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13/08/2008

Spéciale pour l'enfant Quitterie Delmas.

Dans son excellente dernière note, Quitterie Delmas s'est adressée à l'enfant qui, en chacun de nous, adultes, veille, avec le souvenir du monde qu'il a voulu.

Il m'a donc paru pertinent de décrire un peu de l'enfant que j'ai été, qu'il puisse rebondir sur les mots de Quitterie.

Au passage, je signale que Vigny a écrit : "Le bonheur, c'est un rêve que l'on fait dans l'adolescence et que l'on réalise dans l'âge adulte." Il faut se rappeler qu'au milieu de tous nos devoirs, de toutes nos responsabilités, figure la quête de notre propre bonheur, qui reste, comme l'a écrit Saint-Just en d'autres temps, une "idée neuve en Europe", une idée imprescriptiblement révolutionnaire. Nous avons le droit de rêver de notre propre épanouissement avant d'envisager de changer le monde.

Cela étant (et pour y revenir), l'enfant que j'étais a toujours, d'aussi loin que je m'en souvienne, été concerné par les événements politiques. Lors des législatives de 1973 (j'avais huit ans et je résidais chez mes grands-parents maternels), mon père était très engagé dans le parti Socialiste, un parti alors tout neuf, auquel il avait adhéré dès sa fondation à Épinay. Il avait tapissé son appartement des prodigieuses affiches produites à cette époque-là par la mouvance socialiste qui rassemblait une incroyable légion de talents. Tous les dessinateurs s'en donnaient à coeur joie. Je crois que c'est pour cette élection-là que l'un d'entre eux avait représenté le ministre des finances Giscard en pieuvre rond-de-cuir, un truc qui me faisait vraiment rigoler.

Mon père m'avait passé quelques-unes des affiches de sa collection, que j'avais fièrement placardées dans ma chambre.

L'année suivante, pour l'élection de 1974, j'étais pour Chaban-Delmas. Je crois que Thierry Le Luron était pour beaucoup dans ce choix, car il imitait l'ancien premier ministre d'une façon drôle dès mon jeune âge.

En fait, dans toute cette période, ce qui était le plus important était la voisine avec laquelle j'allais en classe et avec laquelle je jouais en rentrant de l'école. C'est cette amitié amoureuse d'enfance qui a fait de ce moment le plus heureux de ma vie passé, et qui a matérialisé ma vision de ce que devait être l'âge adulte (avec une autre).

Bien entendu, comme la jeune fille qui s'exprime dans la vidéo, c'est au cours de l'adolescence que s'est précisée ma conception du monde.  Le fait majeur, alors, était l'oppression soviétique. C'est ainsi que nous la percevions : privation de liberté de circulation et d'expression. Un séjour de vacances d'un mois en Bulgarie, dans l'été 1975, m'avait d'ailleurs fait toucher du doigt cette réalité : de l'aéroport de Varna à la station balnéaire, notre bus avait roulé de nuit, les fenêtres obstruées et, par des interstices, nous voyions que nous circulions entre des haies barbelées. Toute une atmosphère... Et un pays où subsitaient décrépits les vestiges des époques antérieures au communisme, tout cela faisait comme la preuve de l'inefficacité et de l'intolérance du régime.

Il m'est difficile de préciser beaucoup plus ma vision du monde à l'âge de douze ou treize ans, tant tout était marqué par la bipolarisation mondiale, sinon que je rejetais (déjà) cette bipolarisation, n'aimant guère plus le modèle américain que l'autre. Il me semblait que le monde devait être juste et que chacun devait y avoir sa place.

Il a fallu bien du temps ensuite pour que je lise avec attention Victor Hugo dont je raffolais, et qu'ainsi j'apprenne que la solution philosophique que je cherchais consistait à interroger ma conscience et à viser à ce que chacun soit à même d'en faire autant.

Tel fut mon chemin d'adulte. Et demain ?

Et Quitterie ? elle fait parler une autre enfant à sa place, mais, elle, que pensait-elle ?

14:01 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : hervé torchet, quitterie delmas | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Mais parfois notre propre épanouissement passe par et/ou est conditionné par, le changement du monde...

Excellente idée de poser la question à Quitterie.

Question subsidiaire : quels textes de Victor Hudo recommanderiez-vous à qui n'a jamais eu l'occasion de le lire (hormis quelques vagues extraits dans le cadre de la scolarité) ?

Écrit par : florent | 13/08/2008

@ florent

rencontrer un auteur est affaire de circonstance et de goût personnel. J'ai été ébloui d'emblée par la construction magistrale, la poésie et l'atmosphère de Notre-Dame de Paris.

Écrit par : Hervé Torchet | 13/08/2008

@florent et Hervé: pour ma part, l'intensité de Quatre-Vingt-Treize m'a coupé le souffle. Sans parler de l'intrigue qui, en elle-même, vaut le détour.

Écrit par : Nicolas Vinci | 13/08/2008

Eh bien, merci pour ces suggestions que je note...
Mais je me permets d'en remettre une couche : plus que les aspects littéraires, ma question concernait en priorité les textes qui abordent les sujets politiques, l'organisation de la société, les notions abordées dans ce billet, etc... Pardonnez mon ignorance crasse, mais ses réflexions sur ces thèmes étaient-elles contenues dans tous ses ouvrages, éparses et plus ou moins implicites, ou bien a-t-il écrit des livres dédiés à ces sujets ?
(désolé pour la coquille au grand nom de Hugo)

Écrit par : florent | 22/08/2008

@ florent

Le débat de conscience est central dans l'oeuvre d'Hugo. Son texte le plus explicite, de ce point de vue, est "Les Misérables", en particulier les personnages de Valjean/Magdeleine et de Javert.

Écrit par : Hervé Torchet | 22/08/2008

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