16/02/2013
La France et ses binômes
Depuis les deux derniers siècles, la France n'a pratiquement connu que deux doctrines diplomatiques : celle de Talleyrand d'abord, légèrement amendée par Aristide Briand, celle de de Gaulle ensuite, dont nous connaissons aujourd'hui les suites.
Dans le système Talleyrand-Briand, notre sécurité extérieure repose sur notre alliance avec l'Angleterre. Au nom de cette alliance, nous avons refusé que la scission des Pays-Bas rejoigne la France en 1831 et nous avons fait naître la Belgique. Au nom de cette alliance, nous avons combattu de 1853 à 1856 en Crimée dans l'une des guerres affreuses qui ont préfiguré la boucherie de quatorze-dix-huit. Et s'il y eut parfois des tensions dans le développement des empires coloniaux dans le troisième quart du XIXe siècle, l'Entente Cordiale dissipa les nuages et prépara l'alliance de la Grande Guerre.
Pour Briand, la clef est le système de Locarno. Et curieusement, pour cet homme si fort engagé dans la séparation des églises et de l'Etat, l'idée que l'appui anglais et le système des traités européens permettait à la France de retrouver son rôle traditionnel et multiséculaire : "Gesta Dei per francos".
L'alliance faillit aller plus loin en 1940, où l'on parla de fusion des deux Etats. Elle jeta ses derniers feux dans l'erreur du débarquement de Suez en 1956.
Dans la doctrine gaullienne, le renversement d'alliance est complet : l'Angleterre vouée aux gémonies et l'Allemagne l'ami fidèle dans la paix des braves, un ami que l'on espère évidemment cantonné au rôle d'un Poulidor européen, un éternel second.
Or c'est justement là que le système de l'alliance durable et quasi-automatique joue un rôle très paradoxal et sulfureux dans nos deux derniers siècles. Car à chaque nouveau départ : en 1815, en 1918, en 1963, la France est plus grande que le partenaire auquel elle lie son sort, elle a plus d'influence, plus de poids, plus de reconnaissance, plus de prestige. Et à chaque fois, dans la période d'alliance préférentielle, le partenaire privilégié la rejoint et la dépasse. Tout se passe comme si la doctrine de politique extérieure devenait aussi la ligne directrice de l'action publique intérieure, et comme si l'alliance vidait la France de sa substance par un jeu de vases communicants ... à sens unique.
Nous le voyons particulièrement aujourd'hui dans notre relation avec notre voisin allemand, qui relève plus de la sujétion que de l'alliance. Bientôt, on nous demandera de payer tribut, si ce n'est déjà fait. Et il est significatif que, dans la bouche de la très grande majorité des tenants de la construction européenne, l'admiration de l'efficacité allemande tienne lieu de doctrine quant à l'avenir de l'Union. Or on voit bien l'inconvénient d'une puissance seule dominante dans un système d'esprit mutualiste. Ce sujet devra guider notre réflexion sur l'avenir de notre doctrine extérieure.
Par ailleurs, s'il est vrai que nous ne pouvons ressusciter ce que l'échec de Suez a révélé inepte, qui est la solution coloniale, il ne fait aucun doute en revanche qu'en Afrique et dans une partie de l'Asie, les liens affectifs et historiques tissés entre les deux principales puissances coloniales d'autrefois et leurs anciens colonisés peuvent jouer un rôle dans la solution de difficultés particulières et aiguës, comme on vient de le voir au Mali.
La construction de notre diplomatie sur trois axes est donc désormais logique : la Francophonie (un Francophone sur huit ou neuf seulement habite la France métropolitaine, berceau de sa langue), l'Union européenne comme une fédération d'Etats-nations (selon le mot de Delors), et pour un certain nombre de sujets particuliers, le tandem franco-britannique.
Il est évident que les Britanniques peuvent jouer un rôle mineur seulement dans les questions de la Francophonie, qu'ils veulent en jouer un encore plus mineur dans les développements européens. Il est tout aussi évident que la fédération d'Etats-nations devrait avoir pour but entre autres la coordination des intérêts diplomatiques de ses membres et que ce qui existe avec la monnaie au profit de l'Allemagne devrait exister dans d'autres domaines au profit de la France, ce qui semble moins apparent ces derniers temps.
Enfin, l'alliance germano-britannique constatée récemment pour imposer une diminution du montant du budget européen, si elle recouvre une logique politique (le Parti Populaire Européen, au pouvoir dans ces deux pays), n'ouvre guère de perspective sur le développement harmonieux de l'Europe. Il semble donc que, sous des couverts très souriants, la construction européenne traverse l'une des crises les plus graves de son histoire. Les optimistes se consolent en espérant que ce forfait donnera l'occasion au Parlemnt européen de s'exprimer et de prouver à la fois son existence et son utilité à quinze mois du renouvellement de sa composition. Comme disent les Britanniques, "wait and see".
23:35 | Lien permanent | Commentaires (17) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Commentaires
Il me semble qu'il faudrait considérer nos relations avec l'Allemagne "avant" la chute du mur de Berlin en 1989 et "après". Parce qu'un an après la chute il y a eu la réunification :
"Le délitement du régime est-allemand est tel que, très vite pour le chancelier Helmut Kohl, la seule solution qui s'impose, c'est la réunification, c'est-à-dire l'absorption de la RDA par la RFA. Dès le 28 novembre, il présente un plan en dix points pour réunifier les deux Allemagne. Soucieux de stopper le flot migratoire de la RDA vers la RFA, de ne pas laisser le temps aux vainqueurs de 1945 de demander des conditions trop strictes, il veut mener l'affaire le plus vite possible36. La paix qui n'avait jamais été signée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale l’est le 12 septembre 1990 à Moscou. Le traité de Moscou rend à l'Allemagne sa pleine souveraineté37. La chute du mur de Berlin a donc abouti, presque un an plus tard, à la réunification des deux Allemagne (RFA et RDA) le 3 octobre 1990. Le 3 octobre est aujourd'hui la fête nationale allemande (Tag der Deutschen Einheit, « jour de l'unité allemande »)." extrait de Wilipedia
L'Allemagne s'étant reconstituée plus "grande" et avec deux cultures différentes, nos visions entre nos deux pays n'en ont-elles pas été forcément modifiées ? Cela pourrait expliquer bien des points de différence et d'incompréhension mutuelle. Entre autre on ne devrait pas autant admirer l'industrie allemande et la prendre en référence, car les salaires ne sont pas garantis par un minimum imposé par exemple.
Écrit par : Françoise Boulanger | 17/02/2013
Toutes ces réflexions historiques sont intéressantes et je ne connaissais pas tous ces détails.
Mais est-ce qu'aujourd'hui la place des Etats reste aussi importante qu'avant? Tous ces dialogues entre Etats (notamment le couple franco-allemand) partent d'une bonne intention, avec une volonté respective de progresser (et pas seulement de se concurrencer) mais dans les faits, ce sont les citoyens des Etats qui opèrent des rapprochements (ou pas) et les entreprises qui créent les liens économiques. Concernant les rapports entre la France et l'Allemagne, un exemple: de moins en moins de jeunes veulent apprendre l'Allemand http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2012/04/12/01016-20120412ARTFIG00673-langue-allemande-en-baisse-dans-les-ecoles-francaises.php. C'est sans doute lié à différents facteurs (notamment l'attractivité de l'Anglais) mais c'est un fait qui interroge...
Écrit par : Eric | 17/02/2013
@ Eric
Le point de vue de l'article est celui des Etats, du choix de l'Etat et de ses conséquences à moyen-long terme. Mais tes observations sont justes, l'Etat n'est pas tout.
Écrit par : hervé torchet | 17/02/2013
Dslée Francoise, si Wolfgang t'avait croisée suis certaine qu'il t'aurait cordialement détestée.
Et par le nom que tu portes^^^ et SURTOUT par ton mode de fonctionnement .
Écrit par : Martine | 18/02/2013
@ martine
Je suis opposé par principe à toute forme de censure, mais si vous continuez à harceler mes lecteurs, je sévirai.
Écrit par : hervé torchet | 18/02/2013
Le problème que nous, Français avons est triple :
Le premier c'est que dans un monde dangereux et incertain, à chaque fois qu'il s'agit de se battre, et parfois il le faut, les Anglais sont à nos côtés et les Allemands sont aux abonnés absents.
Le deuxième problème, c'est que le seul accord politique possible avec les Allemands ne peut exister que sur la base de la stricte égalité et du compromis, à commencer par le domaine économique.
Or nous sommes en situation déséquilibrée en ce moment parce que nous n'avons voulu/pu faire les efforts nécessaires quand il l'aurait fallu.
Troisième problème il n'existe pas d'autre possibilités politiques qu'un choix entre les deux options précédentes et surtout pas le mirage d'un accord avec l'Espagne et l'Italie qui pour des tas de raisons se méfient de nous (à mon avis à juste titre).
Le dessert chocolaté qui nous sert de président de la République a réussi le miracle de se fâcher avec l'Allemagne, de se ridiculiser vis-à-vis des Britanniques et de rater son rapprochement avec les pays du sud...le tout au final, pour s'écraser comme une chiffe molle au dernier sommet européen.
Et le tout en neuf mois...chapeau !!!
Vous, monsieur Torchet qui avez fait profession d'antisarkozysme obsessionnel pendant des années qu'auriez vous dit si Nicolas Sarkozy avait réussi une telle "performance"?
Une politique, monsieur Torchet, ne se juge, ni à la personnalité, ni au style, ni aux intentions, elle se juge aux résultats
Merci messieurs Bayrou et consorts d'avoir concouru à ce désastre européen pour notre pays.
Écrit par : Jihème | 18/02/2013
@ jihème
Etant donné que je ne partage pas votre opinion sur les résultats du président Hollande, vous comprendrez que je ne partage pas non plus votre conclusion globale.
Écrit par : hervé torchet | 18/02/2013
Tout allant donc pour le mieux dans la France du dessert chocolaté, continuons donc.
Le président du Conseil général de Corrèze est sur la bonne voie, bénie par avance par le MODEM, monsieur Bayrou et monsieur Torchet.
Qui pourrait parler à leurs propos de cocus magnifiques?
Personne et surtout pas moi.
D'ailleurs vous avez raison, quand on aime, on ne compte pas et surtout pas le taux de croissance, les chiffres du chômage, l'endettement, le déficit des budgets publics et des collectivités locales.
Vous avez raison monsieur Torchet, ne nous intéressons pas aux détails subalternes, ils se chargeront eux mêmes de se rappeler à notre attention bien assez tôt.
Écrit par : Jihème | 18/02/2013
@ Jihème
Pour l'endettement et les déficits, votre poulain a battu tous les records.
Concernant l'action de Hollande, je le trouve meilleur président que son prédécesseur. En revanche, je regrette que le gouvernement ne soit pas plus attentif à tenir certaines promesses du candidat Hollande. Je suppose que celui-ci en tirera les conséquences, ce qui me paraît nécessaire. Pour ce qui concerne les collectivités locales, je suppose que vous ne croyez pas qu'il appartienne au pouvoir central de les gérer à la place de leurs exécutifs régulièrement élus. Je les trouvais en général mal gérées sous Sarkozy, elles ne le sont pas mieux aujourd'hui. Il faut dire que leurs exécutifs n'ont pas changé.
Écrit par : hervé torchet | 18/02/2013
Monsieur Torchet...voyons...
Dans l'intervalle il y a eu une crise telle qu'à un moment (Bruno Le Maire le raconte dans son livre) on a étudié sérieusement la possibilité de revenir au franc après explosion de l'euro...On en était à chercher une imprimerie...
Ce genre de petite plaisanterie a un coût et c'est avec ce genre de péripétie qu'on fait flamber l'endettement.
Quant au reste, le dessert chocolaté a été, est, et demeurera le secrétaire national du PS, celui dont Ségolène Royal a pu dire : "J'ai vécu 30 ans avec lui, je ne l'ai jamais vu prendre un décision".
Il ne mettra pas au pas les exécutifs locaux pour la simple raison que ce sont eux qui l'ont fait roi, il ne tiendra pas ses promesses électorales, pour la simple raison qu'elles sont soit impossible économiquement ou politiquement à tenir.
Mais ça tout le monde le savait à l'avance, monsieur Bayrou en tête.
Seulement soyons clair, monsieur Bayrou escomptait que la déception et l'amertume inévitable des Français qui s'en suivrait le renforcerait politiquement.
Car c'est ce genre de calcul politicien minable qui nous vaut ce pouvoir hypocrite, incohérent, mensonger, aussi peu professionnel que possible.
En tout cas monsieur Borloo, le grand bénéficiaire de cette brillante manoeuvre, en rigole encore...
Monsieur Torchet, je sais ce que c'est qu'un militant.
Alors écrire:
" En revanche, je regrette que le gouvernement ne soit pas plus attentif à tenir certaines promesses du candidat Hollande." ne suscite chez moi qu'une seule réaction : un hurlement de rire...
Comme si vous ne le saviez pas à l'avance...!!!
Ce coup de poignard dans le dos, cette trahison, le MODEM la paye et continuera de la payer car personne et surtout pas Flanby ne se fait d'illusions sur le manque de sérieux et de sens de l'état de ceux qui s'en sont rendu coupable, il en a tiré les conséquences et en a remercié Bayrou à sa façon mesquine.
Et ne vous faites pas d'illusions, contrairement à ce que vous pensez les Français s'en souviendront aussi.
Alors allez donc demander à plat ventre des postes à Flanby et à sa clique après les municipales, vous aurez des chances à ce moment là de percevoir vos trente deniers, vous en profiterez....pendant deux ans.
Par ailleurs vous serez aimable de ne pas supposer que NS est mon poulain, ce n'est pas mon genre de beauté, mais je reconnais le travail accompli.
Écrit par : Jihème | 19/02/2013
@ Jihème
Avant même la crise, les décisions de votre champion avaient fait plonger le déficit de l'Etat de plusieurs dizaines de milliards supplémentaires. Elles nous ont mis dans la pire des situations pour affronter les turbulences, turbulences d'ailleurs imprévues par votre champion seulement et annoncées par d'autres. Pour le reste, je vous laisse à vos procès d'intention.
Écrit par : hervé torchet | 19/02/2013
Très franchement Hervé, l'ai suffisamment subie que ce soit via tel ou web, pour savoir^^^.
Lui suggère de chercher soutien autrement, "pasque" dans ma ville et ailleurs on me connait avant tout par ce que je suis, mes interventions en milieu scolaire et transports, m'a facon d'etre et que difficilement manipulable mais que toujours soucieuse de l'intéret général qui passe avant le mien propre, avant tous autres attraits....
Pas moi la jalouse, oh que non!
Écrit par : Martine | 21/02/2013
Oups, sinon Hervé, le Wolfgang dont je parle est bien plus agé que celui de la Luciole, pas autiste pour un sou, et ne s'en laissera pas compter/conter.
Ne plierai pas, je trahirai et mon travail et mes convictions et mes proches qui aident.
Salut!
Écrit par : Martine | 21/02/2013
@ Martine
Quelle que soit votre opinion des autres, soyez aimable de respecter mes invités et sachez que chacun est maître chez soi.
Écrit par : hervé torchet | 21/02/2013
Je veux bien respecter vos invités, d'ailleurs n'ai jamais ennuyé ceux qui ont su faire de meme, ainsi Eric M et autres n'ont jamais eu a subir mes "fourches", il n'en va pas de meme avec certains de vos invités, n'est-ce-pas? Qui ont tiré les premiers pour essayer de me contraindre à les soutenir.
La meme problématique chez l'héré.
Leur souhaite bon courage!
Écrit par : Martine | 21/02/2013
Oups: ou pour essayer de me contraindre à les soutenir, ou pour m' extorquer des idées pour leurs programmes.
Ils devraient se résigner, la belle époque est pasée et révolue.
Il y a d'ailleurs dans ma ville une personne qui fulmine et exige (rhoo pas accès à certains programmes en élaboration), il ne va pas etre décu du voyage^^^, il n'en est qu'aux prémices...
Écrit par : Martine | 21/02/2013
". Les deux membres de la FAC qui sont morts ce matin, percutés"...
Extrait du dernier billet de l'héré...N'est-ce pas pathétique ce n'importe nawak?
Enfin bon bref, qu'il se débrouille sans moi désormais, il est libre de dire tout et son contraire et de pratiquer la désinformation si bon lui chante.
Écrit par : Martine | 22/02/2013
Les commentaires sont fermés.