09/05/2008
Pour une Europe libre et militante.
Le 9 mai 1950, le Français Robert Schuman lançait son appel à la construction d'une Europe des moyens communs, base d'une Europe politique. La démarche était celle du très libéral Jean Monnet : puisque les États européens ne se font pas seulement la guerre pour des principes, mais bien plus pour des intérêts, rapprochons leurs intérêts et ainsi, ils se feront la paix. Méthode pleine de bon sens, qui a atteint son objectif pacifique, mais qui n'a pas été sans inconvénient pour la nature de la construction européenne. De toutes façons, aujourd'hui, bien plus encore que d'une gouvernance eurpéenne, c'est d'une gouvernance mondiale que nous avons besoin.
Or sur ce point, force est de constater que le modèle européen a ses qualités, car il s'agit d'assembler des nations qui se sont fait la guerre pendant des siècles, avec rage, avec haine, et de trouver des mécanismes politiques qui leur permettent de travailler en commun en confiance.
On pourrait imaginer d'ouvrir peu à peu l'Union Européenne au reste du monde et d'en faire progressivement une Union Mondiale.
Car par rapport à l'ONU, l'Union Européenne offre un avantage : elle est militante de la démocratie représentative, de la protection des minorités et, d'une manière générale, des systèmes de liberté politique. Sa combinaison des principes "un État, une voix" et "un citoyen, une voix" est également intéressante. Enfin, sa banque centrale pourrait servir de modèle à une monnaie mondiale.
En revanche, l'Union Européenne souffre d'une insuffisante ouverture aux intérêts et préoccupations des acteurs qui ne sont pas représentés par des lobbies. Sa conception de l'intérêt général se résume à l'extinction des instruments nationaux, qui passe par la disparition des services publics historiques. Sa conception du libéralisme est également erronnée, en ce sens qu'elle fait la part trop belle au point de vue des entreprises transnationales, pour le principe d'entités d'échelon européen, au lieu de favoriser le tissu des PME.
Pour une fois, je dirai du bien de l'actuel gouvernement, dont je viens de lire qu'il a signé une exhortation commune avec le Royaume-Uni en faveur des PME. Mais je crains qu'il ne s'agisse, comme d'habitude, que de mots, sans autre intention que l'effet d'annonce. Un voeu pieux.
Quoiqu'il en soit, l'Europe, aujourd'hui, n'est pas aussi alignée sur les États-Unis que beaucoup le croient. Et c'est la Banque centrale européenne qui, dans le contexte actuel, défend les intérêts européens en maintenant des taux directeurs élevés. Pourquoi est-ce un signe d'indépendance ? Parce que les États-Unis ont massivement baissé leurs propres taux de façon à soulager les ménages emprunteurs américains et qu'en maintenant des taux élevés, l'Europe n'aide pas l'Amérique dans cette tâche. En revanche, la baisse du dollar, à laquelle elle ne résiste pas, améliore la compétitivité à l'exportation des produits américains. Cette seconde perspective pourrait présenter des avantages du point de vue de Washington, mais on lit que la relative désindustrialisation, qui frappe les États-Unis comme le reste de l'ancien monde développé, limite l'effet dynamique de la baisse du dollar sur l'économie américaine.
Une BCE tournée entièrement vers les intérêts européens, une commission de Bruxelles plus (trop) ouverte aux sirènes d'Outre-Atlantique, une alternance plausible aux États-Unis à l'automne, tels sont les paramètres de l'indépendance européenne aujourd'hui.
Car la liberté de l'Europe s'entend face aux ingérences des États-Unis.
L'Europe et les États-Unis partagent une valeur essentielle : la démocratie. Cette communauté de vue fait comme un filet de protection contre les tentations d'affrontement véritable entre les deux entités.
En revanche, dans leur conception de la diplomatie internationale, les divergences sont fortes : vision souverainiste et unilatéraliste des États-Unis, libre-échange et multilatéralisme du point de vue européen.
Cette dernière conception est mise à mal par l'appui pris en Europe par les milieux dirigeants américains, notamment en Italie avec Silvio Berlusconi, et en France. En revanche, l'Allemande Angela Merkel, que l'on donnait très alignée sur les positions de Washington, a vite compris quel était désormais le rôle spécifique de l'Allemagne et, tout en jouant dans la rondeur avec les autorités américaines, a su développer un point de vue original dans le concert européen et mondial. La continuité de la diplomatie allemande a trouvé là une excellente modernisation, dont les autorités françaises feraient bien de s'inspirer.
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