04/02/2007
Libres, sans la paix ?
Quelle sale guerre nous mitonne-t-on encore ?
Quelle vilaine tambouille de chair humaine bouillonne sous le couvercle clinquant de la marmite des puissants ?
Quand on voit qu'en France un marchand de canons, et non le moindre, possède le principal groupe de production de livres, qu'il a acquis des parts encombrantes dans des journaux jusque-là honorablement connus, qu'il soutient de toutes ses nombreuses forces un candidat à l'élection présidentielle du chef de l'un des cinq États membres permanents du Conseil de Sécurité de l'ONU, on est en droit de s'inquiéter. Ca ne peut pas être pour la beauté du geste.
On ne s'étonne guère, en revanche, de n'entendre aucune voix s'élever contre le péril qui monte : quand ils vivent de la main qui tient l'obus, les écrivains se taisent.
On voit donc bien que les investissements des marchands de mort n'ont eu d'autre but que d'offrir à leur terrible marchandise un emballage de papier journal rehaussé de paillettes, pour faire passer la sauce.
Pourtant, dans une guerre, il n'y a jamais de vainqueurs, il n'y a que des victimes.
Sept cents ans de guerres franco-anglaises ont abouti à l'émergence de l'Allemagne comme première puissance européenne et sans doute mondiale ; ni la France, ni l'Angleterre n'en sont vraiment sorties victorieuses. Sept décennies de guerres franco-allemandes ont ensuite fait surgir l'Amérique qui grandissait en silence.
Et combien de millions, de dizaines de millions, de victimes, pour que tourne la roue sanglante ?
Napoléon, devant sa Grande Armée, disait, grisé : "J'ai dix mille hommes à dépenser par jour". Pourquoi pas cent mille ? Quand on aime, on ne compte pas.
On aimerait que s'élève la voix de Victor Hugo le jour où il clamait : "Vous verrez, un jour, vous aussi, les fusils vous tomberont des mains".
Encore faudrait-il que, devant ces mots salvateurs enfin réapparus, se présentent des porte-voix.
On m'entend glapir beaucoup contre le manque de pluralisme des médias, des surfaces commerciales, contre la démission des écrivains. Mais si aujourd'hui tous lapent le même lait, chantonnent le même refrain insignifiant, adhèrent à la même lénification mensongère, comment pourrait-on attendre d'eux qu'ils se remémorent l'appel du vieil Hugo ?
Comment pourrait-on espérer qu'ils disent la vérité contre les boutefeux ?
S'il n'y a plus de pluralisme, si tout est cadenassé, quadrillé, asservi, agenouillé, enfermé, alors nous n'aurons plus le choix que de subir la guerre.
Oh, qu'on ne se méprenne pas : si l'Iran est le prochain territoire de la gourmandise des marchands de bombes, on ne me verra pas défendre l'Iran. Son président a utilisé une expression qui ressemblait trop à celles d'Hitler pour qu'on le trouve même tolérable.
Seulement, on nous a déjà fait le coup en Irak. Et il y a encore eu 34000 morts dans ce pays "pacifié" l'an dernier, soit presque une centaine par jour. 34000. Et l'Iran est combien ? trois fois, quatre fois plus peuplé que l'Irak.
Alors, disons la vérité : s'il fallait défendre Israël, j'irais.
Mais la guerre n'est pas inéluctable. Et c'est en amont qu'on peut la prévenir.
Le silence assourdissant des intellectuels déjà vendus au carnage ne contribuera pas à sauver des centaines de milliers de vie, il faudra faire sans, l'unanimité des médias et de l'intelligentsia français d'aujourd'hui sera un jour jugée criminelle, mais pour l'heure, il faut faire avec.
Nous avons au moins notre blogosphère pour faire ce que nous pouvons. Ce que nous pouvons pour ne pas laisser les pulsions de mort qui rôdent partout s'emparer du monde dans la folie de la guerre, d'une guerre protéiforme, permanente, meurtrière, qui ne pourrait aboutir qu'à une régression de la civilisation.
Les fusils ne sont beaux que quand ils se taisent.
Voilà ma triste conclusion d'un dimanche anxieux. Si seulement nos écrivains se réveillaient libres...
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