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22/02/2007

Les avanies d'un blog.

Dire qu'il suffit d'une fausse manip pour perdre tout un texte.

Bon, que dire ?

Ca me rappelle l'histoire de Nourrissier qui avait égaré une sacoche dans laquelle se trouvait l'unique exemplaire du manuscrit de son nouveau livre. J'avais trouvé, à l'époque, l'affaire étrange ; elle semblait inventée.

Je plaisante mais, en regardant par ma fenêtre, je vois un pauvre homme qui a l'air de beaucoup souffrir et que deux passants secourent. Heureusement, on voit parfois de ces solidarités.

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Commentaires

Bonsoir cher Hervé,

Pour Nourrissier, je ne sais pas ; mais ce qui est sûr, c'est que T.E. Lawrence avait oublié l'unique manuscrit de la première version de "The Seven Pillars of Wisdom" dans un train et qu'il ne l'a jamais récupéré.

Les blogs débloguent, mais la copie papier ne constitue pas toujours une garantie de sécurité...

Écrit par : André-Yves Bourgès | 22/02/2007

Oh, le blog n'est pas en cause : j'ai cru transférer un texte d'un support sur un autre pour modifier son emplacement sur ma page et, en fait, je l'ai supprimé. Mon copier-coller n'a pas marché, j'ignore pourquoi, c'est sûrement une fausse manip de ma part. Or j'avais rédigé ce texte directement sur le blog. C'est l'activité blog qui est en cause, non ce blog-ci.

Écrit par : Hervé Torchet | 22/02/2007

ah ça m'est arrivé un jour... 45 mn de rédaction et 3 jours d'écoeurement sans vouloir réécrire un post... on appelle ç a un accident de parcours (rires)

Écrit par : Michaël | 22/02/2007

On est tous passés par là un jour ou l'autre... aussi (du moins pour un texte long et/ou important) il vaut mieux rédiger sur Word puis faire un copier-coller vers le logiciel du blog.

Il y a aussi une célèbre histoire de manuscrits disparus, une valise entière appartenant à Hemingway qui a été perdue ou volée, je ne sais plus, à la gare de Lyon.

Écrit par : fuligineuse | 23/02/2007

Nourrissier, Hemingway, T.E. Lawrence... cette histoire de manuscrits perdus, disparus, doit être un "topos" littéraire. Je pense à un texte d'Urs Widmer, "Le Paradis de l'oubli", qui raconte l'histoire d'un écrivain qui veut perdre volontairement le manuscrit de son grand'oeuvre.

"J'ai toujours admiré ces écrivains décontractés qui prenaient le métro ou organisaient des beuveries dans des bars de banlieue en emportant les manuscrits de leurs chefs-d'œuvre dont ils ne possédaient pas de copie. Après, bien entendu, les manuscrits avaient disparu, perdus au bout d'une nuit froide sous les lampes au néon d'un glacier new-yorkais, ou bien ils avaient glissé du porte-bagages d'un vélo sur lequel les écrivains - accompagnés par les cris des coucous alentour - pédalaient pour rentrer à la maison aux premières lueurs du jour, tout droit sortis du lit d'une maîtresse qui somnolait, à présent, et à qui ils avaient lu en premier le livre tout entier avant de prendre avec elle le chemin d'un paradis qui nous reste interdit, à nous les mortels. Aucun de ces livres n'a jamais été retrouvé, et à ce jour, nous ne gardons guère que le souvenir d'une chose plus merveilleuse que tout ce que ces écrivains avaient écrit par ailleurs, mais qu'ils n'avaient pas perdu.

Pendant des années, j'étais décidé à être un jour assez fort, plein de ressources pour pouvoir écrire un gros livre dans lequel je mettrais tout ce que j'ai dans le ventre, cinq cents pages, et que je perdrais ensuite. Car le but, c'est l'écriture, pas le livre.

Et un jour, j'écrivis effectivement quelque chose de ce genre - mon éditeur, qui l'a vu sans pourtant avoir le temps de le lire, le qualifia immédiatement de roman et je tentai sur-le-champ de le perdre. Contrairement à mes habitudes, j'effectuais de longs trajets en tramway, et à un arrêt quelconque, je me précipitais subitement dehors. Mais à chaque fois, un homme charmant ou une aimable dame me couraient après, en criant "hé !" et "vous, là-bas !", et ils me tendaient mon livre. Moi, je les remerciais chaleureusement. Un jour, je m'attardai au restaurant Rose bien au-delà de l'heure de fermeture et je glissai mon manuscrit, divisé en deux moitiés à peu près égales, dans les poches des imperméables appartenant aux policiers qui nous firent gentiment sortir dans la rue, nous autres les ivrognes, en menaçant le propriétaire de fermer son établissement s'il ne respectait pas les lois, ne serait-ce que vaguement. Mais les deux hommes - des fonctionnaires sensibles - sentirent immédiatement le poids accru de leur uniforme et me collèrent mon œuvre entre les mains, non sans l'avoir feuilletée un peu. "Pas mal", dit l'un, et l'autre ajouta : "Continuez comme ça !" Je souris et filai à la maison où je jetai le livre sur le compost. Le propriétaire vint le ramasser le lendemain matin pour le glisser dans mon casier à lait, accompagné d'un billet sur lequel il avait écrit que lui, le propriétaire, pensait que je faisais un peu trop honneur aux boissons fortes. Mais que le livre était génial.

Il y eut encore bien des tentatives. Je pris même l'avion pour Ibiza où je louai une bicyclette, mais la femme avec laquelle je passais mes nuits - originaire de Birmingham et éducatrice spécialisée pour enfants caractériels - ne dormait pas le moins du monde quand je partis ; elle me suivit en courant, dénudée, dans le couloir de l'hôtel en criant que c'était un chef-d'œuvre - "eï masterpiece, darling !" - et qu'elle ne permettrait pas que je rentre dans mon bungalow en le mettant sur le porte-bagages de ce vélo miteux, et ! Je lui remis donc mon livre qui s'appelait, si je me souviens bien, La Malédiction de l'oubli, et je poussai mon vélo jusque dans ma chambre à coucher. Dès l'aube, elle se retrouva au pied de mon lit, m'embrassa et déposa le manuscrit sur mon ventre.

Ma dernière tentative échoua de la manière suivante : j'étais allé participer aux journées de littérature de Soleure, ou plus exactement à la fête qui se déroule toujours le samedi soir au restaurant Kreuz, et j'abandonnai les pages que j'avais remplies de mon écriture - après une nuit passée à danser le rock'n roll avec une poétesse de Berne - sur la table, au milieu des textes photocopiés de tous les autres par-ticipants. Ici, me dis-je, elles allaient sûrement se perdre dans cette marée de papier et disparaître quelque part dans le néant comme les vagues d'une mer bien plus vaste. Mais par la grâce du diable - ou du Bon Dieu -, le livre tomba entre les mains d'un professeur de lettres qui cherchait en fait son sac de voyage et son pyjama. Cet homme lut mon livre le soir même, dans sa chambre d'hôtel, et bien sûr, il eut tôt fait de deviner qui était son auteur. Il m'appela quelques jours plus tard - je me vautrais déjà dans mon triomphe -, et je lui dis en bégayant qu'il m'enlevait un grand poids et que je le remerciais de tout cœur en lui demandant si je pourrais lui dédier le livre une fois qu'il serait paru. Après un bref moment d'hésitation, il répondit "oui, naturellement, volontiers", mais à vrai dire, il tenait tout de même à m'avouer qu'une analyse structurelle de ma prose lui avait certes fait comprendre immédiatement qu'elle devait être l'œuvre d'un Suisse de la jeune génération - il y était constamment question d'argent et de montagnes -, mais qu'il avait cependant appelé avant moi, dans l'ordre, Max Frisch, Franz Böni, Rainer Brambach - celui-là, toutefois, était déjà mort - et Peter Bichsel. Ce dernier m'avoua au cours du salon du livre de l'année suivante qu'il s'était demandé l'espace d'une seconde s'il ne devait pas s'approprier ce manuscrit inconnu, car quatre cent cinquante pages, n'est-ce pas, c'est tout de même tentant.

Résigné, je remis donc enfin mon livre à l'éditeur qui était passé chez moi en coup de vent en début d'après-midi et qui était toujours là en fin de soirée, barricadé derrière des bouteilles vides de Valteline. "Fais attention", lançai-je quand je le vis repartir en pédalant dans la lumière diffuse du clair de lune avec mon livre sur le porte-bagages. "Un livre comme celui-là, je n'en écris pas tous les jours !" Il se retourna une dernière fois et disparut au prochain coin de rue en faisant retentir sa sonnette. Elle prenait donc son envol, mon œuvre, dans le vaste monde - monde cruel! -, et je n'avais pu l'en empêcher.

Quelques instants plus tard, le téléphone sonna. C'était l'éditeur. Sa voix était pâteuse ou haletante ; il avait probablement roulé trop vite avec son vélo doté d'un plateau à dix vitesses. "Le manuscrit, cria-t-il, le manuscrit a disparu.
- Tu as perdu la tête? hurlai-je tout aussi fort dans le combiné. Comment vois-tu les choses ? Je n'en possède pas de copie."

Silence à l'autre bout du fil. Ensuite, d'une voix totalement différente - on eût dit subitement le répondeur téléphonique d'un conseiller en immobilier -, l'éditeur me dit qu'il voyait cela de la manière suivante : mon livre était fichu, et il prenait à sa charge tous les dommages subis. Est-ce que j'étais d'accord avec sept cent cinquante francs? Je bredouillai que oui, que non, que pourtant -, et cet argent, je l'attends encore, bien que mon éditeur ait déjà noté par le passé, à l'occasion de mon troisième roman, mon numéro de compte".

© Jean-Claude Capèle & Librairie Arthème Fayard

Écrit par : André-Yves Bourgès | 23/02/2007

Voilà une conclusion savoureuse de mes petits malheurs. C'est bien drôle. Je suis en train de réécrire le roman que j'ai bâti autour de la Réformation de 1426 pour lui donner plus la couleur du style de mon blog, mais je n'essaierai pas de le perdre, c'est promis !

Cela dit, c'est déjà fait, en fait je suis un récidiviste : l'été dernier, j'ai cassé mon disque dur avec l'unique version numérique. Heureusement, j'en avais fait quatre tirages sur papier. Je le retape et j'y glisse les traits d'esprit qui y manquent.

Merci encore de ce texte malicieux. Je vais passer quelques heures ce soir à ressusciter la triste mort de Balzac.

Écrit par : Hervé Torchet | 23/02/2007

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