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14/03/2009

Libérez le livre numérique.

L'an dernier, j'assistais à une table ronde qui relatait les balbutiements des premiers livres numériques en France. Deux produits étaient disponibles depuis peu : l'Irex et Bookeen, ce dernier étant un produit de conception française, sauf un élément, l'écran, puisque celui-ci est frabriqué pour tous les acteurs du marché par un seul fabricant, une société taïwanaise. au passage, il est amusant de noter que la Chine, qui a inventé ce qu'on nomme necore l'encre de Chine, reste en pointe de l'encre avec le premier support d'e-ink, d'encre numérique.

Aujourd'hui, nouvelle table ronde.

L'Irex est le plus complet mais aussi le plus onéreux des supports disponibles, mais très tourné vers le journal numérique, l'e-paper. Et Bookeen se proclame le plus implanté, puisque présent dans une quarantaine de pays et plusieurs langues, dont le russe et le chinois.

Sony vient de lancer son propre produit (son "reader") simultanément au Royaume-Uni et en France, puis depuis quelques jours en Allemagne et c'est assez cocasse d'avoir vu cet après-midi, au Salon du Livre où ce sujet était traité, le cofondateur de Bookeen donner des info sur le développement de Sony sur ce marché au représentant de Sony France...

De fait, on sent bien que Bookeen se sent sous pression en raison de l'apparition d'un mastodonte comme Sony sur un marché qui demeure un segment étroit, alors qu'Amazon a déjà développé son propre "reader" (le Kindle) aux États-Unis et qu'on est certain qu'il va l'adapter au français, et qu'Apple numérise des livres à tours de bras, ce qui signifie qu'il va aussi prendre une position sur ce marché. L'indépendant Bookeen résistera-t-il au combat des mammouths ?

Toujours est-il que le marché s'organise autour de deux pôles : les contenus libres, d'une part, et les contenus sous DRM d'autre part.

C'est la société Adobe qui a, apparemment, développé un format plus complet que le pdf, qui permet d'introduire une clef créant le DRM. Les éditeurs ont la possibilité d'y recourir pour une somme qui est présentée comme modique (donc non pénalisante pour les petits éditeurs). Cela étant, dans le cadre du contenu libre, le format pdf est lu par les livres numériques présentés aujourd'hui.

Dans le cadre des contenus sous DRM, il faut cependant préciser que l'interopérabilité des contenus n'est pas encore faite : Amazon a son propre support dont la compatibilité restreinte lui permet de fonctionner sous forme d'exclusivité pour son support. Vous voulez lire le prochain Harry Potter ? Achetez un Amazon Kindle serait la philosophie de cette démarche. On a vu récemment à propos d'Apple et d'Orange que les tribunaux français répugnaient à entrer dans ce genre de logiques, mais il faut savoir que l'appétit de domination des géants envisage sérieusement ce chemin.

Pour contrer la stratégie très monopolistique d'Amazon, les différents supports présents actuellement en France se sont organisés autour de la formule imaginée par Adobe et parrainée par la FNAC. C'est encore la FNAC qui va faire le lobbying pour que la TVA sur le livre numérique rejoigne celle du livre papier, car la première est actuellement à 19,6 %, et la seconde à 5,5 %. Franchement, cette égalisation paraît juste. Pour le moment, le différentiel entre le livre numérique et le livre sur papier n'est que de 10 à 15 %, alors qu'il est de 25 % aux États-Unis. Si la TVA baissait, la correction serait la même. On voit que le lobby du papier se défend, mais étant donnée la pollution occasionnée par cette industrie, on ne voit réellement pas ce qui justifie qu'elle prenne le lecteur en otage.

Les trois produits présentés (hors l'Irex qui est plus tourné vers l'e-paper et des usages plus "pointus", écran réinscriptible etc) sont dans la fourchette de 250 à 300 Euros. Deux seulement sont disponibles en France actuellement : Bookeen (280) et Sony (299), les deux ayant des caractéritiques d'usages forcément assez proches, puisque l'écran provient du même fabricant et que c'est seulement l'ergonomie et l'esthétique qui diffèrent.

Voici une vidéo prise hier où M. Colin présente l'activité de la société 4D Concept, dont la diffusion des Irex et des Bookeen :

 

10/12/2008

Terminer.

Il y a bientôt deux ans que j'ai ouvert ce blog, le 9 janvier 2007. À ce moment-là, je terminais difficilement mon précédent livre qui, à une édition de l'Histoire de Bretagne de Bertrand d'Argentré (historien censuré en 1582 et pas réédité jusque-là), ajoutait une substantielle introduction (équivalente à un livre de 150 pages de format courant), sur laquelle je calais.

En me permettant d'écrire en liberté, le blog a alors libéré ma plume, il m'a aidé à terminer ce livre. Quelques semaines après avoir ouvert le blog, j'ai fait une note évoquant la difficulté qu'il y a à terminer un ouvrage et la joie que j'avais d'avoir pu le faire. Je suppose que c'est comme le coup de grâce pour un torero ou la balle de match pour un joueur de tennis : ce n'est pas un coup d'épée comme les autres, ce n'est pas une balle comme les autres. Il faut savoir terminer, c'est un acte d'énergie.

On se souvient de Yannick Noah, lors de la finale de Roland-Garros qu'il a remportée, qui répétait "Je peux gagner, je peux gagner", en serrant le poing d'un air crispé. La victoire, ça s'assume.

Terminer un livre, sans vous inciter à relire ma note du premier trimestre 2007 que j'aurais du mal à retrouver, c'est porter une estocade et c'est redoutable comme de se jeter dans un précipice.

Le livre que je dois terminer a été commencé dans l'été 2007, trois mois après la parution du précédent, trois mois de l'après-présidentielle. Depuis près de dix-huit mois, il m'a constamment accompagné. La première partie du travail qu'il a représenté fut extrêmement fastidieuse, comme les trois premiers tomes de ce recensement des Bretons que je publie depuis la fin 2001 : collecter des masses de petites informations en dépouillant des milliers de parchemins médiévaux.

J'ai tant fouillé dans les chartriers, depuis douze ans (début de ce travail), qu'il m'est arrivé plusieurs fois de devoir couper les ficelles d'un séquestre révolutionnaire, les documents n'ayant jamais été interrogés depuis qu'ils avaient été pris chez un Émigré en 1792. Au début, je passais des journées entières dans les bibliothèques et les dépôts d'archives à relever les info à la main, sur des feuilles de papier, j'en ai cinquante classeurs de notes. Ensuite est venue l'informatique, puis l'appareil de photo numérique, qui me permet de dépouiller les documents chez moi plutôt que dans les dépôts. L'inconvénient est qu'alors que dans la période précédente, ma journée de travail actif se terminait avec la fermeture des bibliothèques, maintenant, je n'ai plus d'heure ni de jour.

C'est pourquoi il m'a fallu diluer ce travail très minutieux dans le temps, ménager des repos et des plages d'inaction pour laisser les informations se décanter. Car mon travail ne consiste pas seulement à relever des info, mais à les connecter, cela va de soi.

Une fois terminée la collecte des info, il faut digérer une masse énorme de documentation. Puis rédiger une synthèse qui prend la forme de l'introduction. En faisant cette synthèse, en général, le document change du tout au tout et des idées nouvelles apparaissent. Il y a à cela une condition : la concentration, l'imprégnation profonde, intime, dans le document. C'est là, à ce stade de métamorphose, que je me trouve encore, dans la phase décisive, pour laquelle je m'éloigne.

Il restera ensuite à peaufiner l'aspect du livre, choisir cent à cent cinquante illustrations parmi des milliers que j'ai glanées ou réalisées en diverses occasions durant ces mois passés, puis viendront les ultimes détails techniques, et je pourrai soumettre l'ensemble à l'appétit des lecteurs.

Voilà, vous savez tout.

Alors ? le passé a-t-il un avenir ?

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17/04/2008

Aimé Césaire : le dernier nègre est mort.

Aimé Césaire est un poète engagé, un de ces hommes que, depuis Voltaire, depuis Victor Hugo, la langue française a sans cesse portés vers l'action autant que vers le miracle des mots.
 
Au moment où je publie un roman qui traite entre autres de l'indépendance d'Haïti en 1804, je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il a écrit la somptueuse, magistrale, profonde, "Tragédie du roi Christophe" qui n'est autre qu'Henry Christophe, l'un des lieutenants de Toussaint Louverture et l'un des artisans de l'indépendance.
 
Césaire a vanté la fierté des opprimés. Les "nègres" du courant de la "négritude". Son combat politique est celui de Martin Luther King, bien sûr, mais c'est aussi celui de tout homme qui se bat pour le premier alinéa de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789 : "Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits".
 
Sa langue pure et mélodieuse, empreinte d'une culture caraïbe et de la vieille école parisienne, mélange de tropiques et de pavés, qui finissait toujours pas tourner en faveur de là-bas, de sa terre, de son peuple, des gens qu'il a aimés et servis pendant des décennies.
 
Jamais on n'a abîmé sa vertu d'élu. Jamais on n'a jeté la moindre ombre sur lui. Passionné, soutenu de son ami, le Sénégalais Senghor (qui a été bien peu entouré lors de ses obsèques, ceci dit en passant), il a traversé le siècle avec ferveur et engagement. Communiste jusqu'à 1956 et l'horreur de Budapest, martiniquais jusqu'à son décès, il est certainement, de tous les poètes français et francophones du XXe siècle, l'un des cinq qui méritent le plus de figurer sur le banc d'Hugo dans le panthéon des lettres.

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Je publie mon premier roman sur Internet.

Comme je l'avais annoncé voici quelques jours, je publie mon premier roman sur Internet.
 
- Ah bon, me direz-vous, mais pourquoi pas chez un éditeur "normal" ?
 
Tout d'abord, mon éditeur est mon éditeur habituel : Les Éditions de la Pérenne, chez qui je publie la Réformation des Fouages depuis plusieurs années et chez qui j'ai également sorti une correspondance sur la fin de l'Ancien Régime à Pont-l'Abbé.
 
Ensuite, je crois assez fortement à l'émergence de la partie Internet du marché du livre et il m'a paru cohérent de plonger dans cette direction-là.
 
Enfin, parce que mon métier habituel est de produire des livres de collection et je crois que l'édition sur Internet, avec ses tirages dont on ne connaît pas le chiffre d'avance, est la mine future des bibliophiles : le premier ouvrage d'un auteur, ou un tirage confidentiel dont l'édition traditionnelle trouve difficilement la rentabilité. En somme, il y a, dans les livres qui paraissent sur Internet pour le moment, quelque chose des incunables, ces livres imprimés avant l'an 1500 : ce sont des pionniers.
 
Au-delà même de ces considérations de marché (mais d'une façon pas si étrangère), le contact direct que donne Internet entre l'auteur et ses lecteurs (et lectrices) est précieux. Et la souplesse de l'édition sur Internet, qui permet d'imprimer les exemplaires un par un, donc avec d'éventuelles modifications, fait que le roman gagne au moins en interactivité, sinon en collaborativité.
 
C'est donc avec plaisir que je teste la formule Lulu.com dont j'ai rendu compte voici quelques semaines à propos du Salon du Livre. Si je ne me trompe pas, l'adresse de commande est ici.
 
Deux formules sont possibles : la première, télécharger le livre pour 5 Euros, dont je perçois 4 Euros.
 
La deuxième, le commander à Lulu.com. Le livre coûte 6,61 Euros à fabriquer. J'y ajoute 9 Euros de revenu et Lulu.com prélève sa commission. Le tout fait un roman à 17,86 Euros, à quoi vous devrez ajouter des frais de port.
 
Il y a une troisième formule : adresser un chèque de 20 Euros à l'ordre des Éditions de la Pérenne mais à mon adresse personnelle 43, boulevard Beauséjour, 75016 Paris. Port payé, vous recevrez alors assez vite un exemplaire dédicacé à la personne de votre choix. Les 50 premiers seront numérotés de 1 à 50 (toujours mon option bibliophilique).
 
Un mot de l'histoire :
 
Il s'agit de mon interprétation d'événements authentiques qui ont concerné une famille à la fin de la colonisation française de Saint-Domingue (l'actuelle Haïti) en 1803. Une jeune femme et son bébé, issus du monde des colons, fuient les rebelles dans la nuit, jusqu'au Cap Français, puis de là les événements ne cessent d'empirer. Le mari et père apparaît et avec lui l'émotion. Bref, c'est l'occasion d'une réflexion à la fois sur la France des Lumières, sur la colonisation, sur la décolonisation aussi, et sur quelques autres sujets.
 
Ce roman est le premier d'une trilogie.
 
Le deuxième volet n'est pas encore écrit et se déroulera essentiellement à Nantes. Le troisième au Royaume-Uni.
 
L'ensemble prend le titre "Deux Îles" qui sont l'une Saint-Domingue, l'autre la Grande-Bretagne, deux îles qui ont résisté à Bonaparte.
 
Ce premier tome compte 138 pages.
 
Bonne lecture.
 
Voici la couverture :
 
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29/03/2008

Courant avril, je publierai mon premier roman.

Ce sera le premier volet d'une trilogie.
 
Il se déroule à Saint-Domingue (Haïti) au moment de l'indépendance, en 1804. 

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27/02/2008

Une web TV au Salon du Livre de Paris.

Je relaie cette info reçue voici déjà quelques jours à propos du Salon du Livre de Paris qui aura lieu à l'époque du second tour des municipales :
 

"Le 1er programme audiovisuel sur le Net dédié à l'actualité littéraire sera lancé à l’occasion du Salon du Livre !

Média novateur, conjuguant l’impact de la vidéo et l’interactivité du Web, il s'agit d'un format inédit de promotion du livre, où chaque émission est un point de rencontre avec des auteurs, libraires, lecteurs, etc. Rendez-vous dès le début du mois de mars sur le site internet du salon du livre pour découvrir les premiers reportages."

Je signale aussi un espace accru dédié au numérique :

"Lectures de dem@in

Des technologies à découvrir et des rencontres pour s’initier.
Un nouveau secteur d’environ 500 m² articulé autour d’un parcours initiatique constitué de 4 pôles, 4 étapes de découvertes numériques.


- Les E-book et l’encre électronique
- Les supports nomades (PSP, PDA, mobiles, blogs..)
- Le savoir (les bibliothèques numériques, le projet Gallica, cartable électronique...)
- La numérisation"
 
Et il y aura cinq débats intéressants le vendredi 14 mars :
 
14/03 10h00 L'économie de la chaîne numérique Professionnel
14/03 11h30 Web et encyclopédie: le rêve de Diderot enfin réalisé ? Multimédia
14/03 14h30 Touristes numériques ? Média
14/03 16h00 Internet, relais - obligé - d'opinion ? Professionnel
14/03 17h30 Ecouter lire, l'autre plaisir Média
 
Pour conclure, je signale qu'Israël est l'État mis à l'honneur cette année, et que je regrette que ce soit l'occasion d'une recrudescence de thèmes religieux dans le cadre du salon.

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06/02/2008

"Trop bien élevé", de JD Bredin : des gens heureux ?

Presque octogénaire et père de l'ancienne ministre Frédérique Bredin, l'avocat Jean-Denis Bredin, associé historique de Robert Badinter, académicien après avoir présidé quelques années (1982-86) le conseil d'administration de la Bibliothèque Nationale (de France), se penche sur son enfance. C'est l'occasion d'un joli pot-pourri de souvenirs, d'un style élégant.
 
Une éducation bourgeoise de l'entre-deux-guerres. L'occasion de mesurer toute la mutation de la société française dans la seconde moitié du siècle dernier. L'occasion aussi de se demander, encore et toujours, comment on éduque des enfants pour en faire des gens heureux.
 
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PS : puisque j'en suis à mon instant culturel, j'attire l'attention de mes lecteurs sur une passionnante découverte qui s'est faite jour depuis l'été dernier : la grande civilisation protohistorique qui s'est développée durant plusieurs millénaires à mi-chemin entre la Mésopotamie et la civilisation de l'Indus, en Iran, au site dénommé "Jiroft".
 
C'est la question de l'unité de l'origine de la civilisation qui est posée, en tant que premier site d'une ville. L'unicité de cette origine est clairement posée.
 
Au passage, j'ai noté que, si Jiroft se trouve à mi-chemin entre la Mésopotamie et l'Indus, la même distance qui sépare la Mésopotamie de Jiroft sépare aussi la Mésopotamie du Bosphore où s'est développée l'ancienne civilisation homérique, et que si l'on s'amuse à prolonger l'axe vers l'ouest, on trouvera, à même distance, l'Étrurie, et enfin, toujours à même distance ... la Bretagne ! la Bretagne à l'époque terre des gigantesques projets mégalithiques. Et ... oh, et puis, c'est mercredi, ... et si les alignements de Carnac étaient la trace d'une ville labyrinthique comme on en a connu en Grèce ou en Crète vers ces temps reculés et un peu après ?
 
Allons, je retourne à mon prochain livre avant d'écrire n'importe quoi. ;-) 

08/01/2008

Du rififi dans le landerneau littéraire ?

La démission de François Nourrissier de l'académie Goncourt fait suite à l'échec commercial du dernier prix Goncourt, largement devancé par le prix Renaudot.
 
On signale que le dernier vote de l'académie avait nécessité 14 tours de scrutin pour parvenir à décerner le plus célèbre des prix littéraires francophones et que le mode même de fonctionnement de l'institution avait été mis en cause. Peut-être l'urgence du renouvellement des générations se fait-elle jour là aussi.
 
Quoiqu'il en soit, le départ de Nourrissier, tout puissant dans les prix littéraires depuis de nombreuses années, est un événement aussi marquant que l'échec du Goncourt.
 
Je souhaite personnellement que cet électrochoc contribue à ramener la littérature francophone vers ce qui a fait sa sève dans le sillage des naturalistes et des Goncourt : la réalité. Que l'on nous écrive la réalité. C'est tout ce que l'on demande aux livres ces jours-ci. 

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12/12/2007

Pourquoi Victor Hugo a-t-il fini par plaire à tout le monde ?

Devenir consensuel est le drame que redoute tout auteur, car c'est le toboggan irrémédiable vers l'oubli, au mieux prestigieux, au pire indifférent. Victor Hugo en est-il arrivé là ? Est-il tombé à ce point ? Non, je ne crois pas. Et pourtant, il plaît un peu à tout le monde, ou du moins il est rare qu'il dérange ceux à qui il ne parle plus.
 
Qu'est-il donc arrivé ? Que s'est-il passé ?
 
L'effet seulement du temps ? Le rabotage du rabâchage scolaire ? A-t-on trop appris "Mes deux filles" à l'âge de sept ans et "Les Djinns" à celui de douze ? Victor Hugo finit-il par se confondre avec l'ensemble de l'architecture institutionnelle de notre société ? Est-il finalement l'article 0, écrit à l'encre sympathique, de notre consitution ? Peut-être.
 
Est-il en fin de compte victime de son succès ?
 
Trop fort, Victor Hugo ?
 
Disons en tout cas qu'il y a, dans son oeuvre, de quoi plaire à tout le monde : les catholiques adorent ses premiers recueils et même encore les "Rayons et les ombres", véritable joyau de technique poétique où la métaphysique sage, presque vignyesque, se glisse par longues flâneries, et ils retrouvent même matière à contentement dans l'étrange et tardif recueil inachevé, époustouflant par éclairs, "La fin de Satan" ; les autres déistes goûtent la "bouche d'ombre" des "Contemplations", certains passages des "Travailleurs de la mer" voire de "93", ou même de "le légende des siècles" ; les anticléricaux raffolent du sulfureux Claude Frollo de "Notre-Dame de Paris" et ne voient dans le Monseigneur Myriel des "Misérables" qu'une dénonciation de la richesse de l'Église sans d'ailleurs examiner que débarrassée de ses dorures sulpiciennes, l'Église redevient tolérable (malgré lui) par le grand homme ; les conservateurs l'apprécient parce qu'il appartient au passé ; les progressistes, parce qu'il a voulu l'avenir ; les vieux, parce qu'il leur rappelle leur enfance ; les enfants parce qu'il est rythmé ; les anar parce qu'il a été chanté par Brassens (ah, la "légende de la nonne !") ; les humanistes parce qu'il a défendu inlassablement l'être humain contre la machine sociale ; les révolutionnaires parce qu'il a été indulgent pour les Communards ; les francs-maçons parce qu'il défendait la conscience ; les utopistes parce qu'il ne s'est jamais résigné... Bref, tout le monde, à un moment ou un autre, a l'occasion d'un coup de foudre pour Victor Hugo.
 
Et pourtant, que lit-on de lui ?
 
Les poèmes étudiés en classe ("la rose et l'infante" : "tout en ce monde est aux princes, hors le vent", "les Djinns" : "Murs, Villes, Port, Tout dort...", et quelques autres), les extraits du Lagarde et Michard ou équivalents, les pièces des classiques Hachette ou équivalents.
 
Qui lit encore Victor Hugo à l'âge adulte à part Jean-François Kahn et moi? 

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22/11/2007

"le goût et le pouvoir" : un livre à consommer sans modération.

Jonathan Nossiter est l'auteur du très atypique documentaire "Mondovino" qui a fait sensation au festival de Cannes voici plus de trois ans. Il y révélait beaucoup de secrets petits ou moins petits sur les réalités du vin autour de l'an 2000. Trois ans de tournage, deux je crois de montage, avaient été nécessaires à l'élaboration de cette cuvée militante.
 
Militante ?
 
Oui, Nossiter défend le travail du viticulteur, sa liberté, sa subjectivité. Il aime les vins de terroir, qui ne cèdent pas à la facilité du goût stéréotypé. Il estime d'ailleurs que la phase où le vin perd sa personnalité relève d'une entrée dans les rouages du pouvoir, du calcul économique ou politique. Pour lui-même, il revendique le caprice du goût, de son propre goût, qui lui ferme les logiques du pouvoir (ou qui finit, ce qu'il ne dit pas, par lui ouvrir le pouvoir par d'autres portes).
 
Ce goût intraitable lui fait tourner le dos au célèbre guide Parker qui exerce un magistère très fort sur l'élaboration des vins et qu'il juge porté à la facilité.
 
Ce goût obstiné lui fait refuser de présenter la carte des vins d'un restaurant new-yorkais pour lequel il travaille comme on le fait aux États-Unis : par cépage. Il le fait par terroir et ne présente que des vins français, alors que partout ailleurs, les vins californiens et italiens sont imposés par la mafia italienne qui contrôle (selon lui) 90 % du routage des vins aux États-Unis.
 
Ce goût capricieux le lance en quête de petits producteurs inventifs, agrippés à un carré de terre et à quelques pieds de vigne.
 
Il défend contre toute la logique actuelle l'autonomie des petits producteurs, la saveur de la diversité appuyée sur la richesse du terroir. Il faut dire que, s'il aime le jurançon cher à François Bayrou (mais en y incluant un rare sec plutôt que les courants moëlleux), il se méfie un peu des bordeaux. Il est en revanche émerveillé par la Bourgogne et les bourgognes, un terroir exceptionnel qui, à partir d'un seul cépage rouge (le pinot noir) est capable de produire la plus grande diversité de palais, des sophistiqués vosne-romanées jusqu'aux charpentés nuits-saint-georges (perso, j'adore le nuits-saint-georges).
 
Bien entendu, il n'est pas dupe, il sait que les trois quarts de la production de bourgogne sont dénaturés par les négociants et la tyrannie du marché, mais il en reste tout de même un quart, ce qui suffit à emplir une vie entière.
 
Il cite ses noms, ses favoris. On le sent tenté par l'idée de lancer un "contre-parker", un guide où l'indépendance du vigneron et la qualité de son travail seraient mis en avant, où l'identité du vin prévaudrait sur sa séduction. 
 
On peut donc lire son livre comme le témoignage d'un honnête homme qui se bat pour des principes que je trouve justes.
 
On y lira aussi la chronique d'une époque, car sa vie professionnelle, oenologique et cinématographique s'enracine dans les décennies 1970 à 2000 et lui permet de critiquer la gestion de New-York par Giuliani, de vanter le souvenir d'une photographe épouse d'une personnalité française à laquelle il a loué un loft, de parler d'une foule de gens qu'il a croisées ou connues, d'exprimer ses choix esthétiques.
 
Il y a dans son livre une esthétique éthique. Et c'est cette éthique qui l'irrigue et qui le rend nécessaire.
 
Il met enfin en garde contre la récupération dont sont victimes les meilleurs travaux, comme celui du vigneron de vins de Loire Joguet qui, face à de graves difficultés financières, avait dû vendre sa terre et dont les successeurs, purs financiers, se bornent à exploiter la "marque" éthique qu'il a créée, en la dilatant sur une surface triple de celle qu'il cultivait, dont l'effet de terroir n'a plus rien de commun avec celui qu'il obtenait.
 
L'ennemi ultime est donc, ici, comme ailleurs, la financiarisation de l'économie.
 
Pour soutenir l'entrepreneur contre le financier, le cultivateur contre le marchand, la PME contre le géant, le réalisateur de cinéma contre le producteur, l'être humain contre la machine, on peut lire ce livre, qui donne envie de boire une bouteille, une vraie.
 
Jonathan Nossiter, "Le goût et le pouvoir", aux éditons Grasset. 
 
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Article publié sur le site La librairie.org .

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05/11/2007

Trente ans sans Goscinny.

Il y a aujourd'hui tout juste trente ans que René Goscinny est mort, le 5 novembre 1977.
 
Je me souviens parfaitement de l'annonce de son décès : on avait envie de gifler son cardiologue. Je venais d'avoir treize ans (l'avant-veille) et j'étais élève du lycée Janson à Paris. Quant on indiqua qu'il était mort d'une crise cardiaque chez son cardiologue, je supposai que celui-ci avait perdu toute sa clientèle d'un seul coup, que les gens n'entreraient plus chez lui qu'en tremblant, qu'en claquant des dents. C'était ridicule et triste, mourir du coeur en pédalant chez son cardiologue.
 
Bien sûr, dans l'oeuvre de Goscinny, il y avait une baisse de régime, les derniers albums d'Astérix et de Lucky Luke ne valaient pas les plus anciens, mais aucun scénariste de BD ne pouvait rivaliser avec l'extraordinaire génie du père d'Astérix. On achetait un album les yeux fermés, rien que parce qu'il était scénarisé par Goscinny, un label de rire garanti. On ne savait pas alors que Goscinny avait moins le coeur à rire en raison du cancer de sa femme (leur fille Anne a dit pour une amère plaisanterie que son père était "mort du cancer de (s)a mère"). On découvrait effaré que cette baisse de régime serait définitive. Et pour cause. 
 
L'oeuvre de Goscinny repose sur trois piliers principaux : le Petit Nicolas, Lucky Luke et Astérix.
 
Le Petit Nicolas, j'avoue ne l'avoir jamais lu. Mais j'en ai toujours entendu parler avec émerveillement. Quand j'étais enfant, les camarades du Petit Nicolas faisaient partie des personnages que l'on pouvait se distribuer dans la cour de récréation au même titre que Zorro ou Fantômette (pour les filles). On en riait de cette joie ensoleillée que peuvent avoir les mioches. Et bien plus tard, en 2004, quand j'ai été mis dans le secret de la parution prochaine d'histoires inédites du Petit Nicolas, les quelques personnes à qui j'ai confié ce secret en ont eu instantanément les yeux brillants de joie. C'est un monument minuscule et intime, le Petit Nicolas ; ah, si seulement sa parution n'avait pas servi la candidature de Sarkozy !..
 
Le Petit Nicolas est une création personnelle de Goscinny ; Sempé l'a dit et redit au moment de la nouvelle parution : l'idée était déjà entière en Goscinny quand celui-ci a sollicité Sempé pour des dessins d'illustration.
 
Lucky Luke, au contraire, est né tout entier de l'imagination de Morris. C'est au bout de plusieurs albums que celui-ci, sentant les limites de sa création, a demandé du secours à Goscinny. Alors sont nés les cousins Dalton, Rantanplan, et tant d'autres qui comptent au moins pour moitié dans le succès de la série. Mais si Morris pouvait être bien reconnaissant envers Goscinny, l'inverse était vrai aussi, car les scénarii de Lucky Luke ont été le vrai sésame qui a permis à Goscinny d'entrer en BD.
 
Morris expliquait qu'au moment où il a "recruté" Goscinny, la fonction de scénariste n'était pas reconnue, le nom du seul dessinateur figurait sur l'oeuvre et c'est à peine si on rémunérait les écrivains.
 
Or pour Goscinny, l'accès à la BD était le commencement du rêve : élevé en Argentine (dans une famille d'ailleurs très engagée dans le sionisme), il avait voulu, peu après guerre, faire son trou à New-York dans les studios Disney, qui n'avaient pas voulu de lui. Il était reparti des États-Unis avec la déception d'un rêve d'adolescence brisé. Toute sa carrière allait le conduire à réaliser ses propres dessins animés (il ne le savait pas encore) et Lucky Luke était la première vraie marche de cet escalier.
 
Personnellement, je trouve que la plupart des meilleurs albums de Lucky Luke scénarisés par Goscinny sont parmi ceux parus chez Dupuis : "la Ville fantôme", "Billy the Kid", "des barbelés sur la prairie", par exemple, mais j'ai adoré recevoir comme cadeaux de Noël, à leur parution, "le pied tendre" et "chasseur de primes". Je les possède toujours et il m'arrive de les relire.
 
Je relis chaque année ses quinze chefs-d'oeuvre qui sont, de mon point de vue, les albums d'Astérix (dont Uderzo assume à juste titre la moitié de la paternité) à partir du "Tour de Gaule" jusqu'à "Astérix en Corse" inclus. Ces albums sont bons et hilarants de la première phrase au banquet final. Goscinny y glisse quantité de sa gourmandise : les calembours.
 
À côté de ces trois mastodontes, l'oeuvre de Goscinny se développe avec deux autres classiques, les Dingodossiers et Iznogoud qui est passé dans le langage courant parce que tout le monde connaît quelqu'un qui veut être "calife à la place du calife".
 
On peut y ajouter une poussière d'autres oeuvres, comme Oumpah Pah, Modeste et Pompon, d'autres moins connues comme "Jean Pistolet", tout un peuple qu'on peut rencontrer désormais à la librairie Goscinny, rue Goscinny, à Paris, à un jet de pierre de la Bibliothèque nationale de France, dans le XIIIe arrondissement.
 
Il y a eu aussi une série d'histoires courtes pour la télévision, toutes empreintes de son esprit incisif et malicieux, et bien sûr des scénarii de cinéma, notamment pour Pierre Tchernia ("le viager"). Bref, on se demande comment il faisait pour produire tant avec seulement vingt-quatre heures par jour (dont quelques-unes à dormir).
 
L'accouchement était chez lui toujours douloureux, solitaire, concentré, anxieux. Il écrivait sur une petite machine à écrire et ses dessinateurs recevaient leur copie à exécuter par la poste, sans commentaire.
 
Il leur arrivait fréquemment de pester, car Goscinny aimait leur lancer des défis en imaginant des scènes panoramiques et fourmillantes, ou bien des mouvements de foule compliqués que le dessin devait rendre. On pense à certaines scènes de bataille ou de bagarre. On pense aussi aux décors parfois grandioses.
 
Il ne riait plus guère, Goscinny. Les progrès de la maladie de sa femme augmentaient son anxiété. Les engagements financiers qu'il avait pris pour monter son studio de dessins animés l'angoissaient. Il menait de front Pilote et tant d'autres activités.
 
Il est mort âgé d'à peine plus de cinquante ans, laissant une veuve, Gilberte, qui a fondé le prix René Goscinny pour honorer un scénariste de BD chaque année, et une fille, Anne, née en plein mai '68, et devenue une romancière qui aurait fait la joie de son père.
 
Il a surtout laissé orphelins ses millions de lecteurs, en France, en Allemagne où Astérix est aussi vendu qu'en France, et finalement aux quatre coins du monde. Nous tous, ses orphelins.
 
Ils sont fous, ces orphelins. 

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27/08/2007

Rentrée littéraire : youpi !


Tant pis pour les grincheux et les rabat-joie : je suis heureux qu’il n’y ait pas moins de 727 (tout un Airbus…) romans programmés pour la rentrée littéraire d’automne 2007. Et j’aimerais avoir le temps et l’argent de les lire tous.

Hélas, il faudra choisir.

Quelques idées ?

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25/07/2007

Henri Guillemin parmi les ombres de la littérature.

De son vivant, la génération de 1830, dont j’ai beaucoup parlé au début de ce blog, a dû une part notable de son essor et de son envergure à la qualité de la critique littéraire qui l’accompagnait. Le nom de Sainte-Beuve, l’homme qui a par ailleurs cocufié Hugo, vient aussitôt à l’esprit.

Dans sa vie après la vie, la vague de 1830 doit énormément à la patience et au talent d’Henri Guillemin.

Ce savant personnage, qui mourut très âgé, a produit des extraits raisonnés des carnets de Victor Hugo, par exemple. Il a consacré plusieurs textes, tous importants, à ce grand personnage, mais personnellement, celui que je préfère, c’est bien le recueil «Pierres», un kaléidoscope de ces extraits qui fait l’effet d’un long feu d’artifices de ces traits de génie qui font d’Hugo le maître indétrôné de la langue française.

On ne trouve «Pierres» que chez les bouquinistes ; si vous en croisez un exemplaire, achetez-le aussitôt.

18:15 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : écriture, littérature, poésie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

22/07/2007

Sacha Guitry, tout contre la morale ?

Guitry succède à Feydeau. Quand l’étoile du second pâlit, celle du premier se lève. Le second pratique un théâtre du mouvement, du sursaut, de l’exclamation ; le premier, une mélodie du langage. Le second explose, le premier pétille.

Tous deux parlent de la même société, celle où les hommes sont aisés, où il fait partie de leur statut social d’avoir une maîtresse, où d’ailleurs on se passe et repasse la maîtresse en question d’un homme arrivé à l’autre, cependant que l’épouse que tous deux ont par ailleurs doit rester ignorante (au moins officiellement) de cette seconde vie.

Chez Feydeau, on s’aime souvent ; chez Guitry; on jouit plutôt.

La façon dont Guitry se joue alors de la morale est souvent délectable, jouissive elle aussi, délicieusement impertinente. Il n’existe aucune métaphysique dans son théâtre et toute règle de la société se résume à un adversaire à vaincre.

Peut-on dire pourtant que Sacha Guitry soit tout entier contre la morale ? Peut-être. Et cependant, son film, «Le roman d’un tricheur», tout en traversant un océan d’immoralités et d’injustices de toutes natures, finit de la façon la plus honnêtement morale, d’une façon quasi-hollywoodienne, comme si son auteur avait su en le faisant qu’il devenait le premier cinéaste du monde à réaliser un film entièrement gouverner par la narration de son personnage principal, la célèbre «voix off», celle de Guitry lui-même bien entendu.

Et dans «Mon père avait raison», écrit en songeant à son père l’acteur Lucien Guitry, Sacha énonce sur la vie familiale des vérités qui n’ont rien d’immoral non plus.

Alors... il faut croire qu’il y a tout de même une justice chez lui, même s’il a subi une cruelle injustice à la Libération de la France. Son théâtre suivant perd en allégresse, en vitesse, sans gagner en vraie moralité, car la morale de Guitry, la vraie, c’est le public. «Debureau», qu’il a filmé, est l’un de ses rares textes que l’on peut vraiment lire et où il proclame sa grande ambition pour son art. Il l’a honoré. Il a payé avec soin sa dette originelle, celle que tout acteur ou auteur a dès le début de sa carrière envers le public. Il n’y a jamais manqué.

Et puis, pour moi qui suis ancien élève du lycée Janson, à Paris, je sais qu’il a soigneusement honoré une autre dette : lorsqu’il a été exclu du lycée, dans les années 1890, il est parti sans rédiger sa punition, cent lignes. Quand on a fêté le cinquantenaire de Janson, en 1934, il fut choisi comme invité d’honneur de la cérémonie. Il s’en étonna, s’en amusa même, n’ayant séjourné qu’à peine trois mois dans les vieux murs. Et cependant, il accepta et rédigea un beau discours : on lui avait dit qu’il ne reviendrait au lycée que quand il aurait fait ses cent lignes et ce discours tint en ... cent lignes.

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16/06/2007

Écrire la banlieue.

Me revoici au café du Chat Noir, à Paris, au nord de la Bastille. J'y viens saluer les acteurs du spectacle sur la Brinvilliers que je suis allé voir deux fois.
 
Comme j'ai une heure d'avance dans ma promenade, je m'assieds en commandant un quart Vittel. J'extrais de ma poche une biographie de Balzac et je commence à lire.
 
À ma droite, ma voisine pianote sur son ordinateur portable.
 
Il me semble qu'elle doit surfer sur Internet. Mais non, me dit-elle : pas de wifi au Chat Noir. En revanche, elle tourne l'écran vers moi et je vois des paragraphes séparés par de doubles interlignes, c'est évidemment un roman.
 
- Que faites-vous ? m'interroge-t-elle en réponse à ma question sur le wifi.
 
- J'édite des documents d'histoire bretonne.
 
Les mots "j'édite" ont un effet électrisant sur un auteur en herbe. J'ai beau préciser que je n'édite pas de roman, elle entreprend de me décrire le contenu et le contexte de son oeuvre.
 
En vérité, le tout se résume en deux mots : sa vie.
 
Elle a vingt-sept ans, elle est née d'un père malien et d'une mère haïtienne. Elle n'a été élevée ni par l'un ni par l'autre, mais par la DDASS. Elle fait partie de la statistique résiduelle qui s'en est sortie, sans d'ailleurs s'en extraire vraiment : elle est éducatrice sociale en banlieue.
 
Elle vote à gauche mais comme tous ceux qui s'en sortent peu ou prou, elle juge sévèrement ceux qui zonent. Et son roman (je ne vais pas en dévoiler le pitch, on s'en doute) raconte leur vie, l'aberration d'un système d'institutions locales qui, pour acheter la paix sociale, pratiquent diverses formes de cadeaux qui créent autant de frustration chez ceux à qui ils sont destinés que chez ceux à qui ils ne le sont pas.
 
Elle me lit certains passages à voix haute.
 
Et toute ma certitude s'effondre : je trouvais son style un peu trop littéraire, or je comprends qu'elle écrit du rap par longs passages et que sa façon de traverser des paragraphes trop travaillés ressemble à ce que produit le slam ou certaines formes de rap. Son public peut retrouver son goût dans ce qu'elle écrit.
 
Embarrassé, je la prie de m'adresser quelques chapitres par courriel.
 
- Promis, sourit-elle, mais en échange, vous corrigerez mes fautes d'orthographe ?
 
Elle n'en fait guère. Ce n'est pas une promesse coûteuse. Voilà, maintenant, j'attends son texte.
 
Et s'il y avait là le style spécifiquement banlieusard, à la mode d'aujourd'hui, que j'appelais de mes voeux voici quelques mois ?
 
Enfin. 

21:25 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : écriture, littérature, poésie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

13/06/2007

Don Quichotte.

Voici deux ans a été célébré le quatrième centenaire de Don Quichotte de la Manche.
 
Paru en 1605, le roman de Miguel de Cervantès a fixé pour des siècles (déjà quatre, donc) le profil d'un personnage intraitable, fantasque voire fou, en tout cas irréfléchi et gouverné par un mode de raisonnement dominé par l'absurde et l'emphase.
 
L'image du chevalier qui se jette contre les moulins qu'il assaille du haut de sa jument, un bidet famélique, au service d'une princesse de rêve ou de fantasme, est l'une des plus émouvantes, quoique ridicule et grinçante, de la littérature mondiale.
 
Bien sûr, on peut le trouver gratuit, risible, le prendre au premier degré, mais vaincre ses tabous, décider qu'il faut cesser d'accepter l'inacceptable et de tolérer l'intolérable, ce sont des pulsions de Don Quichotte que chacun de nous reconnaît en lui.
 
D'une manière générale, le rapport entre la pulsion, le désir, le caprice et notre relation à la réalité sont les moteurs de la fascination que Don Quichotte exerce sur chacun de nous.
 
S'il va contre les moulins, c'est pour des motifs théoriquement nobles et universels, mais la cause de l'acte qu'il commet n'existe pas ailleurs qu'en lui : de là vient que son geste n'est qu'une pulsion et non un véritable engagement. Don Quichotte est habité par des principes forts et incontestables qui ne rencontrent rien dans sa vie réelle.
 
Cette distance pourrait affaiblir les principes en question et les entraîner dans le ridicule ; c'est tout le contraire qui se produit.
 
Car le paradoxe de Don Quichotte est que sa quête absurde est profondément associée dans notre inconscient à tout ce qui a trait aux vérités douloureuses, aux "choses cachées" dont parle René Girard, à ces moteurs sombres et secrets qui font de la vie humaine un bouillon de culture fétide si l'on creuse un peu. Don Quichotte est l'homme qui veut arrêter la vague de l'océan avec ses doigts. Il n'y arrivera pas, bien sûr, mais s'il n'essaie pas, sera-t-il digne de vivre ?
 
Il est un inusable perdant, un looser indécrottable, mais il fait ce que chacun de nous voudrait oser faire dans sa réalité.
 
Répétons ici la phrase de Gandhi notée par notre blogueuse favorite Quitterie Delmas : "Si tu vois un problème et que tu ne fais rien, c'est que tu fais partie du problème". 

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22/05/2007

Ce soir, repos : parlons de littérature.

J'ai commencé ce blog en janvier avec l'idée que j'y parlerais essentiellement de littérature, d'Histoire (c'est tout de même ma spécialité), et que parfois, ici ou là, je glisserais des allusions fines à mes préférences politiques.
 
Or comme tout le monde, j'ai été emporté par le maelstrom de la campagne présidentielle, toute allusion est devenue un obus de bazooka et mes préférences politiques s'étalent à longueur de mes colonnes.
 
Eh bien oui, j'ai voté Bayrou, j'en suis fier, et je me battrai pour que quelques mauvais génies ne l'empêchent pas de poursuivre sa propre idée de la rénovation politique dont la France à besoin et qui a peu de rapport avec l'hyperprésidentialisation du régime que chacun constate ces jours-ci.
 
J'ai annoncé que je parlerais de littérature ce soir ; eh bien, c'est vrai aussi.
 
La raison pour laquelle j'ai eu à ce point envie de faire cette campagne présidentielle et de me replonger dans la fièvre politique dont je m'étais éloigné depuis 2001, c'est tout ce que Victor Hugo a écrit sur le devoir de ceux qui ont une responsabilité quelconque dans la cité, qu'elle soit intellectuelle, morale, philosophique ou politique : "agrandir les esprits, amoindrir les misères".
 
Et agrandir les esprits, dans la mesure où, comme le dit ailleurs Victor Hugo (phrase que j'ai placée en exergue de ma colonne de gauche), "quand tous ont accès aux lumières du savoir, alors est venu le temps de la démocratie", c'est cultiver la démocratie, la faire vivre, la vivifier, la prolonger, la développer.
 
Oui, il n'y a pas de démocratie sans militantisme du savoir.
 
Or la campagne qui a triomphé était tout l'inverse de ce militantisme-là et, au contraire, celle de François Bayrou en était constamment imprégnée, comme l'a d'ailleurs démontré la structure de son électorat. 
 
C'est pourquoi, si la campagne que j'ai faite a été perdante, elle a cependant été juste et rien ne pourra me la faire regretter.
 
Campagne contre la crétinisation, contre l'utilisation de symboles consternants et parfois abjects, contre la peoplisation, contre la bipolarisation irréfléchie et mécanisante.
 
Campagne pour l'intelligence, pour la sincérité, pour la fraîcheur, pour la vertu, toutes notions que la politique écrase en général. Pour la liberté et pour l'autonomie de l'esprit.
 
Et je crois que le Modem, le nouveau parti de François Bayrou, prolongera cette campagne dans son programme et, espérons-le, dans son fonctionnement.
 
On a lu récemment ma colère contre certains choix que je continue à trouver absurdes. Mais la politique consiste parfois à transformer la colère en acte. Cet acte, ce sera un engagement pour que le Modem prenne les chemins les plus modernes, les plus démocratiques et les plus justes. J'y veillerai, ou plutôt je contribuerai, avec d'autres, à y veiller, car mon chemin reste le livre et je laisse à d'autres le soin de devenir ce qu'ils doivent être : des armes citoyennes.
 
Je sais que je viens de parler de politique alors que j'ai annoncé un sujet littéraire, mais voilà, tout cet effort personnel, toute cette vision que j'ai eue et pour laquelle j'ai lutté, elle me vient tout droit, encore une fois, de Victor Hugo qui me l'a, de loin, du fond des "Contemplations" (le livre que j'emporterais sur l'île déserte) soufflée.
 
Alors, de grâce, courez relire les "Contemplations" avant de retourner sur le blog de Quitterie Delmas. 

07/05/2007

Pendant toute la campagne, je pensais à Pagnol.

Bien entendu, c'est "Topaze" qui m'y faisait songer, l'histoire de ce modeste professeur plongé dans le monde demi-sel des politicards véreux vendus aux marchands de balayeuses mécaniques. Une histoire si inusable que Pagnol en a tourné deux versions, l'une entre-deux-guerres, l'autre après-guerre.
 
Le premier livre de Pagnol que j'ai lu était "La gloire de mon père", offert par une prof de math, en classe de quatrième. Cette femme d'une qualité humaine exceptionnelle avait passé une partie de la guerre dans un camp de concentration. Elle en était revenue et n'en montrait aucune trace, rien qu'une sérénité et une imperturbable gentillesse.
 
Pour annoncer son approche et nous inciter à rejoindre nos places du côté de la salle (n° 68 je crois) du lycée Janson, elle agitait devant elle un énorme trousseau de clefs, un vrai attirail de cambrioleur ou de serrurier. Puis d'une petite voix pointue, cette demoiselle, déjà âgée, nous invitait poliment à l'écouter.
 
Dans sa courtoisie, dans son immense gentillesse, elle ne manquait jamais de glisser un encouragement.
 
Et comme j'ai toujours été sensible à la flatterie, ce fut l'une de mes meilleures années dans sa matière : je la terminai persuadé de finir polytechnicien.
 
Et c'est donc au cours de l'un des trois trimestres que, en récompense de son propre travail (car finalement comme élève je n'avais qu'à m'imprégner des raisonnements très imagés qu'avec une pédagogie lumineuse elle nous martelait), elle m'offrit (premier prix du trimestre) "La gloire de mon père".
 
Pagnol, c'est charmant. Ca ne casse pas des pattes aux escargots, comme aurait dit mon grand-père, mais c'est une jolie promenade dans une époque, un monde, des lieux.
 
On oublie que les films de Pagnol doivent beaucoup à Giono, c'est ce qui les rend plus forts que ses livres. Et pourtant, les livres conservent l'intérêt et l'émotion du témoignage sur une France pour qui la République était l'ambition suprême, une France qui s'éloigne.

03/05/2007

Hippodrome d'Auteuil : les paradoxes du Bois de Boulogne.

À l'ouest de Paris se situe le Bois de Boulogne, longtemps proverbial pour certaines activités nocturnes et spécialisées, d'un type artisanal, autrefois féminin, aujourd'hui plus indéterminé. Bref, sans m'étendre sur l'activité de ces dames, un mot du bois.
 
Il a une valeur symbolique : le nom gallo-romain de la paroisse locale, qui englobait Boulogne, Auteuil et Passy, était "Nemetum", où il faut reconnaître le gaulois "nemeton", le bois sacré. Le Bois de Boulogne est le vestige du bois sacré gaulois qui occupait là une boucle de la Seine.
 
Ce bois fut rattaché à Paris par un acte juridique sui generis de l'empereur Napoléon III au XIXe siècle. Je crois en 1857. On en retrancha une portion qui devint le quartier dit des Princes ou du fond des Princes, à Boulogne, un quartier strictement résidentiel où tout commerce était interdit par le texte fondateur. Ce quartier est aujourd'hui dominé comme un donjon par la silhouette imposante du Parc des Princes. Il borde aussi le mythique stade de tennis de Roland Garros.
 
Plus au nord, donc, ce qui reste de l'ancien bois de Boulogne, qui relève du territoire de Paris. Là sont deux hippodromes, celui de Longchamp et celui d'Auteuil. On dit que c'est un peu trop pour le nombre de courses qui se déroulent à Paris (sans compter le troisième hippodrome, celui de Vincennes), mais, il y a dix ans, quand la question fut posée, les deux hippodromes parvinrent à sauver leur existence par ce qui est au moins un artifice ; bref, je ne m'étends pas sur ce sujet un peu délicat où l'on pourrait avoir beaucoup à dire.
 
Voici le paradoxe : le rattachement du bois au territoire parisien n'eut pas pour entière conséquence une attribution des compétences sur le bois à la Ville de Paris, même du temps où celle-ci était gérée comme une préfecture. Les hippodromes qui furent créés ensuite le furent sur décision de l'État, sous la tutelle (rien n'est jamais simple) de trois ministères : celui de l'agriculture (au nom de l'autrefois célèbre "amélioration de la race chevaline") et celui des finances (en raison de la forte redevance perçue par l'État à la fois sur l'hippodrome et sur les paris), auquel s'est joint le ministère des sports.
 
Voici plusieurs décennies, la préfecture de Paris, alors très puissante dans l'État, obtint la dévolution de la tutelle de l'équipement, avec certaines réserves.
 
Aujourd'hui, après la décentralisation, la Ville de Paris est une collectivité comme les autres et la tutelle des hippodromes a retrouvé son régime antérieur, parfaitement absurde, reconcentré, ou plutôt, repartagé entre les trois ministères et la Ville (affaires de gros sous).
 
Je me demande pourquoi la décentralisation a été si absente de la campagne électorale. Mme Royal en a un peu parlé hier soir. Il reste beaucoup de ces situations absurdes à clarifier. Il en résultera des économies substantielles pour le contribuable.
 
Merci d'avoir lu ce message destiné à rappeler qu'une campagne présidentielle est destinée à parler des réalités.

29/04/2007

Brassens, une semaine avant le second tour.

"Parmi les noms d'élus, on verra pas le mien".
 
La proclamation de Brassens, gouailleuse comme toujours, nous rappelle aux réalités de notre propre vie. Foin des élections, foin des grandes masses humaines agglomérées pour les meetings électoraux, foin de tout ça, "le pluriel ne vaut rien à l'homme ; sitôt qu'on est plus de quatre, on est une bande de cons".
 
Alors il faut le dire. Brassens est un maître à en sourire, un maître à prendre de la distance, un maître ès détachement goguenard. Agitations, fièvres, tout ça demeure dérisoire.
 
Tandis que
 
"cette plage où le sable est si fin
Auprès de mes amis d'enfance, les dauphins",
 
là où
 
"tantôt venant d'Espagne et tantôt d'Italie
tout chargés de parfums, de musiques jolies
le mistral et la tramontane
sur mon dernier sommeil verseront les échos
de vilanelle, un jour, un jour de fandango,
de tarentelle, de sardane"
 
Il reste de la vie le spectacle de la mort et la vertu du sage est de tenir la vie tant qu'elle tient debout.

Le plaisir de la promenade, chacun son coin de forêt ou de rivière, chacun son sentier secret, sa rue écartée, son toit qui penche.

Le plaisir d'un livre.

Le plaisir d'une camaraderie, d'un amour. D'un simple joli regard de jolie môme.

Voilà ce qui fait que l'effroi qui s'empare de nous de temps à autre en examinant les sondages peut encore être conjuré.