Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

28/05/2014

La Bretagne mérite justice

On a presque peine à devoir le rappeler, mais dans presqu'île, il y a île. Par certains aspects, la Bretagne est une île. Aucune autre région française n'a autant de kilomètres de rivage maritime que la Bretagne, aucune autre n'a une telle histoire maritime. Cela, Paris, au milieu des terres de la France, vieille nation terrienne, n'arrive absolument pas à le comprendre.

Nulle part en Bretagne on n'est à plus de cinquante kilomètres de la mer. Cela, sans doute, on peut le dire de l'Aquitaine aussi, ou de la Normandie, mais nulle part en Aquitaine ni en Normandie (sauf dans le Cotentin, terre d'ailleurs gagnée par les Normands sur les Bretons au Xe siècle) on ne peut se trouver à moins de cinquante kilomètres de la mer, au nord comme au sud, et parfois, vers Carhaix, on se trouve à moins de cinquante kilomètres de la mer, non seulement au nord et au sud, mais aussi à l'ouest.

Cela, cette vérité, est inimaginable pour n'importe quel autre Français que pour un Breton.

Cela n'a rien à voir avec un réflexe identitaire, c'est une réalité contingente depuis la fin de la dernière glaciation, voici environ dix mille ans. Oui, depuis dix mille ans, les hommes qui vivent là, qui ne se sont pas toujours appelés Bretons, et dont on ne connaît pas le nom avant que les Romains ne nous le transmettent, ces hommes, en levant les yeux, voyaient la mer.

Cela n'a rien à voir avec un réflexe identitaire, c'est une réalité, une réalité dans la terre, dans l'air, et dans la chair de la Bretagne et des Bretons. Et les chiffres seraient accablants s'il fallait les énumérer pour prouver que l'arrimage de la Bretagne à la vieille couronne terrienne des capétiens a fait se dissoudre la substance humaine, la vitalité de ce territoire, en lui interdisant de vivre sa nature contingente de territoire maritime, de presqu'île, de péninsule, d'Aremorica au sens où les Gallo-Romains l'entendaient.

Dans la France du XVe siècle, il y avait un peu plus de dix millions d'habitants sans doute. Dans la Bretagne de la même époque, celle sur laquelle je travaille depuis de longues années, il y en avait plus d'un million. Comparons donc : aujourd'hui, dans cette Bretagne, il devrait y avoir un dixième de la population française, soit six millions et demi. Or il y en a environ quatre. C'est donc bien que l'arrimage du vaisseau à la côte, que sa mise en cale sèche l'a dévitalisé.

Cela, ce n'est pas un réflexe identitaire que de l'affirmer, c'est un constat, chiffres en main. Et ce n'est pas un réflexe identitaire, pour cette terre, et pour ceux qui y vivent, de retrouver enfin leur vraie vie, leur authentique nature, leur condition humaine et maritime.

C'est d'autant moins un réflexe identitaire que la France a tout à gagner à laisser la Bretagne vivre sa vraie vie, car la France, jadis première puissance maritime du monde, elle le fut sous Colbert et en 1939, est une puissance dont la capacité maritime ne cesse de se retrognoler à mesure que le périmètre de ses décisions politiques se restreint par la faute d'une génération de dirigeants qui ne savent rivaliser que dans la nullité, le nombrilisme mesquin et l'inutilité nuisible.

Enfin, quel est ce caprice, de quel roi auto-proclamé qui voudrait que justice ne soit pas rendue à la Bretagne ? De quel droit ? Et selon quelle logique ?

Ne pas rendre justice au plus petit des Français, c'est ne pas rendre justice à la France tout entière. Ne pas rendre justice à la Bretagne, c'est ne pas rendre justice à la France tout entière, c'est insulter l'Histoire, et l'Histoire finit toujours par se venger.

Ce régime qui, aujourd'hui, pense imposer sa loi à la réalité se trompe. Dans le film "Un homme pour l'Éternité', à propos de Thomas More, ce saint apostrophe le roi Henry VIII de la façon suivante : "Si la terre est ronde et si le roi décrète qu'elle est plate, est-elle plate pour autant ? et s'il décrète qu'elle est ronde alors qu'elle est plate, est-elle ronde pour autant ?" Ce régime moribond, dévoré de l'intérieur par un long ver noir comme le roi Louis XIII, ne peut faire que la Bretagne n'ait que quatre départements si elle en a cinq.

Le maréchal Pétain voulut insulter la Bretagne parce que tous les premiers résistants venaient d'elle. Il l'amputa. En ne reconnaissant pas cette forfaiture pour telle, la France insulte la mémoire de ceux qui, les premiers, se sont levés pour elle. Si j'étais breton et que je possédasse une médaille liée à la Résistance, je la rendrais aussitôt.

Et je rends aussitôt, moralement, les décorations reçues par mon père, mes deux grands-pères et deux de mes arrière-grands-pères au service des armes de la France dans le seul XXe siècle. M. Hollande peut-il en dire autant ?

De Gaulle, à la suite de Michelet, disait "La France est une personne". Cette personne, la France, si je vais me promener dans les rochers, par le beau soleil de week-end de l'Ascension, il me semble que je l'entends pleurer sur ses enfants perdus auxquels on refuse justice.

Tôt ou tard, la Bretagne obtiendra cette justice.

23:27 | Lien permanent | Commentaires (2) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

On connait les efforts que Hollande fait pour faire oublier le passé, idéologique notamment, de son père ...

Sinon, sur l'exploitation par la Bretagne de sa force numéro 1, l'ouverture sur la mer, concretement, quelle forme devrait-elle prendre ?

Écrit par : Le Parisien Libéral | 03/07/2014

En plus de la pêche et du trafic maritime, activités historiques, on pourrait ajouter l'hydraulien, p ex, mais il y a bien d'autres possibilités à inventer.

Écrit par : Hervé Torchet | 03/07/2014

Les commentaires sont fermés.