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21/06/2007

L'Europe des fantômes.

La perspective d'adoption d'un traité dit "simplifié" pour sortir de l'impasse institutionnelle dans laquelle l'Europe végète depuis le printemps 2005 ne soulève guère de passion en France.
 
Depuis l'échec du traité constitutionnel européen (TCE), l'Europe est un fantôme, un squelette qui pourrit dans les oubliettes. Tout le monde s'en fiche.
 
Triste abandon de l'idéal d'union des peuples.
 
Il ne nous reste que nos égoïsmes. Égoïsmes de riches contents d'économiser sur les droits de succession, égoïsmes de pauvres heureux qu'on désigne des boucs émissaires encore plus pauvres qu'eux, coupables d'être, selon l'expression de Brassens reprise par Maxime Le Forestier, "nés quelque part".
 
Nous combattons les délocalisations avec la même ferveur que, voici vingt ans, nous exigions des transferts de technologie vers le Tiers-Monde pour permettre à celui-ci de se développer. Nous n'avons pas donné nos technologies, ils les ont conquises. Aujourd'hui, ils ne nous doivent rien et les emplois vont chez eux. Bel exemple de l'efficacité de l'égoïsme.
 
Et pour l'Europe, combien étions-nous à contempler, les yeux embués, les pioches qui, pan par pan, démolissaient le mur de Berlin ? Quel bonheur, alors, de savoir l'Europe orientale enfin libre.
 
Mais quant il a fallu passer à la caisse pour aider cette liberté retrouvée, oh, mais vous n'y pensez pas.
 
C'est Daniel Cohn-Bendit qui, avec sa netteté d'expression caractéristique, a alors glapi contre les États "radins". Car le non français à l'Europe, c'est aussi celui de l'enfant gâté de l'Europe, la France qui, pendant des décennies, a été la première à bénéficier de la manne européenne.
 
Nous étions bien contents, alors, de recevoir. Et la construction européenne était si populaire...
 
Mais quand le flux s'est inversé, quand notre pays est devenu contributeur net au budget de l'Europe, quand il s'est agi de faire pour eux ce que d'autres (l'Allemagne et les Pays-Bas surtout) avaient fait pour nous, fi donc ! Non, non et renon. Il n'y avait plus de France.
 
Non est alors devenu le nom de la France et nous le portons comme un stigmate.
 
Notre hyperprésident peut bien se promener avec son mini-traité à la main, nous n'en sommes que plus vils et plus ridicules.
 
Bien sûr, faute de mieux, il faudra bien l'approuver en attendant mieux ; mais encore faudrait-il que d'autres l'approuvent aussi.
 
Car la réalité que nous connaissons aujourd'hui est la même que celle à laquelle auraient dû réfléchir ceux qui ont voté non au TCE : l'Europe, on ne peut pas la faire seul. Il faut être six, neuf, dix, douze, quinze, vingt-cinq, vingt-sept, bref, il faut que tous les Européens veuillent la faire aussi.
 
Et quand on leur claque la porte sur les doigts avec un "non" sonore, il faut s'attendre à ce qu'ils nous fassent ensuite un peu la sourde oreille.
 
Il n'y a pas si longtemps, dans une grande indifférence de la campagne présidentielle française, fut célébré le cinquantième anniversaire du traité de Rome qui a enclenché la mutation institutionnelle de l'Europe.
 
Je pense aujourd'hui à tous ceux qui sont morts, aux millions de morts de toutes les guerres qui, peut-être, lorsqu'on a enfin parlé de paix et de travail commun, ont pu croire leur sacrifice utile à la sagesse des nations.
 
Je pense aux fondateurs, à Gasperi, à Adenauer, à Monnet, à Schuman, à Deniau, rédacteur du traité de Rome mort si peu de temps avant l'anniversaire.
 
Je pense au cortège des fantômes.
 
Le drapeau de l'Europe est tombé. Il gît dans la poussière.
 
Il faut le relever : l'Europe a un grand rôle à jouer pour un monde plus équitable, plus humain et plus libre.

Commentaires

Un second souffle à retrouver.
Il faudrait peut-être cesser pour un temps de parler d'économie et parler d'histoire, de politique au sens noble du terme et insister sur le bonheur qu'est la fraternité européeenne.

Écrit par : marie-hélènema | 22/06/2007

Nicolas Sarkozy a fondé son discours politique sur le court-termisme, le confort immédiat et l'enrichissement personnel. Forcément, dans une telle vision, l'Europe ne prend que peu de place.

Là où je mettrais un point d'accord à Nicolas Sarkozy, c'est que l'on ne peut pas mettre la charrue avant les boeufs. Avant d'être européens, il faut pour moi retrouver son identité personnelle.
Pour moi, l'identité française, c'est celle de l'ouverture d'esprit, l'engagement personnel, et la solidarité nationale.
Si Nicolas Sarkozy a pour moi fait le bon diagnostic, sa définition de l'identité nationale, c'est un socle de valeurs de l'ancien temps, travail, nation, famille.

La France doit pouvoir être un moteur idéologique européen, et ce moteur doit passer par une prise de confiance en soi, le fait de reconnaître que la France n'a pas toujours été la plus courageuse, mais savoir que la France a toujours été révolutionnaire dans ses convictions.

Si elle le veut, la France peut révolutionner l'Europe. Mais elle ne le fera pas en flattant les égoïsmes du court-terme.

Écrit par : Thibault | 22/06/2007

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