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10/03/2015

Boute-feux, bains de sang et larmes de crocodile

L'immense majorité des humains, d'où qu'ils soient, ne veut que la paix et la concorde. Mais constamment, les boute-feux hurlent à la mort et réclament du sang, des pogroms et de la guerre. Dans les périodes de tension, des hommes et/ou femmes de bonne volonté tentent d'apaiser les esprits, mais il se trouve toujours un ahuri plus jusquauboutiste et plus boute-feu que les autres pour faire capoter les efforts de la sagesse et pour plonger le monde dans le bain de sang.

Le portrait entièrement à charge du roi François Ier, hier soir, sur la chaîne France 3, n'aurait pas mérité une seconde de commentaire autre qu'un mépris poli s'il n'avait illustré malgré lui ce ténébreux pouvoir des pousse-au-crime. Ce documentaire, qui a réussi à ne prononcer ni le nom de Léonard de Vinci, ni celui de Jacques Cartier, serait aussitôt retombé dans un oubli mérité s'il n'avait réussi, malgré lui il faut le répéter, à montrer comme l'engrenage de la haine est difficile à enrayer.

François Ier, homme de caractère heureux et solaire, ami des beaux-arts et doté d'un vrai goût, ce qui est aussi rare en politique qu'à la télévision française, vit monter la Réforme religieuse. Homme de conciliation et de faible sectarisme, il espéra jouer un rôle réconciliateur et, contre son ennemi Charles-Quint trop proche de l'Église de Rome, il s'aboucha avec des princes protestants, tout en soufflant le chaud et le froid sur les premiers protestants français.

Mal lui en prit : il reçut en pleine face l'affaire dite des Placards, des affiches incendiaires plus violentes que le plus violent des Charlie Hebdo, placardées un peu partout, notamment dans son propre château, et, dit-on, jusque sur la porte même de sa chambre. Ces affiches s'en prenaient en termes virulents au pape. Elles mirent François en difficulté, comme y sont souvent les modérés devant les outranciers. Il crut pouvoir manœuvrer mais dix ans plus tard, comme nous l'explique Ferrand avec moult détails évidemment affreux et intolérables, cet homme de compromis qui aimait les ouvertures audacieuses se résolut à l'impardonnable massacre qui fut le vrai point de départ des Guerres de Religion.

On aurait aimé une vraie réflexion sur l'affaire des Placards : qui sont ses auteurs ? quel est leur but ? Comprennent-ils qu'en défiant l'autorité royale jusque dans le palais même du roi, ils affaiblissent celui-ci alors même qu'il cherche (un peu à tâtons, disons-le) une solution de compromis pacifique ? Les boute-feux du départ n'ont-ils aucune part dans le massacre de l'arrivée ?

J'ai dénoncé pendant des années, vox clamans in deserto, les hurlements de ces boute-feux, les gesticulations de Bernard-Henri Lévy ont fini par éclabousser ses mains du sang de centaines de milliers de Libyens,  George W Bush devrait être traîné devant un Nuremberg et condamné à une prison perpétuelle. Tous ceux qui, au nom de quelque principe que ce soit, qui, en réalité, appellent au meurtre, méritent qu'on les fasse taire.

Il n'y a pas une France raciste aujourd'hui, pas plus qu'hier. Mais il y a la meute hideuse qui attire vers elle tous ceux que l'odeur du sang enivre, et qui, à leur tour, attirent vers eux toute la souffrance humaine, en quête de chimère, et toute la colère aveugle, en quête de boucs-émissaires. Daech, Boko Haram, ce sont de semblables fausses-couches de l'Histoire. De tous côtés, les loups hurlent à la mort, et les gens de bonne volonté tendent la main pour inviter à la paix. Au lieu de juger superficiellement et stupidement les personnages historiques, valorisons ce qu'ils ont offert d'exemple. Surtout si cela peut servir à la paix.

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