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17/10/2008

Les jeunes (enfin) au pouvoir !

Quitterie Delmas appelle constamment les jeunes à s'engager pour conquérir le pouvoir. Beaucoup sourient de cet esprit et de cette façon de faire, où ils voient un projet sympathique mais profondément absurde et irréaliste, car, c'est bien connu, les jeunes, ça reste à sa place.

Vraiment ?

En mars 1990, je suis allé à Budapest à l'occasion des premières élections de l'ère post-communiste de ce pays. J'y allais dans un cadre officieux, mais chez des militants politiques qui m'avaient été indiqués par des militants centristes de l"époque.

J'y suis arrivé dans une ville effervescente et pavoisée, pleine de fêtes et de musique. Dans les quartiers touristiques, chaque restaurant était endiablé par un groupe de violonistes tziganes, à mourir de larmes et de plaisir.

Le petit parti politique démocrate par lequel j'étais reçu disposait par décision récente de tout un lot d'anciens locaux du parti communiste hongrois et c'était assez curieux de les rencontrer, un peu perdus, dans d'immenses salles continuées par des couloirs ténébreux menant à des pièces désertes, le tout nu et vétuste, mais la moindre section locale jouissait d'un patrimoine immobilier digne d'un parti politique national français.

Malgré la fête, on voyait partout les traces de l'époque révolue. Par exemple, il n'y avait pas de plan du métro dans le métro, il fallait en acheter un ou interroger des gens qui ne parlaient que hongrois, russe et allemand, ce qui n'était pas toujours commode. Le grand lieu où l'on se rencontrait avait un nom français hérité de l'époque où la France incarnait le raffinement et la civilisation.

La ville était divisée en deux, autour du Danube. Rive droite, sur une colline, Buda, la ville du palais royal et des administrations, qui avait été détruite entièrement en 1944 et rebâtie, apparemment, à l'identique. Rive gauche, la plaine, et Pest, la ville commerçante.

Je fus frappé par le nom de l'une des grandes artères de la ville : Attila Ut, c'est-à-dire à peu près boulevard Attila, le même Attila qui chez nous est synonyme de dévastation et de terreur. Pas de doute : quand on écrira l'histoire synoptique de l'Europe, il y aura beaucoup à réinventer et à reconceptualiser.

Pour ces premières élections, je vis des choses assez étonnantes : on votait dans une entreprise dans le quartier où je résidais. L'urne était une simple boîte en carton. Les gens faisaient la queue et passaient de bonne grâce dans l'isoloir, dans une atmosphère bon enfant, puis comme dans n'importe quel bureau de vote, on voyait des aïeux et des parents soulever leurs petits-enfants et progéniture en bas âge pour que les petites mains votent à leur place.

Il n'y avait pas à proprement parler de droite ni de gauche. Outre le petit parti démocrate, que l'on pourrait qualifier d'agrarien, qui réussit une timide entrée au parlement, le grand parti national, dénommé "forum démocratie magyar" (MDF), emporta la première place, mais il eut à faire face à la percée surprise d'une liste totalement inattendue.

C'étaient des jeunes, rien que des jeunes, tous âgés de 20 à 25 ans, regroupés dans un mouvement qui, si ma mémoire est bonne, s'appelait Fidesz. Ils avaient fait une affiche. Les deux tiers hauts de celle-ci étaient divisés en deux : à gauche, on voyait Brejnev vieux, boursouflé, qui embrassait à la russe (sur la bouche) un leader communiste hongrois, tout aussi bouffi et caduc. La moitié droite était la photo d'un jeune homme embrassant une jolie jeune fille. Pas besoin de parler hongrois pour comprendre le slogan qui comparait le baiser de Brejnev à celui de la jeune fille.

Cette liste de jeunes, de vrais jeunes purs et durs, obtint, je crois, presque 25 % des voix, rien que ça. Et on s'aperçut, en faisant des études post-électorales que certes, la Fidesz avait fait une percée chez les jeunes, mais qu'elle avait aussi considérablement mordu sur les vieux, qui avaient voulu à la fois voter pour l'avenir de leurs petits-enfants, et pour une génération qui ne s'était pas compromise avec les communistes.

Ce qui prouve que le jeunisme a rarement le sens que l'on croit...

Le dimanche, Budapest était en fête, d'autant plus que, malins, les Hongrois avaient jumelé leur scrutin avec le festival de musique de Budapest. Le dimanche soir, une fois les résultats acquis, les Européens venus de partout, qui pour le festival, qui pour l'élection, repartirent dans toutes les directions. Le lundi matin, il ne restait plus que les Hongrois... et moi. Et je vis la profonde grisaille, la morosité pesante, la lenteur maussade, à laquelle les Hongrois avaient tenté d'échapper par leur vote. Je suis reparti le mercredi, ayant vu comme le visage d'un clown qu'on a démaquillé.

13:02 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hongrie, attila, quitterie delmas | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

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