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05/04/2009

Les nouveaux prolos de la culture peuvent-ils se révolter ?

Je vous invite à lire cet article qui rend compte d'un livre sur les "nouveaux prolos de la culture", c'est édifiant :

Une enquête choc et alarmante

Les prolos de la culture

Par Aude Lancelin

Précaires du journalisme, de l'édition, de la recherche ou de l'enseignement, ils sont payés au lance-pierre, exclus de l'assurance-chômage et frappés par la crise. Un livre révèle leur désarroi et ce scandale.

«Tu te la coules douce, c'est un métier de feignant que le tien.» Une phrase de «Zazie dans le métro» qui pourrait résumer le fond de l'air idéologique concernant une population qu'un livre de 2001 avait identifiée sous l'étiquette devenue fameuse d'«intellos précaires».

Chercheurs sans poste, «indépendants» de l'édition, journalistes en quête de piges, enseignants bouche-trous, scénaristes anonymes et autres stagiaires perpétuels, ils ont parfois un lourd bagage mais ne pèsent rien, ou si peu, sur le marché de l'emploi. Hormis leurs camarades de galère, qui les écoute et les plaint? Fauchés sans doute, mais pas plus que les OS de Gandrange. Fils à papa, ou rejetons de classes populaires bernés par une usine à gaz universitaire bradant du diplôme à tout va, ils n'ont pas fait les grandes écoles, et voudraient néanmoins qu'on leur trouve un emploi normalement rémunéré. Circonstance aggravante, ils prétendent lire et avoir un avis. Ah, ces fameux doctorants devenus chômeurs de longue durée... Ils n'ont décidément pas la cote dans les dîners du faubourg Saint-Honoré.

A quiconque cultive ce genre de préjugés peu flatteurs, et nul n'en est tout à fait exempt, on conseillera la lecture de l'étude menée par Anne et Marine Rambach dans l'univers des nouveaux prolétaires du milieu culturel.

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F. Mantovani
Anne et Marine Rambach

Huit ans après leur première enquête, publiée chez Fayard, ces deux trentenaires gays formant un couple ne peuvent que le constater: la situation s'est encore dégradée. Quelques collectifs se sont certes entre-temps créés, Génération précaire du côté des stagiaires, ou Sauvons la recherche, aujourd'hui en pointe contre la réforme Pécresse. Mais syndicats et partis de gauche ne se sont toujours pas vraiment emparés du sujet. «En revanche, s'il y a quelqu'un qui n'est pas resté apathique, quelqu'un qui a décidé de prendre le sort des intellos précaires en main, écrivent les auteurs, c'est bien Nicolas Sarkozy.»

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Stéphane Sakutin

Réforme des universités, réforme de la recherche, réforme de l'audiovisuel, Etats généraux de la presse, le tout combiné à un dégraissage en règle des personnels de la fonction publique, «nous avons vu se dessiner un plan», écrivent-elles. Une offensive sans précédent concernant le monde de la culture, du savoir et de l'information dont la «modernisation» passerait étrangement par la paupérisation de ceux qui l'animent et leur mise sous tutelle directe ou indirecte. Telle est la thèse alarmante défendue dans ce livre fouillé, tout sauf misérabiliste, souvent même très drôle.

Le «tout-flexibilité»

La situation sociale type de l'«intello précaire» en fait un véritable mutant. Souvent tarifé moins qu'une femme de ménage lorsqu'il est pigiste ou postdoctorant au CNRS, il a parfois les fréquentations d'un artiste bobo et le prestige symbolique d'un avocat. Exclu de l'assurance-chômage quand il est vacataire dans l'Education nationale, il peut parfois cumuler trois emplois, à l'exemple des Rambach, éditrices bénévoles, auteurs de livres et scénaristes occasionnelles. Encore s'agit-il là d'une exception quasi luxueuse. Combien de bac +5 se retrouvent le soir à servir dans une crêperie, ou doivent emprunter l'identité d'un ami à grands coups de Photoshop pour se faire soigner? La chose est méconnue, mais 50% des RMIstes parisiens exercent ainsi une activité artistique ou intellectuelle. Les congés payés ou les RTT, autant d'acquis salariaux qui ne concernent pas l'intello à prix discount, rarement syndiqué. Rien de tel qu'une posture revendicative pour se «griller» auprès d'un donneur d'ordres dans la presse ou une boîte de production audiovisuelle. «Partir de rien pour arriver nulle part en revenant de tout», ainsi l'un des interviewés résume-t-il dans le livre la philosophie générale de cette nébuleuse.

La suite ici.