22/02/2008
Le silence.
"Écoutez !
- Quoi ?
- Le silence".
Cette citation de Talleyrand qui a été utilisée pour la pièce de théâtre devenue film, "Le souper", illustre parfaitement une expression que chacun connaît : "il y a des silences éloquents".
La puissance d'évocation du silence est bien connue des compositeurs de musique qui, depuis longtemps, savent allonger la note, la dilater. C'est aussi l'énergie d'un moment musical spectaculaire : le point d'orgue, dont le principe est l'immobilité en contraste du mouvement, voire le silence en contraste du son, en quelque sorte la résonance dans l'absence de son.
Le silence est devenu un instrument politique en France à partir au moins de la présidence Giscard d'Estaing, sous la férule de Jacques Pilhan, son conseiller. François Mitterrand conserva le conseiller et la doctrine, qui lui réussit plutôt bien. Selon cette doctrine, le président garde en général le silence et fait de ses interventions des événements rares et notables. En cela, il se donne de la hauteur et laisse ses subordonnés s'user dans la tâche gouvernementale à sa place.
Le présibruyant Sarkozy a choisi l'attitude inverse, qui ne semble pas lui réussir. C'est qu'il y a quelque chose de frénétique dans son obsession d'occuper constamment l'espace sonore et médiatique. Et la frénésie est une faiblesse. Or pour un président de la république, la faiblesse est un très vilain défaut.
Il ne fait pas de la musique, mais du tapage.
Quand un homme politique se tait, soit on l'oublie vraiment, ce qui n'est pas probable dans le cas d'un président, soit on croit l'entendre partout. On imagine qu'il trame. On le devine derrière chaque coup bas, dans chaque manoeuvre, dans chaque conjuration. Il est tout, il voit tout, on ne pense qu'à lui. Son silence est obsédant.
Heureusement, Sarkozy est incapable de la maîtrise de soi nécessaire à cette tactique.
Pour terminer, je rappelle à ceux qui passent ces jours-ci sur ma page quelques règles du discours politique pour exprimer ses convictions et les progrès qu'on peut faire encore pour faire passer sa très grande sincérité.
Parmi les instruments du discours, sur la palette de l'orateur (-trice), il y a deux notes sur lesquelles il est très éloquent de pianoter : la première, ce sont les intonations. Une élocution monocorde appartient plutôt à l'univers journalistique. Faire de la musicalité de sa phrase une parabole en mettant l'accent sur des syllabes plus porteuses de sens que les autres, c'est gagner en receptivité de l'auditoire. La deuxième, c'est le silence. Écoutez Bayrou, la lenteur de son élocution n'est pas seulement due au fait qu'il est un bègue guéri, c'est une façon de travailler sur la résonance, d'amplifier son discours, de lui conférer une solennité pleine de carrure, une gravité. La sincérité, dans le cas de Bayrou, passe parfois par cette gravité. À d'autres moments, c'est parce qu'il se met en pétard sur un sujet qu'il trouve viscéralement important.
Viscéralement. N'oubliez pas que le viscéral est autorisé et qu'il fait tinter la corde sensible de l'auditoire sans cependant ne jouer que sur l'émotion. C'est le mélange de l'intelligence et de l'émotion.
En somme, il est souvent pertinent de ralentir le débit, d'appuyer sur certaines syllabes-force (comme des idées-force) et, par le jeu avec le silence, de laisser de la place dans son propre discours à ceux qui l'écoutent.
14:45 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : politique, discours, Bayrou, Sarkozy | | del.icio.us | | Digg | Facebook