25/01/2015
Étranges doubles jeux diplomatiques
Sur le papier, tout est simple. En apparence, tout est clair. En réalité, la diplomatie se joue dans les couloirs, elle s'y est toujours jouée, et avec l'évolution des démocraties, elle se joue de plus en plus en amont des urnes. En politique et en démocratie, c'est souvent celui qui a le plus d'argent qui gagne, et il y a deux catégories de puissances financières qui peuvent s'acheter des candidats : les mastodontes économiques et les États. Les liens supposés avoir uni Sarkozy à feu Khadhafi résument ce que j'entends par là.
Au Proche Orient, la diplomatie française plonge depuis la chute de Saddam Hussein. L'Irak était devenu notre principal allié occulte au Moyen Orient depuis 1970. La Compagnie Française des Pétroles (CFP devenue Total) contrôlait en 1970 la majorité du pétrole extrait dans ce pays. Mais Saddam, arrivé au pouvoir à la fin des années 1970, se montra l'adversaire le plus résolu et le plus dangereux d'Israël, ce qui fragilisait cette diplomatie occulte, qui resta protégée pendant de longues années par la tragédie négligée qu'a été la guerre Irak-Iran.
Après la fin de ce conflit, il devint vite difficile d'empêcher le chef de l'Irak de s'enfoncer dans l'impasse de la répression, et encore plus de l'empêcher de tomber dans le panneau que lui tendaient les États-Unis. La suite est connue, ce fut la première guerre du Golfe, où les Occidentaux, financés par les pétromonarchies, renversèrent un régime laïque pour le remplacer par ... par rien, en fait.
Le président Chirac, qui arriva ensuite, donna justice aux survivants de la Shoah en reconnaissant le rôle de la machine d'État dans la Déportation, mais il n'était pas un ami d'Israël. Il fut au bord de la guerre avec ce pays en raison des affaires libanaises. Son allié dans la région se nommait Hariri, un milliardaire musulman sunnite et libano-séoudien dont les connexions ont reçu peu de publicité jusqu'ici. Puisque Chirac piochait chez les Séoudiens, Sarkozy alla se servir chez les rivaux de ceux-ci, au Qatar, et c'est là que commence le plus troublant des doubles jeux diplomatiques récents, d'autant plus troublant qu'il perdure.
Sur le papier, tout est simple : Israël a un ennemi principal : le Hamas, mouvement palestinien minoritaire en Palestine entière, mais majoritaire dans la Bande de Gaza. Or le Hamas est financé grandement par le Qatar. Donc le Qatar est le principal ennemi d'Israël ? Heu, non, en fait. Car la droite israélienne appuie un responsable politique français, l'ancien président de la République Nicolas Sarkozy, et celui-ci est réputé l'allié et le conseiller le plus intime de l'émir du Qatar. Résumons donc : officiellement, la droite israélienne voue une haine acharnée au Hamas, mais en réalité elle soutient un homme politique qui inspire le Qatar.
On connaît le vieux principe : les ennemis de mes ennemis sont mes amis. Logique flagrante. Or là, pas du tout : les amis de mes amis sont mes amis, mais les ennemis de mes amis le sont aussi, comme d'ailleurs les amis de mes ennemis. Ce n'est plus de la diplomatie secrète, c'est de la duplicité, poussée à un point qu'elle ne peut que révolter. Et il faut bien se poser la question la plus dérangeante : si la droite israélienne est l'alliée du Qatar, quel est le prix de cette alliance ? Et enfin, plus crument : la droite de M. Netanyahou est-elle financée par le fleuve de pétrodollars de l'émir du Qatar ? Si cela était, on comprend le poids de "Bibi" Netanyahou sur son pays. En démocratie, celui qui gagne est presque toujours celui qui a le plus d'argent. Mais qu'il prenne garde : tôt ou tard, la justice reprend son droit.
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Commentaires
Analyse intéressante : donc il faut que la France puisse se passer du pétrole pour retrouver son indépendance.
Écrit par : Rosa | 25/01/2015
Ça semble le minimum
Écrit par : Hervé Torchet | 25/01/2015
Les commentaires sont fermés.