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11/05/2008

Le point faible de l'argumentation de Bayrou.

L'architecture du projet institutionnel voulu par Bayrou est désormais connue. Il reprend les fondamentaux de l'organisation de feue l'UDF : des fédérations sur la base des départements, fractionnables en sections en fonction des implantations plus locales. Dans chacune de ces fédérations, un bureau et un conseil départemental, et un délégué du national, ce qu'on a nommé en d'autres temps un "oeil de Moscou".
 
Pour le national, l'ancien comité exécutif est devenu Bureau exécutif et le bureau politique est devenu Conseil national. Le Conseil national ancienne manière se nomme Conférence nationale.
 
Les différences sont cependant notables : le bureau politique de l'UDF était bien plus nombreux que le nouveau Conseil national, cependant que l'ancien Conseil national était moins nombreux que, sur le papier en tout cas, la Conférence nationale.
 
Plus encore : l'ancien Bureau politique était élu d'une manière différente (je crois que c'était par le congrès sur liste nationale, un truc très verrouillé), la nouvelle formule laisse plus de place aux initiatives militantes, comme on l'a mesuré en janvier. Et je crois que cette mutation imposera des changements importants dans les méthodes de travail.
 
Autre innovation, de taille, dont on ne connaît pas encore la puissance : le référendum interne, y compris d'initiative militante. J'espère qu'on se dépêchera de faire usage de cet instrument fondamental : le référendum d'initiative populaire. Trouvons vite une idée et lançons-en un.
 
Mais au-delà de cette organisation, ce qui compte, c'est que Bayrou paraît décidé à intervenir fortement sur les exécutifs départementaux pour promouvoir partout des gens à lui. Il y aurait là un moyen de conserver ou de retrouver la confiance des gens qui doutent, en leur proposant des interlocuteurs supposés conformes aux raisons pour lesquelles, après la présidentielle, ils se sont inscrits par dizaines de milliers au MoDem.
 
Évidemment, plus qu'un dispositif juridique, un mouvement politique, c'est une bande de copains ou un réseau de confiance, ou ça devrait l'être. Des animateurs conformes aux préceptes bayrouistes (les "99 clones de Bayrou" dont j'ai parlé dans une précédente note), jeunes, innovants, débarrassés du carcan du statut de notable de province, cherchant à promouvoir l'intérêt général et à faire vivre des équipes, ce serait plutôt pas mal. Mais est-ce possible partout ?
 
Il y a en fait deux poins faibles dans la vision de Bayrou : le premier, c'est le personnel qu'il a à sa disposition ; de ce côté-là, on n'a guère le sentiment que les nouveautés doivent être majoritaires dans l'avenir.
 
En fait (et c'est le deuxième point faible, bien plus complexe), Bayrou va devoir nettoyer son appareil. C'est un peu effrayant, parce que ça fait purge, mais je crois que c'est le sous-entendu de son expression "un commando".
 
Il y a eu, lors de la dernière campagne présidentielle, des résistances de l'appareil UDF, un peu au national, un peu dans certaines fédérations. Ces sabotages, il vaut mieux les éviter pour la prochaine présidentielle et pour les scrutins intermédiaires. "Un commando", cela signifie une unité d'élite, soudée, concentrée sur le résultat. C'est à cela que Bayrou appelle, ce qui signifie que, dans les départements où l'exécutif traîne les pieds, les bayrouistes doivent se montrer et préparer la prise de contrôle.
 
Bien sûr, on s'expose à des enjeux purement individuels, des règlements de comptes personnels, voire des rivalités insurmontables, il va y avoir des cas inextricables, qui sont l'un des aspects de ce second point faible, mais Bayrou en est conscient, et fait entrer cette perspective dans ses paramètres.
 
Mais au-delà, il faudra qu'il réfléchisse à la continuité de l'animation du mouvement et au travail de ligne politique et de projet, non pas enfermé dans des commissions, mais ouvert sur la multitude des adhérents.
 
C'est cela, son vrai point faible : la multitude.
 
Pendants dix ans où Bayrou a dirigé l'UDF, il n'a pas su intéresser cette multitude, il n'a pas su conserver les bonnes volontés, le réseau, inexorablement, a décliné. Il n'a pas su insuffler une dramaturgie au militantisme quotidien, lui donner une densité d'intelligence et d'émotion qui tienne la multitude en haleine. Il a vécu l'époque à son propre rythme, sans prendre le nôtre en compte.
 
C'est à cela qu'il devra s'atteler, aux autres, à notre multitude, s'il veut faire des Démocrates un grand parti vivant. 

11:53 | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : politique, modem, bayrou | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Ton analyse est probablement assez juste mais en même temps effrayante...

Concernant la résistance de l'appareil, ça aurait pu être le cas en 2007.
Et, d'après ce qu'on m'a raconté, ça l'a largement été en 2002...
On m'a cité les palettes de tracts qui n'avaient jamais été utilisés puis foutues au feu...
Au secours...

Écrit par : KaG | 11/05/2008

@ KaG

C'est peut-être pourquoi il est si important pour Bayrou de construire un appareil qui lui soit favorable entièrement. La "dramaturgie" viendra peut-être d'elle-même.

Écrit par : Hervé Torchet | 11/05/2008

Oui, mais pour qu'un commando fonctionne, il faut lui donner un objectif clair au départ.
Or cette définition d'un objectif clair, compris par les adhérents et donc rassembleur, cela ne me semble pas être un "point fort " du Modem aujourd'hui !

Attendons peut-être cette clarification avant de faire tomber les têtes...

Écrit par : Spaulding | 11/05/2008

@Hervé,
J'ai reçu le 28 avril dernier un mail de lulu.com m'informant que votre livre avait été expédié: nous sommes le 11 mai et je ne vois rien venir mais ma carte bleue a bien été débitée... Arnaque?
Esther

Écrit par : esther ruben | 11/05/2008

@ KaG : c'est effrayant si vous espérez qu'une seule personne physique aurait la possibilité, physique, morale et mentale, de définir une philosophie politique tout en recevant les militants pour le saucisson, de mobiliser la multitude tout en faisant face au tenant du pouvoir personnel, d'occuper les médias en s'occupant des citoyens, de construire un Parti européen et une Alliance mondiale en assumant ses mandats de conseiller municipal et général, d'organiser un mouvement politique tout en proposant des solutions pour le pays.

À mon avis, même Iron Man…

L'exploit de François Bayrou à mon humble avis, c'est de tenir une ligne politique cohérente, positive, valable à long terme, de rouler droit dans le tourbillon permanent, ultra-court-termiste et panurgiste, qu'est le tout-Paris politico-médiatique. C'est facile à faire pour les personnalités politiques de l'arrière-scène, je ne vois personne d'autre qui réalise cet exploit en restant à l'avant-scène.

Lui en demander plus, lui demander de s'occuper d'organiser le parti et de fédérer les énergies militantes, à mon humble avis, faut pas pousser !

Écrit par : FrédéricLN | 11/05/2008

Cela fait maintenant un an que le Modem a été lancé, neuf mois depuis Seignosse, six mois depuis le congrès. Si François Bayrou aurait voulait faire vraiment des Démocrates un grand parti vivant, nous l'aurions remarqué. La discussion des chartes à Seignosse, le vote des statuts à Villepinte et maintenant le RI montre la continuité de la façon de faire. C'est peut-être ce qu'il appelle "commando" avec à la tête un chef de commando qui "sait" et qui en assume une certaine solitude.

En ce qui concerne l'architecture du projet voulu par Bayrou, il s'agit dans l'essentiel de reprendre les fondamentaux de l'organisation de l'UDF, ni plu ni moins. Le changement des noms, le changement du nombre des titulaires ne signifie rien.

Et le fameux référendum interne, tiens on pourra le tester avec la demande de l'interdiction de cumul de mandat de tout élu Modem...

Je suis un peu pessimiste du coup...

Écrit par : Werner | 11/05/2008

@ FLN

C'est bien le problème du cumul : comment Bayrou peut-il espérer sérieusement animer le mouvement en étant absorbé par ses responsabilités électives locales ? Ce n'est pas possible, tu le dis toi-même. Il faudra bien qu'il finisse par faire un choix.

@ Werner

Bayrou a très bien démontré au congrès que l'interdiction en elle-même ne sert à rien. En revanche, il devrait comprendre que s'il veut avoir un parti dynamique, il doit y consacrer du temps, plus de temps, et s'appuyer plus sur ses bons éléments comme Quitterie.

Écrit par : Hervé Torchet | 11/05/2008

@Frederic :

Les grands patrons, les grands dirigeants sont ceux qui ont appris à... s'entourer et à déléguer.
Il semble avoir commencé avec Lehideux. Tant mieux, nous verrons à l'usage.

Écrit par : KaG | 11/05/2008

@Hervé
Vous pourriez au moins prendre la peine de me répondre, j'ai pris la peine de commander votre livre!
Esther

Écrit par : esther ruben | 11/05/2008

@ Hervé : pas mieux que la réponse de KaG !

Il me semble légitime et nécessaire que François Bayrou préside le MoDem, en soit comme il le dit "le patron". Mais, étant au confluent de toutes les demandes, initiatives et pressions, il est le premier à expérimenter que "le patron" n'a que 24 heures par jour, comme tout le monde.

Écrit par : FrédéricLN | 12/05/2008

Les commentaires sont fermés.