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01/12/2015

Premier tour des Régionales : les "petites listes" ?

Contrairement à plusieurs autres régions concernées par les élections des 6 et 13 décembre prochains, la Bretagne n'est pas menacée par une victoire du Front National. Cette particularité ôte de son importance au scrutin. Voyons ce qu'il en reste.

Il y a en Bretagne onze listes qui se disputent les suffrages des électeurs (telles que les présente Le Télégramme) :

- « Bretagne en luttes », Gaël Roblin ;

- « La Bretagne avec Jean-Yves Le Drian » (PS et divers gauche), Jean-Yves Le Drian;

- « Notre chance l’indépendance », Bertrand Deléon ;

- « Oui la Bretagne » (gauche régionaliste), Christian Troadec ;

- L’Union populaire et républicaine (divers), Jean-François Gourvenec

- « Debout la France » (droite souverainiste), Jean-François Foucher ;

- Front national, Gilles Pennelle ;

- « Le choix de la Bretagne » (Droite et centre), Marc Le Fur ;

- « Une autre voie pour la Bretagne » (EELV), René Louail ;

- « L’humain d’abord » (Front de gauche), Xavier Compain ;

- « Faire entendre le camp des travailleurs » (Lutte ouvrière), Valérie Hamon ;

"Bretagne en luttes", comme son nom l'indique, penche vers l'extrême gauche. de même que la liste de Lutte Ouvrière, et dans une moindre mesure le Front de Gauche. Ces trois listes se disputent les voix de l'ultragauche. "Notre chance l'indépendance" affiche la couleur et adopte le slogan le plus entier et le plus farouche, il s'agit de conduire la Bretagne à l'indépendance selon un schéma qui semble près de réussir en Catalogne, mais qui a échoué pour le moment en Écosse. La liste UPR de Gourvennec aura pour principal effet (et peut-être pour but) de réduire de quelques fractions celle de la droite "classique" ou celle du FN. Debout La France, en revanche, est un mouvement souverainiste dont la ligne est connue, celle de Dupont-Aignan. Le Front National, également, est connu.
 
Autant le dire tout de suite, aucun des mouvements cités plus hauts n'aura ma voix. Il en reste quatre.
 
La liste écologiste d'EELV est donnée à peine au-dessus de 5% selon les instituts de sondage. Les écolos bretons, qui ont longtemps opté pour le ni-droite ni gauche, et qui ont dû opter pour la gauche, semblent y perdre des plumes. Ils ont les défauts et les qualités que leur parti a partout ailleurs : des préoccupations vitales, des solutions innovantes, mais des arrière-pensées trop collectivistes qui nuisent à leur message vital, sans cependant enrayer l'heureux développement de l'agriculture biologique et, plus récemment, d'autres courants de l'économie verte. Enfin, Jadot est un type sérieux, mais la ligne de Louail me paraît plus trouble.
 
La liste de Christian Troadec, maire de Carhaix, est certainement celle qui incarne le mieux la Société historique bretonne, vouée aux campagnes et aux villes moyennes. Son combat pour la survie du petit hôpital de sa ville a fait de lui un héros aux yeux de tous les habitants de petites localités dont la vitalité, déjà vacillante, est encore menacée par la perspective de fermeture d'unités administratives nourricières en emplois comme des hôpitaux ou autres. Dans la foulée, il s'est montré très proche du mouvement des "Bonnets Rouges" bretons, qui ont obtenu la suppression de l'écotaxe et des portiques de surveillance routière. Leur mot d'ordre "Vivre, travailler et décider en Bretagne" rejoignait une aspiration réelle de la population qui s'y est identifiée pendant plusieurs mois. Mais les "Bonnets Rouges" ont publiquement refusé de se démarquer du mouvement national des Bonnets Rouges, dont la proximité avec le FN est connue, et, plus encore, beaucoup de patrons bretons proches des Bonnets Rouges, dans des enceintes plus ou moins closes, ne cachaient pas leur envie de "renverser la table" en portant la famille Le Pen au pouvoir. L'ambiguïté mal assumée, jointe aux idées de quelques-uns, semblent discréditer désormais le mouvement de Troadec, dont l'intégrité intellectuelle ne me semble pas devoir être cependant mise en cause. Malgré leur côté sulfureux, je pourrais voter pour les colistiers de Troadec, juste pour assurer leur maintien au-delà de la barre fatidique des 5%. Ce qui finira peut-être par m'en retenir, c'est leur aversion compulsive et viscérale contre tout ce qui touche de près ou de loin à l'écologie, car comme les agriculteurs les plus frustes, ils tiennent les écolos pour responsables de tous leurs maux et même de tous ceux de l'espèce humaine, ce qui me paraît au moins excessif. Le fait que Troadec ait annoncé qu'il ne fusionnerait avec personne entre les deux tours ne lui bénéficie pas, les lendemains du Bataclan l'éloignent de la perspective de siéger au Conseil Régional, ce qui ôte un peu de l'inconvénient de voter pour lui, tout en augmentant l'avantage d'exprimer à travers lui une vision historique de la Bretagne.
 
Il reste donc les deux dernières listes, les deux qui, selon les intentions de vote, peuvent gagner au second tour.
 
Il est probable que je voterai pour la liste de Marc Le Fur, au second tour. Je n'ai pas beaucoup d'estime pour l'homme politique, et je pense que sa qualité d'énarque devrait le discréditer de vouloir occuper la présidence d'une institution dont l'objet est avant tout économique. C'est dans la liberté et dans l'initiative que la Bretagne surmontera ses difficultés et la fin de son modèle économique actuel. La droite gagnerait beaucoup en se réenracinant dans les milieux consulaires et dans le monde entrepreneurial. Il faut des hommes et femmes à poigne et à forte valeur ajoutée économique pour remonter la Bretagne, pas des grenouilles d'appareil, ni des tentacules de réseaux. Mais il y a, sur la liste Le Fur, des amis du sénateur Canevet, que j'estime, et surtout, en troisième position dans le Finistère, Isabelle Le Bal, qui est à la fois une amie de très longue date et une excellente élue de terrain. En fin de compte, c'est probablement par cette fidélité que je me déterminerai au second tour pour la liste Le Fur, alors que le sarkozysme de celui-ci est, pour moi, rédhibitoire.
 
La liste de Jean-Yves Le Drian a toutes les chances de gagner au second tour, ce qui est une raison suffisante pour que je ne vote pas pour elle. Le Drian, ancien maire emblématique de Lorient, incarne à lui seul toute une époque de la culture bretonne, qui fait figure de temps héroïques, pour ne pas dire homériques, l'époque où la culture bretonne eut l'impression de relever la tête après des décennies ou des siècles de marginalisation et de culpabilisation. Cela se fit dans l'élan de la performance du modèle économique bâti dans les années 1960, et précisément dans les années 1980. L'absence de rénovation de la pensée de droite et l'effacement progressif du centrisme breton ont permis à cet élan culturel de s'emparer des leviers politiques de la Bretagne voici plus de dix ans. La réélection de Le Drian ne serait pas son troisième mandat complet, puisqu'il a été un temps remplacé par le fade Massiot. Mais elle signifierait un troisième mandat de suite pour la gauche, sans doute un mandat acquis, mais sans doute le mandat de trop. La gauche bretonne a su accompagner la transformation sociologique de la Bretagne, où les agriculteurs et anciens agriculteurs étaient encore majoritaires il y a peu, mais où les employés, fonctionnaires et retraités forment désormais les gros bataillons. Bâtir un accompagnement social de cette nouvelle population, organiser la redistribution de la richesse produite par le modèle économique conquérant, c'était dans leurs compétences. Aujourd'hui, nous n'en sommes plus là. Le dynamisme des PME montées en graine des Doux et autres est rompu, l'élevage de porcs est au bord de l'implosion, bref, l'agroalimentaire frise l'embolie et un autre modèle doit être élaboré et installé, pour lequel la méthode coopérative a fait ses preuves, une méthode qui s'oppose à mon avis frontalement au modèle étatique voulu par le PS. De la même façon, la métropolisation et la concentration économique, politique et humaine à l'intérieur même de la Bretagne, qui contredisent toute notre tradition commune, ne peuvent pencher qu'en faveur de la dévitalisation du territoire et de sa glissade vers la même embolie que celle qui menace l'État à Paris : un appareil d'État au coût croissant mais à l'efficacité décroissante. Pour Le Drian, pour ce qu'il a apporté, pour ce qu'il signifie, la victoire est sans doute acquise d'avance, mais ce sera une fin d'époque, un mandat de bilan et de transmission, peut-être des années perdues, qui seraient perdues en tout cas, si la droite se ressourçait plus dans une compétence économique active que dans des vulgates idéologiques à relents xénophobes qui ne favorisent que l'extrême droite. Et parmi les grands échecs de Le Drian, il faut compter l'occasion historique manquée de réunification de la Bretagne.
 
Voici donc où j'en suis de mes réflexions personnelles. J'hésite entre trois options : la première consiste à voter pour l'une des deux listes que les sondages situent juste au-dessus de 5%, de façon à leur garantir ces 5% et le remboursement de leurs frais, tout en exprimant des nécessités fortes : avec Troadec, l'égalité des territoires et l'enracinement des politiques publiques dans notre Histoire bretonne ; avec Louail, le respect de l'environnement, car si l'on en fait un peu trop (par exemple, l'idée de démolir des installations parfois millénaires sur les cours d'eau pour laisser passer les poissons me paraît absolument et irrémédiablement crétine), j'ai quand même l'impression que nous risquons de passer d'un extrême à l'autre et de jeter le bébé avec l'eau du bain. Je signale au passage que, tout en s'opposant sur à peu près tout, Troadec et Louail sont d'accord sur un point où je les rejoins entièrement : l'indispensable abandon du funeste projet dit Notre-Dame-des-Landes.
 
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La deuxième consiste à voter dès le premier tour pour Le Fur.
 
La troisième consiste à voter blanc pour sanctionner une classe politique qui me semble inadaptée aux nécessités de l'époque, en Bretagne comme ailleurs.
 
Je n'ai pas tranché entre ces trois options et je vais donc encore écouter jusqu'à dimanche.

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