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31/05/2007

François Bayrou : le temps de l'âge adulte ?

Depuis le début de la Ve république, les présidents se sont succédé et peu à peu, on a vu apparaître, à travers leurs efforts pour accéder à la magistrature suprême, des stratégies d'entourage de plus en plus diverses. Pour François Bayrou, la route, de ce côté-là, semble très linéaire.
 
N'évoquons pas ici la figure de de Gaulle, ni celle de Pompidou, le premier ayant atteint l'Élysée en surfant sur des événements historiques, le deuxième en se démarquant du premier après l'avoir servi pendant six ans.
 
Le cas Giscard d'Estaing est encore différent et, là encore, la question de l'entourage n'est pas centrale, puisqu'il a exercé pendant quinze ans les fonctions de secrétaire d'État puis ministre des finances. On cite cependant deux noms, deux Michel : Poniatowski et d'Ornano. Il y en aurait d'autres, mais peu d'études ont dévoilé la trame du cas Giscard.
 
En fait, la stratégie n'est mieux connue qu'à partir de Mitterrand. Un excellent documentaire (était-il d'Hervé Hamon ?) a retracé la longue marche de Mitterrand, sa stratégie des cercles concentriques et intersecteurs. On connaît les noms de ses fidèles de la première heure, ceux qui l'ont connu dès la période de la guerre et des camps de prisonniers. On trouve facilement les noms de Rousselet, de Pelat, de Grossouvre, même celui de Danièle Gouze, sa femme, qui a joué un grand rôle dans sa chrysalide politique. On entend encore Roland Dumas ou Roger Hanin.
 
Pour Chirac, il faut découper les cercles en strates chronologiques. Il y a son mariage, sa femme, fille du dilpomate Geoffroy de Courcel qui accompagnait déjà de Gaulle dans l'avion qui le menait à Londres au printemps 1940. Il y a ensuite Pompidou, le détecteur, et ce fameux médecin maire de Brive dont le nom m'échappe et qui l'a promu sur le terrain.
 
Puis à partir du moment où Chirac devient présidentiable, les strates se clarifient. Il a ses mentors.
 
Il s'agit d'abord du tandem Marie-France Garaud, Pierre Juillet, puis de Charles Pasqua, trois noms qui sonnent très politiques et marqués à droite, et enfin Alain Juppé. Ce dernier est l'organisateur rêvé pour Chirac. Il fait de la Ville de Paris une mécanique admirable, bien huilée, un outil de haut niveau pour la conquête du pouvoir suprême. Il mène de même le combat victorieux pour l'Élysée en 1995.
 
Puis à Juppé succède Villepin et c'est le drame qui vient de se conclure comme on le sait. Sans doute Dominique de Villepin n'a-t-il pas dit son dernier mot, mais pour Chirac, l'aventure est terminée.
 
Dans chacune des époques de Chirac, la précédente laisse peu de traces. Bien sûr, on trouve des inconditionnels qui l'ont suivi dans toutes les tourmentes et dans toutes les virées. On murmure qu'un ancien ministre parisien partageait une garçonnière avec l'illustre président au beau temps des aventures féminines, celui où le maire de Paris était surnommé "DMDC" (douze minutes douche comprise). Il y a eu des seconds couteaux qui ne l'ont jamais abandonné. Mais l'entourage qui comptait se renouvelait avec l'arrivée du nouveau mentor.
 
Pour Bayrou (qui, il est vrai, n'a pas encore conquis l'Élysée), le chemin paraît plus linéaire, presque trop.
 
De sa jeunesse, l'ami indéfectible, le guide, était Pierre Letamendia, qui mourut voici déjà une dizaine d'années je crois. Il y avait aussi, parmi les Parisiens, d'ailleurs moins proches, Claude Goasguen ou Yves Pozzo du Borgo ; ces deux derniers sont à l'UMP ou chez Morin, ce qui revient au même. Je me souviens de la campagne interne de feu le CDS en 1994, les liens personnels perceptibles avec l'un comme avec l'autre.
 
Et l'avant-veille du scrutin, Pozzo disant "on va faire 764 voix", cependant qu'Éric Azière hochait la tête, là, dans le petit bureau du ministère de l'Éducation nationale, pendant que Bayrou rédigeait à côté son discours final du congrès ; Azière hochait la tête et comptait, quant à lui, 767 mandats pour Bayrou, qui en a eu finalement 765 ou 766.
 
De son passage au ministère, Bayrou a gardé un autre mentor, qu'il écoute comme on tend l'oreille devant son père, un recteur d'académie dont le nom m'échappe au moment où j'écris.
 
Plus récemment, il a été rejoint par un ancien journaliste qui l'a grandement aidé, psychologiquement, intellectuellement, à résoudre les problèmes intimes que les médias lui posaient. Il s'agit de Philippe Lapousterle qui, m'a-t-on dit, a auparavant parfois travaillé avec Georges Frèche (Frèche qui, je crois l'avoir écrit ici, était un copain de mon père).
 
On pourrait donc voir se dessiner une évolution dans l'entourage de Bayrou, si l'on relisait seulement ce que je viens d'écrire.
 
Et pourtant, non, il manque un nom et ce seul nom efface à lui seul tous les autres : Marielle de Sarnez, ex-épouse du maire de Deauville, Philippe Augier, et giscardienne des temps héroïques, 1974.
 
C'est incontestablement Marielle qui a permis à Bayrou de devenir présidentiable. C'est elle qui l'a mené jusqu'au seuil des dernières échéances.
 
Cependant, on s'interroge sur son rôle réel d'impulsion, on tente de disséquer le parcours récent de Bayrou et d'en faire la part des choses. On glose.
 
Serait-elle comme Moïse ? Faudrait-il qu'elle s'efface pour permettre à son protégé d'atteindre la Terre Promise ?
 
Et lui ? Ne serait-il pas temps qu'il volât de ses propres ailes ?
 
La politique n'est pas faite que de programmes ni de plateaux de télévision, ni même du travail de réseau : à échelle humaine c'est une aventure intérieure d'un personnage qui se découvre, se modèle, se façonne, jusqu'à atteindre son but.
 
Pour François Bayrou, l'heure des introspections commencera dans quelques semaines ou quelques mois, au plus tard après les municipales.
 
Et si l'ère Sarnez se terminait ? Et s'il lui fallait désormais de nouveaux outils ?
 
Chacun d'entre nous, informé, pourra désormais lire cette réflexion en lui. Librement.

Commentaires

Merci Hervé pour ce billet intéressant.
Vous voyez Quitterie succéder à Marielle ? L'avantage avec Bayrou c'est qu'on ne doit pas être obligée de coucher...
A propos, des nouvelles circulent sur Internet sur la femme de Sarko : elle serait en service commandé jusqu'aux législatives et devrait disparaître après...

Écrit par : Rosa | 31/05/2007

sorry
tu peux changer la couleur jaune des commentaires
ça fait mal aux yeux!
tu peux développer sur le rôle d'azière! merci!

Écrit par : olive | 31/05/2007

@ olive

Sur la couleur orange, j'avoue que j'ai peu de prise. Sur Azière, il faudra bien en dire quelque chose en effet. J'y viendrai : c'est lui que, de toute cette bande, je connais depuis le plus longtemps (1983).

Écrit par : Hervé Torchet | 31/05/2007

@ Rosa

Je serais surpris que l'intention de Quitterie soit de remplacer Marielle et je crois que si Bayrou s'émancipait de cette dernière, ce serait pour adopter un tout autre mode de fonctionnement, comme lorsque Juppé a remplacé Pasqua auprès de Chirac.

Écrit par : Hervé Torchet | 31/05/2007

Dommage Hervé car ce sont souvent les femmes qui font les grands hommes !

Écrit par : Rosa | 31/05/2007

@ Rosa

Quitterie veut être une arme citoyenne, quelque chose de beaucoup plus exposé et de beaucoup moins calculateur qu'une éminence grise.

Écrit par : Hervé Torchet | 01/06/2007

Hervé
je trouve dommage que tu ne sois pas remonté dans ton analyse jusqu'aux strates gaullienne et pompidolienne, car elles sont fondamentales pour répondre à tes questions de conclusion. Qu'est-ce que Debré (qui était pour moi l'âme damnée de de Gaulle) a mis en place avec la cinquième République. A l'envers même des aspirations de de Gaulle. Le règne des partis qui font les présidents, les éminences grises qui poussent leur poulain (ou leur bourrique) dans des stratégies d'influence (l'éviction de Chaban par Chirac) à l'intérieur des partis. Pompidou (Chirac), Mitterand (Fabius) et Chirac (Juppé, Villepin) tenteront de choisir leur succession de façon gouvernementale, ils échoueront. Le travail diplomatique à l'intérieur des partis, d'élus à élus, reste l'arme la plus efficace. Marielle de Sarnez s'inscrit dans cette longue tradition de ceux qui travaillent les partis de l'intérieur comme Debré, Juillet, Pasqua, Karoutchi, Ayrault, qui font ou tentent de faire des présidents, les dinos de la cinquième. Ils tiennent des postes qui les amènent à être en contact avec les députés, les godillots. Marielle préfère surement voir Quitterie à un poste municipal, ce n'est pas un hasard.
Quitterie a raison de vouloir travailler la représentation en politique, car sans cette étape on ne peut s'affranchir de ces archaïsmes. Le PS parle de changer son "logiciel", nous nous devons avant tout changer le système d'exploitation du MoDem et de la République. Pour qu'il ait une place digne en politique pour Quitterie, toi ou d'autres. Pour qu'un homme à lui seul n'incarne plus les valeurs d'un grand nombre.

Écrit par : nef | 01/06/2007

@ nef

Sur la création de la Ve république, je ferai sûrement une note longue et détaillée, car le sujet va au-delà.

Sur la nécessité d'inventer du neuf avec le MoDem et de faire de Quitterie notre arme citoyenne à cet effet (ce qu'elle souhaite elle-même), je ne peux pas mieux dire.

Écrit par : Hervé Torchet | 01/06/2007

Cela me fait penser qu'il y a un article sur Hervé Morin et les chevaux sur Libération: http://www.liberation.fr/actualite/sports/257875.FR.php

Écrit par : Tracteur | 02/06/2007

@ tracteur

Morin doit beaucoup aux chevaux et à Bayrou.

Écrit par : Hervé Torchet | 02/06/2007

Hervé, c'est toujours un délice de te lire... ;-)

Tu es un excellent décrypteur de la vie politique, interne des partis / écuries présidentielles et autre garde rapprochée; c'est en effet toujours très intéressant à disséquer, voire même édifiant, diront sans doute, au regard de la pureté de leur engagement, des néo-convertis.

A me le relire, avec le recul, je comprends d'autant mieux que les thématiques partisanes puissent l'emprunter à rhéthorique religieuse... ;-)

A très bientôt j'espère pour un café sur la capitale,

Bien à toi,

Écrit par : JRS | 05/06/2007

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