22/11/2008
La disparition programmée du socialisme à la française est-elle une bonne nouvelle ?
En huit jours, le Parti Socialiste est passé de l'état gélatineux à l'état gazeux. Il s'est volatilisé. Dispersé façon puzzle.
Est-ce vraiment une bonne nouvelle ?
Tout d'abord, il faut noter que l'État, en tant qu'acteur de la gestion nationale, en sort affaibli, ce qui n'est pas une bonne nouvelle. Je suis allé en 2002 dans un pays où il n'y avait plus du tout d'État, Haïti, eh bien, c'est invivable (mis de côté le fait que la misère ambiante est insoutenable).
Mais pour creuser plus profondément, je dois dire que le principe central du socialisme à la française explique la chute du parti censé le porter : depuis Zola, écrivain socialiste s'il en fut, on sait que le socialisme politique français est gouverné par le principe de l'intérêt, analyse de la société où tout n'est qu'appétit, et donc chaque acteur socialiste sait qu'il doit se gouverner selon son propre intérêt. C'est comme ça. Et bien entendu, l'intérêt individuel venant toujours à se heurter à l'intérêt collectif, l'aboutissement ne peut être que la SFIO, dont le fantôme se nomme Parti Socialiste. La chute est inscrite dans les gènes du socialisme à la française.
La tendance individualiste est poussée jusqu'à l'extrême dans la situation actuelle où une (très courte) majorité de socialistes choisit de se bunkeriser sur son périmètre balkanisé où chaque fraction se bunkerise à son tour.
Il y a eu trois grandes époques du socialisme français à la tête de l'État (donc sans compter les origines ni le personnage exceptionnel qu'a été Jaurès qui mérite mieux que le miroir qu'en donne le socialisme d'aujourd'hui) : la première, juste avant guerre, c'était le Front Populaire, nationalisations de certains monopoles ou d'entités liées à la souveraineté nationale (SNCF, Banque de France) ; la deuxième, juste après la guerre, avec l'ensemble des forces politiques issues de la Résistance, ce furent les grandes réformes sociales que la droite actuelle combat ; la troisième... mais qu'en reste-t-il ? ce fut 1981, là encore des innovations utiles, au milieu d'un fatras d'excès et d'un désquilibre des finances publiques qui n'a jamais pu être résorbé depuis.
Des trois périodes, celle qui conservera la plus grande aura historique, c'est la seconde. Pourquoi ? Parce qu'elle n'est pas enfermée dans l'image d'un prétendu sauveur, mais que, au contraire, elle représente l'union de gens de bonne volonté, débarrassés de leurs intérêts propres et conflictuels, engagés au service de l'intérêt général.
Voilà donc l'objectif à poursuivre : se libérer du principe paternel incarné dans les institutions par le président de la République, donner bien plus de pouvoirs au parlement, aux initiatives collectives, inventer une république qui remette les gens en réseaux, qui les retisse, ce pourrait être notre idée de la VIe république.
12:52 | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : ps, socialisme, état, modem, 6e république | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Commentaires
Le Ps est à la croisée de plusieurs histoires,de plusieurs générations et donc de plusieurs mondes.
Pierre
Écrit par : ulm pierre | 22/11/2008
J'applaudis des deux mains et des deux pieds!
Sauf pour la VI ème république.
La V ème est très bien. Il suffit de donner le pouvoir présidentiel à la bonne personne, celle qui fera fonctionner les institutions démocratiques comme tu le décris dans ton billet.
Bravo encore.
Écrit par : GuiGrou | 22/11/2008
La démocratie n'a pas besoin du PS. S'il disparaît (et c'est peut-être souhaitable), il sera automatiquement remplacé par un ou plusieurs autres mouvements, car la politique, comme la nature, a horreur du vide.
Écrit par : Joseph | 22/11/2008
Hervé, je ne comprends pas le lien que vous faites entre l'état du PS et l'affaiblissement de l'État. Quel rapport ? Les partis politiques passent, l'État reste.
Écrit par : Joseph | 22/11/2008
@ Joseph
Je sais bien que le PS n'a plus guère de doctrine, mais la doctrine historique du socialisme français est établie autour de la régulation étatique. L'affaiblissement de la structure peut signifier son remplacement par une doctrine entièrement différente, par sa nature comme par son esprit. Comme disait Victor Hugo, "la forme c'est le fond qui affleure".
Écrit par : Hervé Torchet | 22/11/2008
1/ je ne vois pas sarko en paternel ... il n'en a pas la carrure
2/ avec la réforme de juillet 2008, le parlement a acquis + de droits dont notamment celui de la maîtrise de la moitié de son ordre du jour ... c'est un progrès, et c'est pour cela par ailleurs que Chantal Brunel a surnommé JF Copé "vice 1er ministre" car en tant que chef de la majorité parlementaire à l'assemblée nationale, son rôle s'est considérablement renforcé au point effectivement de venir en concurrence avec le gouvernement.
3/les initiatives collectives sont souvent un voeux pieux, les référendum connaissent une forte abstention électorale.
4/ quant aux réseaux ... c'est comme le corporatisme ... favoritisme et magouilles en perspective !
pas la peine de se prendre la tête ... éduquer, toujours éduquer, reniveler par le haut en formant le corps électoral à sa conscience de citoyens, lui donnant les outils de compréhension et de culture... le reste suivra !
Écrit par : Mirabelle | 22/11/2008
Vous oubliez dans ce bref historique une chose, c'est l'événement - plus important - qui lui fut contemporain, c'est la naissance, l'existence, puis la disparition de l'URSS.
Écrit par : solko | 22/11/2008
@ solko
L'URSS n'a que peu de rapport avec le socialisme à la française.
Écrit par : Hervé Torchet | 22/11/2008
Ils en ont au moins un qu'on ne peut éluder : leur contemporanéité. Par exemple l'accession de Blum au pouvoir, qui s'appuya sur le Front Populaire, eût été bien différente sans la peur du patronat de l'époque, qu'on retrouve dans toutes les manchettes d ejournaux : que le "peuple de France" ne devienne "bolchévick".
Écrit par : solko | 24/11/2008
@ solko
Mon angle de réflexion est philosophique en l'occurrence.
Écrit par : Hervé Torchet | 24/11/2008
Agréable à lire ce billet. C'est fluide, c'est plein de réflexions personnelles et/ou originales. Chapeau.
Écrit par : LCDM | 24/11/2008
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