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23/01/2015

Quimper, ville d'exil

Quimper est le chef-lieu du Finistère depuis 1790. C'est une ville moyenne, environ 60000 habitants, très ancrée dans son arrière-pays. Là commence la version sud du "bout du monde", c'est-à-dire les deux caps de l'extrémité sud-ouest de la Bretagne : le Cap Caval et le Cap Sizun, entre lesquels s'étend l'immense et splendide Baie des Trépassés.

Le mot Quimper signifie, en langue bretonne, "confluent, pêcherie". Il y avait jadis à Quimper trois grands moulins sur l'Odet, le petit fleuve qui arrose la ville, et sur le Teir qui s'y jette : le moulin de l'abbaye-prieuré de Locmaria, le moulin du duc de Bretagne, et enfin celui de l'évêque de Cornouaille, Quimper fut pendant mille ans au moins la capitale de l'ancien diocèse de Cornouaille. Chacun de ces moulins était posé sur une retenue d'eau, l'Odet devenait un chapelet d'étangs à écluses.

Du temps des ducs de Bretagne, le grand diocèse de Cornouaille était le plus pauvre des neuf bretons (Cornouaille, Léon, Tréguier, Saint-Brieuc, Vannes, Saint-Malo, Dol, Rennes et Nantes). La ville eut son heure de gloire au XIe siècle, mais cessa vite d'abriter une instance importante du pouvoir politique. Cependant, dans la Bretagne libre, celle des ducs, la ville tirait son épingle du jeu. À partir de 1600, après la période incertaine du XVIe siècle, Quimper se découvrit ville du bout du monde, loin de tout, à l'écart des grandes routes maritimes, et surtout à l'extrême périphérie du territoire qui recevait la considération du pouvoir parisien.

À Paris, on avait une idée si élevée de Quimper.... qu'on y exilait les personnages mal vus du roi ou de son entourage. Je l'ai constaté en écrivant mon dernier livre, la biographie de Guy Autret de Missirien, Quimper était tenu pour un tel "trou" qu'on y voyait la terre d'exil idéale. On y exila le jésuite Nicolas Caussin, confesseur disgracié du roi Louis XIII. On y exila aussi Duhamel, le janséniste trublion qui s'en alla ensuite à Bellême.

Voltaire exprima plus tard son mépris pour cette Basse-Bretagne qui avait donné le jour à son ennemi préféré : Élie Fréron.

Il n'y eut qu'une brève embellie, grâce à Augustin Le Goazre de Kervélégan, premier vrai politicien quimpérois, qui sut faire jouer ses hauts réseaux versaillais et parisiens pour obtenir que le chef-lieu du Finistère fût placé dans sa chère ville.

Tout ceci paraîtrait anecdotique et doit faire sourire mes amis parisiens qui me lisent, mais un fait récent vient de renforcer l'impression de mépris que les Quimpérois ont lorsqu'ils envisagent la façon dont Paris les considère. Depuis le 6 janvier, la ligne aérienne Paris-Quimper est dotée d'un avion ... à hélices. Mermoz, relève-toi, ils sont devenus fous. Bientôt, on la dotera d'un biplan, et puis, pourquoi pas, d'un planeur, ou d'un avion à pédales.

Malgré ce camouflet, la ligne reste, et de loin, la plus chère de France. Il est plus onéreux et désormais plus lent de voler de Paris à Quimper que de Paris à Barcelone, qui est pourtant plus de deux fois plus loin. Avec cela, bien entendu, comme les quotas de pêche se réduisent comme peau de chagrin, et comme l'agriculture productiviste est en pleine crise, on dit : "développez le tourisme".

Imbéciles. Avec des avions à pédales, on va évidemment le développer, le tourisme.

De toute évidence, à Paris, tout le monde s'en fout, de ce "trou" de Quimper, loin de tout, loin des caméras, loin des paillettes, loin de l'argent, loin de soi. Fi donc !

Et puis évidemment, on songe au grotesque projet de Notre-Dame des Landes, et alors, on comprend : comme les Cornouaillais sont extrêmement opposés à cet projet de "grand aéroport" qui menace à terme l'existence même de l'aéroport quimpérois, eh bien, le lobby aéronautique tape sur ce point faible qu'est Quimper-Pluguffan. Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage. Signalons la manifeste et suspecte inertie des politiques devant ce scandale. Ils le paieront.

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Commentaires

Très bon papier ! Quelques corrections minimes cependant :Quimper/Kemper = "confluent, OK mais pourquoi "pecherie" ? à moins que tu n'aies pensé au toponyme "Pichery" qui semble en effet dérivé du mot français. Un troisième cours d'eau délimite la ville, maintenant pratiquement invisible et donc régulièrement oublié, c'est le Frout - sans moulins, il est vrai. Amitiés, Gweltaz

Écrit par : gweltaz ar fur | 24/01/2015

Je reprends ce que Bernard Tanguy dit du mot Combrit, qui est l'équivalent en gaulois du breton Kemper : confluent, pêcherie. Étant donné la densité d'étangs dans le Kemper antique et médiéval, la pêcherie est une interprétation logique, et colle parfaitement avec le miracle de Saint Corentin multipliant les poissons. Le Frout eut aussi des moulins, je crois qu'ils appartenaient à l'évêque. La vieille "ville close", celle que Gradlon est supposé avoir donnée à Corentin, se trouvait donc cernée par les étangs et les moulins de trois côtés sur quatre. Le quatrième était une colline moins abrupte que celle d'en face. Celle d'en face se nomme le Frugy, celle d'en haut de la ville close n'a pas de nom connu jusqu'ici.

Écrit par : Hervé Torchet | 24/01/2015

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