08/12/2015
Bretagne : pourquoi Marc Le Fur ?
Pour le second tour des élections régionales, il ne reste plus que trois possibilités : le Front National, qui veut tout ce que je refuse, et les partis dominants de droite et de gauche, incarnés l'un par Marc Le Fur, l'autre par Jean-Yves Le Drian. Voici pourquoi j'ai choisi de voter pour Marc Le Fur.
Jean-Yves Le Drian, je l'ai écrit, a longtemps personnifié le mouvement breton qui, par lui, s'identifiait largement à la gauche. Il était maire de Lorient pendant l'extraordinaire essor du Festival Interceltique de Lorient (FIL), qu'il accompagnait avec une manifeste ferveur. Je me souviens d'avoir dormi sur la plage avec une amie, pendant le FIL 1984, il émanait de cette fête une effervescence puissante, qui a fait de ces jours d'août le porte-drapeau de la culture bretonne ressuscitée.
De ce succès éclatant, je me suis réjoui. Mais je dois dire qu'il y a un revers de cette belle médaille : la musique et la danse plus ou moins folkloriques ont prospéré dans son ombre, ce qui est bien, mais il semble que cette floraison de culture populaire ait eu pour contrepoint la dévalorisation de ce que l'on nomme la "haute culture". Il suffit de consulter les fichiers d'adhérents des sociétés savantes bretonnes pour mesurer la dévitalisation de la plupart d'entre elles, et le manque d'une génération nouvelle.
On ne peut pas reprocher entièrement à la Bretagne l'abandon par l'État du principe de la double thèse (thèse d'université, thèse d'État), qui a eu pour effet un amenuisement de la profondeur de la recherche, mais le fait est là : alors qu'il reste des pans considérables et fondamentaux de l'histoire économique, humaine, et même politique, de la Bretagne à étudier, les publications fondatrices se font de plus en plus rares qui sortent des sentiers battus. Il suffit de consulter le catalogue des Presses Universitaires de Rennes pour s'en rendre compte.
C'est formidable d'accompagner la culture populaire, même si elle ressemble d'un peu trop près à la société des loisirs. C'est bien aussi de promouvoir la langue bretonne, même s'il a fallu que l'État (notamment à travers le ministre Bayrou dans les années 1990) intervienne activement. Mais si l'on laisse la recherche fondamentale stagner, et si l'on ne prête pas attention à un constant élargissement et approfondissement de la connaissance, notamment historique, on manque à un devoir, historique aussi.
Et il semble qu'un outil institutionnel manque dans ce domaine. En tant que chercheur, certes indépendant, je suis surpris de n'être jamais consulté, même de loin, alors que la réflexion historique devrait habiter les décideurs politiques de la Bretagne. Sans doute n'ai-je pas, pour cela, la bonne carte politique. Le fait que mes travaux et ouvrages soient achetés par la plupart des meilleures universités occidentales, en Europe comme aux États-Unis, ne leur suscite pas plus d'intérêt de la part de nos décideurs. Il est vrai que, n'ayant jamais sollicité ni a fortiori obtenu de subventions publiques, je n'existe pas à leurs yeux, ce qui en dit long sur la mentalité de ce joli monde.
Je suis aussi forcé de constater que mes livres les plus épais et les plus denses, que je vends à des lecteurs privés et à des bibliothèques de partout, se vendaient deux fois plus aux particuliers en Bretagne à l'époque où la droite gouvernait la région. Ce n'est pas un plaidoyer pro domo, mais je crois voir dans ce fait le signe que la région ne donne pas le signal d'un intérêt pour ces grandes recherches, leur préférant la superficialité des danses et de la musique, contre lesquelles je n'ai rien, au contraire, mais qui ne peuvent servir de cache-misère à la vacance d'une ambition plus intellectuelle.
Tout cela mérite le reproche, mais, il faut le dire, c'est d'abord les nécessités de l'économie qui motivent mon vote pour la droite. Si faible soit-elle elle-même dans ce domaine, elle l'est tout de même un peu moins que la gauche, qui n'y comprend décidément rien.
Enfin, comme je l'ai dit la semaine dernière, certains noms sur cette liste LR-UDI-MoDem achèvent de me convaincre de voter pour un renouveau de la Bretagne avec Marc Le Fur.
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