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25/06/2007

Pour comprendre le pouvoir : "Les grandes familles" de Maurice Druon.

Maurice Druon n'est pas un dangereux anarchiste, c'est le moins que l'on puisse dire. Homme de droite, conservateur, cultivant l'autorité, il a régné durant de longues années sur l'Académie française qui, comme chacun sait, n'est pas le royaume des progressistes. Comme l'écrivait Victor Hugo : "Les quarante fauteuils et le trône au milieu" (c'est un alexandrin).
 
Druon a une chance paradoxale dans la vie : être le neveu de l'immense journaliste et écrivain de talent qu'a été Joseph Kessel, dont j'ai parlé ici même. C'est avec Kessel que, dans l'exil londonien de la France Libre, il rédige l'inoubliable "Chant des partisans" sur lequel Anna Marly colle une musique rythmée et martiale. "Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines, ami entends-tu le cri sourd du pays qu'on enchaîne..." sont des paroles pour tous les temps.
 
Plus tard, Druon publie quelques romans, dont "Les Rois maudits" qui ont enchanté mon adolescence après que leur adaptation télévisée eut émerveillé mon enfance.
 
On a dit qu'il ne les avait pas rédigés seul ; il a rétorqué que le travail de ses nègres était si mauvais qu'il avait dû tout récrire. Peu importe.
 
Il sort aussi un étrange et charmant livre écolo pour enfant, "Tistou les Pouces verts" dont j'ai un exemplaire qu'il m'a dédicacé lors d'une vente de charité du PEN club en 1973.
 
Outre la saga des "Rois maudits" (avec son arrière-plan symbolique lié aux Templiers), son roman le plus important est "Les grandes familles".
 
Quand on lit le titre, on entend Herriot parler des "Deux cents familles". Il s'agit par exemple des Wendel, les fonderies, liés à l'ancien patron du Medef, le baron Sellières, mais aussi à l'épouse de l'ancien président Giscard d'Estaing née Anne-Aymone de Brantes, et encore aux Missoffe, dont la trace la plus visible pour un Parisien attentif à la politique est Françoise de Panafieu, née Missoffe.
 
On est ici dans ce qu'Arletty, dans un film dialogué par Jeanson, aurait appelé "la haute". Haute finance, haute administration, grande presse instrumentalisée, manoeuvres boursières brutales, rapacités de toute nature, exploitation de tous les rouages du pouvoir à fin personnelle, culture de la manipulation, mise en coupe réglée de la société par les sociétés, usage altier de la particule.
 
La sphère du pouvoir. Le vrai pouvoir. Celui de l'argent.
 
"Les forces de l'argent"... Quand Mitterrand prononçait ces mots dans un discours, on savait qu'il avait atteint le sommet de son éloquence. Il détestait l'argent ... des autres.
 
L'argent, la vraie puissance. L'argent qui achète, corrompt, asservit, avilit tout. Je revoyais hier soir la pièce "Volpone" adaptée par Jules Romain de Ben Johnson, auteur classique anglais. La hideur de l'argent s'y étale, sa puissance sur les âmes, surtout quand elles sont faibles.
 
En ce temps où l'argent redevient légitime, où s'enrichir est de nouveau le but de l'existence humaine, en ce temps où la Sarkozye se définit comme le royaume dont le prince est l'argent, il est urgent de relire "Les grandes familles".
 
Elles sont aux commandes. 

Commentaires

Oui, excellent cet ouvrage de Maurice Druon en trois volumes :
- Les grandes familles ;
- Rendez-vous aux enfers ;
- La chute des corps.

Dans les années 1980, j'avais vu une très bonne adaptation télé des "Grandes Familles" avec Pierre Arditi, Michel Piccoli, plus prête de l'esprit du roman que la version avec Gabin des années 50.

Écrit par : jean marc | 25/06/2007

Bonne idée de lecture pour l'été : je vais le rajouter sur la liste de mon blog...
En ce qui concerne l'argent je pense que l'ère Sarkozy en fait le but suprême de l'existence, une philosophie, une raison de vivre, une profession de Foi et c'est dramatique !

Écrit par : Rosa | 26/06/2007

Bonjour, Hervé.

Je signale qu'une Agnès Missoffe s'est présentée à une élection législative en région parisienne au nom du Mouvement démocrate, dont le chef, au passage, reconnaît enfin implicitement qu'il a fait fausse route. Ce n'est pas trop tôt. Bienentendu, c'est off.

Une autre facette de cette note concerne les maîtres de forge. Je souhaite apporter, en tant que descendant direct des créateurs, directeurs et concepteurs des Acièries de Pompey, que les maîtres de forge n'ont pas tous été d'ignobles patrons inhumains et vicelards comme la littérature ou la télévision en ont pu rendre l'aspect. Je suis d'ailleurs très fier de voir le nom de ma grand-mère sur un pilier de la Tour Eiffel. J'ai découvert lors d'une ballade anodine au Champ-de-Mars il y a à peine trois semaines cette plaque au pied de l'ascenceur nord-est de la Tour Eiffel.

Cette entreprise est restée dans la famille jusqu'en 1986, dirigée à l'époque par mon oncle, qui fut achetée par Usinor-Sacilor.

Écrit par : Raphaël A. | 26/06/2007

Cela m'amuse toujours de voir comme nos trajectoires personnelles très différentes marchent dans les mêmes pas. Le Roux, la Bretagne, Victor Hugo, Tistou les pouces verts, les Rois Maudits, la littérature et une grande admiration pour le travail de Quitterie. Cela m'afflige aussi parfois quand nos préocupations se côtoient. On voit se dérouler actuellement un quinqennat très années 80, action, fric et média. Toutes les icones siliconnées sortent de leur placard, toutes les puissances financières s'abritent derrière leur vitrine élyséenne. Les tickets de conseils d'admistration ont remplacé les filiations. Mais, Sarkozy va arranger cela avec sa loi sur les successions. Il va réhabiliter l'esprit de famille.

Écrit par : Nef | 26/06/2007

@ nef

Charles-Tanguy Le Roux ?

Écrit par : Hervé Torchet | 26/06/2007

Je n'ai jamais appelé mon prof de fac, spécialiste des cours sur les tessons de poteries néolithiques et grand chef archéologue du site de la Table des Marchands à Locmariaquer, par son charmant petit nom de Charles-Tanguy (tu me fais remonter des bouffées de nostalgie aujourd'hui entre Tistou et Le Roux), on parle cependant du même Le Roux.

Écrit par : Nef | 26/06/2007

@ nef

La Table des Marchands de Locmariaquer (avec des noms comme ça, on est déjà en vacances) est l'un des monuments mégalithiques les plus passionnants, en raison notamment de son lien avec le cairn tumulaire de Gavr'inis, dont la dalle de couverture est l'un des trois éléments qui formaient le menhir géant dans lequel a été découpée aussi la dalle de couverture de ladite Table des Marchands.

Sur le chantier de fouilles, beaucoup plus modeste où je l'ai rencontré en 1984 et 1985, au sommet de la Bretagne, près de Mur-de-Bretagne, on appelait Le Roux Charlie, c'était bon enfant.

D'après l'un de ses amis, Le Goffic, archéologue du département du Finistère que j'ai vu dans le cadre des activités de la Société Archéologique du Finistère, Le Roux a pris sa retraite hors de la Bretagne (à Angers, je crois).

La mort de Giot, voici deux ou trois ans, a décapité cette école protohistorique bretonne. Je connais peu les nouveaux tenants de la période, hormis Le Goffic qui fouille un site important près de Pouldreuzic, dans le Finistère évidemment.

Qu'édites-tu ?

Écrit par : Hervé Torchet | 26/06/2007

Moi j'ai travaillé également avec Le Cerf et une jeune prof de protohistoire bretonne dont ma mémoire défaillante d'ex étudiante en archéologie et histoire de l'art à rennes à perdu trace. je dois avoir un livre d'elle à la maison, je te le communiquerais demain. Le Roux l'avait pris sous son aile et elle était brillante.
Je te parlerais d'édition demain si tu veux bien.

Écrit par : Nef | 26/06/2007

Hervé tu en es où ?

Écrit par : Nef | 27/06/2007

Actuellement, je suis avant tout imprimeur. J'ai été directrice de collection avant d'avoir mon petit garçon. J'ai également participé à la jolie aventure du Moule à Gauffres, une revue littéraire vraiment géniale qui malheureusement n'existe plus. J'ai également organisé un festival de littérature policière où j'ai rencontré mon écrivain de mari (Le miroir aux Allumés, une série noire de Gallimard). Je suis actuellement en contact avec mon ancien patron éditeur, qui a été directeur de collection au Rocher qui va ouvrir ce mois-ci sa propre maison d'édition (qui sera bien distribuée, c'est le nerf de la guerre) afin que nous coéditions des livres ensemble.

Écrit par : Nef | 27/06/2007

Rectif : la couleur est revenue mais, du coup, j'ai perdu le titre. En travaux.

Écrit par : Hervé Torchet | 27/06/2007

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