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28/09/2009

La mort hier de Pierre-Christian Taittinger.

Il y a des gens qui vivent la retraite comme une déchéance. En politique, pour les professionnels de la chose, la perte du dernier mandat est parfois suivie de près par la mort, comme si les obligations protocolaires leur servaient de colonne vertébrale, un squelette externe, ce qu'est la carapace pour les crustacés, et en particulier les crabes.

Pierre-Christian Taittinger était-il un vieux crabe ? Non, je ne crois pas que ce soit la bonne définition. J'ai été son adjoint pendant six ans, et si je devais faire son portrait au bord de la fosse, je ne le qualifierais pas de vieux crabe. Je crois que le titre que je n'ai pas cessé de lui donner de son vivant, "M. le maire", était celui qui lui convenait le mieux. Taittinger était né pour être maire, et peu importe, ici, le point de vue de ceux desquels il a usurpé la fonction de maire, car il faut voir le sujet en soi : Taittinger était un maire-né.

Devenir maire du XVIe

Maire du XVIe : il y était né à la maison (ça se faisait encore à cette époque-là), rue Chardon-Lagache, dans le sud de l'arrondissement, non loin de l'Institution Sainte-Perrine.

Fils de maire, frère de maire : son père, Pierre Taittinger, fut plusieurs fois président du conseil municipal de Paris lorsqu'il n'y avait pas encore de maire ; son frère, Jean Taittinger, fut député-maire de Reims.

Né à une mauvaise époque : en février 1926. Son père fut président du conseil de Paris pendant l'Occupation, et il me semble que c'est lui qui, en 1943, accueillit Hitler à Paris. On disait d'ailleurs que, dans cette jeunesse, Pierre-Christian Taittinger, obéissant sans doute à son père, avait signé des papiers dans des publications dont il aurait mieux fait de s'abstenir. Mais ensuite, il avait toujours cultivé publiquement les liens avec des organismes identitaires juifs, et avec des juifs personnellement.

Fils de son père, d'une intelligence précoce et d'une grande éloquence, il avait créé son premier club politique au début des années 1950 et s'était fait élire pour la première fois au conseil de Paris en 1953. Il n'avait plus cessé d'y siéger, sauf de 1971 à 1977, j'y reviendrai.

Je crois qu'en ce temps-là, il était inscrit au CNI, le parti de Pinay (et celui des collabo, Pinay ayant voté la confiance à Pétain en 1940), le parti de la vraie droite, le parti dans lequel furent élus pour la première fois députés, en 1956, Le Pen et Giscard. Le CNI, comme le MRP, éclata sous la pression du début de la Ve république : Le Pen s'en éloigna, Giscard fit scission (les Républicains indépendants), et Taittinger ... s'encarta au parti présidentiel, l'UDR. Pour ne pas perdre la main, il resta dans le parti du président lorsqu'on changea de président et de parti présidentiel, il devint alors UDF.

Il faut dire qu'en 1971, il figurait dans la liste municipale UDR du XVIe arrondissement qui fut battue par celle des Réformateurs (radicaux et démocrates), et qu'il subit sa première petite traversée du désert. Il se racheta ensuite en rejoignant les Républicains Indépendants de Giscard (qui est son exact contemporain), puis le Parti Républicain.

Lorsqu'il fallut un candidat giscardien pour tenter de prendre la mairie de Paris au RPR, le parti alors tout neuf de Chirac, en 1977, deux candidats étaient sur les rangs : Michel d'Ornano (l'homme des réseaux pour Giscard) et Pierre-Christian Taittinger, qui avait déjà été en quelque sorte maire de Paris, car président du conseil municipal au milieu des années 1960. Paris votait majoritairement gaulliste, les centristes de Lecanuet tenaient  le XVIe arrondissement, la bataille s'annonçait difficile, Giscard fit probablement le mauvais choix en préférant la fidélité à la spécialité : il opta pour d'Ornano, qui s'étala. La coalition giscardienne n'emporta, si ma mémoire est bonne, que trois arrondissements : le XIIe, le XVIe et le XXe, deux centristes et un radical à la manoeuvre dans l'élan du scrutin précédent.

Pour Taittinger, ce fut quand même le retour au conseil de Paris, c'était déjà ça. C'est l'époque aussi où il fut secrétaire d'État du gouvernement Barre, avant de retourner au Sénat où il avait commencé à siéger dès les années 1960. Au Sénat, il honorait Monnerville. C'est assez curieux, celui-ci n'ayant a priori aucun lien idéologique avec lui, mais c'est un fait, Taittinger révérait la mémoire de Gaston Monnerville, qui avait présidé le Sénat juste avant Alain Poher.

Pendant toute cette époque, Pierre-Christian Taittinger menait aussi ses affaires dans une branche du groupe Taittinger. Il me semble qu'ils étaient cinq frères, chacun ayant sa branche. Pour lui, c'était l'hôtellerie en particulier. Il fut l'un des artisans de la construction de la douteuse tour de la porte Maillot avec la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris (CCIP) dont il était alors l'un des poids-lourds. L'hôtel Concorde-Lafayette, dans cette tour, faisait partie de son groupe hôtelier, comme d'ailleurs le Lutétia (de mémoire à vrai dire ambiguë concernant l'Occupation) et quelques autres fleurons parisiens.

Il se maria tard et n'eut qu'une fille, Anne-Claire, qui reprit progressivement ses affaires après avoir fait ses classes à divers étages du groupe familial.

Un orateur brillant

La première fois que j'ai rencontré Pierre-Christian Taittinger, c'était en 1987, lors de la campagne présidentielle de Raymond Barre. Dès potron-minet (vers sept heures du matin), nous étions avec d'autres jeunes militants (parmi lesquels Pierre Gaboriau, élu depuis du XVIe et suppléant du député Bernard Debré) à la gare Saint-Lazare, et vîmes venir le sénateur Taittinger, guilleret comme toujours, plein d'humour et de délicatesse, qui se mit à distribuer des tracts avec nous.

Moins de deux ans plus tard, il prenait la mairie du XVIe au sortant, le démocrate Georges Mesmin. Je crois avoir déjà raconté l'affaire, disons simplement que Chirac avait devancé Barre lors de la présidentielle de 1988 dans le XVIe arrondisement et que, l'année suivante, il avait jugé utile que ce fait se traduisît dans la coloration politique de la municipalité d'arrondissement. Dans le même temps, le député UDF (PR) du XVIe nord, Gilbert Gantier, exprimait publiquement son agacement d'être tenu à l'écart de la mairie où régnait l'autre député UDF (CDS) qui était maire, et finalement, le coup fut bien monté, avec la complicité de certains adjoints de la municipalité sortante, que Mesmin n'avait pas jugés utiles pour la nouvelle : durant la campagne, Mesmin conduisait la liste et tout était fait pour accréditer l'idée qu'il serait reconduit comme maire. Mais lorsque le conseil d'arrondissement se réunit, ce ne fut pas lui qui sortit du chapeau...

Taittinger était enfin devenu maire, à l'âge de 63 ans, il était enfin devenu ce pour quoi il était né.

Un travailleur acharné

Il resta à ce poste durant dix-neuf ans, trois mandats (dont un allongé d'un an), et y déploya ses talents. Il avait conservé la précieuse collaboratrice de son prédécesseur, Évelyne Montastier, qui gérait son cabinet avec beaucoup de méthode et d'efficacité, malgré une rivalité qui ne cessa jamais de croître avec Danièle Giazzi, âme féminine du RPR puis de l'UMP locale sous la férule feutrée de Gérard Leban, puis de Claude Goasguen.

J'ai été son adjoint durant la deuxième de ces trois mandatures. J'en garde un souvenir contrasté. Taittinger était un interlocuteur charmant, joyeux, léger, le verbe brillant, mais ce n'était pas tout. Comme maire, il était parfait, arpentant son territoire à longueur de journée, rentrant à la mairie les poches pleines de petits bouts de papier où étaient notées les innombrables remarques et sollicitations qu'il avait reçues, il se défaussait de tout ça sur Montastier et sur Pierre Bolotte (du moins jusqu'à la retraite de celui-ci en 2001), qui lui servait de bras droit technique pendant que Montastier gérait les interventions et le protocole. Les dossiers mitoyens avec le RPR étaient toujours tranchés en faveur de celui-ci et sortaient du réseau personnel de Taittinger pour celui du premier adjoint.

Du temps où j'étais son adjoint, Taittinger avait une autre vraie adjointe, Anne Béranger, rescapée de l'équipe de Mesmin, qui gérait les animations culturelles qui pullulaient dans les murs de la mairie. Enfin, Pierre Gaboriau veillait à ses relations avec le monde sprotif. J'étais un étranger toléré dans ce petit monde.

Les goûts architecturaux de PCT étaient extrêmement conventionnels et bourgeois, il écartait tout projet d'art trop contemporain qu'on voulait imposer aux rues du XVIe et (c'était son bon côté) veillait à l'aspect extérieur des immeubles dont il signait le permis de construire, de façon à éviter les hideurs des années 1960-70. Le point faible de cette stratégie plutôt bonne était qu'il se contentait de projets médiocres pourvu qu'ils fussent conservateurs, au lieu de laisser un peu de place à la créativité. On ne peut pas toujours avoir toutes les qualités à la fois.

En plus des nombreux mariages qu'il célébrait, il prononçait au moins un vrai et long discours par jour, toujours de mémoire, sans notes, avec cette éloquence réellement prodigieuse qui était son meilleur atout. Il donnait des conférences un peu sur tous les sujets, jamais à court, jamais à plat, cherchant l'idée d'un portrait ou le fin mot d'un parcours. Il conférait pour les associations de ceci ou de cela, devant des vieux ou devant des enfants, toujours debout, les mains en mouvement et l'ironie légère au coin des lèvres.

C'était enfin un sportif, je crois qu'il a joué au tennis jusqu'à la fin. Mais il ne détestait pas le vin produit par sa famille, et il pouvait arriver qu'on lui trouvât l'œil un peu vague après le déjeuner.

J'ai dit comme nous avions eu une seule querelle, à propos du mariage d'Emmanuel Petit, en juillet 2000.

Comme je l'ai déjà raconté, il ne m'annonça jamais explicitement que je ne serais pas reconduit sur sa liste municipale en 2001 : il se contenta d'inviter les sortants sortis (mais qui ne le savaient pas encore) à un déjeuner dans la salle paroissiale de l'église Sainte-Jeanne de Chantal, à la porte de Saint-Cloud, et leur offrit une ciguë soigneusement masquée par du château Cheval Blanc 1955.

Il avait cette fausseté-là, qu'il rachetait à ses propres yeux par ce surcroît de délicatesse.

J'ignore comment il a tiré son épingle (et celle de sa fille) du jeu de la vente du groupe Taittinger, il y a quelques années, mais sa position personnelle en fut certainement affaiblie à la CCIP. De même, il vit avec impuissance Lagardère s'emparer du Racing Club de France contre son allié Xavier de La Courtie et on sentit que ses réseaux commençaient à flancher, cependant que la situation devenait franchement délétère dans les couloirs de la mairie du XVIe. Il conservait cependant la présidence du prestigieux cercle Interallié, qu'il avait prise après celle du Polo en 1999 (ce sont des cercles parisiens très huppés). Comme président du Polo, il avait d'ailleurs rencontré les intérêts équestres de Bayrou.

Il se battit activement contre les projets de bétonnage des stades Georges Hébert et Jean Bouin, dont j'ai déjà parlé.

Le rideau final

Enfin, en mars 2008, il connut un certain verset fameux de la bible : "celui qui a vécu par le glaive périra par le glaive" : on lui fit le même coup que celui qu'il avait fait, dix-neuf ans plus tôt, à Georges Mesmin. C'est la dernière fois que je l'ai vu vivant.

Pierre Auriacombe, un proche de Goasguen, m'accosta comme j'arrivais à la salle des fêtes de la mairie où allait se dérouler la séance solennelle de l'élection du bureau municipal. Auriacombe m'expliqua que la réunion du groupe UMP venait de se terminer, et que Taittinger, fin malgré son âge, avait très vite compris ce qui lui arrivait. Le prétexte de sa mise à l'écart avait été la participation extrêment faible aux élections municipales (40 %).

Comme maire sortant ou comme doyen d'âge, il présida cette dernière séance solennelle un court moment, le temps d'exprimer sa contrariété qui était très vive. Puis il ressembla à Giscard en se levant et en s'éloignant en silence.

Il était resté conseiller de Paris jusqu'au bout.

13:47 | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : politique, udf, paris 16e, taittinger, reims | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

06/12/2008

Vivement Noël !

Contingent 8710.

Franck Noël et moi étions de la même promotion de la nation en armes, du service militaire. Nous sommes partis le même jour faire nos classes, lui je ne sais où, moi à Cambrai, début octobre 1987, juste avant le krach financier d'octobre 1987, jumeau de l'ouragan qui a dévasté la Bretagne.

Avant ce moment-là, nous avons été aux mêmes universités d'été, et quand j'ai eu l'idée baroque de créer un syndicat étudiant qui me semblait manquer aux jeunes du CDS (les JDS), le Mouvement Indépendant des Étudiants pour l'Université (acronyme M.I.E.U.), il fut l'un de ceux qui répondirent présents, m'invita à Reims (déjà) rencontrer le patron de son syndicat étudiant non encarté local.

Je croise les doigts pour son premier tour de législative de demain, à Reims encore.

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