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29/03/2009

Mon dernier mariage (à propos du film de Téchiné).

Je n'irai pas voir le nouveau Téchiné. C'est sûrement un très bon film, car c'est un grand cinéaste, dont j'ai aimé plusieurs oeuvres, en particulier "Rendez-vous" voici vingt-cinq ans. Mais je ne peux pas aller voir ce film.

Fin 2000, le gars que je connaissais et qui pigeait pour Gala (et à qui j'avais livré a posteriori les quelques info exclusives que je possédais sur le mariage du footballeur Emmanuel Petit que j'avais célébré l'été précédent) me téléphona pour m'indiquer que sa rédactrice en chef avait un service à me demander. Comme je suis d'un naturel serviable, j'acceptai qu'elle m'appelât.

Elle s'adressait à moi, en fait, sous sa casquette de chargée de la communication d'une starlette alors présentatrice d'émissions sur la chaîne de télévision M6 : Séverine Ferrer. La jeune Ferrer se mariait, la rédactrice en chef avait mission de faire de cette cérémonie un événement capable d'occuper plusieurs pages de son journal. Je savais déjà à ce moment-là que je ne serais pas candidat aux municipales suivantes, le bruit médiatique ne m'inpressionnait plus, il ne m'était plus d'aucune utilité, mais je décidai de jouer le jeu bien que je le trouvasse un peu frelaté et qu'il ne m'apportât plus rien.

Je rencontrai plusieurs fois Séverine Ferrer dans un salon de thé voisin de la mairie, elle me parla beaucoup d'elle, de ses racines composites, de sa vie. Je voyais l'existence des besogneux de la notoriété, obligés de faire mousser chaque instant de leurs efforts, chaque battement de cil, chaque étape de leur parcours. Elle voulait faire de son mariage civil quelque chose d'aussi spectaculaire que possible.

La salle des mariages n'était pas disponible pour la date qu'elle avait choisie, on se rabattit donc sur la salle des fêtes (qui d'ailleurs correspond plus à son goût personnel et ressemble bien plus à un gâteau de mariage). Ca permettait aussi de caser beaucoup plus de monde, et elle en avait à caser.

Je célébrai cette cérémonie un peu particulière peu de jours avant le premier tour des municipales. Pierre-Christian Taittinger, mon maire qui se représentait, s'incrusta au dernier moment, juste pour figurer sur une photo, puis tout se passa bien, et après l'union, il y avait un cure-dents sur place, on resta à bavarder.

J'avais fait ce mariage du mieux que j'avais pu pour ne pas montrer ma déception. Mais après, quand nous restâmes à bavarder, je ne pus pas cacher que c'était mon dernier jour. Il y avait là, dans un coin de la salle, un animateur de télé qui venait de se retirer de TF1, deux ou trois autres personnes, et l'une des témoins de Séverine Ferrer : l'actrice Émilie Dequenne, qui débutait après sa récompense dans un film des frères Dardenne.

J'avais le coeur brisé, je ne voyais plus rien de l'avenir. Depuis 1981, soit depuis vingt ans, l'activité politique avait servi de moteur à ma vie, sauf une courte période où je m'en étais détourné. Mon éviction de la liste municipale me semblait une profonde injustice et me plongeait dans la plus terrible incertitude pour mon avenir, dont je n'imaginais plus rien.

"Ca existe donc, le blues des politiques", disait l'animateur de la télé pour commenter le regard désabusé que je portais sur le monde politique.

Comme j'aime la conversation des jeunes femmes, je posai des quantités de questions à la jeune Émilie Dequenne, une façon de ne pas penser à moi. Elle m'expliqua son parcours, elle devait sortir un film peu de temps plus tard (raison pour laquelle on la mettait en valeur pour les photos). Je garde un souvenir précis de tout ça.

Et c'est pourquoi il ne faut pas m'en vouloir si je ne vais pas voir le film de Téchiné : c'est à cause d'Émilie Dequenne. Elle n'y peut rien, mais elle me rappelle ce moment terrible de mon existence. Elle me rappelle qu'on ne peut pas en vouloir à ceux qui se détournent de la politique élective, parce qu'un jour on est élu, puis un jour ça s'arrête, et on en meurt, ou presque.

Et c'est pourquoi aussi il ne faut pas m'en vouloir de faire enfin la pause annoncée sur mon blog : je n'ai plus rien à dire devant le silence de Quitterie qui a fait ce choix de se détourner et dont le blog se tait de nouveau depuis dix jours. Je laisse un moment s'écouler jusqu'à ce que mon blog ait de nouveau un sens, jusqu'à une éventuelle évolution ou implication de Quitterie.