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25/02/2007

Libres de se taire ?

Reparlons du malheur. Le malheur des gens, le malheur qui les a faits voter contre le système à 55 % aux élections européennes.

Rappelons d'abord que ce sont les recettes du passé qui ont fait le malheur du présent.

Et constatons : on nous explique que la gauche se requinque, que les malheureux qui dorment sous les ponts, sans doute, n'attendaient que de voir Jospin figurer dans les dorures de la tribune pour voter socialiste. Que la France va bien, puisque 56% des gens se disposent à voter pour le système selon le dernier sondage en vogue, 28% pour chacun des deux faux camps complices depuis 25 ans.

La France va bien ?

De qui se moque-t-on ?

En 2006, hors produits pétroliers le PIB marchand de la France est en récession. En récession. En 2007, la consommation des ménages pique toujours du nez.

La France va bien ?

Où donc ?

Aux restos du coeur, dans la rue qui grelotte ?

Où voit-on que la France va bien ? Par quels symptômes ?

Aucun.

On ne voit que le malheur qui dure et le pays qui s'enfonce et la classe politique qui n'en finit pas de se rassembler dans de faux clivages pour poser ses vieux emplâtres sur les jambes de bois qui se multiplient.

Les recettes du passé : Jospin n'a gagné en 1997 que grâce à des triangulaires arbitrées par Le Pen. Le même Jospin a perdu en 2002, devancé par le même Le Pen. Et ça ne fait réfléchir personne ?

Oh si, dit la gauche : si nous avons perdu en 2002, ce n'est pas parce que nous n'avions pas le bon programme, mais parce que nous étions dispersés et parce que notre candidat n'exprimait pas assez de compassion.

Stratégie donc de la gauche : on reprend le même programme, on se rassemble et on devient gluant de compassion. Ca, c'est le résumé de la campagne du Parti Socialiste la semaine dernière.

Ils prennent vraiment les gens pour des imbéciles.

Ce qui a fait perdre la gauche, c'est ce qu'elle ne veut (et ne peut) pas changer : son programme. Car l'autre nom de son programme c'est "les recettes du passé" et l'autre nom des recettes du passé c'est "les malheurs du présent". Voilà pourquoi la gauche ne peut pas gagner, pas plus que la droite : parce qu'ils sont coresponsables du drame que les gens vivent.

Drame : les pavillons de banlieue dont la valeur diminue parce que l'environnement sociologique se détériore : voisinage, insécurité, pollution, miroir des médias, valeur qui baisse mais impôts qui montent, surtout là où la gauche règne.

Drame : partout, le logement dont le coût renchérit, dont les impôts, là aussi, augmentent, et alors qu'on ne fait rien contre la pénurie de logements sociaux, surtout là où la droite égoïste règne et où les logements dits sociaux sont surtout destinés aux copains.

Drame : la pauvreté qui augmente, les gamins qui, comme dans l'Italie des années 1960 deviennent chiffonniers et démontent des appareils usagés jetés sur on ne sait quel décharge ou au bord d'on ne sait quelle route.

Drame : les gens dont les bras sont le seul instrument de travail et à qui l'on dit qu'en France, bientôt, on ne travaillera plus qu'avec son cerveau.

Drame : le petit patron qui croule sous les charges et qui ne s'en sort plus.

Drame : la corruption qui gangrène une société autrefois digne et où chacun sait aujourd'hui que si l'on n'est pas le plus vénéneux, le plus magouilleur, le plus pourri, on n'a aucune chance de gagner.

Drame : la France à genoux, immobile, vaincue par elle-même.

Drame : les puissants qui triomphent et les humbles qui n'ont plus que le droit de se taire, sauf s'ils élèvent la voix pour acclamer les puissants. Les puissants qui trônent sur le charnier. Comme disait Victor Hugo : "Et sur le pâle amas des cris et des douleurs, le festin qui flamboie".

Drame : le crime permanent contre l'intelligence, la campagne électorale à coups de sensations destinées à masquer la réalité du drame lui-même.

Drame : le silence sur le drame. Le silence volontaire, délibéré, assassin.

Drame : la confiscation des médias, l'appropriation des biens publics, l'injustice militante des deux ex-grands partis que les Français vont détruire parce qu'ils sont aussi coupables l'un que l'autre. L'injustice au quotidien que l'on subit rageur parce qu'on n'a pas de recours parce que toutes les institutions sont confisquées par la collusion des deux grands partis.

Drame : le désastre des finances locales.

Drame : le monde qui grandit, la France qui rétrécit.

Et c'est la France qui connaît le drame, qui en sait le contenu et la cause, c'est cette France là qui a hurlé d'une seule voix NON !! au référendum européen de 2005.

Non au régime des captieux et des factieux. Non aux deux pseudo-camps dont on a vu dans toutes les affaires de corruption qu'ils se partageaient le magot.

Non à l'impuissance publique mise au service des coquins.

Non au régime des faibles agenouillés devant les puissants.

Non au régime tout court.

Non à cette cinquième république qui n'a plus de république que le nom et dont le surnom est partout "bananière".

Ils ont voté contre tout ça, eux, les victimes du drame. Et aujourd'hui, demain, ils se tairaient ? Qui peut y croire ? Pas moi, en tout cas.

Oh, on fait tout pour confisquer leurs votes après avoir confisqué leur patrimoine dit public et mis leur malheur au service de la prospérité de quelques-uns : on empêche les "petits" candidats d'obtenir les signatures des maires.

Disons au passage qu'il est scandaleux qu'un candidat soit aussi ministre de l'intérieur et qu'il est parfaitement significatif que ce ministre attende la date-butoir des signatures pour se retirer : on voit bien à quoi il utilise sa fonction.

Disons aussi qu'il est scandaleux qu'on ait pu en pleine campagne électorale augmenter le plafond des dépenses autorisées pour la campagne. Pourquoi ne pas dire tout de suite que le candidat du pouvoir en place, qui déjà utilise les moyens de l'État aux fins de sa campagne, a le droit de dépenser autant qu'il veut ? Ce serait plus sincère, au moins. On pourrait en juger. Les Français ne se laisseront pas faire.

On confisque aussi leurs votes par des machines pipées. Comment se fait-il que le passage de Santini chez Sarko ait coïncidé, dit-on, avec l'achat par sa ville des machines de vote électronique ? Y aurait-il donc un lien de causalité ? Mais alors, ces machines, sont-elles fiables et sincères ?

Qui peut le croire ?

Les Français ne se laisseront pas faire, et comme voter pour les extrêmes ne sert à rien et revient donc à voter pour le drame, comme voter pour Sarko-Ségo revient aussi à voter pour le drame, ils voteront contre le drame.

C'est avec eux que, chaque jour qui passe, je suis de plus en plus décidé à voter François Bayrou.

Libre. On ne me fera pas taire.

14:30 | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : Présidentielle | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Tout à fait d'accord avec votre constat. La France est un pays qui rétrécit comme peau de chagrin. La France et ses illusions perdues et loin d'être retrouvées. Maintenant que le constat d'échec est là que faire? Car malgré tous les changements qui pourront être apportés, le problème majeur réside en l'humain. L'Homme et ses ambitions, ses frustrations et ses ennemis. La France ne se rebâtira que grâce aux dévouement sincère d'une poignée et non auc crocs de la multitude.
Sur mon blog, je donne mon opinion sur la volonté du gouvernement au sujet de la commission de déontologie de l'internet qu'elle souhaite mettre en place.

Écrit par : Michaël | 25/02/2007

Mon constat est moins le rétrécissement de la France que l'effet dramatique de ce rétrécissement sur les gens.

Écrit par : Hervé Torchet | 25/02/2007

"La France à genoux, immobile, vaincue par elle-même" : la formule me plait bien, elle sonne bien - un peu gaullienne non ?- et elle rend compte en peu de mots de ce que j'ai (d)écrit dans mes commentaires de votre post sur le communautarisme.

Quant à la lutte contre l'effet du rétrécissement de la France sur les Français, j'espérais voir ces derniers renouer avec le sens de la dérision qui constitue l'arme la plus efficace à la fois contre la dépression collective et la confiscation des pouvoirs ; mais j'ai l'impression que la plupart ont plutôt décidé de hurler avec les loups et d'aboyer avec les chiens.

Vous citez souvent Hugo en rapport avec le thème de la liberté : puis-je me permettre de rappeler ici les vers d'un autre poète, sans doute moins puissant, mais dont les tirades ont bercé mon enfance ?

" Et que faudrait-il faire ?

Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,

Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc

Et s'en fait un tuteur en lui léchant l'écorce,

Grimper par ruse au lieu de s'élever par force ?

Non, merci. Dédier, comme tous ils le font,

Des vers aux financiers ? se changer en bouffon

Dans l'espoir vil de voir, aux lèvres d'un ministre,

Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ?

Non, merci. Déjeuner, chaque jour, d'un crapaud ?

Avoir un ventre usé par la marche ? une peau

Qui plus vite, à l'endroit des genoux, devient sale ?

Exécuter des tours de souplesse dorsale ?

Non, merci. D'une main flatter la chèvre au cou

Cependant que, de l'autre, on arrose le chou,

Et, donneur de séné par désir de rhubarbe,

Avoir son encensoir, toujours, dans quelque barbe ?

Non, merci. Se pousser de giron en giron,

Devenir un petit grand homme dans un rond,

Et naviguer, avec des madrigaux pour rames,

Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames ?

Non, merci. Chez le bon éditeur de Sercy

Faire éditer ses vers en payant ? Non, merci.

S'aller faire nommer pape par les conciles

Que dans des cabarets tiennent des imbéciles ?

Non, merci. Travailler à se construire un nom

Sur un sonnet, au lieu d'en faire d'autres ? Non,

Merci. Ne découvrir du talent qu'aux mazettes ?

Etre terrorisé par de vagues gazettes,

Et se dire sans cesse: "Oh ! pourvu que je sois

Dans les petits papiers du Mercure François ?"

Non merci. Calculer, avoir peur, être blême,

Aimer mieux faire une visite qu'un poème,

Rédiger des placets , se faire présenter ?

Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais... chanter,

Rêver, rire, passer, être seul, être libre,

Avoir l'oeil qui regarde bien, la voix qui vibre,

Mettre, quand il vous plaît son feutre de travers,

Pour un oui, pour un non, se battre, - ou faire un vers !

Travailler sans souci de gloire ou de fortune,

À tel voyage, auquel on pense, dans la lune !

N'écrire jamais rien qui de soi ne sortît

Et, modeste d'ailleurs, se dire: mon petit,

Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,

Si c'est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !

Puis, s'il advient d'un peu triompher, par hasard,

Ne pas être obligé d'en rien rendre à César,

Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,

Bref, dédaignant d'être le lierre parasite,

Lors même qu'on n'est pas le chêne ou le tilleul,

Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !"

Edmond Rostand

Écrit par : André-Yves Bourgès | 25/02/2007

Ce sont les mots de la liberté.

Écrit par : Hervé Torchet | 25/02/2007

c'est un bien joli poème... Beaucoup d'hommes et de femmes devraient s'en inspirer... C'est bien beau de vouloir changer le monde malheureusement le mal de cette terre, c'est que rien ne pourra changer la mentalité humaine. la jalousie, les calculs d'intérêts, le clientélisme ont toujours su garder une main sur la conscience de l'homme juste.

Écrit par : Michaël | 25/02/2007

C'est extrait de Cyrano de Bergerac, à mon avis la plus forte tirade.

Rostand est, en plus petit, l'auteur dramatique comique qu'Hugo serait devenu s'il avait suivi la pente de Rui Blas.

C'est dans Rui Blas que l'on trouve par exemple ces vers jubilatoires :

"Une duègne, affreuse compagnonne,
Dont la barbe fleurit et dont le nez trognonne"...

ou bien :

"Sa cape en dents de scie et ses bas en spirale".

Toutes formules réjouissantes qui invitent à un bon repas autour d'une bonne bouteille et avec des amis rigolards.

Écrit par : Hervé Torchet | 25/02/2007

J'avoue être lasse des propos déclinistes, même si vous les faites avec des envolées que n'aurait pas dédaigné Victor Hugo.
C'est peut-être ce qui manque aujourd'hui en politique : le registre épique...
Pas étonnant que les jeunes aillent afficher dans les stades de foot : "faites nous rêver"
Je n'exclus pas de voter Bayrou mais je doute qu'il tienne, une fois élu, cette ligne "ni doite ni gauche3
Vous critiquez la 5ème république mais avec Bayrou ne risque-t-on pas de revenir à la 4ème ?

Écrit par : Rosa | 25/02/2007

Sans doute me suis-je mal fait comprendre : mon but, dans ce texte, est d'étudier des éléments de psychologie qui expriment la perception de la réalité actuelle par les gens.

De toutes façons, les phases de déclin sont nécessaires : sans elles, pas de rebonds, pas de renouveaux.

Voltaire disait "Les Français n'ont pas la tête épique". Il parlait pour lui-même : ses épopées ont sombré dans un oubli manifeste, mais Victor Hugo a prouvé, comme vous le dites, que l'on pouvait écrire à la fois français et épique. La Légende des Siècles a longtemps été nommée, dans ses manuscrits, les "Petites Épopées". Puis ce titre a paru étroit.

L'autre plus grande oeuvre épique du XIXe, c'est "Germinal" de Zola.

Pour bâtir la 6e république, il faudra combiner les qualités de la IVe (pluralisme) et de la Ve (stabilité), ce qui signifie à la fois une dose de proportionnelle et la séparation stricte des pouvoirs, la loi replacée sur un piédestal, la justice retrouvant son indépendance, et l'exécutif conservant un pouvoir réglementaire autonome.

Il appartiendra à la jeunesse, aux nouveaux politiques, de s'emparer de toutes ces nouveautés pour les faire vivre.

J'ai croisé votre nom sur le blog de Quitterie Delmas, vous savez donc à qui je pense pour cet avenir.

Écrit par : Hervé Torchet | 26/02/2007

Je suis d'accord avec vous sur cette question de la VI ème république que nous sommes nombreux et de tous les bords politiques...
Mais pensez-vous vraiment que Bayrou soit le mieux placé pour accomplir cette oeuvre politique ?
S'il est élu ses anciens copains, ceux de l'UMP vont venir "à la soupe" et le plomber ou alors il faudra vraiment qu'il s'appuie sur une partie de la Gauche
Ce qui se réussit en Rhône-Alpes...
Par ailleurs il me semble que "La bête humaine" de Zola mérite encore plus le qualificatif d'épique
et c'est un roman terriblement d'actualité dans la mesure où il montre que le progrès technique (le train) ne résoud pas le problème du Mal...

Écrit par : Rosa | 26/02/2007

En allant vite je m'aperçois que je n'ai pas terminé ma 1ère phrase :
en parlant de la 6 ème république je voulais dire que nous sommes nombreux à l'appeler de nos voeux...
J'en profite pour rajouter à propos de Bayrou que je lui reconnais un grand mérite qui risque de faire pencher la balance en ce qui me concerne : ce n'est pas un énarque...
Mais en même temps je crains un côté pompidolien : vous êtes trop jeune pour l'avoir connu mais reconnaissez qu'un nouveau Pompidou ne serait pas l'idéal pour réveiller la France...

Écrit par : Rosa | 26/02/2007

Je conviens que Rostand n'a pas la puissance du père Hugo, mais en même temps il n'en a pas le style parfois impudemment relâché. Quant au mélange du sublime et du grotesque, tout n'est-il pas déjà chez Shakespeare ?

Et à Rosa qui souligne avec raison que l'on ne fait pas vibrer la jeunesse avec des propos sur le déclin, je dédie ces vers célèbres tirés de "la Vie du roi Henry V" :

"This story shall the good man teach his son;

And Crispin Crispian shall ne'er go by,

From this day to the ending of the world,

But we in it shall be remember'd;

We few, we happy few, we band of brothers;

For he to-day that sheds his blood with me

Shall be my brother; be he ne'er so vile,

This day shall gentle his condition:

And gentlemen in England now a-bed

Shall think themselves accursed they were not here,

And hold their manhoods cheap whiles any speaks

That fought with us upon Saint Crispin's day".

"Cette histoire, l'homme de bien l'apprendra à son fils,
Et la Crépin Crépinien ne reviendra jamais
A compter de ce jour jusqu'à la fin du monde
Sans que de nous on se souvienne,
De nous, cette poignée, cette heureuse poignée d'hommes cette bande de frères.
Car quiconque aujourd'hui verse son sang avec moi
Sera mon frère; si humble qu'il soit,
Ce jour anoblira sa condition.
Et les gentilshommes anglais aujourd'hui dans leur lit
Se tiendront pour maudits de ne pas s'être trouvés ici,
Et compteront leur courage pour rien quand parlera
Quiconque aura combattu avec nous le jour de la Saint Crépin."
(Traduction de J.-M. Déprats).

Écrit par : André-Yves Bourgès | 26/02/2007

@ André-Yves

Je pense que vous deviez ouvrir votre propre blog pour faire profiter vos lecteurs de votre grande culture.

Écrit par : Hervé Torchet | 26/02/2007

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