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10/11/2008

Prendre le plus con et en faire un président des États-Unis (2) : "W.".

Il m'est arrivé d'apprécier le travail du cinéaste Oliver Stone. Son "JFK", au bord de la thèse complotiste, avait préparé l'élection de Bill Clinton à la présidence des États-Unis. Son film sur Nixon est une oeuvre shakespearienne en même temps qu'un hommage vibrant à sa propre jeunesse. J'ai été bercé par son film sur Morrison et curieux de celui sur Howard Stern (qui démontre que la liberté d'expression n'est pas divisible et s'étend aux pires énormités et aux plus dégradants étalages). Mais je n'ai pas aimé son emphatique et bimbelotier portrait d'Alexandre le Grand et je ne suis pas allé voir celui qu'il a consacré aux pompiers du 11 septembre.

Avec "W.", il semble conclure une trilogie sur le pouvoir et le système aux États-Unis. La fin du film sur Nixon (à qui Stone reproche évidemment, en acien militant, la guerre du Vietnam) est presque à décharge. On y voit un Nixon éperdu, désemparé, découvrant que "le système est une bête fauve" et répondant à l'étudiant (Stone lui-même en quelque sorte) qui l'interroge sur les motifs de ses actes, que justement "le système est une bête fauve", ce qui rappelle presque qu'Eisenhower, dont Nixon avait été le vice-président, avait inventé, en son temps, l'expression "complexe militaro-industriel".

Quasi-indulgence, donc, ou pardon, pour un Nixon sorti du peuple, laborieux, torturé.

Rien de tout cela pour W. : Bush junior est un con. Si vous en doutez, allez voir le film : il est édifiant. Et sur la décision de se lancer dans la guerre d'Irak, on ne peut pas s'empêcher de citer Audiard : "Les cons, ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît".

Le vrai personnage du film est le père, qui est traité entièrement à décharge, à un point même excessif, destiné à noircir encore le tableau du fils.

Qu'est-il, W ?

Rien.

De toute sa vie, il n'a rien fait. On l'envoie faire des stages d'été, il les plaque sans la moindre considération pour les autres. On (son père) le place dans des entreprises diverses, à des tâches diverses. Rien. Il ne fait rien.

Son père lui achète un diplôme de Harvard, puis une équipe de baseball. Rien.

En 1988, son père le recrute dans son équipe de campagne, mais rejette la plupart de ses suggestions et lui conseille d'éviter la politique. Mais junior s'entête et, avec ses thèses dérégulatrices et sa morale cruelle enrubannée de bondieuseries étranges apprises en désintox, se fait élire gouverneur du Texas.

De là, grâce au recomptage (et à son frère...) il devient président des États-Unis.

La première partie du film est rythmée par les séances où, peu à peu, s'élabore la doctrine aberrante sur laquelle est basée la guerre d'Irak de 2003. Tout cela est vu sous l'angle de Bush et il y manque peut-être la profondeur d'une analyse réelle sur ceux qui, dans le système, tirent les ficelles des branquignols de la présidence.

Stone souligne au passage l'étrange cécité dont sont frappés les services secrets dans la préparation de la guerre d'Irak comme ils en ont été un an plus tôt au moment du 11 septembre.

On est un peu fier d'entendre rappeler que c'est la France qui, pour une fois (merci Chirac et Villepin), a joué son rôle historique, le vrai, en refusant de s'associer à l'aberration de la guerre. Et on voit la conséquence qu'en tire Condoleeza Rice. Puisque la désobéissance est le fait de trois pays : la France, l'Allemagne et la Russie, "on punit la France, on ignore l'Allemagne et on pardonne à la Russie". Des trois, c'est la Fance le moins puissant, c'est donc celui que l'on peut punir sans risque. Hélas.

De tout le processus qui mène à la guerre, on retient un mélange de cynisme et d'inconséquence, de bêtise et peut-être de folie.

Pas sûr que ce soit le plus grand film d'Oliver Stone, mais pour se débarrasser une bonne fois pour toute du fantôme de "W.", il n'est pas mauvais d'aller le voir.