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15/02/2007

Musset sur la génération de 1830.

Musset est le benjamin des "grands" de la génération de 1830. Né fin 1810, il n'a que dix-neuf ans au moment de la bataille d'Hernani. Mais il fait partie de la pépinière de Charles Nodier qui se retrouve chez lui, à l'Arsenal, à Paris, autour des deux filles, Marie (Nodier) et Louise Bertin. On se souvient peu des noms d'Émile et Antony Deschamps. Celui du critique Sainte-Beuve, l'homme qui a cocufié Hugo, reste un peu plus. Jugnot en a donné une incarnation infidèle mais prodigieuse au théâtre.

Au moment où pâlit l'étoile romantique, en 1843, après l'échec des "Burgraves" d'Hugo, Musset, qui est en perte de vitesse lui aussi (il ne rebondira que par une histoire tout à fait cocasse que je rappellerai un de ces jours), écrit en forme de poème à Nodier la nostalgie qu'il a à la fois de sa jeunesse et des beaux jours qui ont précédé le succès :

"...
Ta muse, ami, toute française,
Tout à l'aise,
Me rend la soeur de la santé,
La gaîté.

Elle rappelle à ma pensée
Délaissée
Les beaux jours et les courts instants
Du bon temps,

Lorsque, rassemblés sous ton aile,
Paternelle,
Échappés de nos pensions,
Nous dansions.

Gais comme l'oiseau sur la branche,
Le dimanche,
Nous rendions parfois matinal
L'Arsenal.

La tête coquette et fleurie
De Marie
Brillait comme un bluet mêlé
Dans le blé.

Tachés déjà par l'écritoire,
Sur l'ivoire
Ses doigts allègres allaient sautant
Et chantant.

Quelqu'un récitait quelque chose,
Vers ou prose,
Puis nous courions recommencer
À danser.

Chacun de nous, futur grand homme,
Ou tout comme,
Apprenait plus vite à t'aimer
Qu'à rimer.

Alors, dans la grande boutique
Romantique,
Chacun avait, fille ou garçon,
Sa chanson :

Nous allions, brisant les pupitres
Et les vitres,
Et nous avions plume et grattoir
Au comptoir.

Hugo portait déjà dans l'âme
Notre-Dame,
Et commençait à s'occuper
D'y grimper.

De Vigny chantait sur sa lyre
Ce beau sire
Qui mourut sans mettre à l'envers
Ses bas verts.

Antony battait avec Dante
Un andante ;
Émile ébauchait vite et tôt
Un presto.

Sainte-Beuve faisait dans l'ombre,
Douce et sombre,
Pour un oeil noir, un blanc bonnet,
Un sonnet.

Et moi, de cet honneur insigne
Trop indigne,
Enfant par hasard adopté
Et gâté,

Je brochais des ballades, l'une
À la lune,
L'autre à deux yeux noirs et jaloux,
Andaloux.

Cher temps de mélancolie,
De folie,
Dont il faut rendre à l'amitié
La moitié !

Pourquoi sur ces flots où s'élance
L'espérance,
Ne voit-on que le souvenir
Revenir ?
..."

La qualité des vers est certes moindre que l'émotion qui s'en dégage. J'en frissonne à chaque relecture. Pas vous ? Alors, libérez vos émotions.

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Commentaires

Je redécouvre précisément la poésie romantique que j'avoue avoir reniée pendant plus de 30 ans ... Et plus particulièrement Musset : pour Lamarine j'aurais plus de difficultés... Je me demande pourquoi cet abandon...
Sans doute pour suivre une mode : l'après 68
Sans doute parce qu'elle me rappelait une adolescence difficile à laquelle était associée...
Merci pour ce texte que je ne connaissais pas...

Écrit par : Rosa | 15/02/2007

Merci Hervé ! Je vais voir si ça marche...

Écrit par : Rosa | 15/02/2007

Votre nom apparaît orangé et j'ai testé le fonctionnement. Donc vous devriez désormais pouvoir développer vos efforts transgénérationnels.

Vous ne m'en voudrez pas de défendre souvent les appétits de la jeunesse. "Moi qui balance entre deux âges", comme dit Brassens, j'ai toujours eu un fort goût pour la fraîcheur et le renouvellement.

Écrit par : Hervé Torchet | 15/02/2007

Je me souviens en 1971, dans une fac de lettres bretonne toute ripolinée afin d'effacer ce que l'on n'appelait pas encore des "tags", mais qui recélaient alors une vraie poésie, un cours sur Musset dont j'étais le seul auditeur masculin ; et à la même époque, le phrasé mélodieux et lancinant de Nougaro qui s'était emparé de ce vers magnifique "Les chants désespérés sont les chants les plus beaux", pour en faire un véritable "tube". J'écoutais Spark donner des conseils de bon sens à Fantasio et ce dernier faire le constat de son spleen :

"FANTASIO

Quelle admirable chose que Les Mille et Une Nuits ! O Spark, mon cher Spark, si tu pouvais me transporter en Chine ! Si je pouvais seulement sortir de ma peau pendant une heure ou deux ! Si je pouvais être ce monsieur qui passe !

SPARK

Cela me paraît assez difficile.

FANTASIO

Ce monsieur qui passe est charmant ; regarde : quelle belle culotte de soie ! quelles belles fleurs rouges sur son gilet ! Ses breloques de montre battent sur sa panse, en opposition avec les basques de son habit qui voltigent sur ses mollets. Je suis sûr que cet homme-là a dans la tête un millier d'idées qui me sont absolument étrangères ; son essence lui est particulière. Hélas ! tout ce que les hommes se disent entre eux se ressemble ; les idées qu'ils échangent sont presque toujours les mêmes dans toutes leurs conversations ; mais dans l'intérieur de toutes ces machines isolées, quels replis, quels compartiments secrets ! C'est tout un monde que chacun porte en lui ! un monde ignoré qui naît et qui meurt en silence ! Quelles solitudes que tous ces corps humains !

SPARK

Bois donc, désoeuvré, au lieu de te creuser la tête".

Écrit par : André-Yves Bourgès | 17/02/2007

Merci, cher André-Yves, vous trouverez ici un ton sans doute différent de celui de notre forum d'étude et de réflexion sur l'histoire et la généalogie des noblesses bretonnes, mais ici, mon ton est plus personnel. Vous connaissez le chercheur. Voici le fan des mots, des vérités et de Victor Hugo.
Votre témoignage et votre extrait sont d'autres aspects de Musset, son théâtre est le meilleur de sa littérature. S'il vous arrive de recroiser mes lignes sans que mes indignations ne vous effraient, je serai heureux de vous y lire de nouveau.
L'histoire de Bretagne de d'Argentré passe incessamment sur les presses, j'en parlerai ici et certainement, nous en reparlerons là-bas avec tous nos amis. À bientôt.

Écrit par : Hervé Torchet | 17/02/2007

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