Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

22/05/2014

Jean Arthuis, Benjamin Button du Centre

Il peut être paradoxal de dire que Jean Arthuis rajeunit à mesure que sa vie s'écoule, étant donné qu'il fut élu pour la première fois maire de sa ville lorsqu'il avait vingt-six ans, et pourtant, pour moi qui le vois comme l'un des leaders politiques du Centre depuis près de trente ans, il y a du Benjamin Button chez Jean Arthuis.

Je l'ai dit, il fut élu à vingt-six ans maire, à trente-et-un conseiller général, et s'il lui a fallu attendre l'âge de trente-huit ans pour entrer au Sénat, c'est vraiment parce qu'à cette époque-là, l'âge minimal pour devenir sénateur était 35 ans. Il est donc entré au Sénat à la première élection qui concernait son département de toujours, la Mayenne, en 1983. Trois ans plus tard, il devint secrétaire d'État, et c'est alors que je le vis pour la première fois.

J'occupais en 1986 des fonctions dans le mouvement de jeunes du CDS, les JDS, Arthuis était l'un des ministres et secrétaires d'État (il devait y avoir Méhaignerie, Barrot, Monory, Georges Chavanes maire d'Angoulême, le regretté Adrien Zeller et le toujours jeune Bernard Bosson), j'eus à faire la tournée des cabinets des ministres pour je ne sais quel motif pratique lié aux Universités d'Été. Je rencontrai Arthuis parmi ses conseillers qui s'installaient dans des locaux modestes.

Arthuis, à cette époque, avait une coquetterie dans le regard, les yeux qui fuyaient, et cela lui donnait une réserve particulière. Les épaules carrées, la face plate et large, l'incarnation du terroir qui faisait oublier son côté expert comptable. Il s'exprimait d'une façon extrêmement technique et professionnelle. En un mot, il jargonnait.

Pendant de très longues années, cette image lui colla à la peau, pour le meilleur ou le pire. Le meilleur, parce qu'il fut, de 1995 à 1997, comme ministre des finances, l'un des pères de l'Euro, et l'un principaux acteurs de la future entrée de la France dans l'Euro. Le meilleur aussi, parce qu'il fut longtemps l'une des meilleures autorités du Sénat sur les questions budgétaires et financières. Le pire aussi, parce que ces qualités lui fermaient le contact direct avec le militant comme avec l'électeur, il n'est jamais devenu député et le suffrage universel direct n'a pas été l'atout premier, jusqu'ici, de ce surdoué des élections au second degré.

Et le voici dans cette campagne européenne, rajeuni malgré ses presque soixante-dix ans, la silhouette mince, le pas élastique, l'air enjoué, et le vrai plaisir d'un homme qui découvre enfin la joie du suffrage universel direct comme tête de liste. Et tous ses carcans d'économiste, ses habitudes de technocrate, son allure compassée de sénateur semblent s'être envolés en même temps. Le voici à la porte de l'adolescence, lui qui était presque encore adolescent lorsqu'il entra en politique, voici plus de quarante ans. C'est la magie de l'utopie européenne qui semble le métamorphoser.

Je ne suis toujours pas entièrement d'accord avec lui. Il plaide sans fin pour la TVA sociale, alors que je suis très prudent dans ce domaine, il voudrait que la Mayenne rejoigne la Bretagne en cas de regroupement de régions, ce qui ne me paraît pas acceptable, mais je l'ai entendu prendre des positions sur certaines questions importantes en ce moment, d'une façon qui m'a convaincu. J'aurais pu voter Jadot, qui est un personnage sérieux et qui défend des principes cruciaux, j'aurais pu voter Troadec pour garantir la Bretagne à cinq départements. Mais puisqu'il faut choisir et puisqu'on n'a qu'un vote, je rendrai hommage à mes années de jeunesse, quand je faisais de la politique, et je voterai pour Jean Arthuis, et pour ses colistiers, parmi lesquels se signalent Nadine Kersaudy, présidente des maires ruraux du Finistère, et bien entendu la rescapée des JDS, récemment élue première adjointe au maire de Quimper, Isabelle Le Bal, qui pousse la liste à une position où il faudrait un carnage et un miracle pour qu'elle soit élue, et à travers eux pour Guy Verhofstadt.

Le plus important, dans cette élection où les esprits les plus retors rivalisent d'euroscepticisme et de démagogie nauséabonde, c'est que soit préservée la plus grande invention politique du XXe siècle : l'Union Européenne. Elle n'est pas sans défauts, l'Union, elle mérite de devenir plus démocratique, elle mérite aussi que l'on resserre ses activités sur ce qu'impose la subsidiarité, mais si le projet des pères fondateurs réussit, et si elle se tient à l'écart d'erreurs comme le TTIP (ou TAFTA), elle permettra aux vieilles nations du vieux continent d'aborder le nouveau monde qui s'annonce dans les meilleures conditions et d'y trouver une place à la mesure des principes éthiques et sociétaux qui font sa dignité et sa légitimité historique.

17:45 | Lien permanent | Commentaires (2) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Hello Hervé,

Petite erreur qui m'étonne de ta part pour les ministres CDS en 1986 : Jacques Barrot n'y était pas, il est revenu seulement en 1995, en revanche, il y avait un Breton que tu as oublié, Ambroise Guellec, que j'avais rencontré à Loctudy en 1988.

J'ai abouti à la même conclusion pour des raisons politiques : il faut sauver le soldat UE de toutes les démagogies.

Bonne journée,
SR

Écrit par : SR | 09/06/2014

Merci Sylvain, c'est vrai qu'Ambroise est devenu ministre, une fonction d'ailleurs méritée. Hélas, les bisbilles locales ont à peu près détruit le centre finistérien, naguère prospère. J'aurais dû consulter mes papiers.

Écrit par : Hervé Torchet | 09/06/2014

Les commentaires sont fermés.