24/03/2012
Une campagne électorale réussie
Nous sommes entrés dans le dernier mois du premier tour de la campagne présidentielle. Peut-être ce premier tour sera-t-il décisif, c'est du moins ce qu'annoncent les sondages d'intentions de votes, avec un second tour Sarkozy-Hollande joué d'avance. Espérons que la raison triomphera et portera Bayrou vers les cimes que lui prédisent toutes les enquêtes d'opinion autres que celles des intentions de votes. Quoi qu'il en soit, voici quelques réflexions qui me viennent en cette fin de ma dernière campagne présidentielle.
Une campagne, c'est d'abord un concept. Le changement dans la continuité (VGE 1974), La force tranquille (Mitterrand 1981), La France unie (Mitterrand 1988), la France pour tous (Chirac 1995), Ensemble, tout devient possible (Sarkozy 2007). Le dernier de la liste est d'ailleurs le moins net, le moins explicite, l'Ordre juste de Ségolène Royal avait un peu plus de tenue, mais comme c'était un oxymore, il n'a pas pris.
Beaucoup de gens qui travaillent sur la politique confondent concept et slogan. Ceux qui croient qu'un slogan peut faire une campagne se trompent gravement. Un concept peut soutenir toute une campagne, un slogan s'usera vite.
Ce concept peut se ramifier en thèmes, mais il faut se méfier des concepts-gigognes, intellectuellement satisfaisants, trop satisfaisants, car il versent facilement dans l'artifice et dans l'effet facile. La campagne de Montebourg lors des primaires du PS illustrait parfaitement cette facilité, ramenant tout à la (dé)mondialisation, comme dans une pièce de Molière où le diagnostic médical revient invariable : "Le poumon, vous dis-je". Trop de cohérence aboutit à la gesticulation. Il faut laisser les concepts respirer, il doit se glisser de l'imagination de l'électeur entre les lignes, faute de quoi on cesse de le surprendre et donc de l'intéresser.
En revanche, la litanie des thèmes, leur chapelet, se doit de s'égrener avec sens du rythme, et si l'on donne tous ses thèmes dès le début de sa campagne, on se condamne à se répéter, ce qui finit par devenir inaudible.
Le rythme, c'est le second axe crucial d'une campagne. Temps forts, temps faibles, pauses, rebonds, silences (relatifs), coups de gueule, tout ceci peut être planifié avec souplesse d'avance. La préméditation est essentielle, on compose ses séquences de campagne comme une équipe municipale : il faut un représentant des gueulards, un des zoophiles, un des pêcheurs à la ligne. Il faut aussi des points d'orgue médiatiques (Bayrou a été très fort sur ce point en 2007 et il parvint à imposer ses thèmes à l'agenda médiatique de la campagne). Il faut enfin des flacons de vitriol conservés au frais jusqu'aux derniers instants, car nos campages électorales se jouent à la fois de plus en plus tôt et de plus en plus tard.
Nous sommes d'ailleurs, comme l'a justement rappelé Bayrou voici quelques jours, dans la période électrique de la campagne, où un mot de travers peut faire bondir un candidat ou lui coûter plusisurs points d'un coup. Chacun se souvient de l'erreur tactique de Bayrou en 2009, et il est évident que l'actuelle stratégie très en défense de Bayrou est juste et pertinente, en attendant que, tel un trois-quarts centre au rugby ou un avant-centre au football, il aperçoive l'ouverture pour s'y glisser et aller planter une banderille dans l'échine de l'élection, une banderille qui ne peut évidemment pas être une attaque contre un autre candidat, ni autre chose qu'une idée géniale qui, par exemple, révélera à une forte partie de l'électorat un désir inconscient, ou quelque chose comme ça, en somme un thème profondément ancré dans notre mentalité commune. Un concept. Neuf. Et ravageur dans le bon sens du terme.
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