Quitterie Delmas était l'invitée, ce soir, de Jean-Michel Cadiot, candidat du MoDem dans la législative partielle du Val d'Oise rendue nécessaire par la démission de Dominique Strauss-Kahn, désigné à la tête du Fonds Monétaire International. Or c'est dans cette circonscription qu'a eu lieu la veille la mort de deux jeunes tués par des policiers. Du coup, le café démocrate électoral a pris un tour grave et inquiet.
Grave d'abord en raison du deuil. L'humanité sincère du candidat Cadiot était touchée par le drame vécu par les familles des deux victimes. Son supléant, Ali Menzel, était même absent de tout le début de la réunion : il habite le quartier de l'événement, il a été témoin des toutes premières suites de l'affaire : les gamins abandonnés sans secours par les policiers qui se sont enfuis, effrayés peut-être, malveillants peut-être, hagards en tout cas. La colère immédiate du quartier.
Ali Menzel ne mâche pas ses mots : selon lui, les policiers avaient contrôlé les deux jeunes deux fois dans la même journée et les avaient menacés : s'ils les revoyaient sur cette même moto, ça se terminerait mal. Pour lui pas de doute, c'est délibérément que les policiers ont percuté les gamins. D'ailleurs, il note que la moto n'a rien, tandis que l'avant de la voiture est très abîmé.
Et aussitôt, il ajoute que, de son point de vue il ne peut plus être question de faire campagne à Villiers-le-Bel jusqu'à l'élection qui doit avoir lieu le 9 décembre, soit dans treize jours.
La discussion tourne alors autour de ce choix : faut-il continuer ? Faut-il s'interrompre ? Quel meilleur hommage rendre à la mémoire des victimes ? Comment saluer mieux leurs familles ?
En tout cas, pas question de récupération politique.
Et puis, comment faire éclater la vérité ? Comment lever le voile d'incompréhension ou de malveillance qui empêche les média de diffuser autre chose que la version officielle ?
Quitterie Delmas est alors bienvenue de rappeler qu'Internet est l'instrument idéal. Elle donne des clefs, suggère l'ouverture d'un blog citoyen des habitants de Villiers-le-Bel, où seraient diffusés images et témoignages, à la fois sur l'affaire et sur la ville, sa vie ordinaire et ses efforts pour le bonheur.
Elle obtient soutien de la salle et approbation.
Je suggère aussi que les candidats demandent le report de l'élection. Ils y ont pensé. Cela pose des problèmes. Quitterie suggère que j'interroge Éric Azière, l'homme des élections du MoDem, mais celui-ci est injoignable.
La soirée se termine par quelques verres de vin et de modestes petits-fours, dans la fièvre des conversations passionnées.
Quitterie continue à prodiguer conseils et adresses.
Les amis d'Ali Menzel arrivent en fin de soirée : des jeunes auraient utilisé un fusil contre deux policiers.
Nous sommes incapables d'intérioriser cette information. Il est tard.
Sur la route par laquelle l'un des invités, affable (et ici remercié) nous ramène vers Paris, nous sommes dépassés par une longue file de véhicules de CRS et de police, les voitures banalisées alignant des rangées de casques de CRS sur leur plage arrière. Ali Menzel s'attendait à un embrasement et à de longues flammes.
Ce qui nous conduit tout naturellement à parler du congrès de l'UDF et de celui du MoDem, rendez-vous vendredi, autre embrasement, autres flammes.
Sur le trottoir où on nous laisse, Quitterie, très émue de cette soirée au coeur des événements, grille sa dernière allumette pour une marlboro dorée. Il fait frais. La politique est parfois dérisoire.