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22/11/2008

De la nature du pouvoir présidentiel.

Il faut relire la phrase de Victor Hugo que j'ai inscrite dans ma colonne de gauche : "Là où la connaissance n’est que chez un homme, la monarchie s’impose. Là où elle est dans un groupe d’hommes, elle doit faire place à l’aristocratie. Et quand tous ont accès aux lumières du savoir, alors le temps est venu de la démocratie".

Monarchie, aristocratie, démocratie, ou, si l'on veut, monarchie, oligarchie, démocratie.

On distingue dans cette phrase trois acteurs : le chef de l'État, les oligarques (càd le parlement, les grands corps de l'État, les 200 familles chères à Herriot, les grands groupes industriels, ceux qui détiennent le pouvoir dans les différentes sphères élevées de la société, la Cour en d'autres temps...), le peuple.

La IIIe et la IVe républiques, par certains côtés, étaient des oligarchies : le peuple votait pour ses représentants et avait peu son mot à dire sur le contenu des décisions politiques, que les représentants avaient tendance à confisquer. Les milieux d'affaires et les milieux parlementaires dirigeaient tout sans qu'on y pût réellement distinguer un ascendant, sauf dans des circonstances exceptionnelles ; la guerre de 14-18 "couronna" Clémenceau, mais la domination de celui-ci déplut et il ne put jamais, ensuite, parvenir à se faire désigner président de la république par ses pairs, qui lui préférèrent Deschanel puis, après que ce dernier fut reconnu fou, Millerand.

L'oligarchie a beaucoup d'inconvénients, notamment celui de tenir le peuple à l'écart des décisions jugées trop complexes pour lui. Elle trouve  commode de laisser le peuple dans l'ignorance au lieu de tenter de l'élever vers la connaissance de la réalité des décisions politiques. Les "amis du Cac 40" de Sarkozy incarnent parfaitement ce travers oligarchique.

Le peuple a fini par se lasser d'être écarté des décisions politiques. Et c'est là qu'est réapparu un artifice issu du XIXe siècle : le régime plébiscitaire. La logique est simple : puisque les oligarques sont à la fois les hiérarques des systèmes claniques locaux et ceux des entités économiques qui ont tendance à pressurer les gens au travail, il faut que quelqu'un se charge de mater ces hobereaux et, miracle, le sauveur qui peut le faire, c'est le président de la république, qui va rendre le vrai pouvoir au peuple en l'asseyant sur des consultations populaires fréquentes, des plébiscites, par lesquels le peuple pourra dire périodiquement s'il approuve la conduite du chef de l'État. Main dans la main, le "monarque" républicain, César en quelque sorte, et le peuple pourront tenir la dragée haute aux petits marquis du système.

Il se trouve que ce scénario était déjà une fiction à l'époque où le plébiscite était pratiqué (sous de Gaulle, un référendum par an sauf les années d'élections générales), mais la fonction plébiscitaire des référendums elle-même a disparu le jour où de Gaulle, renvoyé par un plébiscite, a pris sa retraite, en 1969. Dès lors, il ne reste du dispositif que le monarque républicain, de plus en plus monarque et de moins en moins républicain, puisqu'il ne cherche plus guère la voix du peuple.

Alors, évidemment, pour relancer l'esprit républicain, il est tentant de réclamer purement et simplement le retour au régime d'assemblée. Hélas, celui-ci a révélé sa nature oligarchique. Il faut donc inventer autre chose, où certes le président soit moins omnipotent, mais où les parlementaires soient plus ancrés que jadis dans le peuple.

C'est, je crois, à cette quadrature du cercle qu'il faut s'attaquer en adoptant l'idée d'un nouveau travail vers la VIe république avec Quitterie Delmas.

La disparition programmée du socialisme à la française est-elle une bonne nouvelle ?

En huit jours, le Parti Socialiste est passé de l'état gélatineux à l'état gazeux. Il s'est volatilisé. Dispersé façon puzzle.

Est-ce vraiment une bonne nouvelle ?

Tout d'abord, il faut noter que l'État, en tant qu'acteur de la gestion nationale, en sort affaibli, ce qui n'est pas une bonne nouvelle. Je suis allé en 2002 dans un pays où il n'y avait plus du tout d'État, Haïti, eh bien, c'est invivable (mis de côté le fait que la misère ambiante est insoutenable).

Mais pour creuser plus profondément, je dois dire que le principe central du socialisme à la française explique la chute du parti censé le porter : depuis Zola, écrivain socialiste s'il en fut, on sait que le socialisme politique français est gouverné par le principe de l'intérêt, analyse de la société où tout n'est qu'appétit, et donc chaque acteur socialiste sait qu'il doit se gouverner selon son propre intérêt. C'est comme ça. Et bien entendu, l'intérêt individuel venant toujours à se heurter à l'intérêt collectif, l'aboutissement ne peut être que la SFIO, dont le fantôme se nomme Parti Socialiste. La chute est inscrite dans les gènes du socialisme à la française.

La tendance individualiste est poussée jusqu'à l'extrême dans la situation actuelle où une (très courte) majorité de socialistes choisit de se bunkeriser sur son périmètre balkanisé où chaque fraction se bunkerise à son tour.

Il y a eu trois grandes époques du socialisme français à la tête de l'État (donc sans compter les origines ni le personnage exceptionnel qu'a été Jaurès qui mérite mieux que le miroir qu'en donne le socialisme d'aujourd'hui) : la première, juste avant guerre, c'était le Front Populaire, nationalisations de certains monopoles ou d'entités liées à la souveraineté nationale (SNCF, Banque de France) ; la deuxième, juste après la guerre, avec l'ensemble des forces politiques issues de la Résistance, ce furent les grandes réformes sociales que la droite actuelle combat ; la troisième... mais qu'en reste-t-il ? ce fut 1981, là encore des innovations utiles, au milieu d'un fatras d'excès et d'un désquilibre des finances publiques qui n'a jamais pu être résorbé depuis.

Des trois périodes, celle qui conservera la plus grande aura historique, c'est la seconde. Pourquoi ? Parce qu'elle n'est pas enfermée dans l'image d'un prétendu sauveur, mais que, au contraire, elle représente l'union de gens de bonne volonté, débarrassés de leurs intérêts propres et conflictuels, engagés au service de l'intérêt général.

Voilà donc l'objectif à poursuivre : se libérer du principe paternel incarné dans les institutions par le président de la République, donner bien plus de pouvoirs au parlement, aux initiatives collectives, inventer une république qui remette les gens en réseaux, qui les retisse, ce pourrait être notre idée de la VIe république.

12:52 | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : ps, socialisme, état, modem, 6e république | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

31/05/2008

Le coût d'État permanent.

La rétraction de la "règle d'or" en "principe de présentation de programmation pluriannuelle en équilibre" en dit assez long sur la réalité des intentions de la droite qui a décidé de mépriser la dette qu'elle creuse chaque jour avec ardeur.
 
Dire qu'en 2007, on a eu une croissance officielle de 2,1 % et que cette croissance au-dessus des espérances n'a pas empêché l'endettement du pays de croître de 0,3 point, c'est assez souligner la gabegie de nos dirigeants. Et comme le souligne l'économiste Bernard Maris sur Marianne2.fr, cette gabegie pénalise les pauvres, elle prend aux pauvres pour donner aux riches. C'est peut-être pourquoi, finalement, le gouvernement s'en satisfait. Pas moi.

10:42 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, économie, budget, État | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

23/05/2008

Immobilisations de l'État : les comptes nébuleux.

J'écrivais voici quelques jours qu'il ne me paraissait pas normal que n'apparût pas dans la comptabilité publique une colonne "actifs". Chacun sait que dans une entreprise, les stocks sont une réelle valeur comptable, ainsi que les actifs immobilisés, même si ces derniers ne jouent pas le même rôle que les stocks, ce qui est logique, sauf à considérer l'actif immobilier comme un stock marchand, ce qui n'est envisageable que pour le domaine privé des collectivité publiques.
 
Je lis ce matin le compte-rendu d'un nouveau rapport sur les actifs immobiliers de l'État : il est consternant. L'État possède énormément et ne sait rien. À l'heure de l'informatique, pas de fichier central, pas de gestion patrimoniale, l'opacité, le flou, la dissimulation. Il faut que cela cesse.