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09/02/2008

Nouvelle étape du "Quitterie tour" à Nanterre.

C'est la troisième fois en neuf mois que je suis Quitterie Delmas à Nanterre pour une réunion de soutien autour de la candidature de Pierre Creuzet. Il a intérêt à se faire élire !
 
La première fois, pour les législatives, c'était la fin du printemps, j'y étais allé à pied. Ca se passait dans la vieille ville de Nanterre. La deuxième, il n'y a pas si longtemps, c'était pendant la campagne d'élection des conseillers nationaux. J'y suis allé en train régional RER, finissant à pied à travers un joli quartier de demeures élégantes du XIXe siècle.
 
Cette fois, nous avions rendez-vous dans un quartier, une "cité". Pas la pire, loin de là.
 
Je suis arrivé par le RER, descendant à la station Nanterre-Université. J'ai appris au moment de rentrer qu'il y avait ensuite un bus direct, mais le site Internet de la RATP m'avait indiqué qu'à partir de la gare, il fallait terminer à pied, ce que j'ai donc fait.
 
Il m'est arrivé une fois dans le passé d'aller à l'université de Nanterre. Ce devait être en 1990, un peu plus de deux ans après que j'avais fini mon DEA, je me suis fait la réflexion qu'il était idiot de ma part de ne pas déposer de sujet de thèse. Je suis donc allé voir mon meilleur prof de droit administratif à mon ancienne fac, Assas (où je vais demain pour un café démocrate), qui s'appelait Pierre Delvolvé et qui est proche parent de la tête de liste UMP investie par le MoDem dans le VIIe arrondissement de Paris.
 
Delvolvé m'avait accueilli avec chaleur, j'avais proposé mon sujet de thèse, il l'avait approuvé, mais il fallait s'assurer qu'on n'avait pas déjà pris ce sujet et il se trouvait que le fichier central de ce type de thèses était conservé à l'université de Nanterre (peut-être est-il désormais informatisé), j'y fus donc et consultai des microfiches avant de renoncer à déposer mon sujet, emporté par autre chose.
 
Je n'y étais jamais retourné. Ca n'a pas changé. L'endroit paraît être en travaux perpétuels.
 
En sortant du RER, j'ai traversé le campus jusqu'à l'avenue de la République (curieusement, pour me rendre aux réunions de Quitterie, je passe toujours par la République, d'une façon ou d'une autre). Celle-ci se confond sur une longue portion avec l'autoroute circulaire francilienne connue sous son numéro : l'A86.
 
Autant la vieille ville vue en juin conservait un visage humain, autant les jolies rues bordées de maisons bourgeoises avaient un aspect doux et serein, autant cette nouvelle partie de Nanterre est marquée par la brutalité : derrière l'université, une immense barre de HLM, puis l'autoroute, avec sur l'autre rive la "maison de détention des Hauts-de-Seine", puis des murs sinistres, sur lesquels pend un calicot : "Les arènes de Nanterre". On devine des algécos tagués, le chaos, une obscurité menaçante "protégée" par un double rang de grillages. Le train régional passe sur un pont au-dessus de la Seine et de l'autoroute qui gronde du flux des automobiles. Ici, les organismes humains sont mis à rude épreuve.
 
Au bout d'une distance moyenne, l'avenue de la République se détache de l'A86 et rentre dans un quartier de la ville, longée par des pavillons d'un côté et de jolis immeubles sociaux de l'autre. Je m'enquiers de l'allée des Tulipes où la réunion doit avoir lieu, on me fait signe de passer entre les immeubles, j'y vais.
 
Tôt après ces premières constructions d'aspect humain (elles sont vues de l'autoroute), la réalité du quartier se révèle : longs immeubles en parallélépipèdes, lisses comme des boîtes à chaussures, qui semblent conçus pour ranger les gens plutôt que pour les loger. Mais ils ne sont pas très hauts : cinq étages.
 
Plus loin, ils grimpent.
 
Comme d'habitude, je me perds, je tourne en rond, je vois des gamins de treize ou quatorze ans qui jouent au football dans la nuit puis, en parvenant à l'autre extrémité de la cité, une voiture arrêtée avec des jeunes un peu plus vieux autour, qui évoquent très parfaitement la façon dont le cinéma décrit les dealers de quartier.
 
Je passe mon chemin.
 
Enfin un plan, je repars vers ma gauche, et enfin je parviens à la portion de la cité qui porte le joli nom de "Tulipes" mais où on ne voit guère de végétation (il est vrai que c'est l'hiver). Très vite, je repère la lumière chaleureuse de l'association Zy-va.
 
La salle est pleine. Quitterie Delmas vient d'arriver avec Virginie, ainsi que Fabien Neveu et Franck Vautier, d'autres arriveront un peu plus tard.
 
Pierre Creuzet est là, ainsi que sa colistière Estelle Letouzé. Ils forment un tandem parfait et parfaitement complémentaire, lui tout en empathie et en extraversion, elle toute en poigne et en causticité.
 
Il ne s'agit pas d'un meeting traditionnel. On est là dans un temple de tolérance, d'écoute, de pluralisme. Dans l'entrée du local, on a inscrit en caractères arabes, hébreux et romains des phrases pour le vivre ensemble, pour la paix civile, la solidarité, l'entraide.
 
L'association Zy-va, qui anime le quartier avec ce local chaleureux et ses cadres déterminés et habiles, a de solides habitudes démocratiques et beaucoup de savoir-faire, à la fois pour la pédagogie et l'animation. Tel que je le dis, on pourrait croire au rapport d'un inspecteur de patronage, or c'est tout l'inverse : nous avons, Quitterie, les autres et moi, vécu un moment inoubliable.
 
Tout a commencé par un premier exercice tiré des classes de maternelle : cinq personnes s'alignent, chacune va indiquer un objet qu'elle compte glisser dans sa valise pour partir en voyage, chacune devant répéter d'abord tous les objets précédents. Après les cinq, on choisit une personne dans la salle pour continuer la liste, puis la personne en désigne une autre, et ainsi de suite. Joie immédiate, d'autant plus que le cinquième des adolescents choisis pour débuter l'histoire a des idées de devenir un nouveau Jamel Debbouze et s'en sort à merveille, car il nous plonge tous dans une hilarité immédiate en annonçant que, s'il reste un peu de place dans la valise, il y glissera ... sa mère. En un instant, on comprend que l'idée est d'autant plus loufoque qu'il faut un peu plus qu'un peu de place pour glisser sa mère où que ce soit... Franche rigolade, très bon enfant, qui détend l'atmosphère et permet d'aborder en souriant les choses graves de la politique.
 
C'est alors que s'ouvre la partie plus politique, là encore par un exercice d'aspect très anodin : un jeu de rôle où chaque rôle est encore tenu par un gamin ou une gamine de quatorze ou seize ans.
 
La scène est la suivante : deux jeunes issus de la cité, l'un ingénieur en informatique, l'autre Bac + 5 en droit (c'est une théorie, on souligne que, si diplômés, ils sont "méritants", jolie expression), se présentent à l'ANPE pour trouver un emploi. Le fonctionnaire, très enjoué, se débarrasse d'eux en leur disant d'aller voir Mme Untel, qu'il connaît très bien et qui pourra résoudre leur problème. Ils vont donc à cette dame, qui les reçoit presque sans lire leur dossier, et leur dit qu'elle ne peut rien pour eux.
 
- Mais pourtant, dit un des jeunes, j'ai entendu dire qu'il y a à Nanterre plus d'emplois que d'habitants, alors pourquoi pas un pour moi ?
 
- Ce n'est pas ma faute, rétorque la dame.
 
- Mais alors de qui ?
 
- De vous, finit-elle par répondre sans se démonter après un temps de réflexion tout de même. Puis elle ajoute : C'est politique.
 
En principe, n'importe qui peut entrer à tout moment dans la saynète et y prendre un rôle. C'est la règle dans l'endroit qui pratique couramment cet exercice pour évoquer les problèmes de toutes natures et les réalités courantes, comme d'ailleurs sans doute pour s'amuser.
 
C'est Mme Letouzé qui se propose. Elle se lève. L'animateur (je n'ai pas noté son nom, il est mieux qu'excellent) lui demande à quel moment elle souhaite intervenir. Elle refait la narration et situe son entrée en scène au moment où la dame rejette les deux dossiers.
 
On se remet en place, on rejoue la dernière phrase, et Mme Letouzé s'immisce, jouant l'élue responsable qui indique qu'étant donné les CV flatteurs des gamins, elle va prendre son téléphone pour trouver des patrons qui les embauchent dans l'environnement immédiat, qui ne manque pas d'entreprises.
 
Une autre dame intervient. Vu ce qu'elle a à dire, elle va se substituer à l'un des jeunes. Qu'elle ait cinquante ans n'y change rien : on est dans le théâtre, dans le jeu de rôle. Elle dit :
 
- Il y a déjà eu des élus qui ont fait ce que vous dites, ça n'a guère produit d'effet.
 
Et Pierre Creuzet entre à son tour en scène et développe son programme, d'une façon certes moins informelle et moins ludique, mais qui paraît trouver écho.
 
Et cette partie de la réunion se termine. On passa à la suivante.
 
L'exercice de démocratie devient alors bouleversant.
 
Voici des gens que rien ne prédispose à être citoyens plus actifs et plus authentiques qu'ailleurs, eux et elles qui sont nés à Nanterre ou dans un pays plus lointain, eux et elles qui ont tous les âges et derrière eux différentes traditions politiques, philosophiques, religieuses.
 
Pour dire la vérité, l'endroit paraît laïc dans le meilleur sens : impartial, unitaire, soudé.
 
Le débat politique est à cette aune. Chacun parle une fois, un autre répond, une fois seulement, qu'il soit le candidat, le roi de Prusse ou l'empereur des escargots, tous sont au même niveau, avec la même parole.
 
Et on se prend à se demander comment ça s'est passé avec les deux autres candidats qui sont venus là, si Creuzet et ses trois colistiers présents (je n'ai pas noté les noms, ils ont bien parlé aussi, avec vérité) sont plus à l'aise, mieux dans leur eau, au milieu de cette démocratie à l'antique, de cette agora villageoise ressuscitée entre deux tours d'un quartier populaire de Nanterre.
 
Ce n'est plus le même animateur qui ponctue le débat de ses inititiatives. Je crois que l'autre s'appelait Gérard et celui-ci Rafic. Il a bien de l'intelligence aussi, de l'humour, de la persuasion, des opinions très élaborées qui transparaissent rarement. Il pose les bonnes questions, qu'elles s'adressent aux candidats ou aux électeurs.
 
On nous fait passer de l'eau fraîche, puis un délicieux thé avec un goût mystérieux.
 
Et puis hélas l'heure tourne, Quitterie doit partir participer à une émission de télévision sur la chaîne Direct8. Elle exprime toute l'émotion qu'elle a eue de participer à cette soirée qu'elle n'oubliera pas et qui donne tout son sens à son engagement de toujours pour une démocratie authentique, pour que les gens travaillent les uns avec les autres dans l'harmonie.
 
Et elle file et, de mon côté, je bondis dans le bus : je n'ai qu'une heure pour rentrer.
 
Miracle : j'arrive au moment même où l'émission commence ... et ... vingt minutes avant qu'enfin, enfin, on la fasse pénétrer sur le plateau !
 
Tous égaux ?