19/09/2012
L'UDI et les partis de circonstances
L'existence des partis ne va pas de soi. Longtemps en France, au XIXe siècle, ils furent prohibés comme les groupes parlementaires au nom de l'indivisibilité du peuple français. On les dénommait factions et leurs tenants factieux, insulte parmi les plus graves. Mais les années 1880 virent un tournant avec, coup sur coup, l'autorisation des corporations (interdites depuis 1790) et les libertés communales en 1884. Le mythe de l'indivisibilité de la nation, fondateur de l'État républicain, entrait en crise, une crise qui n'a jamais fini depuis. Les partis politiques suivirent.
Le plus ancien des partis existant à l'heure actuelle est le Parti radical que l'on surnomme "valoisien" parce qu'il possède un immeuble rue de Valois et pour le différencier de l'autre, le Parti Radical de Gauche, créé par ceux des radicaux qui voulurent rejoindre l'Union de la gauche au début des années 1970. Parmi les partis créés au tout début du XXe siècle, la SFIO (Section Française de l'Internationale Ouvrière) que déchira la scission du Congrès de Tours en 1920, avec la création de la SFIC (Section Française de l'Internationale Communiste) devenu Parti Communiste, puis, après la seconde guerre mondiale, Parti Communiste Français (PCF), sa dénomination actuelle.
À droite, le courant royaliste connut l'Action Française. Puis les années 1930 enfantèrent des Croix de Feu, métamorphosées en Parti Social Français, dont on peut chercher la descendance dans le courant gaulliste bien qu'une partie de ses dirigeants ait préféré la collaboration à la résistance.
Socialiste, communiste, radical, gaulliste, on voit qu'il manque deux courants : le libéral et le démocrate. Le premier, incarné par Poincaré puis par Pinay, a trouvé son parti naturel dans le Centre National des Indépendants et Paysans (CNIP ou CNI), un parti beaucoup plus à droite que le libéralisme (Le Pen a siégé au groupe du CNIP à l'Assemblée Nationale en 1956 et 1958) et dans sa scission, les Républicains Indépendants, mouvement créé par Valéry Giscard d'Estaing dans les années 1960. S'il peut s'enorgueillir d'avoir fondé le pacte national et républicain par les grandes lois de la Révolution Française (les lois Le Chapelier, par exemple), et d'avoir donné avec Montesquieu et Tocqueville deux des penseurs les plus intègres de la politique en France, le courant libéral n'a dominé la vie politique plus récente que pendant une brève période, le CNI constituant le groupe le plus nombreux à l'Assemblée Nationale autour de 1960, jusqu'à ce que son option délibérée pour l'Algérie Française le réduise à l'état de fantôme, permettant à VGE d'avancer un visage plus ouvert du libéralisme, qu'il porta au sommet de l'État. Le courant démocrate connut le Parti Démocrate Populaire d'Auguste Champetier de Ribes et les divers mouvements inspirés par Marc Sangnier (Sillon et Groupes jeunes République rapprochés de certains radicaux dans la Gauche Démocratique au cours des années 1930), regroupés après la seconde guerre mondiale dans le Mouvement Républicain Populaire (MRP) dont Lecanuet introduisit les débris dans les années 1960 dans le Centre Démocrate.
On le voit, courants politiques et partis politiques sont deux notions différentes. Le Parti Radical connut plusieurs scissions au cours du XXe siècle, le Centre Démocrate se divisa en 1969 et des parlementaires pompidoliens et démocrates créèrent le Centre Démocratie et Progrès, qui ne vécut que sept ans à peine. VGE voulut un parti capable d'épauler son action présidentielle, les courants radical, démocrate et libéral se regroupèrent dans une confédération qui prit le nom d'Union pour la Démocratie Française (UDF), dont la vie, après la chute de VGE en 1981, se prolongea pour servir l'intérêt de la majorité sénatoriale et d'Alain Poher en particulier. Celui-ci quitta la présidence du Sénat en 1992 et l'on constata très vite que l'UDF n'était qu'un parti de façade, la majorité de la famille libérale courut s'abriter dans les jupes du parti dominant de droite, et il ne resta qu'une poignée de nostalgiques adossés à l'émergence de la personnalité très singulière de François Bayrou. L'identité politique de ce conglomérat posait un problème, puisqu'on y trouvait des héritiers des trois courants initiaux, mais ces héritiers de plus en plus minoritaires parmi leurs propres élus locaux et nationaux. Les libéraux, premiers minoritaires, fondèrent un parti de circonstances par excellence, le PRIL, avant de se fondre dans une nouvelle variante unifiée de l'UDF.
Enfin, avec le beau score de Bayrou en 2007, des parlementaires eurent quelque chose à vendre pour rejoindre la majorité de droite. Ils créèrent un parti chargé de donner une vitrine politique à leur maquignonnage, le Nouveau Centre. Celui-ci n'étant pas parvenu au minimum de l'existence dans les urnes, un ensemble d'élus qui, d'une manière ou d'une autre, ont contribué au score plus décevant de Bayrou en 2012, créent un nouveau parti chargé de donner une vitrine et de négocier des investitures avec les dominants de droite pour les élections locales. Cette officine de maquignonnage se nomme l'Union des Démocrates et des Indépendants, elle s'affiche à droite, une droite modérée, républicaine et sociale. Ce parti de circonstances ne règle pas la question de la vie des trois courants de pensée traditionnels dont il réclame la filiation et, chargé de la reconduction des élus qui le forment, il ne peut prétendre effacer ni la division profonde de la famille radicale, ni l'éparpillement de la pensée libérale, ni l'expérience shakespearienne de Bayrou. Cela n'a ni beaucoup de poids, ni beaucoup d'avenir, ni beaucoup d'intérêt, mais tous ses responsables ne sont pas antipathiques. Souhaitions qu'ils contribuent au redressement de notre pays.
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Commentaires
sans compter que le clivage européen/libéral/social a presque disparu; la droite majoritaire est conquise à ces thèses (à part DLR) et l'extrême droite n'y a jamais joué de rôle.
tant qu'on aura la règle du winner takes all on aura ces partis ombrelles.
(et les partis politiques sont nés de la loi de 1901 sur la liberté d'association comme d'une aubaine...)
Écrit par : FB | 19/09/2012
En bien moins calé, j'en arrive au même voeu que celui de tes trois phrases de chute. À la santé, donc, de la liberté, de la démocratie, et d'un changement… radical dans la politique française !
Écrit par : FrédéricLN | 26/09/2012
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