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31/01/2007

Blogosphère, un vrai succès ?

Le temps viendra où l'on saura pourquoi la blogosphère a connu un si vif essor en France.

Sûrement en raison d'une frustration de parole.

Depuis cinquante ans, la France se tait. La société civile, l'indépendance d'esprit, plusieurs formes de liberté de ton ont disparu parce qu'on a cru utile de les mettre au service d'une manière de penser. On a cru en faire des instruments de puissance ou d'influence.

Résultat : plus aucun grand écrivain reconnu pour la force de son propos, rien que des succès d'occasion ou de scandale. Le plus exemplaire est à cet égard Houellebecq : sa renommée internationale a enflé sur une phrase, celle, si célèbre, où il se moquait d'une religion en termes certes peu amènes mais après tout recevables. On a vu que les relais qui s'emparaient de lui à ce moment-là n'étaient pas les adversaires du fait religieux, mais ceux de la religion qu'il raillait. Il est devenu complice des boutefeux en contradiction avec tout ce qui a fait le sens de l'engagement français depuis des siècles.

Pour le reste, si l'on examine la liste des écrivains francophones considérés internationalement, on ne trouvera dans cette période que ceux qui ont débuté avant le début du cycle que j'évoque, qu'il s'agisse du Nouveau Roman, de Claude Simon ou des survivants tels Sartre ou Aron, ou des auteurs extérieurs à la France elle-même. La pépinière du label estampillé "grandeur de la France" est vide.

Car la liberté se rit des puissances et se méfie des influences.

Et il n'y a pas de bonne littérature sans liberté.

C'est sans doute pourquoi on raffole tant de la flânerie sur les blogs : le plaisir d'y retrouver des amis éloignés, qui la malice, qui la subversion, qui la gouaille, qui le style, qui la simple franchise, qui le propos gratuit, qui le café du commerce, qui la critique subjective mais à l'écart des courants de pouvoir.

Il reste à découvrir ce que nous ferons de cette nouvelle faculté d'échange et de circulation. Va-t-elle tuer des faibles ? Les libraires sont-ils condamnés à disparaître au profit des ténors de la vente en ligne, groupes d'intérêt puissants ? Va-t-elle livrer la culture aux acteurs colossaux qui l'envahissent déjà de produits formatés ? Fera-t-elle d'internet un média aussi monopolisé que la télévision par des puissances énormes, aussi bien pour les programmes directs que pour les conséquences induites ?

Adviendra-t-il de la blogosphère ce qu'il est advenu des radios libres qui nous promettaient tant ?

C'est à nous, à chacun, de le dire. À cet égard, le livre de Thierry Crouzet, que je présente en couverture, contient les propres limites de son propos : si internet devient un lieu de pouvoir, il ne restera rien de la liberté que nous y cherchons. Si c'est seulement un espace d'intelligence et de résistance sans idée de pouvoir, alors, oui, internet et la blogosphère resteront libres.

16:40 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : blogosphère, internet, liberté | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

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