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27/01/2008

Pont-l'Abbé, ville de Jérôme Kerviel.

Au moment où la baudruche de l'Arsène Lupin des banques paraît se dégonfler et où l'on commence à nous expliquer que le trader a tout simplement perdu très gros au jeu boursier subprimes, j'ai envie de parler de sa ville, sur laquelle j'ai publié deux ouvrages.
 
Tout d'abord, dès que j'ai entendu le nom de Kerviel, j'ai su qu'il était de mon coin, car c'est un patronyme typique de là-bas. Il y a des noms passe-partout, comme Martin ou Dupont, il y en a d'autres qui ont des racines solides, c'est le cas de Kerviel, à Pont-l'Abbé et dans ma commune bretonne, Combrit.
 
Pont-l'Abbé est l'une des rares communes finistériennes à avoir conservé un morceau significatif de château-fort digne de ce nom. Il faut dire que l'on parlait, dès le XVe siècle, de la "ville et château de Pont-l'Abbé".
 
De fait, il est probable que Pont-l'Abbé relève de la catégorie assez fermée des villes-châteaux fondées au XIe siècle. En écrivant ces mots, je ne formule en aucun cas une vérité admise, mais une hypothèse.
 
Il s'agit d'enceintes fortifiées assez vastes dans lesquelles les habitants se regroupaient dans des maisons. On retrouve le village gaulois d'Astérix et, mutatis mutandis, celui que j'ai très modestement contribué à fouiller dans le quartier quimpérois du Braden en 1984, qui datait de la fin du IIe siècle avant Jésus-Christ (vers 110 en fait) et qui était en effet gaulois.
 
Disons que les Armoricains, dans les temps effrayants ou sombres, ont eu le réflexe de se masser dans des agglomérations solidement défendues. C'est le cas au IIe sicèle avant JC comme dans toute la Gaule, c'est encore le cas à la fin de l'empire romain, c'est enfin le cas après le long traumatisme des raids puis des occupations danoises et normandes des IXe et Xe siècle.
 
Au Xie siècle, un grand souverain, Alain Barbetorte, reconstruit la Bretagne. Il bat un par un les féodaux et unifie un certain nombre de règles. Sous son impulsion, de nouvelles institutions voient le jour, dont ces villes-châteaux, toutes à peu près de même ampleur. On trouve en Cornouaille Quimper restaurée, Châteaulin, Conq (Concarneau), Rostrenen et quelques autres, bref, une par châtellenie ducale, dont plusieurs vont être inféodées, comme Pont-l'Abbé.
 
Cependant, je ne crois pas que le nom de cette ville ait été dès l'origine Pont-l'Abbé. Au XIe siècle, elle est confiée à un abbé membre de la parentèle des comtes de Cornouaille, qui me semble avoir été marié et ancêtre d'une lignée qui s'est éteinte vers 1200 dans une quenouille d'où est sortie la lignée proprement dite des sires de Pont-l'Abbé.
 
Quoiqu'il en soit, les seigneurs de Pont-l'Abbé vont avoir une fâcheuse tendance à choisir toujours le mauvais camp. En 1222, ils sont parmi les battus de la révolte contre le duc Pierre Mauclerc. En 1364, ils sont parmi les battus dans le camp "français" lors de la bataille d'Auray où s'est décidée l'issue de la longue guerre de succession où s'est disputé l'avenir de la Bretagne.
 
Malgré ce coûteux défaut, les sires de Pont-l'Abbé sont de puissants personnages à l'échelle de la Basse-Bretagne, les premiers de toute la Cornouaille lors des assemblées féodales bretonnes.
 
C'est au XVe siècle que se situe leur apogée : un même seigneur règne alors pendant plus de cinquante ans, fait un mariage remarquable avec la fille d'un compagnon de Jeanne d'Arc, et devient incontournable à la cour du duc de Bretagne. Il est cependant vendu au roi de France. Ca n'empêche pas son fils de mourir (apparemment dans le camp breton) lors de la terrible bataille de Saint-Aubin-du-Cormier où s'est éteinte l'indépendance bretonne, en 1488.
 
Ensuite, la seigneurie va d'une lignée à l'autre, au gré des héritages.
 
Elle passe entre les mains de protestants. Un seigneur de Pont-l'Abbé est défenestré à Paris le jour de la Saint-Barthélémy en 1572.
 
D'héritier en héritier, elle finit par être vendue à un personnage obscur, puis revendue à un petit-fils d'enrichi malouin. Le fils de celui-ci est celui des seigneurs (devenus "barons") de Pont-l'Abbé à faire la plus belle carrière : il épouse la fille du principal collaborateur du roi Louis XVI. Jean Baude, baron de Pont-l'Abbé, s'unit en 1777 avec la fille de Marc-Antoine Thierry, baron de Ville d'Avray (près Paris), premier valet de chambre du roi.
 
Il est officier dans l'armée du roi, commande un régiment à Valenciennes, lorsqu'éclate la Révolution. En 1791, il devient le numéro deux de la garde constitutionnelle du roi. Son beau-père est victime des massacres de septembre en 1792, lui-même s'exile et disparaît. On ne sait pas bien où ni quand il meurt. Ses enfants ne laisseront guère plus de traces, ils sont ruinés et ne bénéficieront guère des largesses de la Restauration.
 
La ville de Pont-l'Abbé, depuis le Moyen Âge, est enclose d'une enceinte en bois. D'aussi loin que la mémoire remonte (et jusqu'à aujourd'hui), il s'y tient marché le jeudi. Le château est fortifié à l'intérieur même de la ville, au bord d'un vaste étang nourri par les eaux de l'océan, Une muraille de forme patatoïde, cernée de douves, protège une chapelle, des bâtiments fonctionnels et une autre muraille, plus basse, quadrangulaire, avec quatre tours d'angle et un long corps de logis, qui est la résidence du seigneur.
 
Avant la Révolution, on peut découper Pont-l'Abbé en deux : d'un côté, rive droite, la ville bourgeoise. De l'autre, rive gauche, le faubourg de Lambour, d'où naissent les turbulences politiques. J'ai publié une correspondance, échelonnée de 1783 à 1792, qui montre ces réalités politiques d'alors et qui prouve que, plusieurs années avant la Révolution, des réseaux très actifs sont en place et poussent contre ce qui reste des principes féodaux, préparent en somme la Révolution.
 
Après la disparition de la baronnie, la ville s'enfonce dans l'anonymat et la grisaille. Un carrier commence à débiter le château dans les années 1830 et il faut une intervention énergique des pouvoirs publics, alertés par les amis de Prosper Mérimée (dans la foulée de la vogue du Moyen Âge lancée par les Romantiques), pour sauver ce qui en reste : une grosse tour flanquée d'une plus mince, le corps de logis agrandi au XVIIIe siècle, la base d'une autre grosse tour, une partie des douves. Le reste a déjà disparu.
 
Pont-l'Abbé, quoique port, a toujours eu une vocation terrienne : avant la Révolution, on y négociait les céréales. La région se développant ensuite autour de la pêche, Pont-l'Abbé s'est adapté. Puis, au XIXe siècle, on y a implanté une usine d'iode extraite du goémon ramassé sur les plages.
 
Politiquement, Pont-l'Abbé a la réputation d'être instable. J'ai lu que depuis la seconde guerre mondiale au moins, un seul maire y a fait deux mandats successifs : le centriste (CDS) Jolivet. Il faut donc croire, ce qui n'est pas évident, que cette ville est centriste dans l'âme. Elle ne supporte en tout cas ni d'être gouvernée par la droite, ni d'être gouvernée par la gauche, puisque dès qu'elle a l'une, elle ne pense qu'à s'en débarrasser, fût-ce pour l'autre.
 
Hélas, le MoDem n'y présente pas de liste aux élections municipales. C'est un travers de notre jeune parti : il est clivé. Localement, les adhérents du MoDem sont du centre droit ou du centre gauche avant d'être du MoDem. C'est pourquoi, d'après Ouest-France, ils ne sont pas parvenus à se mettre d'accord pour la constitution d'une liste : ceux du centre droit voulaient qu'au second tour on s'alliât avec l'UMP du maire Mavic, ceux du centre gauche préféraient l'alliance avec la gauche. Panser ce genre de plaies sera l'un des objectifs majeurs des mois qui viennent. Il faudra aussi faire passer l'idée qu'une alliance de second tour se passe plutôt entre les deux tours qu'avant le premier.
 
Le leader local du MoDem est Michel Canévet, le sympathique maire de Plonéour-Lanvern, commune voisine de Pont-l'Abbé, âgé de 44 ans, conseiller général. Il était en position de se maintenir au second tour en juin dernier aux législatives mais, arrivé troisième, il a suivi les conseils donnés avant l'élection en se retirant sans consigne de vote. Nombre d'électeurs ont regretté ce choix, estimant qu'il aurait été élu par le report de tous les petits candidats. Bayrou est arrivé en tête dans plusieurs communes de sa circonscription.
 
L'UMP, elle, lui reproche son absence de consigne de vote (il a pourtant indiqué qu'"à titre personnel" il voterait pour la députée UMP sortante, Hélène Tanguy).
 
Il y aura donc un stupide affrontement bipolaire à POnt-l'Abbé et, sans doute, une alternance de plus. 

11:10 | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : politique, Bretagne, Pont-l'Abbé, Kerviel, Mavic, UMP, MoDem | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook