand. Je ne peux pas dire que je l'ai connu tout petit, car je ne crois pas qu'il ait jamais été tout petit. Il est vaste. Je le connais depuis vingt ans et c'est la première fois que je l'entends parler en public.
Il ne s'exprime pas le premier : avant lui, Jean Peyrelevade ouvre le bal. Il est à la fois tête de liste de l'arrondissement voisin (fait que j'ai déjà signalé) et président du comité de soutien de la liste de Neuilly.
Il fait un discours très politique, de très bonne tenue, où l'on voit que le fonctionnaire et banquier s'est vite changé en orateur doué. Il épingle les dérives sarkozystes avec une grande éloquence et suggère, me semble-t-il, que si le dissident devenu légitime Fromantin n'a pas été envoyé par Sarkozy, il pourrait bien l'avoir été en revanche par Devedjian, président du département.
Il souligne évidemment que Fromantin a acepté d'endosser l'étiquette sarkozyste et, plus encore, lui qui dénonçait les travers du népotisme sarkozyste, il va devoir soutenir le fils de Nicolas Sarkozy, qui est candidat dans le canton de Neuilly sud.
(Là, j'avoue que j'espère qu'il y aura un second tour et un TSS bien senti, je le dis au passage).
Ensuite prend le micro la première colistière d'Alexandre et de Domitille, Mme Pontuer, qui représente une forme de légitimité historique, car elle est la seule des élus UDF à être restée au MoDem. Elle se place d'ailleurs explicitement dans la tradition démocrate-chrétienne et se réjouit que s'y soient joints les nouveaux adhérents du MoDem.
Elle explique avec calme qu'elle approuve à fond le principe d'une liste autonome, en raison en particulier des promesses non tenues par l'UMP (alors le RPR) après l'élection de 2001, où un poste promis à l'UDF a finalement été attribué à quelqu'un d'autre par motif de convenance personnelle. La parole donnée n'a donc pas été respectée. On voit bien ici la façon très UDF de raisonner en nombre de postes et en rigueur morale.
Alexandre Harmand prend ensuite la parole.
En l'écoutant détailler avec soin les innombrables propositions de leur liste, je suis impressionné. À côté de lui, un rétroprojecteur, comme à Bois-Colombes l'autre jour, produit l'image du programme rédigé et présenté avec créativité.
J'ai oublié de signaler qu'il a commencé par rendre hommage à Robert Parenty, qui "pousse" la liste après avoir été le premier conseiller général de Neuilly et sénateur des Hauts-de-Seine.
Robert Parenty n'était pas là ce soir, c'est un homme extrêmement âgé désormais. Je l'ai connu trésorier du CDS voici plus de vingt ans. On disait qu'en 1981, après une défaite qui avait laissé le mouvement exsangue, il avait renfloué le CDS en y allant de sa poche. Le fait est suffisamment rare en politique pour mériter d'être signalé !
Après avoir terminé son exposé, Alexandre passe le micro à la salle pour une batterie de questions qui portent sur des sujets divers, l'hôpital, les logements sociaux.
Alexandre y trouve l'occasion de revenir sur l'un des thèmes phares de la campagne : Neuilly moins cher. Car Neuilly est très coûteux à vivre et les jeunes comme ceux qui sont un peu moins aisés que les autres y trouvent assez difficilement leur place.
On parle aussi des pistes cyclables. La demande des habitants de Neuilly est forte, ce qui prouve qu'ils sont moins racornis qu'on ne le prétend en général. Et de là, on en vient aux Vélib, les vélos en location pour pas cher dans la rue. Ce sujet me donne l'occasion de préciser que l'interconnexion des Vélib parisiens avec la banlieue a échoué parce qu'au lieu d'envisager le problème à l'échelle de l'agglomération, on l'a fait seulement à l'échelon de la ville de Paris.
C'est l'exemple typique de ce qu'il ne faut pas faire : Paris ayant agi unilatéralement incite les autres communes à en faire autant. Et quand Paris a voulu agir en concertation, ce n'était pas légal : il fallait bien entendu un autre appel d'offre pour implanter des Vélib dans une autre commune que Paris. Or qui dit appel d'offre, dit aussi autre entreprise susceptible de le gagner et donc potentiellement autre système mis en place, pas forcément compatible avec le premier. Résultat : il n'est pas certain qu'un Neuilléen qui prenne un Vélib avenue de Neuilly, traverse la porte Maillot, remonte l'avenue de la Grande Armée, traverse la place de l'Étoile, puis redescende par les Champs-Élysées, puisse laisser là son Vélib. Ni qu'en en prenant un pour rentrer, il puisse le laisser plus loin que porte Maillot. C'est n'importe quoi, l'exemple parfait de ce qu'il ne faut pas faire, l'exemple parfait du fait que les structures communales actuelles sont périmées pour beaucoup de projets importants. Il faut décloisonner tout ça.
Au milieu des questions de la salle, notre belle Quitterie parle à son tour pour vanter le projet bayrouiste de rénovation des pratiques politiques.
Puis, ayant épuisé l'ordre du jour, on passe au kir, aux (très modestes mais savoureux) petits fours, et aux conversations à bâton rompu. Un architecte qui est intervenu à propos de l'urbanisme a vu Quitterie à la télé, une dame demande si elle a un bulletin d'adhésion sur elle car, après l'avoir entendue, elle souhaite payer sa cotisation, bref, la routine, si j'ose dire.
Reste la question politique.
Nicolas Sarkozy s'est emparé de Neuilly après un célèbre maire nommé Achille Peretti. C'était l'époque où les Corses dominaient le pouvoir post-gaulliste. On connaît à Paris Jean Tiberi, qui n'était pas alors un premier couteau, mais la forte personnalité d'Achille Peretti se détachait alors bien plus dans le ciel de la région parisienne.
Achille Peretti avait une héritière. Selon les sources, c'était sa fille ou sa nièce, peu importe. Nicolas Sarkozy épousa l'héritière et c'est ainsi qu'il put barboter la mairie de Neuilly au nez et à la barbe d'un autre Corse, Charles Pasqua, en 1983. Jean Sarkozy est le fils de cette première union de son père. Il est le produit d'une transmission clanique de la mairie.
L'orphelin du courant Peretti, si j'ai bien entendu ce qui a été dit ce soir, ce n'est pourtant pas lui, mais Arnaud Teullé, l'infortuné putschiste cocu qui fait sa propre liste quand même et avec lequel nous partagions le théâtre de Neuilly ce soir.
Je propose à mes (devenus rares) lecteurs d'en juger et de découvrir Alexandre Harmand et d'autres candidats neuilléens en regardant l'excellente vidéo tournée ce week-end à Neuilly par John-Paul Lepers pour la Télé Libre.
Dernière minute : ayant appris qu'Arnaud Teullé appelait à voter pour Jean Sarkozy aux cantonales, je sais que Fromantin et Teullé, c'est "bonnet blanc et blanc bonnet". Il n'y a donc qu'ne seule façon de libérer Neuilly du clanisme sarkozyste : voter Harmand, voter MoDem !
01:05 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : politique, MoDem, municipales, Neuilly, Harmand, Quitterie Delmas, Teullé | | del.icio.us | | Digg | Facebook