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17/02/2007

Les écrivains et l'irrationnel.

Chacun à ses lubies. Victor Hugo faisait tourner les tables.

On apprend d'ailleurs à cette occasion avec intérêt que la langue de l'au-delà est ... le français, et que le moindre personnage illustre y est miraculeusement doué du génie de ... Victor Hugo lui-même. Car tous se mettent à proférer des vérités sépulcrales en chapelets d'alexandrins sonores et hugoliens !

Alors, ça y est, la solution est toute trouvée : Hugo est un fantôme ! Voilà la clef de l'énigme... Un fantôme... Il fallait y penser.

Voilà pourquoi, à Guernesey, on le croyait doté d'ubiquité, parce que des gens pouvaient jurer l'avoir vu en des lieux et à des heures dont la compatibilité ne s'expliquait que par l'ubiquité. Normal, pour un fantôme...

Plus sérieusement, le même travers de donner ses mots aux grandes figures mortes et vivantes se retrouve chez Malraux, dont les "Antimémoires" sont bien plus "Anti" que "mémoires" et où il ment autant que Châteaubriand dans ses "Mémoires d'Outre-tombe", qui sont bien plus des antimémoires que d'outre-tombe, puisque, après avoir fait lanterner ses créanciers pendant vingt ans en leur faisant miroiter les bénéfices faramineux prévisibles lors de la parution de cette oeuvre supposée posthume, il a dû se résoudre à la publier de son vivant, de justesse d'ailleurs. Bref...

Malraux empoigne Mao et je ne sais qui, puis il leur prête ses vues, ses idées sur le vertige du monde. C'est un texte d'ailleurs magnifique, le plus beau d'André Malraux, peut-être le seul, outre ses écrits sur l'art, qui ait "résisté au temps" (j'emploie cette expression à dessein, puisque Malraux lui-même définissait l'art comme "ce qui résiste au temps"). Mao, subitement, fait du bon Malraux et on ne s'en plaint pas. Mais, au fond, ce procédé n'a rien d'irrationnel, au contraire, et ce n'est que littérature.

Hugo, lui, agrippé à sa table tournante, fait poétiser les grands esprits. Il y croit. Chacun ses lubies.

Théodore de Banville, poète désormais mineur voire oublié, c'est tout autre chose : il a peur du vendredi 13. Quelqu'un lui a dit qu'il mourrait un vendredi 13. Alors, tous les vendredis 13, il se calfeutre, se barricade, n'ouvre à personne et ne sort surtout pas de chez lui où il se sent admirablement à l'abri.

C'est donc chez lui qu'il est mort ... un vendredi 13.

Finalement, Hugo avait peut-être raison de faire tourner les tables. Croire que tout est possible, même le plus absurde, n'est-ce pas en tout cas un signe de liberté ?

19:20 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : écriture, littérature | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Bonjour Mr Torchet,

Je suis intrigué par la période spirite de Hugo. J'ai lu quelques passages de séances qu'il aurait pratiqués à Guernessey. Avez-vous des informations à ce sujet? Je sais qu'il s'y serait intéressé après la mort d'une fille qui lui était proche, enfin je crois.

Écrit par : Michaël | 17/02/2007

Demain, dès l'aube...

Comme souvent, le deuil a accru l'appétit d'Hugo pour l'étrange.

Les carnets des séances de tables tournantes ont été publiés. On les trouve, je crois, dans toutes les éditions des oeuvres complètes de Victor Hugo. Je suppose qu'il y en a une version téléchargeable gratuitement sur gallica, la base en ligne de la BNF.

C'est de la bonne poésie, toute hugolienne et donc délectable.

Écrit par : Hervé Torchet | 17/02/2007

Ah décidément, cet élastique qui nous raccroche à notre jeunesse ! J'ai fait partie en 1971 de cette brigade "virtuelle" (comme on dirait aujourd'hui) que Malraux avait levée pour aller se battre aux côtés des rebelles Bengalis ; mais l'Histoire a viré court et il me reste de cette aventure avortée deux lettres du Maître, dont l'une (sans doute partagée avec mes chers compagnons d'armes au pied) où le grand Dédé me remercie "au nom des milliers de réfugiés, au nom du gouvernement du Bengale libre d'aujourd'hui et de demain" : Irrationnel, quand tu nous tiens !

http://www.time.com/time/printout/0,8816,903235,00.html

Écrit par : André-Yves Bourgès | 18/02/2007

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