06/09/2008
En direct du châpiteau Dramont de l'université de rentrée du MoDem.
Aujourd'hui, table-ronde sur la démocratie dans la république.
Bayrou : "la république est démocratique, laïque et sociale". Ce sont les piliers du pacte civique qui nous permet de vire ensemble. Démocratique, laïque, social. É galité des citoyanes devant l'info, devant la décision prise devant eux, devant le pouvoir de souverain, la souveraineté appartient au peuple quiu l'exerce au travers de ses représentants (ou directement). Quand les citoyens ne peuvent pas savoir ce qui se passe, quand les cartes sont sous la table, quand il y a tout un jeu d'intérêts dissimulés, c'est une très grande menace, qu'est-ce qui garantit le citoyen en face de l'arbitraire ? La séparation des pouvoirs. Le citoyen ne doit pas avoir en face de lui le mur du pouvoir absolu (Montesquieu), pouvoir économique et médiatique aussi. Ce n'est pas un hasard si dans la déclaration du CNR, une des phrases-clefs, c'est cette phrase que "la presse doit être protégée de l'influence..." (les puissances étrangères, le pouvoir en place et les puissances d'argent).
D'une certaine manière, je fais juste un coup de projecteur, la laïcité n'est pas autre chose que la séparation des pouvoirs. C'est pourquoi la phrase de NS sur l'instit et le curé franchit quelque chose de notre pacte républicain.
Voilà pourquoi nous devrions avoir là (il présente Jean-Claude Casanova et leur amitié multidécennale, "probablement l'homme en France qui à la suite de la famille d'esprit de Raymond Aron a le plus réfléchi à ces problèmes d'équilibre, de démocratie), il présente aussi Daniel Schneidermann très applaudi ("il n'hésite pas à entrer dans le combat d'une manière un peu vive", "on ne sait pas pourquoi son émission de télé s'est arrêtée'" - vifs applaudissements), et Laurent Mauduit "que j'ai beaucoup lu ces temps-ci parce qu'il a beaucoup écrit sur l'affaire Tapie" sur Médiapart "un site d'info où on peut enfin dire et avec l'espace nécessaire ce qu'on sait et qu'on n'a pas toujours le droit de dire ailleurs". Il excuse Eva Joly (dont la rumeur publique dont Bayrou ne parle pas dit qu'elle serait approchée par Cohn-Bendit, et dont l'excuse officielle qu'il mentionne est une mission norvégienne aux États-Unis).
Bayrou passe la parole à Jean-Claude Casanova.
Casanova : "Je suis à l'UDF depuis plus de trente ans et nous sommes amis depuis plus de trente ans et je n'ai pas changé d'idées".
Définition de la démocratie. Deux problèmes importants : ca ne peut pas être une petite société, mais une grande,il faut une représentation, il faut que les citoyens soient représentés. La loi la plus importante dans une démocratie, c'est la loi électorale. Selon sa forme, on modifie la nature de la démocratie. L'Angleterre a inventé le mode de scrutin direct à un tour. Ce système a survécu parce qu'ont été éliminés les catholiques anglais. Ce système s'est transposé aux États-Unis, mais ce pays a compensé ce système par son imensité et l'hétérogénéité de sa population. Second problème : l'égalité politique n'est pas la fin de toute la société. L'hétérogénéité de la société pose un problème délicat à la politique. La démocartie, par l'hétérogénéité sociale, pose des problèmes.
Il y a une excessive centralisation des pouvoirs. Le mythe gaulliste, c'est qu'il doit y avoir à la tête de l'État un exécutif très fort. Marcel Sembat : "Faites la paix, sinon faites un roi". C'est ce qui imprègne toute la pensée de de Gaulle et se trouve synthétisé dans les institutions de la Ve république. Cette centralisation du pouvoir est accrue par la centralisation administrative. Nous sommes fondamentalement un système centralisé, où les collectivités locales ont très peu de ressources propres. C'est en France que les ressources propres sont les plus faibles d'Europe.
Le pouvoir du pdt de la république a des pouvoirs exceptionnels, le mécanisme électoral de la législative succédant à la présidentielle accroît cette concentration. Je ne pense pas que ce soit satisfaisant. Tous les problèmes qu'il faut résoudre exigent un minimum de participation. Tous les autres pays ont évolué dans des réformes participatives et démocratiques, sauf la France. "La démocratie est insuffisante en France".
Daniel Scneidermann.
"La France a aujourd'hui les médias que son histoire lui a donnés." La centralisation française a une très longue hsitoire et la France a aujourd'hui les médias directement hérités de cette histoire-là. Les médias naissent au XIXe siècle dans l'antichambre du roi Charles X. La rubrique reine, c'est la rubrique politique, dans tous les journaux, sauf la télévision, donc la presse écrite. Si on faisait une étude statistique, c'est trois fois sur quatre les journalistes politiques qui sont arrivés à la tête des journaux. Je ne parle pas du grand absent : les services étrangers, qui devraient avoir au moins la même place, à l'exception du Monde jusqu'à Colombani-Plénel dans les années 1990. On a des médias qui accordent une importance démesurée à la chronique de la Cour. Quelle place dans les médias à la grossesse de la ministre de la Justice ?! On a vu l'élite des journalistes français entretenir un débat palpitant pour savoir quel serait l'hebdomadaire qui aurait la primeur de la nouvelle. La Cour, donc, dans son acception la plus futile.
À cela est venu s'adjoindre la logique du marché. Les médias qui comme des tournesols étaient tournés uniquement vers le soliel de l'Élysée se sont aperçus qu'il y avait un autre ressort possible : le marché. On a aujourd'hui un système médiatique qui dans ses centres d'intérêt se partage entre la logique purement politique et les sujets vendeurs. On a aujourd'hui des médias qui sont en dessous de la mission démocratique qui devrait être la leur. Ils n'ont que quelques oasis de lumière. On ne se dirige vers l'étranger qu'en cas de grand événement, mais sinon, quelle place a été faite à l'élection d'un nouveau président pakistanais ? On a des médias qui ont l'immense point aveugle de tout ce qui n'est pas Paris, de tout ce qui est les régions françaises.
Il faut des faits divers pour que crève le mur de l'indifférence : des phénomènes sociologiques n'apparaissent qu'alors; Je me souviens du temps de réaction des médias sur les biens de conso des catégories modestes. Il a fallu bien du temps aux médias pour s'en rendre compte, alors que ce temps de réaction aurait dû être plus court.
Sur ce plan particulier, je pense que nous avons aujourd'hui un très grand motif d'optimisme : Internet. Ce n'est pas par hasard que François Bayrou est aujourd'hui entouré de deux journalistes qui travaillent sur Internet. Sa situation politique n'est pas géniale pour le moment, ce sera mieux (rires complices), symboliquement, autour de lui deux journalistes d'Internet, on est à un moment où les choses vont basculer. Il n'est pas envisageable qu'une situation où il possible de s'adresser à un nombre maximal de personnes avec une mise de fonds minimale. Ce média porte en ses gènes le dialogue. C'est un média dans lequel avec des rôles distincts le journaliste concourt avec celui à qui il s'adresse. Il n'est pas envisageable que cette offre-là et l'offre traditionnelle (verticale), que leur mise en concurrence n'ait pas un effet sérieux sur le marché de l'info. C'est ce qui me rend optimiste. La technologie va venir secourir puissamment une situation très instaisfaisante.
Bayrou cite une anecdote : "j'ai des souvenirs politiques déjà anciens, jamais de ma vie je n'ai entendu les journalistes se plaindre des difficultés qu'ils ont à exercer leur métier dans beaucoup de rédactions, des difficultés qu'ils ont à traiter beaucoup de sujets, dont ils savent que leur direction pourrait redouter de les voir traiter de manière trop explicite. Je voudrais prendre un exemple récent : on a assisté aujourd'hui à une journée absolument fascinante : à la commission des finances de l'Assemblée Nationale, audition publiqiue des premiers protagonistes de l'affaire Tapie, dotés par une décision du pouvoir d'une somme de 400 millions d'euros. Hier matin, les liquidateurs ont reçu un premier chèque de 190 millions, plus 90 millions d'effacement de dettes. Audition à la commission des finances, le rapporteur (Courons que Bayrou salue) rapporte que la décision d'arbitrage est sans fondement légal. Vient ensuite l'homme qui a été pdt du CDR (aujourd'hui maire de Barcelonnette), il fait une démonstration chirurgicale, que nous allons mettre sur notre site, pour expliquer qu'il n'y a avait à cette décision aucune base légale. Ce sont des choses lourdissimes. Écho dans les médias, et je sais qu'il y a des journalistes qui ont proposé des petits papiers à leur rédaction, écho effacé. Il a fallu qu'un certain nombre de médias indépendants accordent à ce média une véritable importance pour qu'il sorte. J'ai beaucoup lu ce que Laurent Mauduit avait écrit sur ce sujet".
Laurent Mauduit.
"Il y a beaucoup de façons de garder la tête haute dans ce métier, donc aucune leçon dans ce que je vais dire". La crise de la presse est au coeur de la crise de notre démocratie. Le fond de ma conviction, c'est que la crise de la presse française est atypique : ailleurs, c'est la mondialisation, la gratuité ; en France (mise à part l'Italie), on a une exception, la presse fait une crise de dépendance : le Figaro, c'est Dassault. Dassault, ce n'est pas Hersant, ce n'est pas un professionnel, il a acheté une part d'influence. Libération, l'actionnaire, c'est Édouard de Rothschild, ami proche de Nicolas Sarkozy. Les Échos, c'est bernard Arnault, le plus grand PDG, ami comme le précédent de Nicolas Sarkozy. Le Monde, son histoire, Beuve-Méry, c'était loin des puissances d'argent, une muraille de Chine entre eux; 2003, entrée de Lagardère, ami de Sarkozy. Capitalisme français, endogame, avec parfois certains des aspects les plus excessifs des Anglo-Saxons, la presse est tombé dedans : c'est la capitalisme de la barbichette ("je te tiens, tu me tiens"). Du même coup, la normalisation a eu un impact éditorial, d'elle a découlé une banalisation éditoriale, voire une instrumentalisation éditoriale. La normalisation, c'est l'indignité de l'éditorial du Monde avant le premier tour de l'élection présidentielle (vifs applaudissements).
Je ne suis pas dans le registre de la sympathie politique, mais il y a eu une révolte, une indignation, et maintenant les choses sont retombées. Le seul article important qu'il y a eu sur la rémunération des PDG, le seul article, c'était Médiapart. C'est un confrère d'un autre journal qui m'a donné l'info parce qu'il ne pouvait pas la donner dans son journal. Il y a une situation dramatique.
Petit codicille optimiste : c'est vrai qu'Internet rebat les cartes.
La presse n'est pas le seul dysfonctionnement : regardez l'autorité des marchés financiers, on est dans un système de consanguinité malsain.
Internet chemine, participatif, venez débattre sur Médiapart ou sur Arrêt sur Image (ma note perso d'Hervé Torchet : regarder la vidéo de Siné sur ASI).
Légiférer sur Internet m'inquiète beaucoup.
En France, c'est dur de faire un journal indépendant, économiquement, mais aussi parce que la société française est autoritaire. En France, juridiquement, une fondation, c'est impossible.
Sur Internet, la TVA est à 19,6%, alors qu'elle est à 2% pour les autres médias.
C'est l'un des débats majeurs, la liberté de la presse.
Bayrou ouvre le débat.
Pourquoi Le Monde, en France, après la guerre, a été le journal de la 3e voie, et maintenant c'est Le Monde qui fait cet éditorial ? Je suis persuadé que ça a été pour eux une perte de quelque chose d'important, de cohérence et crédibilité.
M. Boygues père et Jean-Luc Lagardère, tous les deux ayant été intéressés à avoir de bons rapports avec l'État, ont compris que c'était plus facile en étant à la tête d'organes de presse importants. La presse est entre les mains de personnes qui sont en affaires avec l'État, dont leur chiffre d'affaires dépend. Ceci n'est purement et simplement pas acceptable. J'avais inscrit dans mon programme et je le referai, la détermination que nous votions une loi qui fasse que lorsque vous êtes en affaires avec l'État, vous ne pouvez pas être actionnaire d'un organe de presse.
Micros dans la salle.
Casanova : faiblesse de la presse, faiblesse de la justice. Presse, c'est vrai que la situation est préoccupante. Causes : la propriété des médias. La disposition de prohibition existe dans le code électoral, mais le bureau du Sénat a considéré que Serge Dassault pouvait être sénateur quand même. Donc s'il y avait une loi, serait-elle respectée ? Jospin estimait que la faiblesse éco de la presse serait accrue ? Donc peut-on circonscrire le champ de la loi nouvelle ? Et puis, le monopole des NMPP... 3e question : pourquoi les journalistes ne réagissent pas davantage ? Enfin, pourquoi l'opinion française l'accepte ?
Bayrou : les gens ne l'acceptent pas, d'ailleurs ils n'achètent plus les journaux. Les gens ont considéré que mon algarade sur TF1 avait traduit la fin de la connivence.
Laurent Mauduit : J'ai l'impression d'une combinaison d'un capitalisme de connivence et d'une tradition libérale française, il y a une sorte de constance, Marx et Hugo parlent de la société du 10 décembre (1848), un système imbriqué de connivences et d'ententes. La presse n'a pas de place dans la démocratie inachvée Rosanvallon le définit. Dans quelles conditions d'indépendance les journalistes des Échos écrivent-ils ? Leur comité d'éthique contient ... le fils même de Bernard Arnault, qui est joueur de poker !
Nous avons fait une erreur collective : installer au centre du monde un entremetteur, le go-between. Au Monde, je me suis battu contre la recapitalisation d'Arnaud Lagardère.
Scneidermann : pourquoi les journalistes l'acceptent ? parce qu'il faut manger. Mais il faudrait nuancer rédaction par rédaction, il y a des journalistes qui se battent. Les sociétés de rédacteurs sont combatives, plus que voici trois ans. Mais tout de même, il faut bien manger. Pourquoi le public l'accepte ? C'est la question la plus dérangeante : parce que parfois, il est plus facile et confortable de consommer une info ronronnante et consensuelle. Marianne a fait les meilleures ventes de son histoire en disant toute la vérité sur Sarkozy. Donc dès qu'il y a de la vraie info, que ce ne sont pas seulement des cris, mais des faits, ça y va, ça se précipite. POurquoi le Canard Enchaîné est-il prospère ? Parce qu'on y apprend ce qu'on n'apprend pas ailleurs. Et enfin, parce que le public n'a pas le choix : c'est partout la même chose, sauf d'ailleurs sur France 3.
Bayrou : n'oublions pas que la décision de priver la télé publique de publicité, plus la décision de nommer le pdt de la télé publique par le pouvoir, ceci est une régression, c'est scandaleux.
Corinne Lepage intervient sur la justice : Il n'y a plus de pôle financier à Paris, il n'a plus de moyens, il n'a plus de police. Les affaires sont traitées par non-lieu, il n'y a toujours pas de pouvoir judiciaire en France, on est en régression, j'ai l'impression qu'on est plus bas qu'au début des années 1970. Est-ce que vous ne croyez pas que le fait que de toutes façons, on a le sentiement que quoi qu'on fase, ça ne sert à rien, ça contribue au découragement des journalistes ?
Patrick Roger, du Monde, intervient : je me sens plus que concerné, impliqué, par cette discussion. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec la présentation de Schneidermann de la place de la politique dans la presse française : c'est l'inverse qui est en train de se passer : au Monde, la place de la politique n'a cessé de se réduire, la rubrique politique n'existe plus, mais la rubrique Europe-France, et tout ça en moyenne sur trois pages. Quand la nouvelle formule du Monde élaborée par Fottorino a été mise en place, dans le groupe de travail Vivaldi, il n'y avait aucun représentant du service politique. L'actuelle direction du journal ne vien pas du service politique. Ce qui se passe, c'est une volonté de réduire la place de la politique dans les journaux, parce que le rôle des journalistes est de permettre de comprendre, ce qui permet de donner une vision caricaturale de la politique. Deuxièmement : sur l'affaire Tapie, j'ai suivi les auditions, on a une démonstration concrète du résultat : quand j'appelle pour dire "regardez tout ce qui s'est passé", réponse "eh non, on n'a pas la place", ça s'est traduit par une brève, qui renvoyait à un papier qui est paru sur Le Monde.fr, le fait que Charles de Courson s'interrogeait sur la légalité. Eh bien, sur ce site, ce papier avait été le plus lu et le plus commenté, ce qui montre bien qu'il y a une demande réelle. Sur l'éditorial du Monde d'avnat le 1er tour, pour ma part, je m'honore d'avoir au sein de la rédaction, demandé que ce ne saoit pas là la prise de position du Monde, j'ai été un peu seul. Une fois que cet éditorial a été paru, j'ai reproché au directeur de la publication de cet éditorial, et j'ai dit publiquement que cet éditorial m'avait choqué.
Bayrou : on voit l'importance du débat actuel brûlant, qui n'était pas envisageable dans les vingt dernières années. Il me semble qu'est en train de naître un mouvement civique des journalistes.
Schneidermann répond à Patrick Roger et se félicite qu'Internet ait permis de lire le papier sur lemonde.fr.
Bayrou : si Le Monde avait dit la vérité dans l'afaire Tapie, ils en auraient vendu 150 000 ex de plus.
Scneidermann poursuit : les questions politiques sont effectivement européennes, donc l'intitulé choisi est valable. Il y a encore trop de papiers politiciens. Un certain journalisme politique curial n'est plus accepté aujourd'hui, la presse peut d'en sortir en allant là où se passent les choses dans la société, dans les couloirs de la commission européenne.
Mauduit : l'un des responsables a aussi été la peoplisation des journaux. Le bon journaliste va à la curiosité, à l'enquête, regarde sous le tapis (rires sur l'allusion)... Le débat éditorial au coeur de la crise du Monde a été celui décrit par Patrick Roger, la disparition du journalisme d'enquête.
Quelqu'un de la salle : c'est la middle-class qui utilise les sites d'info.
Je suis obligé d'interrompre ici. J'espère que ce compte-rednu à chaud n'a pas été trop décousu et qu'il a rendu un compte honnête de ce qui était dit. Merci de l'avoir lu.
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