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02/10/2011

Bayrou, Chirac et Balladur

Au milieu des remugles nauséabonds de la Françafrique, des dossiers Karachi et des frégates de Taïwan, le nom de François Bayrou est venu ces jours-ci. L'intéressé s'est défendu avec vigueur, rappelant qu'il n'a lui-même jamais touché un sou douteux, et que depuis qu'il en est président, le mouvement centriste n'a jamais reçu non plus le moindre centime suspect. Il a raison. Et comme on ne trouve pas de bonne raison de le mettre en cause, on s'emploie à l'agglomérer à l'équipe resserrée d'Édouard Balladur lors de la campagne de 1995 (lsur laquelle les soupçons de financement illicite s'amoncellent), alors même que le simple fait qu'il ait été maintenu à son poste ministériel par le président Chirac fraîchement élu en 1995 devrait avoir suffi à l'exonérer de ce soupçon absurde.

Je me souviens d'une réunion d'une vingtaine de jeunes avec Bayrou, dans un bureau du ministère de l'Éducation Nationale, rue de Grenelle, pendant la campagne pour l'élection interne du CDS à l'automne 1994. Bayrou nous demande, un par un, pour qui nous voterons au printemps suivant. J'entends les autres jeunes répondre, un par un, le nom de Balladur. Il y avait une focalisation quasi-viscérale contre Jacques Chirac chez la plupart de nos jeunes. Parfois, il me semblait que cette focalisation frisait l'aveuglement, car les défauts reprochés à Chirac étaient autant présents chez son rival de droite, Pasqua avait sa Françafrique, et sa vision du monde n'était pas loin de celle du Front National que nous combattions (et combattons) becs et ongles, et Pasqua soutenait Balladur. On sentait même dans l'état-major balladurien la tentation de s'allier avec le FN, qui paraissait exclue chez Chirac.

Vint mon tour, je répondis à Bayrou que j'étais désolé, mais que pour ma part, je voterais Chirac au printemps suivant. Bayrou me sourit et expliqua que, s'il soutenait Balladur, c'était pour empêcher la porte de la candidature unique de se refermer sur la droite. On voit que Bayrou était encore loin d'un positionnement centriste pur et dur, mais c'est sans importance, il est heureux que nous apprenions de notre expérience. Cette version me convenait. Je ne soutenais pas Chirac par appétit de disparition du centre, mais au contraire pour éviter que la bipolarisation ne se referme sur notre vie politique : Chirac avait promis que, s'il gagnait, il ne ferait pas pression pour la fusion du RPR et de l'UDF, alors que Balladur militait pour un parti unique de la droite, une CDU à la Française regroupant les formations politiques de ce qu'on appelait alors improprement la "droite républicaine".

On voit donc que Bayrou, s'il avait intérêt à soutenir Balladur pour empêcher Chirac d'imposer la candidature unique de droite, avait cependant intérêt à la victoire de Chirac, pour empêcher le parti unique de droite et du centre. C'est pourquoi faire de Bayrou un proche collaborateur de Balladur est une imposture.

Rappelons d'ailleurs que sa géométrie politique différait entièrement de celle de Balladur, puisque dans son discours du congrès qui l'a porté à la présidence du CDS, en décembre 1994, Bayrou prit explicitement position pour un grand parti central, allant "de Balladur à Jacques Delors". La seule piste qu'il visait était celle qu'il tente encore d'imposer à notre classe politique, celle de la majorité centrale. Il faut qu'on lui en donne acte.

 

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Commentaires

Excellent post, comme toujours !
Vraiment déçu que nous n'ayons pas pu nous voir au moment de l'UR à Giens en septembre...

Écrit par : Fabrice_BLR | 03/10/2011

je vais arrêter de te féliciter tout le temps, hein? (moi aussi j'avais pour la première fois voté Chirac mais parce que les balladuriens (les PR/DL) étaient dans des alliances avec le FN...
on attend ton billet clin d'oeil à 2002 et notre bus au colza avec des bouts de JLB dedans maintenant ;-)))

Écrit par : FB | 03/10/2011

Merci pour ce témoignage historique!

Mais je pense tout de même que le rôle de François Bayrou dans la campagne présidentielle d’Édouard Balladur est minimisé; une équipe de "conseillers politiques" se réunissait en effet "tous les matins" au siège de campagne:
- Nicolas Bazire (directeur de campagne)
- Nicolas Sarkozy (porte-parole du candidat)
- Brice Hortefeux (représentant de Nicolas Sarkozy)
- William Abitbol (représentant de Charles Pasqua)
- Renaud Donnedieu de Vabres (représentant de François Léotard)
- Marielle de Sarnez (représentante de François Bayrou)

Écrit par : Laurent de Boissieu | 03/10/2011

Il y avait dans ce type de réunions de la campagne de Barre en 1988 des gens qui, en fait, votaient Chirac.

Écrit par : Hervé Torchet | 03/10/2011

Accessoirement, quand on voit la composition de ce comité (4 RPR et 2 UDF), on plaint rétrospectivement ceux qui pensaient que Balladur était un candidat UDF. Léotard et Bayrou sont représentés là pour des raisons protocolaires : le PR et le CDS sont les deux partis qui soutiennent officiellement Balladur.

Au CDS, les chiraquiens étaient surtout autour de Monory (quand on sait le poids du sénat dans le parti centriste d'alors...), un peu de Barre (qui a été élu maire de Lyon après la présidentielle de 1995 et qui n'était pas lui-même CDS, n"ayant jamais adhéré à un parti quelconque), et bien sûr Goasguen qui avait apporté des voix décisives pour l'élection de Bayrou à la présidence du CDS. Sans les voix des chiraquiens du parti, Bayrou aurait été battu, or il a gagné.

Écrit par : Hervé Torchet | 04/10/2011

Les choix politiques, en particulier soutenir telle ou telle personnalité lors d'élections présidentielles, sont des choix qui relèvent exclusivement de la conscience personnelle. En ce sens, qu'on ait soutenu ou non Balladur en 1995 ne doit pas constituer un point de discorde.

Il n'y a d'ailleurs aucune honte à avoir soutenu Balladur en 1995, tout comme il n'y a aucune honte à avoir soutenu Chirac en 1995 (pour qui d'ailleurs j'ai voté cette année là).

Dans ton billet, tu parles du financement de la campagne d'E. Balladur en 1995. Rappelons quand même que J. Chirac n'a jamais été un modèle de vertu, tout comme ne l'a jamais été son prédécesseur, ni celui d'encore avant...

L. de Boissieu a je crois raison de souligner que F. Bayrou était de ceux qui soutenaient Balladur en 1995. C'est un fait politique, absolument non répréhensible.

En revanche, quand on voit les autres soutiens assidus de Balladur en 1995, on se rend compte que tous ont été - à un moment ou un autre, pour certains récemment d'ailleurs - mis en cause ou pour le moins cités dans des "affaires". Tout comme l'a été Chirac, même s'il n'a visiblement plus la mémoire à ça.

On verra, le temps voulu, si F. Bayrou a toujours été aussi intègre qu'il veut nous le faire croire et que nous espérons le croire. On le verra aux boules puantes...

Personnellement, je suis en train de préparer un billet sur les terribles cinq années d'immobilité que nous avons vécues durant le deuxième mandat de J. Chirac. A la lumière des révélations de Z. Takieddine, cette immobilité s'explique par les continuels conflits entre Chirac, de Villepin et Sarkozy. Il paraît même qu'à cause de ces conflits, l'industrie française de l'armement a raté un gigantesque contrat en Arabie Saoudite (MYKSA), chacun faisant ou défaisant le travail de l'autre. C'est juste du gâchis et un manquement grave à l'intérêt collectif, c'est à dire à l'intérêt de l'Etat.

En tant qu'historien, je pense que tu es le plus à même de décrire ce gigantesque gâchis qu'aura été pour notre pays le 2ème mandat de Chirac. Ce n'est pas un "tag" que je te propose, juste une suggestion, et personnellement je m'y collerai, même si mon texte n'aura pas la qualité de ce que je pense, tu pourrais toi-même écrire sur le sujet.

Écrit par : JF le démocrate | 04/10/2011

Les commentaires sont fermés.